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3,7

sur 212 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Le sourire du scorpion ou comment aborder un sujet gravissime au travers d'une tragique histoire familiale, c'est ce qu'a tenté et réussi Patrice Gain, pour son quatrième roman.

Ce roman faisait partie de la sélection des vingt-et-un livres en course pour le Prix Orange 2020. Je remercie Lecteurs.com pour m'avoir permis la découverte de ce titre. S'il n'a pas été retenu parmi les cinq finalistes, je le comprends car, tout au long de ma lecture, je suis souvent resté sur ma faim malgré l'excellence de l'écriture.
Le début de l'histoire, avec cette descente en raft d'un canyon, en 2006, au Monténégro m'a fait croire à un récit apocalyptique dont personne ou presque ne sortirait vivant. Alex et Emilie, avec Luna et Tom, leurs enfants, deux jumeaux âgés de quinze ans, mènent une vie en dehors des sentiers battus. Ils vivent dans un camion aménagé et font les saisons pour gagner de quoi vivre. Tom est le narrateur de leur histoire mais je n'ai pas toujours aimé le ton qu'il emploie, parfois trop recherché, parfois simpliste, sans jamais aller au fond des choses.
La petite famille possède un chien, Dobby, femelle rottweiler aimante et protectrice. Celui qui leur sert de guide pour l'aventure sur la rivière Tara, se nomme Goran. Il a un peu plus de quarante ans mais on sait juste qu'il est originaire des Balkans. Très dévoué, il prend tout en charge, toujours avec un sourire un peu figé.
Je n'en dis pas plus sur cette aventure pour ne rien divulgâcher mais j'ai pensé un peu à Délivrance, le livre de James Dickey, adapté brillamment au cinéma par John Boorman. D'ailleurs, revenu en France, Tom se plonge dans la lecture de ce roman si oppressant.
Oui, ils vont revenir en France mais j'ai trouvé un peu courte la partie descente du torrent. C'était un point de départ car le principal se passe sur le causse, tout près des Gorges du Tarn. L'auteur, par l'intermédiaire de Tom, s'attache à décrire soigneusement la nature et les éléments qui la composent et qui évoluent suivant la saison. Un vocabulaire riche et des passages très soignés témoignent d'une recherche approfondie de la part de l'auteur ainsi que d'une connaissance remarquable du milieu naturel.
Monténégro, Serbie, Bosnie… je ne peux passer sous silence ce qui constitue la base du roman de Patrice Gain : ces années terribles de massacres entre populations qui vivaient jusque-là en parfaite harmonie. À la fin du livre, l'auteur précise le nom de l'homme qui l'a inspiré.
Le sourire du scorpion prouve que, lorsque les hommes veulent chercher et trouver les criminels de guerre, ils réussissent à ne pas les laisser vieillir tranquilles. Cette guerre, honteuse pour l'Europe et notre espèce humaine, c'est bien de ne pas l'oublier mais c'est impossible de ne pas vibrer d'émotion en pensant à tous ces destins brisés, à toutes ces immenses souffrances infligées à des familles qui vivaient en paix.

Patrice Gain, en quelques lignes, le fait très bien dire à Sule qui explique tout à Tom dont la jeune existence a commencé dans des circonstances très, très difficiles.
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Les jumeaux Tom et Luna, quinze ans, mènent une existence nomade et bohème au gré des activités saisonnières de leurs parents. Cette fois, la famille met le cap sur le Monténégro, où, accompagnés de leur guide serbe Goran, ils doivent descendre en raft l'impressionnant canyon de la Tara. Dès le deuxième jour sur la rivière, des tensions surgissent dans le groupe, bientôt frappé par un drame irréparable qui, aussi accidentel paraisse-t-il, pourrait bien s'avérer lié à une autre histoire bien plus vaste…


Le roman démarre sur une aventure sportive au sein d'une nature sauvage et grandiose, si superbement évoquée que me sont immédiatement venus à l'esprit les récits d'Edward Abbey, notamment dans son livre Un fou ordinaire. le lecteur y est d'emblée happé par la sensation d'une menace diffuse qui ne va cesser d'entretenir le suspense. D'abord centrée sur les risques d'une expédition soumise à des périls naturels, l'angoisse va peu à peu évoluer vers un nouveau malaise, entretenu par quelques personnages aux comportements inquiétants, jusqu'à une plongée dans les noirs tréfonds de l'histoire des Balkans vingt-cinq ans plus tôt.


