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Effi Briest
Traduction : André Coeuroy
Préface : Joseph Rovan


Si le premier roman publié de Theodor Fontane se distinguait, paraît-il, par sa mièvrerie et par tout un ensemble de défauts dont le peu de stature des personnages et le style plat, "Effi Briest", l'un de ses derniers, constitue à l'opposé une vraie merveille de construction et de réalisme. A l'époque de sa parution, c'est-à-dire en 1894, le monde littéraire européen et américain était encore sous le choc du Naturalisme, que Zola, son créateur, avait pourtant baptisé ainsi près de trente ans auparavant. Fontane, comme tout un chacun à cette époque, a lu l'épopée des Rougon-Macquart - le roman "Nana" est même évoqué dans "Effi Briest". Mais les excès du Naturalisme ne sont pas pour lui. Il va simplement lui emprunter le regard sévère qu'il porte sur la société et, en en gommant la tendance au paroxysme, l'adapter à la raideur et aux conventions prussiennes. On en revient au réalisme, la base même du Naturalisme.

"Effi Briest" ressemble à un cours d'eau serpentant, avec douceur et tranquillité, à travers la Marche du Brandebourg et la Poméranie. Au début, ce modeste ruisseau est d'une clarté chantante. Mais, au fur et à mesure que l'héroïne avance dans sa découverte de la vie, des sentiments amoureux et de leurs conséquences, il se fait de plus en plus sombre avant, dans sa dernière partie, de retourner peu à peu à sa pureté originelle. Quand on évoque ce livre, on pense souvent à la "Mme Bovary" de Flaubert. Mais restons attentifs. L'univers dans lequel évolue la malheureuse Emma est beaucoup plus noir et peint d'un trait plus chargé, qui, avec un personnage comme Homais, peut même prétendre à la caricature. A se demander, après avoir lu le roman de Fontane, si Flaubert était si "réaliste" que ça ... Ou si sa recherche frénétique du mot juste ne relevait pas d'un désir profond d'éradiquer en lui les velléités flamboyantes et baroques qui font la grandeur et la faiblesse de "Salammbô."

Si réalisme il y a, celui de Flaubert est en tous cas marqué - nul ne pourra le nier - au coin d'un pessimisme puissant, qu'explique le caractère de l'homme. Celui de Fontane au contraire refuse de faire pencher la balance dans un sens ou dans l'autre. Pour le premier, le monde ne peut être sauvé (en vaut-il la peine, d'ailleurs ?), pour le second, on ne perd rien à essayer ... Quoi qu'il en soit, le Français et le Prussien se rejoignent en ceci que tous deux prennent fait et cause pour leur héroïne - Flaubert avec certainement plus d'agressivité.

L'héroïne de Fontane n'a que dix-sept ans quand elle épouse un ancien soupirant de sa mère, le baron von Innstetten, de vingt-et-un ans son aîné. J'aimerais pouvoir vous dire que cette différence d'âge, la rapidité avec laquelle se nouent les fiançailles - vingt-quatre heures - le fait aussi que le baron, jeune homme, ait courtisé la mère d'Effi, causent problème à un moment ou à un autre. Mais non : c'est admis dans les moeurs. Or, Effi est une jeune fille docile, élevée dans l'idée de faire un "bon" mariage, si possible avec un fonctionnaire impérial doté d'un bel avenir - et c'est le cas de son prétendant, qu'on voit déjà finir ministre. Elle l'épouse donc et le suit en Poméranie, dans une petite ville de province.

C'est un début banal, pour une histoire banale. La suite, bien sûr, c'est la liaison adultère entre Effi et le capitaine von Crampas. Une liaison aussi passionnée que secrète, à laquelle met fin la mutation de von Innstetten à Berlin. Puis vient la découverte, par le mari, de quelques billets doux conservés par la sentimentale Effi dans sa boîte à ouvrage et alors, le drame éclate ...

