Bonjour à tous,
Aujourd'hui chronique de «
Chien blanc » de
Romain Gary. Une critique serait bien compliquée à rédiger étant donner que l'auteur se livre lui-même à une critique de la société et une vraie auto-critique à la fois. Pour une chronique complète, il faudrait autant de pages qu'en comporte le livre tant celui-ci est riche en thèmes et réflexions… Non, chroniquer
Romain Gary, en particulier dans cet ouvrage, ce n'est pas de tout repos… le contenu est d'une richesse rare et d'une complexité assez élevée, équilibrée heureusement par la clarté de son propos.
Alors voilà, le récit se déroule vers la fin des années soixante, en Amérique où l'auteur est installé avec
Jean Seberg. On traverse donc l'époque de l'apogée des grands mouvements noirs américains déchaînés à l'époque, l'assassinat de Luther King et ses conséquences, les derniers mois de Bob Kennedy, et même Paris en mai soixante-huit. L'histoire, entre auto-biographie et fable, débute par l'adoption d'un chien qui se révèle dressé pour attaquer les noirs. Gary résiste à ceux qui lui conseillent de le faire piquer et le confie à un dresseur d'animaux, musulman extrémiste noir pour le « reconditionner ». Cela va aller au-delà de ses espérances, mais ça, vous le découvrirez vous-même. A travers ce chien, c'est bien sûr l'humanité qu'il essaie de sauver. Pour lui, son fils, enfant, ne sais pas ce qu'est un noir. Lorsqu'il croise un autre enfant de couleur, c'est juste un autre enfant, point. « Il n'a pas encore été dressé ». Gary non plus n'a pas encore été dressé, et refuse de l'être, se mettant lui-même « une laisse » quand la situation pourrait le faire sortir de ses gonds et le faire devenir « comme les autres ». Son roman et bourré d'humour, cynique bien entendu, et il nous raconte avec force détails les associations extrémistes noires, gangrenées par la soif de pouvoir, l'argent et la corruption, lorsque ce ne sont pas directement le FBI ou la CIA qui sont derrière. Il nous raconte aussi les efforts financiers des riches américains, stars déjà bobos, qui s'achètent une conscience en finançant ces associations sous le regard moqueur de leurs chefs. Bref, finalement c'est la bêtise, le thème central. Lui ne tombe pas là-dedans, il désire juste qu'un noir soit un homme parmi les hommes, et pas une affirmation d'une couleur ou un prétexte pour ces gangs ou ces bobos. D'ailleurs, Gary déteste les groupes, les ligues et autres rassemblement de toute sorte et ressent immédiatement à leur contact un besoin impérieux de retrouver sa solitude. D'être avec lui même. Entre parenthèses, « Le pluriel » de Brassens prend tout sens sens ici ! Aucun manichéisme dans ce roman, et c'est ce qui fait sa richesse. Une remise en question permanente mais pas n'importe comment. Un « reset » de temps en temps lorsque la coupe est trop pleine. « Mourir pour des idées » (encore Brassens), ce n'est pas dans ses idées, justement. Non «
chien blanc » ne redeviendra pas un « humain », pas plus que les hommes qui les entourent, et ce sont plutôt les innocents (les chats de Gary en l'occurrence) qui paieront les pots cassés et ce «
chien blanc » plus humain que ses bourreaux. Non, l'humanité ne sera pas sauvée, mais il n'y aura jamais de place pour la résignation chez Gary, et c'est en ça que ce roman tragique est en fait plein d'optimisme. C'est l'ultime contradiction relevée par
Romain Gary parmi toutes celles qu'il affiche dans son roman.
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