Ce livre présente, sous forme de journal et abondamment illustré, année après année, tous les courants artistiques (peinture, sculpture, architecture) du 20e siècle. Très intéressant.
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1928
Les tribulations de Max Ernst
Cologne - L'incorrigible Max Ernst ne cesse de défrayer la chronique. Déjà au Salon des indépendants d'il y a deux ans, son tableau, "la Vierge donnant la fessée à l'Enfant Jésus devant 3 témoins : A.B., P.E. et l'artiste", s'était vu affublé d'un bristol portant ces mots : "Protestation des artistes catholiques". Et voilà qu'aujourd'hui, c'est le clergé de Cologne qui s'agite.
Non seulement il a obtenu la fermeture de l'exposition où la toile était présentée, mais, après un exorde de l'archevêque en personne, les fidèles réunis dans la cathédrale - parmi lesquels Philippe Ernst, le propre père de l'artiste - ont répété trois fois "pfui ! pfui ! pfui !". Ce qui voulait dire que l'impie était excommunié.
1901 - Atuana
Gauguin sculpte la "Maison du jouir".
Il s'est installé dans l'île de Hiva Oa, dite aussi la Dominique, à Atuana, où il a acheté à la mission catholique un terrain de cinq cent mètres carrés tout proche de l'école des filles. Bien qu'en très mauvaise santé, il mène tambour battant la construction de sa case qu'il a confiée aux charpentiers Tioka et Kekela d'après ses propres plans. Bâtie sur pilotis, fermée de lattis de bambou et couverte de palmes de cocotiers, elle mesure six mètres de large sur treize de long.
Autour de la porte d'entrée de sa chambre, le "maître des Tropiques" sculpte, dans l'esprit des décors maoris, des panneaux de bois en forme de portique. À gauche : "Soyez mystérieuses" ; à droite : "Soyez amoureuses et vous serez heureuses" ; et sur le fronton : "Maison du jouir". Une enseigne provocatrice pour la paroisse que dirige Mgr Martin et pour les gendarmes qui l'ont pris en grippe et le surnomment "Coquin".
Le crime de Kokoschka
Le professeur de l'Académie des Beaux-arts assassin ? C'est ce que la police dresdoise, alertée, a cru un court instant. Une femme gisait décapitée, dans son jardin, au milieu des libations et des cris, à l'aube d'une nuit de fête. Puis elle dut se rendre à l'évidence : la morte était ... une poupée.
Cette nuit-là, le peintre Oskar Kokoschka venait, à trente-six ans, d'exorcise son passé. N'ayant pu supporter sa rupture avec Alma Mahler, en 1915, et s'étant jeté en vain dans la guerre afin d'y mourir d'amour, il s'était fait confectionner une poupée en grandeur naturelle, à l'image de sa bien-aimée et, pour l'habiller aussi élégamment que l'était Alma, avait acheté des dessous et des robes chez les meilleurs faiseurs parisiens. Il l'avait en permanence à ses côtés, l'emmenant en fiacre prendre l'air les jours de soleil et avait même, disait-on, loué pour elle une loge à l'Opéra.
Mais c'en était assez. Après l'avoir copieusement dessinée et peinte, il était guéri de sa passion malheureuse. Orchestre de chambre dans le bassin d'une fontaine baroque, torches, champagne, invités nombreux venus pour célébrer ses nouvelles fonctions de professeur, Kokoschka, au petit matin, avait fracassé le crâne de la poupée à l'effigie de la chère Alma. Au moyen d'une bouteille de vin rouge. Et au terme d'une folle nuit où tout le monde était ivre.
1987 (article sur la disparition d'André Masson)
Un jour où il discutait avec Picasso des emprunts en peinture, celui-ci lui avait dit en le regardant droit dans les yeux : "Je pique partout et jusque chez les plus mauvais."
1969. Rétrospective Vasarely à Budapest qui retrace l'ensemble de son œuvre et une grande première : l'irruption de l'art moderne dans les pays de l'Est qui, d'un seul coup, traverse le rideau de fer. Vasarely a reçu un accueil enthousiaste auprès du public venu, pour l'occasion, de tous les coins de la Hongrie.