AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
La Dégringolade tome 0 sur 4
1119 pages
E. DENTU, ÉDITEUR (10/12/1871)
4.33/5   3 notes
Résumé :
Nous n’avons pas encore dans notre base la description de l’éditeur (quatrième de couverture)
Ajouter la description de l’éditeur

Vous pouvez également contribuer à la description collective rédigée par les membres de Babelio.
Contribuer à la description collective
Acheter ce livre sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten
Que lire après La DégringoladeVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Si les premiers jalons du récit policier ont été posés par l'écrivain américain Edgar Allan Poe, celui-ci n'a exploité ce thème qu'au sein de ses « Histoires Mystérieuses », où les énigmes posées par l'auteur alimentent avant tout une fascination pour le mystère qui flirte volontiers avec l'irrationnel et le fantastique. Néanmoins, Charles Baudelaire ayant magistralement traduit l'oeuvre d'Edgar Allan Poe en français, elle inspira nombre de conteurs fantastiques français, mais aussi un jeune auteur de romans historiques qui fut le tout premier, dès 1865, à imaginer le roman policier sous sa forme définitive, celle d'une enquête visant à élucider un meurtre et à en identifier le coupable.
Cet écrivain se nommait Émile Gaboriau, et sa carrière littéraire fut le dernier maillon d'une courte vie d'errances diverses, à exercer quantité de petits métiers, dont celui de hussard en Afrique, d'où il rapportera hélas la maladie pulmonaire qui l'emportera à seulement 40 ans.
En rupture avec sa famille charentaise, souffrant peut-être de troubles autistiques qui rendaient son caractère instable avec une propension à l'obsessionnel, le jeune homme finit par se fixer à Paris, comme secrétaire personnel pour diverses personnalités. Son destin bascula, au début des années 1860, quand il devint le secrétaire du romancier Paul Féval, alors au sommet de sa carrière. Bien qu'hélas les deux hommes aient emporté chacun dans la tombe le secret de leur amitié, il semble que ce soit Paul Féval qui ait incité Émile Gaboriau à écrire des romans.
Émile Gaboriau publia donc deux premiers romans historiques tout à fait dans la veine de Paul Féval, puis, sans doute, découvrant l'oeuvre d'Edgar Allan Poe, il commença à réfléchir à l'idée d'un nouveau roman tournant exclusivement autour de l'élucidation d'un meurtre. Il le publia d'abord dans un journal impérial conservateur, puis, devant l'indifférence du lectorat de ce journal, il proposa son roman au quotidien littéraire républicain « le Soleil », où son récit déchaîna l'enthousiasme des lecteurs. le fait que ce roman en cours de publication soit déjà terminé, cela le pousse à en écrire rapidement un deuxième qui sortira directement en volume, en même temps que la réédition de son premier roman publié en feuilleton. Ainsi Émile Gaboriau fait-il une entrée fracassante en 1866 dans le milieu littéraire français, avec deux romans policiers différents, aussi réussis l'un que l'autre, et qui restent encore au centre de son oeuvre : « L'Affaire Lerouge » et « le Crime d'Orcival ».
Si « L'Affaire Lerouge » restera longtemps le plus célèbre de ces deux livres, du fait de son ambiance teintée de réalisme social (l'assassinat d'une veuve dans un milieu populaire et interlope), c'est aujourd'hui plus volontiers « le Crime d'Orcival » qui a la préférence des amateurs, de par son cadre plus original (l'étrange assassinat d'une comtesse dans les jardins de son château) mais aussi parce que l'analyse des personnages, plus subtile et visant à révéler les dessous sordides d'un milieu aristocratique prétendument irréprochable, pose les fondations de tout un pan de la littérature policière psychologique qu'exploitera, en particulier, l'écrivain belge Georges Simenon, peut-être le plus fidèle disciple de Gaboriau.
L'autre innovation qu'Émile Gaboriau apporte dans ces deux romans - et le suivant, « le Dossier 113 » (1867), qui clôt la principale trilogie de romans fondateurs du genre policier -, c'est le recours à un même duo d'enquêteurs : Lecoq, jeune et fringant inspecteur, particulièrement habile à trouver et à décortiquer des indices, et son associé le père Tabaret, vieux policier sympathique mais routinier, toujours un peu surpris et admiratif de la perspicacité de son jeune collègue.
