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4,1

sur 1042 notes
Bonjour à tous,
Aujourd'hui chronique de « Chien blanc » de Romain Gary. Une critique serait bien compliquée à rédiger étant donner que l'auteur se livre lui-même à une critique de la société et une vraie auto-critique à la fois. Pour une chronique complète, il faudrait autant de pages qu'en comporte le livre tant celui-ci est riche en thèmes et réflexions… Non, chroniquer Romain Gary, en particulier dans cet ouvrage, ce n'est pas de tout repos… le contenu est d'une richesse rare et d'une complexité assez élevée, équilibrée heureusement par la clarté de son propos.
Alors voilà, le récit se déroule vers la fin des années soixante, en Amérique où l'auteur est installé avec Jean Seberg. On traverse donc l'époque de l'apogée des grands mouvements noirs américains déchaînés à l'époque, l'assassinat de Luther King et ses conséquences, les derniers mois de Bob Kennedy, et même Paris en mai soixante-huit. L'histoire, entre auto-biographie et fable, débute par l'adoption d'un chien qui se révèle dressé pour attaquer les noirs. Gary résiste à ceux qui lui conseillent de le faire piquer et le confie à un dresseur d'animaux, musulman extrémiste noir pour le « reconditionner ». Cela va aller au-delà de ses espérances, mais ça, vous le découvrirez vous-même. A travers ce chien, c'est bien sûr l'humanité qu'il essaie de sauver. Pour lui, son fils, enfant, ne sais pas ce qu'est un noir. Lorsqu'il croise un autre enfant de couleur, c'est juste un autre enfant, point. « Il n'a pas encore été dressé ». Gary non plus n'a pas encore été dressé, et refuse de l'être, se mettant lui-même « une laisse » quand la situation pourrait le faire sortir de ses gonds et le faire devenir « comme les autres ». Son roman et bourré d'humour, cynique bien entendu, et il nous raconte avec force détails les associations extrémistes noires, gangrenées par la soif de pouvoir, l'argent et la corruption, lorsque ce ne sont pas directement le FBI ou la CIA qui sont derrière. Il nous raconte aussi les efforts financiers des riches américains, stars déjà bobos, qui s'achètent une conscience en finançant ces associations sous le regard moqueur de leurs chefs. Bref, finalement c'est la bêtise, le thème central. Lui ne tombe pas là-dedans, il désire juste qu'un noir soit un homme parmi les hommes, et pas une affirmation d'une couleur ou un prétexte pour ces gangs ou ces bobos. D'ailleurs, Gary déteste les groupes, les ligues et autres rassemblement de toute sorte et ressent immédiatement à leur contact un besoin impérieux de retrouver sa solitude. D'être avec lui même. Entre parenthèses, « Le pluriel » de Brassens prend tout sens sens ici ! Aucun manichéisme dans ce roman, et c'est ce qui fait sa richesse. Une remise en question permanente mais pas n'importe comment. Un « reset » de temps en temps lorsque la coupe est trop pleine. « Mourir pour des idées » (encore Brassens), ce n'est pas dans ses idées, justement. Non « chien blanc » ne redeviendra pas un « humain », pas plus que les hommes qui les entourent, et ce sont plutôt les innocents (les chats de Gary en l'occurrence) qui paieront les pots cassés et ce « chien blanc » plus humain que ses bourreaux. Non, l'humanité ne sera pas sauvée, mais il n'y aura jamais de place pour la résignation chez Gary, et c'est en ça que ce roman tragique est en fait plein d'optimisme. C'est l'ultime contradiction relevée par Romain Gary parmi toutes celles qu'il affiche dans son roman.
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C'est un grand doberman au poil gris, l'oeil doux et la truffe affectueuse, une bonne nature toujours prête à faire des papouilles aux plus parfaits inconnus. En bref, le pire des chiens de garde. Romain Gary le découvre un matin sur le seuil de sa porte et l'adopte aussitôt. Il le surnomme Batka, « petit père » en russe. Bonheur idyllique. Tout le monde adore Batka. Batka adore tout le monde. Enfin, peut-être pas tout le monde… Quelques semaines après son adoption, Batka se jette sans prévenir à la tête d'un coursier et manque de l'égorger. Un peu plus tard, même scénario avec un pauvre passant. Les deux hommes ont un point commun : ils sont noirs. Eh oui, Batka, l'adorable, le brave, l'affectueux Batka, est un « chien blanc », un animal dressé par des hommes blancs pour chasser les hommes noirs ! Gary est au désespoir mais refuse d'abattre l'animal comme le lui conseille ses amis. Pour lui, Batka peut être sauvé, il suffit de lui trouver un dompteur assez habile et dévoué pour soigner le caractère vicié du chien. Cet homme, Romain Gary pense l'avoir trouvé en Keith, un soigneur noir travaillant au zoo d'un ami qui accepte de prendre en charge Batka. Mais la haine est un mal contagieux et Keith a sa petite idée, une idée sacrément vicieuse et revancharde qu'il dissimule sous ses airs de bon père tranquille.