Six ans après, alors qu'il y a pour ainsi dire prescription, parce que le baron a des principes et tient à les faire respecter. Résultat : une vie gâchée, humiliée - renvoyée au néant.

L'intrigue, comme on le voit, est simple, pour ne pas dire classique. Les personnages s'incarnent lentement mais sûrement sans que l'auteur éprouve le besoin d'approfondir leurs états d'âme (Fontane suggère, il ne dit pas). Pour calmer les bien-pensants, il joue avec habileté avec la culpabilité qui mine la malheureuse Effi et la mène à sa perte - laquelle est aussi, à ses yeux comme pour ceux qui l'observent, sa rédemption. Mais au-delà, le lecteur ne manque pas de saisir la critique sévère portée sur une société capable non seulement de marier une innocente de dix-sept ans à un homme qui pourrait être son père, mais aussi de proposer ce genre d'unions comme LE modèle parfait. le sacrifice que fait Innstetten de sa femme au nom des principes édictés par la société et pour conserver son rang, est aussi appelé au banc des accusés. Fontane n'oublie pas enfin de blâmer les parents d'Effi qui, en un premier temps, se refusent à donner asile à leur fille désormais divorcée : eux non plus ne veulent pas perdre leur rang et voir se détourner d'eux leurs amis. Ce n'est que lorsque la Mort est là, lorsqu'elle s'installe, bien décidée à ne pas repartir sans Effi, que les von Briest acceptent de reprendre leur fille.

Cet acte d'humanité, pour tardif qu'il soit, permet à l'auteur de poser une ultime question : ces parents pourtant affectueux et pour qui Effi avait tant d'amour ne sont-ils pas les premiers coupables de tout ce gâchis ? La question résonne d'autant plus juste que c'est celle qui, justement, semblait avoir en cette histoire un aussi grand amour des principes que le baron von Innstetten, la mère d'Effi, qui finit par l'exprimer devant la tombe de sa fille.

En fait, "Effi Briest" est l'histoire d'une jeune fille que ses parents eux-mêmes préférèrent immoler sur l'autel des conventions et des règles édictées par la bonne société prussienne. Avec un tel programme et les circonstances atténuantes que l'auteur prête (de très bon coeur) à son héroïne - en particulier la note terrible par laquelle il signale que "Innstetten n'était pas un amant" - on comprend que le livre ait paru subversif à nombre de ses contemporains. ;o)
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Effi Briest est une jolie jeune fille sans histoire qui mène une vie tranquille et choyée avec ses parents, dans la grande maison bourgeoise de Hohen-Cremmen, petit village situé en Prusse. Lorsque le baron Geert von Innstetten demande la main d'Effi, au tout début du roman, la famille entière est enthousiaste.

La jeune Effi découvre peu à peu son époux, un homme cultivé bien plus âgé qu'elle, tandis qu'elle s'efforce de se complaire dans sa nouvelle vie à Kessin. La maison n'est pas telle qu'elle l'espérait, et la noblesse locale que le couple fréquente est quelque peu ennuyeuse et peu accommodante, mais la jeune femme insouciante et fantasque parvient à trouver un fragile équilibre.

La naissance d'une petite fille ne permet pas de gommer les grandes différences qui planent au-dessus du couple, et la jeune Effi finit par tomber dans les bras d'un séduisant militaire, Crampas, avec qui elle entretient une brève liaison. Effi et Innstetten finissent par s'établir à Berlin, où la jeune femme espère bien oublier cette folle aventure. Ce ne sera pas le cas, évidemment et elle devra payer un prix bien élevé pour son adultère...

C'est le troisième roman réaliste que je devais lire pour l'un de mes cours de Licence, après Nana de Zola et Tess d'Urberville de Thomas Hardy. Une liaison coupable examinée et relatée d'une manière fort différente de l'écrivain français et de l'anglais, plus mélancolique. Détail amusant, Effie lit Nana, à une période où elle fréquente une femme de moeurs un peu plus libres que le reste de son entourage.