Les livres d'Émile Gaboriau connaissant en leur temps un énorme succès, ils furent traduits dans plusieurs pays, notamment au Royaume-Uni où, quelques années plus tard, un jeune adolescent écossais féru des romans d'Émile Gaboriau, un certain Conan Doyle, s'inspira de Lecoq et Tabaret pour créer, dès 1887, ses personnages mythiques de Sherlock Holmes et du Docteur Watson.
Deux ans après son premier essai dans le genre, Émile Gaboriau est déjà le fondateur reconnu du roman policier – ou plutôt du « roman judiciaire », car ce sera la première appellation qui lui sera attribuée. Pourtant, à la lecture de ces trois premiers ouvrages, on peut déjà observer ce qui forme le talon d'Achille de l'écrivain : malgré son imagination débordante et son style méticuleux, Émile Gaboriau applique toujours une même recette : un crime (ou un vol dans le coffre d'une banque, pour « le Dossier 113 ») commence à faire l'objet d'une enquête qui piétine, ou dont les indices sont contradictoires ou lacunaires, jusqu'à ce que l'inspecteur Lecoq en vienne à se renseigner sur le passé de la victime. Et c'est seulement dans ce lointain passé que l'enquêteur trouvera le mobile du meurtre, et par conséquent le coupable. Ainsi, toutes les énigmes criminelles imaginées par Émile Gaboriau sont plus ou moins des vengeances remâchées de longue date, d'autant plus compliquées à démontrer que leurs préméditations s'étalent sur des décennies.
Il est probable qu'Émile Gaboriau ait pris conscience lui-même de cette structure narrative figée et répétitive, mais contre toute attente, non seulement il n'en sortira quasiment jamais, mais à partir de 1868, lui qui jusque là publiait des romans de taille moyenne, 300 à 350 pages, ne va plus produire que des oeuvres titanesques, éditées en deux tomes où, peu à peu, l'immersion aventureuse dans une intrigue du passé en vient à phagocyter l'énigme policière de base, au point d'occuper la moitié du roman, quand ce ne sont pas les deux tiers.
Alors que « L'Affaire Lerouge », « le Crime d'Orcival » et « le Dossier 113 » n'ont jamais cessé d'être réimprimés (et sont encore disponibles de nos jours dans la collection « Labyrinthes » des éditions du Masque), cette deuxième partie de l'oeuvre d'Émile Gaboriau est aujourd'hui plus qu'oubliée, précisément parce qu'elle tient à la fois du roman policier et du roman d'aventures historiques, Émile Gaboriau ne parvenant jamais tout à fait, littérairement parlant, à couper le cordon ombilical qui le relie à Paul Féval.
Ces romans, il est vrai, allant jusqu'à 1000 ou 1200 pages particulièrement denses, seraient difficiles à présenter aujourd'hui à un lectorat qui n'est que rarement capable, en ce siècle, de s'investir dans des récits à la fois aussi longs et aussi complexes. de plus, si les deux premiers romans "massifs" de l'auteur, « Les Esclaves de Paris » (1868) et « Monsieur Lecoq » (1869) sont particulièrement réussis, et mériteraient d'être réédités, les deux dernières années d'activité (1871-1873) d'Émile Gaboriau, où s'enchaînent pas moins de cinq romans titanesques, dont la rédaction fiévreuse a dû épuiser l'écrivain déjà malade, marquent de fortes baisses de qualité et d'inspiration, et ces derniers livres ont plutôt mal vieilli.
« La Dégringolade », néanmoins, mérite que l'on s'attarde sur son cas : sa facture est un peu plus originale, et c'est le premier roman d'Émile Gaboriau qui sort après la fin du Second Empire : il se veut d'ailleurs une condamnation morale cinglante de Napoléon III et de son régime. le précédent roman, « La Vie Infernale », publié en 1870, peu de temps avant la guerre franco-prussienne, marquait déjà un engagement politique républicain tout à fait nouveau. « La Dégringolade » témoigne encore plus de l'engagement militant revendicatif et accusateur d'Émile Gaboriau.
de nos jours (en 1871), lors d'une nuit noire d'hiver, quelques joueurs de cartes tapent le carton dans un bar qui se prépare à fermer, quand tout à coup des cris d'épouvante jaillissent dans la rue. Les clients se précipitent dehors et assistent à une tentative d'assassinat perpétrée par un personnage cagoulé sur un jeune homme auquel on vient d'enfoncer un couteau dans le dos. Dérangé par ces témoins, l'agresseur s'enfuit dans les ténèbres. La victime est transportée à l'intérieur du bar, où par chance, l'un des joueurs de cartes, le docteur Legris, est un médecin, toujours muni de sa mallette des premiers secours. Il parvient à extraire la lame, qui n'a touché aucun organe vital, et à désinfecter puis à panser la plaie : le jeune homme est sauvé, et une amitié immédiate l'unit à son sauveteur. Il en vient à lui raconter l'histoire derrière cette tentative de meurtre, une histoire qui commence vingt ans plus tôt.
