[51%] Donc, dans le monde actuel, le concept de la propriété fictive est non seulement anti-logique, mais encore non-nécessaire : il est même anti-économique.
Pour en donner un exemple (très simplifié) : dans notre monde, occidental, l’homme le plus pauvre possède au moins deux draps (un dont il se sert, l’autre au nettoyage, c’est-à-dire en réserve). Par contre, le riche client de l’hôtel Hilton ne possède que 1 drap et 1/2 (à cause de la rapidité des nettoyages, chambres vacantes, etc.).
L’homme pauvre de notre exemple possède plus de draps que le riche, mais il n’utilise pas plus de draps. Par le fait de sa propriété en draps « superflus », il a besoin d’un espace de stockage cinq ou six fois plus important que celui du client du Hilton et cet enchaînement va se continuer dans tous les services : en dehors de l’espace de stockage, il aura encore besoin de plus d’heures de nettoyage, de plus de kilomètres de transport, etc., ce qui signifie qu’économiquement son drap lui coûte plus du double de celui du Hilton. Donc, sa propriété lui coûte cher sans lui apporter aucun avantage tangible. Dans un « monde riche » la possession est donc anti-économique et c’est l’utilisation qui est économique. Le droit de possession devrait donc être transformé en droit de libre utilisation.
La différence entre les deux systèmes réside dans le fait qu’une propriété (possédée) est toujours à la disposition du possesseur, alors qu’une propriété « d’utilisation » n’est à la disposition du possesseur que pour le temps d’utilisation. Étant donné que la plupart des objets ne sont utilisés qu’une toute petite fraction du temps de vie du possesseur (utilisateur), le système de la propriété qui existe actuellement n’est donc possible à maintenir que par un système économique de gaspillage (waste economy).
Le système économique de gaspillage crée, dans un sens, la crise actuelle de l’urbanisme. Dans l’habitat (alors que les journaux parlent du manque de logement) 80 % de la surface utile ne sert que pour le stockage des réserves (nous y sommes tous bien obligés par suite du système économique existant) et dans la ville actuelle le réseau de circulation est encombré à plus de 60 %. par le stockage des véhicules (pour ne donner que ces deux exemples).
Dans une société basée sur le « libre service » des ustensiles, des meubles (hôtels) ou des véhicules (taxis), 20 % de la surface actuelle des mêmes villes auraient été suffisants, tout en assurant le même confort.
Si nous calculons que, dans une ville, la surface des appartements ne totalise pas plus d’environ 35 % des surfaces totales de tous les niveaux, et que 80 % de la surface de ces appartements ne représentent rien d’autre que la surface de stockage, nous constaterons finalement que la surface réellement habitée d’une ville ne représente que 7 % de toutes ces surfaces : j’ose dire que si nous imaginons étouffer sur la terre dans les siècles à venir, cette idée est liée à notre habitude de gaspillage, habitude résultant d’un concept périmé.
Yona Friedman à propos de la machine à inventer les appartements
Yona FRIEDMAN, architecte d'origine hongroise, explique un projet conçu pour l'exposition d'Osaka en 1970. Les visiteurs de cette exposition auront la possibilité de choisir les plans de leur appartement et son emplacement , construisant ainsi eux mêmes leur ville , dont la visualisation se fera sur un écran au fur et à mesure.