Dans ce roman, Fontane insiste particulièrement sur le poids des conventions sociales, le fardeau imposé à une jeune épouse. Effie est très jeune lorsqu'elle épouse le Baron, 17 ans ! Comment reprocher un manque de maturité à une jeune fille de cet âge, à peine sortie de l'enfance (sentiment très bien retranscrit au début du roman, lorsqu'Effi s'amuse avec ses jeunes camarades). Sa liaison n'est peut-être pas excusable pour autant, mais Fontane sait si bien décrire les petites incompréhensions, les déceptions, l'ennui et les angoisses que je serai bien en peine de juger cette pauvre Effie, surtout face à un mari aimant certes, mais souvent distant, inattentif, un peu trop accaparé par sa fonction et un brin paternaliste, toutes choses qui peuvent rebuter une jeune fille.

En fait, le baron se dévoile plus tard, après la disgrâce d'Effi. On s'aperçoit que son bonheur et celui d'Effie comptent moins que les apparences et l'opinion de la société. de plus, sa manière tout à fait méprisable de modeler leur petite fille Annie, qu'Effie ne reverra que très brièvement, rend Innstetten encore plus détestable. Mais il n'est rien d'autre que le reflet de cette noblesse Prussienne, de cette société hypocrite et étouffante que dénonce Fontane.

Cette lecture m'a permis de découvrir cet écrivain Allemand qui m'était, mais alors, complètement inconnu je dois l'avouer. Effi Briest a été écrit en 1894 et a fait l'objet de plusieurs adaptations ciné et tv.
Lien : http://lectures-au-coin-du-f..
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Ayant lu il y a peu, une oeuvre majeure de la littérature espagnole du XIXè :"La Régente" de Léopold Alas (dit Clarin), je suis tombée sur ce titre du prussien Theodor Fontane :"Effi Briest" que je viens de terminer.

"Effi Briest" est considéré comme le chef d'oeuvre de Fontane et je suis d'accord.
Car il faut situer cette oeuvre dans le contexte littéraire européen du XIXè: elle s'inscrit dans une série de publications autour de l'adultère féminin, sujet tabou pour l'époque au sein la bourgeoisie où l'homme pouvait mener librement un adultère (c'était même un gage de puissance économique), mais pas la femme.

Ainsi, une série très intéressante de livres a commencé à faire son apparition en Europe avec peut être "Emma Bovary" de Flaubert en premier, publié le 12 avril de 1857. "Anna Karenine" du russe Tolstoi ne fit son apparition que en 1877, dix ans après et ainsi de suite, je ne vais pas les citer tous.

"Effi Briest" fut écrit entre 1889 et 1994, ce serait peut être le dernier livre sur le sujet dans cette série. Je dis bien la série parce que il y a moult similitudes entre ces publications, mais aussi quelques différences bien nettes tenant au lieu de l'action, je pense.
Pour revenir à "Effi Briest", c'est un très beau roman, écrit de façon élégante par un écrivain chevronné qui restera très elliptique(à la façon de Flaubert) pour nous décrire la "chute" d'Effi Briest. Il excelle dans l'art de la causerie élégante, et il me fait penser à Sandor Márai en cela.

Le titre du livre est le nom de l'héroïne (inspiré d'un personnage réel, la baronne Elisabeth von Ardenne), Effi aura un "mariage arrangé" à dix-sept ans avec le baron Geert von Instetten, un haut fonctionnaire prussien et un très beau parti. Très vite la pétulante Effi va s'amouracher du beau commandant von Crampas et va se llier avec lui dans une relation qui va la perdre.
Le mari est un homme de principes et de grande rigueur protestante et il se doit de provoquer en duel l'amant de sa femme, même s'il pense que cela ne sert à rien. C'est la règle de l'époque et de son milieu.
A partir du duel, Effi Briest est mise au bain de la société y compris par ses parents qui ne peuvent plus l'accueillir au sein de la maison familiale.

