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Etrange, gothique, magique, inquiétant, envoûtant, fascinant, certes. Cela ne dit pas toute la déroute de l'expérience de lecture. L'infiniment petit, la terre, les larves, l'araignée (Nancy), les racines, la vie grouillante et terrifiante devient langage, l'enfant, le fils, s'adresse à son père enterré dans le jardin. Il décrit le délabrement progressif d'un lieu, d'une famille, du monde entier et pourtant clos qui fut le sien. Ce qui pourrait être désespéré dégage pourtant une force de vie incroyable, par la langue, par ce qu'elle ouvre de perspectives, par la liberté qu'elle laisse au lecteur -qui choisira de faire l'effort d'inventer du sens ou se laissera porter par une poétique sombre mais jamais trash.
Je n'affectionne pas particulièrement les petites bêtes (même si je ne peux plus tuer une araignée depuis la lecture de «L'autobiographie d'un poulpe » de Vinciane Despret), mais n'ai pas frissonné ni grimacé.
Emue par la terre d'enfance. L'enfant s'accroche à ce qui continue à se débattre pour vivre lorsque tout meurt, le vivant reste arrimé à son quotidien. Ce qui devrait horrifier fascine. le texte ne s'offre pas, il est une jungle dans laquelle le lecteur doit choisir. C'est ce qui le rend puissant.

Les constats de l'enfant :
« Tout père abrite un dieu et considère ses enfants comme des figurines d'argile toujours inachevées qu'il cherche sans cesse à recréer à son image pour finir par les condamner : il les accable de fléaux et de déluges, les maudit, puis leur pardonne sa propre vanité.»

« La peur ne se tait jamais. Quand on est effrayé, on doit la garder au fond de soi sans jamais la montrer à autrui. »

ses questionnements,
« Qu'aimiez-vous le plus père ? de quoi aviez-vous peur quand vous étiez petit ? Aviez-vous déjà été un enfant ? Qui étiez-vous ? »

« Que devient la cire de la bougie qui s'éteint ?
Où va-t-elle ?
Elle se change en cauchemar nocturne.
Un cauchemar pareil à un fin brouillard qui pénètre dans les oreilles. »

sont des ornements gothiques médiévaux, ils éclairent les grouillements d'insectes et repoussent tout sentiment de dégoût.

Et il y a, pour me combler, cette chanson de Julio Jaramillo "Los Versos Para Mi Madre, que l'enfant chante à sa mère… (cadeau en commentaire).
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Derrière cette grave et éloquente couverture se cache une délicieuse et improbable rencontre d'univers.
C'est un peu comme un alliage entre "Les saisons" de Maurice Pons et un inquiétant tableau familial à la Shirley Jackson sur fond d'imaginaire latino-américain torturé, aussi furieusement bigot que franchement païen. Ah et avec moults fleurs, plantes et insectes !

Que c'est beau, que c'est âpre, que ça grouille, fermente et dégouline !

La vivacité des corps végétaux et insectoïdes face à la putréfaction humaine en suspens, incarné par ces deux horribles et malsains personnages débarquant un jour dans la maison du narrateur. Sortes d'Attilas involontaires qui empêchent l'herbe de repousser. Qui font pourrir les environs et mourir les récoltes.

Lucas nous raconte l'histoire de sa famille, l'histoire d'une bascule dans un tourbillon à l'issue funeste. Mortepeau, vous avez dit ?

L'écriture est incroyable, incandescente et les images foisonnantes. Cet enfant narrateur - mais quel âge a-t-il ? - qui croque son père avec dégoût et révérence mêlés est doté d'un verbe sans pareil. La sagesse des cigales et les murmures des arthropodes lui sont accessibles et il nous en fait part, pour notre plus grande terreur.