le jeune homme s'appelle Raymond Delorge, c'est le fils du défunt général Pierre Delorge, un prestigieux officier ayant servi sous la Monarchie de Juillet, et converti aux bienfaits de la République. le 1er décembre 1851, le corps du général fut ramené à sa veuve : il se serait battu en duel, au sujet d'une question d'honneur.
C'était à cette époque-là une pratique courante. La veuve éplorée, dans un premier temps, tempéra son chagrin, face à ce qu'elle pensait être la fatalité du destin. Mais en observant le cadavre de son défunt mari, déposé chez elle, elle se rendit compte que la blessure fatale se trouvait à un endroit du corps qui n'avait pas pu être atteint pendant un duel. Suite à une blessure de guerre, Pierre Delorge avait l'un de ses bras qui pendait inerte contre le flanc. Lorsqu'il se battait, c'était en brandissant l'épée de son autre bras, et en se plaçant de côté, de façon à ce que son bras invalide reste en arrière. Or, le coup d'épée qui a tué le général a été précisément porté du côté du flanc où reposait le bras invalide. On a donc assassiné Pierre Delorge en le frappant sciemment de côté ou de dos, sans qu'il lui soit possible de se défendre.
Mais qui et pourquoi ?
La réponse à la première question ne sera révélée qu'au dernier tiers du roman. La seconde, en revanche, est connue dès le lendemain : Louis-Napoléon Bonaparte, le neveu du défunt empereur corse, élu en 1848 président de la Deuxième République, arrivait en fin de mandat, et ne voulait pas dételer. le 2 décembre 1851, il organisa un coup d'état visant à s'emparer du pouvoir, et qui réussit plutôt bien. Après quelques journées d'affrontements, Louis-Napoléon Bonaparte mit fin à la République, établit le Second Empire et se déclara empereur sous le nom de Napoléon III.
(Pour ceux qui se sont toujours demandé pourquoi il n'y avait jamais eu de Napoléon II, c'est tout simplement parce que le fils de Napoléon Bonaparte, qui aurait dû hériter de ce titre, est mort de la tuberculose à seulement 21 ans en exil, à Vienne. C'est d'ailleurs son histoire romancée qu'Edmond Rostand a mis en scène dans sa célèbre pièce de théâtre, « L'Aiglon »).
Elisabeth Delorge comprend vite que l'on a tué son mari parce qu'il avait eu vent du coup d'état qui devait avoir lieu le lendemain, et voulait sans doute l'empêcher. Il faut donc chercher impérativement l'assassin parmi ceux qui ont hissé Napoléon III sur le trône impérial.
Cette enquête de longue haleine durera pendant les 18 ans du règne de l'Empereur, et sera d'abord menée par la veuve Delorge, avec l'aide d'un voisin, Ducoudray; d'un avocat républicain, Maître Roberjot; et du fidèle domestique familial, Krauss. Puis, une fois qu'ils seront devenus adultes, l'enquête sera poursuivie par Raymond, sa petite soeur Pauline et par ceux qui sont devenus leurs frères, Léon et Jean Cornevin.
En effet, Maître Roberjot découvrit très vite que la mort du général Delorge coïncidait avec la mystérieuse disparition d'un palefrenier de l'Élysée, un dénommé Laurent Cornevin, qui laissait derrière lui son épouse et leurs deux fils dans le dénuement le plus total. Aussi Elisabeth Delorge, sachant pouvoir compter sur cette famille qui partage son drame – car il est évident que l'on a fait disparaître Cornevin parce qu'il a été témoin de l'assassinat de Pierre Delorge – a décidé de pourvoir à leurs besoins, et d'élever ensemble leurs enfants, en une fratrie qui se fera mission de venger ceux qui ont été assassinés.
Désormais indépendants, les deux aînés vont commencer à enquêter sur les morts, réelle ou supposée, de leurs parents respectifs. Ayant passé le diplôme d'ingénieur, Raymond est envoyé à Tours, où il s'éprend d'une jeune aristocrate locale, Simone de Maillefert, opprimée par une mère indigne qui veut la marier à un officier d'empire. Or, cet officier d'empire n'est autre que l'assassin du général Pierre Delorge, et il voit d'un très mauvais oeil le fils de sa victime tourner autour de sa promise…