Il y a dans ce beau roman l'affrontement de la société prussienne et l'émergence d'une société "bismarckienne", plus moderne. L'écrivain Fontane s'érige en accusateur de cette société prussienne qui est la sienne et qui représente toutes les valeurs auxquelles il croit: il le fait de façon satirique et assez elliptique, ce qui ajoute de l'élégance au récit.
Un livre majeur, je comprends qu'il fasse partie du programme des lycéens allemands.
Lien : https://pasiondelalectura.wo..
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Emma, Anna, Effi. Trois héroïnes en quatre lettres, trois incarnations de la femme adultère... 

Effi Briest n'est pas une petite bourgeoise comme l'héroïne de l'ermite De Croisset. Elle est la fille unique d'une famille d'ancienne - quoique modeste, noblesse du Mecklembourg. Sa vie est, pour elle aussi, d'une paisible monotonie, et son caractère n'est pas moins porté au romanesque que son illustre devancière. Elle se marie, fort jeune, avec un hobereau prussien devenu un haut fonctionnaire embourgeoisé. Ce mari carriériste la délaisse pour le service de Bismarck, la livrant à ses peurs et à son ennui, dans une demeure qu'on dit hantée. La chose n'est pas explicitement décrite, mais la trop sensible Effi se donne, par désoeuvrement et sans amour, à un vulgaire homme à femmes, le commandant Crampas. le mari outragé règle toute l'affaire avec retard et usure, dans l'esprit et le sens de l'honneur dévoyés d'une société prussienne aux moeurs étriquées. 

Effi Briest, classique de la littérature allemande, est le chef-d'oeuvre d'un auteur trop peu connu de ce côté-ci du Rhin. Clairement, dans sa traduction, ça n'atteint pas aux sublimités de Madame Bovary.  La description de la vie quotidienne, des particularismes des vainqueurs de Sedan et des paysages de la Prusse n'est pas sans intérêt toutefois. 
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C'est l'histoire d'une femme adultère. Oui et non.
En réalité, c'est toute la Prusse étriquée dans ses principes qui se dévoile à travers le destin tragique de cette gamine mariée à peine sortie de l'adolescente.
Grand classique de la littérature allemande, c'est un grand livre. le début, notamment toute la partie sur l'acclimatation de la jeune fille dans sa nouvelle demeure/vie, est un peu long, mais la suite est très prenante.
Lien : https://tomtomlatomate.wordp..
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Toujours dans un but d'écoulement de ma "pile à lire" et de ma collection des romans éternels, je découvre Theodor Fontane avec ce livre éponyme : Effi Briest.

Effi Briest est une jolie jeune fille qui mène une vie paisible à la fin du XVIIIème siècle à Hohen-Cremmen, dans un petit canton en Prusse. le baron Geert von Innstetten, un peu ennuyant mais ayant une bonne situation, et surtout, beaucoup plus âgé qu'elle, va lui demander sa main. Ses parents sont enthousiastes, Effi plutôt réaliste et résignée. Elle va alors accepter et le suivre à Kessin.

Petit à petit, l'ennui et le manque de passion avec son mari seront un parfait mélange pour l'amener à commettre un adultère.
[Masquer] Cet adultère, qu'elle va commettre avec un officier de son village, s'arrêtera rapidement. Avec son enfant et le temps qui s'écoule, tout aurait pu s'arrêter là si son mari n'avait pas découvert leur correspondance, des années plus tard. Ce dernier cherchera alors à couvrir son déshonneur. Ses parents vont alors la renier pendant plusieurs années de sa vie et elle aura interdiction de revoir sa fille. Elle se retrouvera alors presque seule et quasi désargentée. [/masquer].

Theodor Fontane est considéré comme l'un des piliers de la littérature réaliste, à l'instar de Flaubert avec Madame Bovary où il est également question d'une femme adultère. Effi Briest est son dernier roman, et est également considéré comme étant le plus abouti.