A l'âpre et imposante beauté de lieux isolés et sauvages va ainsi répondre le crime le plus barbare venu y chercher la discrétion. Très librement imaginée à partir de l'histoire d'un ancien Scorpion serbe extradé par la France en 2011, l'intrigue, si insouciante au début, mène peu à peu à la grave question des crimes de guerre, interrogeant sur la possibilité ou non, pour les bourreaux comme pour les proches de leurs victimes, de tourner la page et de reprendre une vie normale, une fois sonnée la fin du conflit.


Après Terres fauves, le précédent roman de l'auteur, l'on retrouve avec plaisir sa manière de mêler le nature-writing au thriller pour nous offrir une lecture agréable et addictive. Si Terres fauves pêchait à mes yeux par un certain manque de crédibilité, le sourire du scorpion corrige nettement le tir sur ce point, même si certains personnages peuvent encore y paraître d'une finesse perfectible : ainsi ces deux adolescents incroyablement matures, ou cette mère démissionnaire dont rien n'explique vraiment ce qui la tient tant sous emprise. Au final, Patrice Gain nous sert un fort plaisant récit d'aventures en pleine nature, où le plus grand prédateur porte indéniablement figure humaine.

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Tom, Luna, sa soeur jumelle, et ses parents vivent, à longueur d'année, dans un camion fort bien aménagé. La famille vivote, au gré des saisons, du travail et des envies un peu partout. En ce début d'été 2006, toute la petite famille part faire du rafting, accompagné de Goran, guide et ami de la famille, au Monténégro. Mais la rivière, la Tara, qui coule entre les parois vertigineuses du canyon, est parfois capricieuse. Aussi des tensions émergent-elles assez rapidement au sein du groupe, la maman, Mily, peu rassurée par les rapides et la rivière bientôt salement en crue. C'est alors que le drame se produit, le raft se retourne. Et si Mily, les jumeaux, Tom et Luna, et Goran réussissent à rejoindre la berge, Alex, lui, reste introuvable...

Une virée en raft qui tourne au drame. Amputée, la famille de Tom doit réapprendre à vivre dorénavant, loin des lieux du drame. Mais toujours, au fond d'eux, cette incompréhension et ces incertitudes qui vont, peu à peu, devenir soupçons. Ce roman est on ne peut plus habile car Patrice Gain nous emmène vers des chemins inattendus, semant le doute, parsemant ici et là quelques révélations surprenantes et nous immergeant dans une ambiance de plus en plus oppressante. Tom, le narrateur, relate, avec beaucoup d'émotions, aussi bien l'épisode dramatique, les impacts sur sa famille que les liens indéfectibles qu'il entretient avec sa soeur. La nature, omniprésente, est magnifiquement dépeinte de par cette écriture immersive et profonde. Entre suspense et émotions, Patrice Gain nous offre un roman singulier et d'une grande justesse...
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Après « De silence et de loup », ce livre est ma seconde incursion chez Patrice Gain et je commence à cerner les inspirations de cet auteur.
La nature tout d'abord, qui est un personnage à part entière, ici ce sont les gorges du Montenegro qui, de luxuriantes, attirantes et rafraîchissantes, deviennent menaçantes puis mortelles lors d'une descente en rafting.
La famille ensuite et le drame familial qui est au centre de l'histoire avec la narration faite tout au long par Tom, adolescent, le plus sensible de la famille, qui prend de plein fouet la tragédie.
Le suspense enfin, distillé par l'auteur de manière subtile, sans effets de manches, qui nous emmène inexorablement vers une fin que l'on sait ne pas pouvoir être heureuse.

