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EAN : 9782912567758
86 pages
Pleins feux (26/02/1999)
4/5   3 notes
Résumé :
Un roman est-il possible aujourd’hui ? Oui, à condition de se vouloir à la mesure modeste de l’impossible. Le « réel » est l’impossible. L’« impossible » est le réel. Et le roman n’a de sens et de valeur qu’à répondre à l’appel qu’il adresse à chacun de nous, produisant en retour l’écho de sa parole. Cet appel est-il encore audible dans le monde où nous vivons ? La possibilité de la parole en écho y existe-t-elle encore ?
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Lorsqu'il prend valeur de « détail absolu », l'élément s'émancipe de
l'ensemble auquel il appartient et la relation de hiérarchie qui existait entre
la partie et le tout se trouve renversée. Personne ne l'a aussi bien démontré
— donnant à cette thèse toute son évidence paradoxale — que Jean-Luc
Godard commentant Hitchcock dans ses Histoire(s) du cinéma. L'intrigue
s'efface dans le souvenir disséminé des images qu'elle assemble :
On a oublié / à propos de quoi /Montgomery Clift garde / un silence
éternel/ et pourquoi Janet Leigh/ s'arrête au Bates Motel/ et
pourquoi Teresa Wright /est encore amoureuse /d'oncle Charlie /on
a oublié / de quoi Henry Fonda / n 'estpas /entièrement coupable / et
pourquoi exactement / le gouvernement américain / engage Ingrid
Bergman/ mais/ on se souvient/ d'un sac à main/ mais/ on se
souvient d'un autocar/ dans le désert/ mais, on se souvient/ d'un
verre de lait / des ailes d'un moulin / d'une brosse à cheveux / mais /on se souvient / d'une rangée de bouteilles / d'une paire de lunettes/
d'une partition de musique / d'un trousseau de clés.
Lorsqu'il s'isole ainsi au sein du récit auquel pourtant il ne cesse
d'appartenir et à l'intérieur duquel il ne renonce pas tout à fait à signifier
aussi, le détail (le verre de lait, la brosse à cheveux, le trousseau de clés...)
se constitue en objet pur de contemplation, délivré de tous les liens qui
l'unissaient au monde de l'utile, comme il l'est — c'est Hegel qui le dit -
dans la peinture où une pomme, une fleur, une asperge, disposés dans le
lointain de la toile, trouvent désormais leur but en eux-mêmes.
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De La vie de Rancé telle que l'écrivit Chateaubriand — et que je crois
pourtant avoir lue —, je ne me rappelle plus qu'une chose dont je sais
avec certitude qu'elle ne me vient pas du texte lui-même mais du souvenir
que je m'en suis fait et que je dois à la préface que Roland Barthes lui
a consacrée autrefois. Tl y est question du « chat jaune » que possédait
l'abbé Séguin et dont Barthes dit étrangement que, peut-être, il est toute
la littérature, ne signifiant rien de plus que lui-même, se refusant ainsi
à prendre place dans l'au-delà factice des symboles pour s'installer au
contraire dans « une sorte d'en-deçà du sens » où la parole s'accomplit
selon la loi vide d'une évidente tautologie : j'appelle un chat un chat, écrit
le romancier, et s'il est jaune, je le dis.
À un tel détail, je peux bien entendu donner la valeur que je veux,
faisant de lui l'illustration exemplaire de n'importe quelle interprétation
systématique. Mais, en même temps, le propre du détail consiste à
dérouter toute théorie, à la laisser buter sur ce quelque chose qui lui
échappe, lui résiste et prend du coup la forme entêtée et absurde d'une manifestation sans contenu : « En littérature, tout est ainsi donné à
comprendre, et pourtant, comme dans notre vie même, il n'y a pour finir
rien à comprendre. »
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Du chat de Manet (à la queue dressée en forme de point
d'interrogation), comme de celui de Chateaubriand (dont la couleur brille
sans raison dans le gris du récit) ou de celui du Cheshire chez Lewis
Carroll (qui appartient si visiblement à la même espèce et dont le sourire
ironique finit par luire énigmatiquement au milieu de son visage absent),
personne ne peut dire ce qu'il signifie. IL est là pour rien. Détail « absolu »
auquel le roman se rend, qui, avec lui, et sans espoir de réponse, donne sa
langue au chat.
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Le détail est l'insignifiance même. 11 se détache du corps du monde.
11 en tombe à terre et le sol le recueille à la manière d'un débris. Mais
une valeur l'investit aussitôt. Alors il perd le statut qui était le sien : le
rien qu'il exprime devient la manifestation de l'impossible réel où se
réfléchit la part de désir et de deuil de toute expérience authentique. Tout
le rebut du monde, avec sa minuscule monnaie de désastres, le roman le
reçoit : cheveux chus à terre, rognures d'ongles, lambeaux de vêtements
témoignant de l'inexorable travail du temps. Ce sont les « sordidissimes »
auxquels Pascal Quignard a consacré l'un des volumes de son Dernier
Royaume : « Ce qu'on appelait les "sordes" à Rome, c'étaient tout d'abord
les choses sales, puis les êtres sales, c'est-à-dire les pauvres, enfin les habits
sales, c'est-à-dire le deuil (au cours duquel il ne convenait pas d'ôter ses
vêtements mais de les déchirer dans la douleur). »
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le roman répond à l'appel du réel tel que cet appel s'adresse à chacun dans l'expérience de l' "impossible ", dans le déchirement du désir et celui du deuil. Quelque chose arrive alors qui demande à être dit et ne peut l'être que dans la langue du roman car cette langue seule reste fidèle au vertige qui s'ouvre ainsi dans le tissu du sens, dans le réseau des apparences afin d'y laisser apercevoir le scintillement d'une révélation pour rien.
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Tout a-t-il déjà été dit en littérature ? L'écrivain est-il condamné à se répéter ? Et comment réinventer la littérature après Balzac, Baudelaire ou encore Proust ? Pour répondre à ces questions, Guillaume Erner reçoit l'essayiste et romancier Philippe Forest.
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