Bogotá, années 2010. le narrateur (double de l'auteur?), professeur de philologie, vient de décrocher un prix littéraire qui lui permet d'acheter la maison qui le fascine depuis son enfance.
Il s'y installe avec sa tante, qui l'a élevé depuis ses six ans, âge auquel il a perdu ses parents dans l'incendie de leur maison.
Le narrateur nous fait visiter cette belle et grande demeure, au rythme d'une pièce par chapitre. C'est l'occasion pour lui de décrire chaque partie de la maison, son aménagement, son environnement, mais c'est surtout le prétexte pour évoquer ses propres souvenirs, sa vie et celle de sa tante. Aujourd'hui âgée et de santé fragile, elle était naguère avocate en droit international, régulièrement en mission à travers le monde pour le compte de l'ONU, et emmenant son neveu avec elle dans la plupart de ses périples. Très cultivée, de gauche, proche des FARC dans sa jeunesse, elle lui a transmis son goût pour la culture, tout en faisant de lui un être sans attaches réelles, un déraciné permanent, malgré quelques retours épisodiques en Colombie.
La visite guidée de la maison et de la mémoire du narrateur permet aussi de parler de Bogotá, de ses quartiers violents et misérables, de ses bas-fonds où on est prêt à tout pour une dose de drogue et où on se divertit de spectacles érotiques totalement nauséeux.
Avec l'acquisition de la maison, le narrateur assouvit son besoin de retourner à sa terre natale, de se fixer enfin quelque part après tant d'errances autour du monde, de trouver un lieu auquel appartenir. On aurait pu en rester là, mais cela aurait été trop banal et trop simple, la métaphore trop évidente. le twist final, inattendu, bouleverse cette prévisibilité, épaissit et complexifie la psychologie du narrateur, en éclairant rétrospectivement toute son histoire d'une lumière beaucoup plus trouble et fascinante.
Heureusement que cette fin secoue un peu le roman et lui rend un peu de piquant à rebours, parce que j'ai eu du mal à m'intéresser à ce personnage et à son histoire. La structure du roman fait que le récit n'est pas linéaire, ce qui m'a donné une impression d'éparpillement. La vie du narrateur, malgré les anecdotes et les mésaventures, ne m'a pas captivée, et je n'ai éprouvé aucune sympathie pour cet être un peu marginal, aux expériences sexuelles limitées et toujours tarifées ou superficielles, qui place sa tante sur un piédestal. En somme, un type solitaire, ennuyeux, lucide, voyeur épisodique attiré par le sordide, doté d'un brin de complexe de supériorité, un homme qu'en exagérant un peu on pourrait peut-être qualifier de sociopathe.
Pour rattraper tout cela, il reste heureusement le portrait âpre de Bogotá, et le rôle des livres et de la littérature : « Se voir, regarder sa propre vie depuis la fenêtre d'en face : c'est peut-être à cela que servent les livres, à cela que sert l'art. Pour nous regarder depuis un endroit éloigné ».
En partenariat avec les Editions Métailié.
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