Classé en policier, ce livre ne plaira pas aux amateurs de thriller, par contre il faut le proposer à ceux qui ont aimé l'atmosphère des livres de David Vann où famille et nature forment souvent un ménage d'abord idyllique puis dramatique.
C'est une voix originale dans le paysage policier français et je vois avec plaisir qu'il sera à St Malo à « Etonnants voyageurs », je me réjouis déjà d'aller l'écouter et le voir !

Merci à Babelio/Masse critique et à l'éditeur

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Emily , Alex et leurs jumeaux âgés de quinze ans , Luna et Tom, inséparables , , très unis , mènent une existence plutôt originale, bohème , nomade,au gré des activités saisonnières , changeantes de leurs parents , sans oublier , leur chienne , une femelle rotweiller , protectrice et aimante. ,trouvée muselée et liée avec du fil de fer barbelé .
Ils l'avaient sauvée d'une mort certaine .

Une famille heureuse, unie …

Durant l'été 2006 ,au Monténégro , Ils s'engagent dans le canyon de la Tara en raft, une somptueuse étape de plus dans leur vie de liberté .
Goran , leur guide serbe les rassure .

Pourtant , malgré la beauté des paysages monténégrins , les gorges luxuriantes, rafraîchissantes , dès le début du parcours sur la rivière , des tensions surgissent , envahissent peu à peu le canyon et le drame arrive ….

À l'âpre , imposante beauté de ces lieux sauvages , prenants , isolés et l'insouciance au début l'intrigue prend un tour épouvantable jusqu'à remonter à la grave question des crimes de guerre .
Une histoire douloureuse qui dépasse de loin l'histoire de cette famille : Monténégro, Serbie, Bosnie ….
Emily la mère apparaît faible , manipulable , Tom, confronté à la solitude , aux doutes, Luna , au deuil et à l'impensable …
N'en disons pas plus ..
Ce qui frappe c'est l'excellence de l'écriture , la nature très soigneusement décrite, le vocabulaire fouillé, recherché, la connaissance indéniable du milieu naturel , ces gorges du Monténégro devenant angoissantes , menaçantes , l'originalité de l'auteur abordant avec aisance un sujet des plus graves , poisseux , sale , inique, à travers une histoire familiale., un chaos ……

Il a l'art de mêler deux sujets : nature- writing à un thriller , son écriture est immersive , soignée , profonde , puissante , dense , parfois brutale à bon escient ..
Ouvrage très travaillé , bien construit , parfaitement maîtrisé , il génère admiration , stupeur, tristesse , dégoût en rapport à l'inhumanité de Goran : une gueule de monstre au faux sourire ,….. et ses sbires , criminels de guerre .

C'est mon deuxième après « Terres-fauves» je remercie chaleureusement une amie de Babelio qui m'avait vivement recommandé cet auteur .

Texte féroce , beau , singulier , addictif, nous immergeant dans une ambiance de plus en plus angoissante …
Magistral , lu d'une traite ….
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Il y a des auteurs dont vous entendez parler depuis quelques temps, pas les plus connus ni les plus médiatisés, mais dont les recommandations positives s'accumulent petit à petit, suscitant l'intérêt, sans pour autant mécaniquement déclencher l'achat. Patrice Gain fait partie de ceux-là pour moi et il aura fallu attendre ce début 2020 et le sourire du scorpion pour passer le pas. Et j'ai bien fait !