Natalia Garcia Freire signe une oeuvre magistrale, une étreinte horrifique et inquiétante, pleine d'ombres magnifiées par une langue à la poésie débordante. Un roman séquencé en courts chapitres, comme autant de sauts temporels incessants.
La traduction d'Isabelle Gugnon est un délice amer, à la hauteur du défi lancé à la face du lectorat par l'autrice équatorienne, dont on ne peut qu'attendre la prochaine oeuvre avec une fébrile et coupable impatience.
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Un roman parfait pour la période d'Halloween lorsqu'on cherche un récit intimiste, servi par une belle écriture et un exercice de style particulier. Les romans issus du réalisme magique me surprendront toujours. Ils ont cette faculté à me dérouter que ce soit par l'imagination ou par la compréhension du texte. J'en sors toujours dans un état indescriptible. Ce fut le cas avec cette courte histoire sur le deuil, avec un curieux parallèle entre les corps pourrissants et la maison de famille. Un roman sur la terre, et ce qui remue dessous, je ne suis pas prêt de l'oublier ! Captivant.
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Que voilà un beau texte à mi chemin entre un roman gothique et un livre d'horreur. J'y ai retrouvé l'univers onirique qui me plaisait tellement dans les textes de Garcia Marquez, sa cruauté aussi parfois.
Dans une famille en Amérique du Sud, deux hommes arrivent (Felisberto et Eloy ) et ils vont apporter la mort, la mort de la connaissance, la victoire de la religion déjà bien implantée dans le village et cette grande maison qui fut glorieuse. Ils vont apparaître comme des sauveurs pour le propriétaire de la maison, le père du narrateur : ils vont l'aider dans le domaine de l'agriculture, mais ils vont insidieusement, éliminer Josefina, la mère de celui qui raconte l'histoire, Lucas, celle qui s'intéresse à la biologie, la zoologie, celle qui connaît des choses même si son esprit est parfois comme en friche dans le monde réel.
Autour de Lucas, revenu dans la grande maison après la mort du père, il y a aussi les serviteurs : Noah, Sarai, Esther, le professeur Erlano ... Il y a aussi la puissance du jardin, de la végétation qui s'est développée de façon anarchique attendant son heure, il y a les insectes, auxquels est profondément lié Lucas.
Un texte superbe, étrange, où les insectes, vers de terre, sont au premier plan. Ils composent la toile d'araignée dans laquelle vont se perdre celui qui vient demander des comptes.
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Dans ce roman équatorien, il faut croire aux forces de l'esprit, celles qui habitent avec les vivants et rappellent l'importance du passé, du vécu commun. Lucas décide de dialoguer enfin avec son père, mort et enterré, pour retracer l'histoire familiale. Menée à la première personne, cette introspection est un chemin étrange, entre rêves et mémoires réinvestis. À côté de Lucas, narrateur fébrile, nous découvrons les chocs de son enfance, le basculement émotionnel et la manière dont tout l'équilibre connu s'effondre. En plaçant cette histoire sous le prisme du conte, Natalia Garcia Freire aborde toutes les douleurs et les peurs de son protagoniste. À chaque instant, cet être nous semble flou, perdu entre l'enfance et l'âge adulte. Son histoire est importante et marquante, mais ce n'est qu'un enchaînement de coups au coeur et au corps. Lucas révèle peu de choses de son ressenti, nous sommes loin d'un roman psychologique. C'est par ses peurs, son observation du corps et des maux grouillants autour de lui. Les êtres humains perdent peu à peu leur place au profit de Dieu, de l'abstrait, des insectes. Leur peau meurt.
Dès les premières lignes, l'autrice nous annonce un voyage au-delà du Temps et de la Vie. Lucas est étouffé par cette envie de plonger dans les entrailles de son père, de sa famille et de comprendre le Mal qui a rongé sa famille. L'autrice déploie un univers qui maltraite les corps, jalonné d'images fortes, dans lequel son narrateur tente de trouver la clé. le passé le poursuit encore alors il décide de l'affronter et ce dialogue continue entre le fils et son père, entre le vivant et le mort, est une recherche de libération personnelle, de dépasser les ombres du passé.
Lien : https://tourneurdepages.word..
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C'est un roman original que ce "Mortepeau" de Natalia Garcia Freire : déjà une jeune auteure d'Equateur ce n'est pas très courant ; ensuite une couverture que je trouve pour ma part magnifique et énigmatique (et je ne vous parle même pas du titre !) ; et enfin une intrigue singulière, qui nous amène dans la campagne sud-américaine à une époque indéfinie...
Le jeune Lucas rode autour de la maison paternelle. Cette dernière est occupée par deux hommes en noir, entourés des anciennes servantes qui auparavant s'occupait de lui. Lucas raconte ce qu'il voit à son père, ainsi que ses souvenirs. le seul problème c'est que papa est enterré dans le jardin...
C'est un roman gothique, où la mort, les non-dits, la noirceur sont archi-présents. C'est également un roman organique, grouillant d'insectes et de plantes vénéneuses, dans lesquels se complait le jeune garçon qui y trouve refuge. Singulier que je vous avais dit !
Bref, à découvrir.
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Un roman singulier, noir, organique, empli de créatures monstrueuses et de cauchemars. Si l'histoire est très particulière, brutale et malsaine, une sorte de monologue intérieur trouble, c'est pour moi la plume qui fait le coeur de Mortepeau. L'intrigue n'est pas pleinement satisfaisante ou résolue, mais elle est contée d'une manière ensorcelante. On reste pour l'ambiance. de fait, ce court roman mérite une lecture lente et attentive, tant il tisse des métaphores poétiques et originales.