Tout le monde le sait, Romain Gary est un idéaliste et d'un chien, il fait un symbole. En sauvant Batka, c'est l'humanité qu'il souhaiterait sauver. Car la pitié et l'empathie ne doivent pas s'arrêter aux choses dites « importantes ». Risible diront les uns et ils sont beaucoup. Splendide diront les autres et ils sont dramatiquement peu. Nous sommes en 1968 et Martin Luther vient d'être assassiné, point d'orgue de la vague de haine raciale qui balaie les Etats-Unis. Et la haine n'est pas quelque chose qui fonctionne à sens unique, Romain Gary en voit les marques autant chez ses amis militants noirs que dans la société blanche bien-pensante. Que peut ressentir un homme intelligent face à ce double déferlement, si ce n'est un profond sentiment d'impuissance ? Et quand Romain Gary se sent impuissant, quand il peine à comprendre ses semblables, quand il est accablé par leur stupidité, il se tourne vers son seul échappatoire : il écrit un livre. « Chien blanc » est le cri de colère et d'angoisse d'un homme brillant et sensible face à l'indécrottable connerie de son prochain. C'est aussi un grand livre d'un grand auteur dont je n'ai clairement pas assez exploré l'oeuvre.
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Un récit autobiographique terrible sur le racisme au moment de l'assassinat de Martin Luther King. Comme toujours, le regard lucide de Romain Gary fait mouche. Toutefois, cet écrivain bien qu'habité par la colère ne se dépare pas de sa foi en l'homme. Récit très poignant
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Cela fait pratiquement un mois que j'ai terminé "Chien blanc". Il m'a tellement éblouie qu'il m'a été difficile d'expliquer pourquoi.

Un soir d'orage, Romain Gary recueille un chien qui semble errant et s'attache rapidement à lui. Il ne tarde pas à s'apercevoir que c'est un "chien blanc", dressé pour attaquer les Noirs. Refusant de "les" laisser gagner, il demande à un dresseur de "réparer" son chien.

Parallèlement à ses visites au chenil et aux avancées du dresseur, il mène une réflexion sur le racisme, la société américaine et l'activisme.

J'ai aimé que d'une anecdote personnelle l'auteur parvienne à écrire un roman d'une telle force qu'il témoigne d'une époque (1968, les évènements ayant suivi l'assassinat de Martin Luther King aux Etats Unis et le mouvement étudiant en France) tout en restant terriblement d'actualité.
C'est à ceci que l'on reconnaît une grande oeuvre.

Il nous raconte aussi son quotidien avec beaucoup d'humour et de recul. Son amour pour ses animaux, sa vie avec Jean Seberg (très engagée pour les droits civiques mais jugée sur la base de sa célébrité, sa couleur et son sexe).
Romain Gary observe ses contemporains avec une acuité impressionnante. Aucune des petites compromissions ne lui échappent, y compris les siennes.