C'est un roman noir en deux temps : le premier voit Tom, sa soeur jumelle Luna et leurs parents s'embarquer dans une descente en raft d'une rivière chahutée du Monténégro. 3 jours de vacances sportives et dépaysées sous la conduite de Goran, leur guide et ami. Un raft-trip qui va rapidement virer au drame. le second, va confronter la famille à l'absence, à l'incompréhension, au soupçon, à la vengeance…

Gain est habile : il est parfaitement à l'aise dans la maîtrise du suspense et de la tension, accrochant son lecteur dès les premières pages pour ne le laisser reposer, un brin essoufflé, que 60 pages plus tard, pour le culbuter à nouveau en fin de roman ; mais il excelle aussi dans un exercice plus lent où l'analyse des âmes et de leurs états variants l'emporte sur l'action. Il passe en revue les différentes manières d'aborder un deuil dans une même famille, la dépression, la gémellité, la construction adolescente et la nature salvatrice.

Car la nature, c'est elle le protagoniste majeur du roman : déchaînée et meurtrière en Europe centrale, sauvage et dure dans l'hiver du Larzac, ensoleillée et rédemptrice au pic des falaises du littoral. Une nature générant quelques longueurs, comme si l'auteur hésitait parfois dans son dosage de drame et de nature writing... Peut-être, mais pas de quoi gâcher cette belle découverte qui va me conduire illico vers les précédents livres de Patrice Gain !
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L'étranger, la chute et la peste

Avec «Le sourire du scorpion» Patrice Gain fait d'une sortie en rafting un drame aux conséquences brutales. Aucun des rescapés ne sortira indemne de ce récit de plus en plus noir.

Ils sont six, embarqués sur un raft pour une excursion de quelques jours sur une rivière au fond d'un canyon. L'été est doux, le plaisir au rendez-vous. Tom, le narrateur est un jeune garçon accompagné de sa soeur jumelle Luna, de ses parents Mily et Alex, sans oublier Dobby, un chien trouvé mal en point au bord de la route. le groupe est conduit par Goran, le guide qui a sympathisé avec Alex. Après le bain dans une eau revigorante et une partie de pêche à la truite, la nuit vient leur permettre de regagner quelques forces. Voilà enfin de vraies vacances pour cette famille errante – les parents sont saisonniers – qui n'a pas de domicile fixe.
Le second jour sur la rivière, l'ambiance change. le courant se fait plus fort, le raft manque de chavirer. La peur s'installe, surtout chez Mily que les affirmations de son mari ne parviennent pas à rassurer. En bonne mère de famille, elle a l'intuition que leur virée peut tourner au drame. Après quelques chavirages sur une rivière de plus en plus déchaînée, le groupe parvient à se réfugier dans une grotte. Mais le lendemain, le raft a disparu.
Fort heureusement, après quelques heures de recherche Tom réussit à mettre la main sur l'embarcation prise dans des branches. L'expédition se poursuit jusqu'à un nouveau chavirage, fatal. Mily, Luna et Tom réapparaissent et se mettent à la recherche des hommes. Quand ils retrouvent Goran, il est bien obligé de reconnaître qu'Alex a disparu, qu'il n'a rien pu faire pour le sauver.
Les recherches entreprises resteront vaines. Commence alors une nouvelle histoire, celle de la vie sans Alex. Alors que Mily s'enfonce dans une terrible déprime Luna veut savoir ce qui s'est réellement passé avant de tourner la page, de partir étudier et faire de l'escalade. Sans sa soeur jumelle Tom est désemparé et assiste impuissant à la mainmise de Goran sur le foyer.
Un an après, il épouse sa mère lors d'une cérémonie très discrète. Les relations vont pourtant très vite se dégrader, d'autant que les nuages noirs s'accumulent au-dessus de Goran le Serbe.
Patrice Gain a construit son roman comme un château de cartes. Les étages qui mènent au sommet sont de plus en plus fragiles, le risque que tout s'écroule de plus en plus grand. Parviendra-t-il à poser les ses deux derniers atouts avant que le drame ne se noue? C'est tout l'enjeu d'un scénario à la tension croissante, au fur et à mesure que le doute s'instille dans les esprits. C'est diaboliquement efficace, c'est émotionnellement prenant, c'est joliment réussi!