Par contre, si vous avez la phobie des insectes, passez votre chemin.
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Une très belle surprise que ce récit qui peut effrayer certaines personnes car on y parle de bêtes rampantes et d'araignée. Mais c'est surtout l'histoire d'un fils dépossédée de sa maison, de ses parents et de ses deux soeurs après que deux hommes mystérieux soient venus se présenter il y a quelques mois à leur porte. Un récit gothique original et vraiment rafraîchissant.
Lien : http://www.lanuitjemens.com/..
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Quand la prise de conscience intuitive confine aux domaines terrifiants, mais édifiants de la folie
Quand les questions les plus intimes d'être, d'exister se heurtent aux réalités triviales de tous les jours
Peut être se poser la question finalement d'avoir en ses mains, même liées, les possibilités de reconstruire rebâtir...sans faiblir face aux réalités avilissantes qui veulent s'imposer.
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Quand j'étais en fac d'Anglais, j'ai suivi un cours sur le roman gothique. Depuis, ce genre littéraire occupe une place toute particulière dans mon coeur de lectrice et je me délecte avec joie et avidité des romans contemporains qui en reprennent les codes. C'est donc avec un plaisir non feint que je me suis plongée fin août dans le récit de Natalia García Freire, un roman à la fois hypnotisant et terrifiant qui nous conte la décadence d'une famille.

Dans ce très court récit (160 pages), Lucas – le narrateur – s'adresse à son père, enterré à la va vite dans le jardin de la demeure familiale, et lui rappelle les événements qui sont à l'origine de son décès, mais également de la perte de tout le faste que la famille eut un jour connu. Il lui conte ce jardin autrefois luxuriant, dans lequel son corps repose désormais. Cet éden de verdure dont il ne reste aujourd'hui que des mauvaises herbes, mais qui fut jadis la grande fierté de l'épouse du défunt, Josephina. Pourtant, tout est arrivé si vite. Un soir, deux hommes s'invitent dans la demeure, pour rapidement en prendre possession, insidieusement.

Le père, en bon chrétien, accueille bras ouverts ces deux êtres sales et monstrueux. En quelques mois, les deux rustres ont précipité la famille à leur perte. Petit à petit, le poison se répand. La mère d'abord, qu'on évince parce que femme, parce que passionnée de botanique, à tel point qu'elle en devient impie. Puis le père, qui finit par choisir la mort, peut-être trop honteux d'avoir ainsi mené sa famille à sa propre perte.

Lucas, lui, est passionné d'entomologie. Alors, il scrute, il admire, il imagine, avec une fascination presque malsaine, les insectes qui peuplent cette terre qui l'entoure, qui s'incrustent auprès des défunts. Il rêve de ceux qui, d'une morsure, pourraient mettre fin au règne de ces deux colons, ces deux nuisibles. La terre se fait le miroir de l'âme de Lucas, peuplée d'âmes aussi fascinantes qu'effrayantes.

Et à mesure que les deux hommes prennent leur marque au sein de la demeure, la luxuriance du jardin se fade. Fleurs et plantes meurent. Alors Lucas crie à l'injustice, à la domination masculine, au dogme de la religion. Il lance un cri d'amour et de dédain à ce père qui n'aura rien su voir, ou rien voulu voir.

« Il y a quelque chose de pourri dans le royaume… » mais il est déjà trop tard.

Les codes du roman gothique sont présents, parfois bien cachés et mêlés à une atmosphère bien particulière qui révèle une auteure au style empreint d'une poésie macabre aussi dérangeante que délicieuse.
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