J'avoue avoir eu du mal avec l'histoire et l'écriture, c'était bien parti et je me suis finalement plutôt ennuyée. Cependant, j'aime beaucoup découvrir ce type de roman réaliste qui date d'une époque révolue, pour comparer avec notre société actuelle. Les moeurs ont énormément évolué et la place de la femme dans la société également.
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Comment expliquer que cet auteur si célèbre en Allemagne, dont la notoriété n'y a jamais faibli depuis la fin du XIX° siècle, soit aussi peu connu en France?
J'ai pour ma part découvert "Effi Briest" dans une librairie en Allemagne, où ce roman était mis bien en évidence.
Et j'ai lu avec passion ce livre qui met en scène une jeune femme mariée avec un haut fonctionnaire plus âgé, qui se laisse aller à fauter par ennui, sans réelle passion et sans persister très longtemps dans l'adultère. La pesanteur des contraintes du milieu de la bourgeoisie Prussiennes, magnifiquement décrite par l'auteur, conduit le mari, qui découvre par hasard, bien plus tard, des traces de cette aventure ancienne, un peu malgré lui, à répudier brutalement sa femme, interdite de tout contact désormais avec sa fille.
C'est une autre forme du "malgré lui, malgré elle" de Titus.
L'extraordinaire talent de Fontane réussit à nous faire ressentir, presque comme si nous vivions nous même ce drame, la manière dont Effi Briest intègre comme naturelles ces pesanteurs sociales, au point de trouver justifié tout ce qui lui est imposé, même la séparation totale d'avec son enfant, qui lui est si douloureuse.
On peut préférer, s'il fallait faire des comparaisons, Zola, ou Flaubert (ce serait alors mon cas) mais Fontane nous offre une vision de la société dont on ne retrouve pas l'équivalent dans la littérature française.
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J'ai lu ce roman car ma collègue d'allemand le comparait à Madame Bovary, du coup j'ai découvert cet auteur.
Effi se marie à un diplomate, Innstetten, ex prétendant de sa mère, alors qu'elle est toute jeune fille et encore enfantine. La vie conjugale va se révéler bien décevante pour elle: loin de ses parents, dans une maison sinistre( son mari a plaisir a lui faire croire qu'elle est hantée par un Chinois!), elle réalise que son mari est certes ambitieux mais peu attentionné et affectueux. Une petite fille nait très vite et Effi a le soutien de sa domestique mais elle tombe sous le charme d'un collègue de son mari, marié lui aussi. Cette intrigue est racontée avec beaucoup de pudeur, tout est suggéré; aucune scène intime n'est relatée, on comprend qu'Effi va rejoindre son amant car elle s'absente chaque après-midi. Ensuite a lieu le déménagement à Berlin, bienvenu pour qu'EFfi reprenne ses esprits, mais elle n'arrivera pas à oublier son amant. 7 ans plus tard, son mari tombe par hasard sur des lettres. Il va défier en duel, puis tuer, l'amant. Effi ne pourra plus rentrer chez elle, plus revoir sa fille. Mêle ses parents refuseront de l'accueuillir, tout en l'aidant financièrement. Il lui restera sa seule amie, sa domestique Roswitha. Alors qu'elle décline déjà, Effi pourra reprendre contact avec sa fille, mais elle s'apercevra qu'Annie, à 10 ans, est aussi froide que son père et qu'elle a subi une sorte de dressage. Effi finira ses jours auprès de ses parents, dans la maison où elle a grandi et été heureuse, avec le chien Rollo et Roswitha. Que restera-t-il d'elle à sa mort? Pas grand chose, puisque même ses parents ne remettront pas en question l'éducation qu'ils lui ont donnée et ce mariage très prématuré et mal assorti. Un personnage de roman touchant, une enfant pleine de vie obligée de devenir trop vite une femme rangée; un être plein de remords qui mourra de ne pas être construite comme son mari: une mécanique froide.
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Ca se passe en Prusse. Effi Briest, dix-sept ans, se marie trop tôt, en suivant le conseil de ses parents.
Je plonge dans ce microcosme, la province aisée et la ville de Berlin au temps de Bismarck. Ce qui compte, ce n'est pas l'intrigue, mais l'art et la manière de raconter. Richesse de détails, profusion de causeries (apparemment) anodines, multiples références à l'univers culturel de l'époque ; la légèreté malgré la gravité du thème.