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Alex et sa femme Mily mènent une vie bohème et nomade . Avec leurs jumeaux Tom et Luna, ils vivent dans un gros camion aménagé et travaillent comme saisonniers, ils se déplacent au gré de leurs envies et du travail proposé. Ils rencontrent Goran un serbe immigré qui leur propose d'aller faire une descente en rafting dans le canyon de la Tara, le deuxième plus profond du monde, dans le Monténégro. Goran se propose comme guide sur cette descente périlleuse.
L'auteur nous met dans l'ambiance tout de suite. Il décrit une nature sombre, violente menaçante "paysage fantasmagorique", noyé dans la brume, "eaux froides et écumantes . La mère, d'emblée, est sous tension" la tension qu'avait installée notre mère était poisseuse"
Mily ne sent pas cette descente trop dangereuse. le lecteur se sent inquiet, il va se passer quelque chose... En plus, Tom lit Délivrance pour se mettre dans l'ambiance...
La présence de Goran, mystérieuse et un peu inquiétante, entretient cette tension. La descente se révèle difficile et dangereuse et se solde par un drame.
Au retour, la famille éplorée décide d'aller vivre dans les causses.
Après les paysages des gorges, l'auteur décrit à merveille ces terres désolées. La famille ne résistera pas à la perte d'un des siens, elle va éclater et se désintégrer. Chacun va essayer de se reconstruire à sa façon. Les membres de la famille prennent des chemins différents.
Le roman dans la seconde partie s'engage sur une voie différente. Avec l'émergence du personnage du Scorpion, le roman devient encore plus noir plus dur et aucun des personnages n'en sortira indemne
Avec son écriture immersive, l'auteur nous fait plonger dans cette expédition au Monténégro puis dans les causses. Il a l'art de méler le nature writing et le thriller en y ajoutant l'analyse tres fouillée des sentiments et douleurs des personnages, ce qui fait un roman très équilibré et complet.
Tom, celui qui parle dans le roman, du haut de ses quinze ans, subit de plein fouet, le deuil, la perte d'un être aimé, la désintégration de sa famille, la solitude, l'abandon. Comme dans de "silence et de loup" que j'ai lu juste avant, pas de happy end. Patrice Gain nous donne l'estocade et nous laisse un peu anéantis comme Tom.
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Un prix "Quais du polar" 2021 bien mérité pour ce roman de Patrice Gain, auteur que je découvre, même si à mes yeux, il tient plus du roman noir que du polar.

Lorsque Tom, 15 ans, le narrateur du récit, accompagné de sa soeur jumelle Luna et de leurs parents, embarque dans un raft pour descendre les rapides de la Tara, dans le Montenegro, il n'imagine pas que leur bonheur familial va aussi exploser dans le maelstrom de ses flots tumultueux. Seule Mily, la mère, malgré la beauté sauvage des paysages et la présence rassurante de leur guide serbe Goran, ressent une angoisse inexplicable.

Dès les premières pages, le lecteur est pris aux tripes par cette tension sous-jacente qui va crescendo au fil des pages. Au fond de ce canyon, la nature se fait écrasante et participe à la sensation d'étouffement. Patrice Gain n'a rien à envier aux auteurs spécialistes de "nature writing", ses descriptions sont sublimes et mettent tous les sens en éveil. Au fur et à mesure que Goran, ce personnage mystérieux, prend de l'importance au sein de la famille, Tom se sent de plus en plus seul. Les épreuves qu'il va devoir affronter vont lui faire quitter le monde de l'adolescence précocement. L'auteur a réussi avec talent à mélanger subtilement suspense, drame, émotions, dans un roman initiatique qui prend une dimension politique inattendue à la fin.
Seul bémol, peut-être une petite baisse de régime ressentie en milieu de lecture.