Ce texte est d'une intelligence rare. Non seulement le propos est toujours pertinent aujourd'hui, mais le style est renversant.
Un bonheur de lecture !
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Quand Romain Gary et Jean Seberg vivaient aux États-Unis, ils recueillirent un berger allemand qu'il appelèrent Batka, c'était un "chien blanc", un animal dressé pour attaquer les personnes de couleur. Romain Gary décide alors de confier Batka à Keys, un dresseur noir chargé de rééduquer l'animal.

Il n'en fallait pas plus pour que le grand écrivain décide d'écrire un roman sur les Noirs et le racisme en nous livrant ses réflexions sur le sort des minorités dans différents pays.

"J'ai déjà fait de la littérature avec la guerre, avec l'occupation, avec ma mère, avec la liberté de l'Afrique, avec la bombe, je refuse absolument de faire de la littérature avec les Noirs américains. Mais tu sais bien ce que c'est : quand je me heurte à quelque chose que je ne puis changer, que je ne peux résoudre, que je ne peux redresser, je l'élimine. Je l'évacue dans un livre."

Il faut dire que le roman autobiographique, cela le connaît le Romain, et que forcément à l'arrivée cela fera un bon roman qui sans atteindre la qualité de @La vie devant soi ou de @la promesse de l'aube restera un bon moment de lecture. On retrouve toute la verve de Gary, son cynisme, son ironie si présente dans son oeuvre.Même si peut-être le fait qu'il ne met en scène que des personnages célèbres l'oblige sans doute à modérer le côté romanesque de ses personnages que j'avais tant aimés dans @les cerfs-volants.

Sur fond des grandes émeutes qui frappèrent les USA, de l'assassinat de Martin Luther King ou de la révolution de mai 1968 à Paris, Romain Gary règle ses comptes (avec beaucoup d'humour) avec les racistes de toutes les couleurs, les blancs bien pensants affichant ouvertement leur charité en public, et les noirs dont les luttes intestines rendent parfois caducs tous les efforts consentis pour la conquête de l'égalité des droits. Il ne s'oublie pas non plus dans l'autodérision et nous livre quelques scènes à mourir de rire quand il endosse son costume de provocateur.

Et puisque le roman avait commencé avec Batka et il était normal de le conclure, de manière magistrale, avec Batka. Mission réussie Mr Gary !


Challenge multi-défis
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1968, Beverly Hills, Etats-Unis : Romain Gary et sa femme, Jean Seberg, recueillent par une nuit d'orage un berger allemand . Un animal de plus dans la maison, ce n'est pas pour déplaire à Gary, d'autant que le chien, qu'il baptise Batka ( petit père, en russe) se montre particulièrement affectueux ....mais avec les Blancs seulement , découvre t-il effaré de le voir rugir « l'écume à la gueule, dans un paroxysme de haine » quand des employés Noirs se présentent au portail.
Batka est donc ce qu'on appelle un « chien blanc », dressé pour attaquer les Noirs « Jadis, on les dressait pour attaquer les esclaves évadés. Maintenant, c'est contre les manifestants ». Peut-on « déconditionner » un animal déformé par des années de dressage ? Gary veut le croire et confie son chien à un employé noir d'un zoo qui accepte de relever le défi.

Quelques semaines plus tard, le 4 avril 1968, Martin Luther King est assassiné par un ségrégationniste blanc et de violentes émeutes éclatent à Washington et Baltimore notamment. Alors que sa femme milite activement auprès de la NAACP (association nationale pour la promotion des gens de couleurs) , mettant son nom et son argent pour la cause, Gary, désabusé et un brin cynique, préfère s'eloigner et faire ce qu'il fait de mieux , écrire : « Quand je me heurte à quelque chose que je ne puis changer [...], je l'élimine. Je l'évacue dans un livre »

Et cette fois ça donne ce livre foisonnant dans lequel l'auteur dresse un portrait de l'Amérique des années soixante où tout le monde en prend pour son grade : les racistes , blancs ou noirs, les juifs, les hypocrites qui s'achètent une conscience en se faisant mousser ( la collecte de fonds dans le milieu du cinéma est assez vachard !), les politiques, la « société de provocation » qui pousse à la consommation et à la possession, les médias « qui vivent de climats dramatiques qu'ils intensifient et exploitent »...

