John Gage (à ne pas confondre avec
John Cage, le musicien) est l'auteur d'un essai incontournable, presque devenu un classique, à propos de la couleur. Sa méthode en est la meilleure garantie. A l'opposé de
Johannes Itten, cet historien d'art anglais étudie
la couleur dans l'art occidental, sans se déconnecter des oeuvres d'art, ni des écrits des artistes. Et son regard se porte également sur tous les courants, sans en privilégier l'un ou l'autre (au contraire de
Josef Albers et de son interaction des couleurs). Pour lui, la couleur s'était libérée bien avant
Kandinsky et l'art abstrait lyrique. Au fil de l'histoire de l'art (et des chapitres du livre), l'auteur étudie avec la même rigueur la physique, la psychologie, la symbolique, tout en démontrant que, depuis les origines, la couleur répond toujours aux mêmes questions mais avec des solutions différentes. Pierre Bonnard disait que la peinture agissait, et, pour Gage, cette action a pu fournir tant de variantes, tant de nuances, tant de valeurs à partir d'effets, en réalité, relativement limités. Bien entendu, la couleur a longtemps été la vassale du dessin mais, petit à petit, elle a secoué son joug. Pensons à Léonard et à son célèbre sfumato, par exemple. Mais le XIXe siècle va permettre le divorce entre le dessin et la couleur, tout d'abord chez Manet et les Impressionnistes. Puis vint Matisse, celui qui devint la référence pour les coloristes ultérieurs, de Morris Louis à
Mark Rothko. Et quand
Anish Kapoor utilise les pigments en tas, la couleur redevient poudre, peut-être un fard, présent depuis si longtemps aux joues de la peinture.