Mais pour cette écriture aussi sauvage que les paysages qu'elle décrit, pour ce titre si bien choisi, pour un scénario original dans la catégorie "polar", c'est pour moi un 16/20 bien mérité.
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Un titre en forme d'oxymore. Quand le scorpion mord, on ne sourit pas, on reste occis.
Cette ambivalence nous envoie dès le départ dans une confrontation entre le bien et le mal, le possible et l'impossible, la vérité et le mensonge, le réel et l'imaginaire.
C'est mon premier Gain, et pourtant les thrillers mâtinés de nature-writing, j'y ai beaucoup joué.
C'est ma troisième balade sur l'eau de l'année, enfin ce sont plutôt les auteurs qui nous baladent en général, avec des descentes tumultueuses, encore un mot prédestiné, tueuse en plein tumulte.
Après La rivière de Peter Heller et le lac de nulle part de Pete Fromm, deux histoires de canoë, voici le rafting qui se profile. C'est presque sûr, avec un engin pareil, il y aura forcément des sensations.
Tiens, des jumeaux, comme sur le lac de Fromm, mais ici, la famille est complète, le père, la mère et les deux enfants, fille et garçon.
Ils sont accompagnés d'un guide serbe, ah oui, je ne vous ai pas dit, ça se passe sur la Tara, au Montenegro. A gorge déployée, dans une nature sauvage et envoûtante, mais ça ne va pas rire longtemps.
Le rafting, ça secoue, ça part à l'envers, et parfois le courant ne passe pas. Tara en verlan, ça fait rata. Ratage, ratatiné, on sent que l'aventure n'est pas une promenade de santé, faut être sacrément costaud pour affronter les éléments, d'autant qu'ils ne sont pas tous naturels.
Un tatouage en forme de scorpion, une croix orthodoxe, un sourire figé, il avait un joli nom le guide, Natha… et bien non, c'est Goran. C'est moins poétique, on sent la puissance et même la violence (contenue), dur au boulot, quand on bosse faut avoir la niaque, mais il est serbe, cruel dilemme !
Vous avez compris, ça va mal finir, peu de moments pour s'amuser.
Y a un bal quand ? Pas prévu, dans les montagnes ça vous gagne.
Quoi donc ? L'angoisse, le passé qui ressurgit, la mort rôde, y a des remous, ça s'en va et ça revient, mais ce n'est pas fait de tous petits riens.

Il y aura une deuxième partie, dans les Causses, avec de l'escalade près d'une maison familiale, mais il manque un protagoniste, la Tara a gardé le corps, l'esprit plane parmi les vautours, le loup n'est pas celui qu'on croit, la famille se disloque, ça part jusque dans un fjord norvégien, une dernière envolée.

C'est le fils qui raconte l'histoire. Jusqu'au bout ? Non, je ne vais rien divulgacher, sachez juste que sa faiblesse et sa naïveté vont être mises à rude épreuve.
Il s'appelle Tom et il a quinze ans. Contrairement au Slimane de la deuxième génération, il a tout à gagner, tout à perdre, surtout la vie, il n'aime pas tout ce qui fait peur, la douleur et la nuit.
Quand t'es témoin de choses qui te dépassent, t'es moins que rien, tu ne sais plus à quoi te raccrocher.
Il a rafté, doit-il cafter ? Toute vérité est-elle bonne à dire ?

L'écrivain fait allusion à « Délivrance », de James Dickey.
Mais qu'est-ce qui permet d'être délivré ? La vie ou la mort ? Survivre ou mourir ? Je vous le disais au début, le bien et le mal, deux principes opposés mais complémentaires. Une dualité antagoniste qui doit être surmontée, mais à quel prix ? Changer d'horizon, toujours partir, toujours, mais jusqu'où ?
L'itinérance est vulnérable, le destin n'est pas tracé.

L'écriture est simple, fluide, avec des phrases courtes qui n'empêchent pas des descriptions, de la nature et des personnages, pleines de justesse et de sincérité. Oppression et émotion s'entremêlent, le courant passe, le suspense est distillé par petites touches, une histoire « tara »biscotée qui nous entraîne jusqu'à l'insomnie, vers les démons de minuit. On en sort épuisé, comme après une poursuite endiablée.
Un roman noir, mais lumineux, comme un ciel étoilé baigné de nuages.
En attendant l'orage.




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