C'est aussi une fresque de société et une réflexion sur la liberté individuelle étouffée par la pression sociale. le destin d'Effi est apparenté à celui d'Emma Bovary et d'Anna Karenine. J'ai mentionné la richesse de détails. Cependant, l'auteur a choisi d'éluder l'épisode de l'infidélité. Cela me semble remarquable : un lyrisme discret (l'auteur amoureux de son héroïne), pas de mièvrerie.

Des affinités avec Emma Bovary :
le point de départ est inspiré d'un fait réel ;
c'est un grand classique qui a emm… des générations d'élèves germanophones ;
une certaine image de la vie de province.

Pour aller plus loin :
Si vous avez aimé Les Buddenbrook de Thomas Mann, alors Effi Briest est peut-être pour vous : une parenté entre Thomas Mann à son début et Theodor Fontane (sept ans séparent les deux oeuvres, Effi et Les Buddenbrook).
Une des adaptations les plus connues : celle de Fassbinder avec Hanna Schygulla, 1974.


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J'ai longtemps laissé ce roman sur mon étagère ‘à lire' car je pensais que c'était un roman naturaliste déprimant, typique de la fin du 19e siècle. Vous savez, avec des personnages définis par leurs origines, sous une immense pression sociale et sans gloire perdus dans leur destin prédéterminé. Mais quand je suis finalement entré dedans, cela ressemblait à un roman de société léger, à la Jane Austen, y compris le père et la mère du personnage principal qui se chamaillaient. Bien sûr, cela s'est avéré également incorrect : ce roman est en effet l'histoire d'une chute, se concentrant sur la jeune femme Effi, descendante d'une famille de la noblesse inférieure de la Prusse de Bismarck (cette dernière a également une certaine pertinence pour ce livre). Et la pression sociale est bel et bien là, en particulier dans l'expérience du mari d'Effi, Geert von Instetten, qui l'exprime avec justesse après le tournant central et dramatique de l'histoire : « Partout où les hommes vivent ensemble, quelque chose a été établi qui est juste là, et c'est un code à qui nous nous sommes habitués à tout juger par nous-mêmes ainsi que par les autres. Et s'y opposer est inacceptable ; la société vous méprise pour cela, et à la fin vous vous méprisez, vous n'en pouvez plus et vous pointez un pistolet sur la tempe. » Fontane a pimenté son histoire d'éléments gothiques (l'homme de Chine qui fait office de croque-mitaine, la forêt sombre, etc.). Et le drame d'Effi rappelle forcément Emma Bovary et Anna Karénine. Seulement, avec cette comparaison, il me reste un sentiment un peu ambigu : le personnage Effi colle un peu trop à la surface pour moi ; Fontane semble suggérer que son adultère est purement causé par l'ennui, confirmant ainsi l'image d'une fille gâtée qui est tombée parce qu'elle s'est mariée trop jeune, purement par convention et non par amour. En revanche, son mari, le "parfait" mais ennuyeux von Instetten, semble être un peu plus nuancé. Ce que j'ai le plus apprécié dans ce roman, ce sont les conversations entre le père et la mère d'Effi. Chacun à leur manière, ils savent parfaitement mettre le doigt sur la plaie. Mais à la fin, ils doivent aussi avouer leur impuissance, car les vicissitudes de la vie leur semblent « un sujet trop vaste ».
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