de son côté, Jean Cornevin va beaucoup voyager : ayant découvert que son père a été envoyé sous un faux nom au bagne de Guyane, il s' y rend en personne, et là-bas, il apprend d'un ancien bagnard que le prisonnier Cornevin est parvenu à s'échapper par voie maritime au bout de quelques mois de captivité. Jean passera ainsi plusieurs années à traquer son père avec dix ans de retard, jusqu'en Argentine et en Australie même, avant de le retrouver finalement à… Paris où, dissimulé sous une fausse identité, Cornevin était à la recherche de sa famille, tout en participant à une cabale républicaine.
Au fur et à mesure que l'enquête des jeunes gens progresse, l'autorité impériale, inquiète d'un scandale, fait surveiller Raymond et Jean, tente de leur mettre des bâtons dans les roues, avant de chercher délibérément à les tuer. Mais voilà que déjà, une guerre se profile, et bientôt, le Second Empire va "dégringoler"...
Roman-fleuve qui part d'une base policière pour évoluer vers des aventures qui ne sont pas sans évoquer celles de Tintin (nul doute qu'Hergé fut un lecteur assidu d'Émile Gaboriau), « La Dégringolade » est un livre très imparfait, qui se perd volontiers, et à de nombreuses reprises, dans son propre labyrinthe. Certains passages manquent de rigueur ou de clarté, et leur rédaction chaotique reflète sans doute les évènements douloureux qui se déroulaient alors à Paris, et perturbaient la concentration de l'auteur. Malgré cela, on est époustouflé devant la densité d'un récit où se télescopent pas loin d'une centaine de personnages différents, au sein d'une intrigue qui s'étale sur 18 ans, et se projette aux quatre coins du monde. Cette ambition vertigineuse donne un peu le tournis, d'autant plus que le roman oscille en permanence entre enquête rigoureuse, aventures rocambolesques peu réalistes, récit d'espionnage, et romance niaiseuse franchement superflue.
Cela étant dit, le plat est suffisamment copieux pour rassasier n'importe quel appétit de lecture. Beaucoup d'imperfections ou de raccords grossiers n'empêchent pas qu'on soit plongés en permanence dans un drame historique tout à fait envoûtant, notamment grâce à quelques scènes magistrales qui reconstituent des dates-clés de l'histoire du Second Empire : le coup d'état du 2 décembre 1851 (dont je n'avais jamais lu un récit aussi détaillé, aussi immersif), l'assassinat de Victor Noir, la rébellion et l'arrestation du polémiste républicain Henri Rochefort… Ponctuellement, au coeur du récit, l'Histoire s'écoule sous nos yeux, et c'est particulièrement émouvant.
Enfin, « La Dégringolade » se voulant un portrait à charge du Second Empire, Émile Gaboriau y liste, avec l'opiniâtreté d'un procureur implacable, toutes les corruptions, les dessous de table, les magouilles boursières et les népotismes en place sous Napoléon III, non sans conclure, avec un lyrisme bouleversant, que tout cela est derrière nous à présent que la République triomphe.
On lit avec beaucoup de compassion cet engagement moral, un peu balourd quoi que sincère, mais il faut hélas admettre que tout ce que dénonce ici Émile Gaboriau, comme corruptions sous le Second Empire, a parfaitement perduré sous la République, et a même beaucoup profité en un siècle et demi. La mort prématurée d'Émile Gaboriau en 1873 lui a sans doute épargné de cruelles désillusions, et une vieillesse bien amère…
Commenter  J’apprécie          20


Videos de Emile Gaboriau (4) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Emile Gaboriau
Retrouvez les derniers épisodes de la cinquième saison de la P'tite Librairie sur la plateforme france.tv : https://www.france.tv/france-5/la-p-tite-librairie/
N'oubliez pas de vous abonner et d'activer les notifications pour ne rater aucune des vidéos de la P'tite Librairie.
Vous connaissez Sherlock Holmes, Hercule Poirot, Arsène Lupin ou Maigret, vous connaissez leur auteur...Mais connaissez-vous l'inventeur du roman policier de langue française ?
« L'affaire Lerouge », d'Emile Gaboriau c'est à lire en poche dans la collection le Masque.
Livres les plus populaires de la semaine Voir plus
Acheter ce livre sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten


Lecteurs (3) Voir plus



Quiz Voir plus

Inspecteur Lecoq, à la Proust N° 8

S'il était un dossier ?

Le dossier clos
Le dossier vide
Le dossier truqué
Le dossier noir
Le dossier 113

10 questions
14 lecteurs ont répondu
Thème : Emile GaboriauCréer un quiz sur ce livre

{* *}