Et si, au fond, se demande Gary, le problème n'était pas simplement la bêtise humaine ?
« Je suis en train de me rendre compte que le problème noir aux États-Unis pose une question qui le rend pratiquement insoluble : celui de la Bêtise. Il a ses racines dans la plus grande puissance spirituelle de tous les temps, qui est la Connerie. » A méditer !

Chien blanc est une critique acerbe de nos sociétés mais aussi un plaidoyer humaniste de celui qui dit continuer à traîner en lui ses illusions intactes , « physiologiquement incapable » de « désespérer une fois pour toutes » . Et bien sûr, c'est superbement écrit, comme toujours avec Romain Gary.
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Encore un ouvrage de Romain Gary qui ne ressemble pas aux autres. Et donc, une belle surprise de lecture !
Chien Blanc décrit une période de sa vie maritale avec Jean Seberg qui tourne un film à Beverly Hills, en Février 1968. La rencontre avec un chien errant, qu'il accueille et nomme Batka, lui fait découvrir un sombre aspect de la société américaine. Il découvre l'existence des chiens blancs, "les toutous spécialement dressés pour aider la police contre les Noirs. Un dressage tout ce qu'il y a de plus soigné" (p.22). Romain Gary accède alors plus directement à la violence aux états unis, aux relations compliquées entre les blancs et les "nègres" (sans doute terme de cette époque), à la guerre du Viet Nam, le meurtre de Martin Luther King, à sa société de consommation (versus "de provocation" pour lui), etc... Romain Gary donne une vision sociologique et personnelle de cette époque américaine. Une lecture fabuleuse, qui laisse entendre, d'une manière plus claire que les autres livres que j'ai lus de lui, une désillusion par rapport aux hommes, à la politique...
Je ne peux résister à l'envie de citer cette phrase, qui donne à entendre la tonalité d'écriture de Romain Garey dans cet ouvrage :
"Une minorité de Noirs essaie de libérer les Blancs de l'esclavage, et ce n'est pas facile de faire sauter des étaux qui encerclent les cerveaux depuis deux siècles." (p. 72)
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Bonjour à tous,

Même si je n'ai pas tout assimilé, même si je ne suis pas d'accord avec tout ce qui y est écrit, c'est un sacré bouquin !!

Mr Gary nous expose beaucoup de réflexions sur le racisme et la bêtise associée quelle que soit la couleur de notre peau, mais aussi sur la société des années 60. Pour autant, c'est toujours d'actualité (j'ai adoré le concept de société de provocation). Et en plus, c'est écrit avec ce superbe humour et cette mordante ironie qui sont des marques de fabrique de l'auteur.

Un vrai beau livre sur la Connerie Humaine.

Merci Mr Gary et bonne lecture à tous
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L'auteur, marié à Jean Seberg poursuit sa vie d'écrivain après avoir mis fin à sa fonction de diplomate (Consul général de France à Los Angelès de 1956 à 1960) et accompagne son épouse, fréquemment en tournage aux Etats-Unis dans les années 1960 à 1970. Dans ce roman, il nous décrit la discrimination dont sont victimes les populations noires et nous livre ce qu'il en pense, parce qu'elle s'invite dans son foyer plus qu'il ne le souhaiterait avec l'implication importante de jean à leur cause. Pour cela, il met en scène un chien (Batka) qui a été dressé pour développer une grande agressivité vis a vis des noirs et qu'il confie à Keys pour rectifier le tir. le souhait de voir sauver son chien est bien sûr une projection de ce qu'il voudrait pour l'évolution de la mentalité du citoyen américain dans cette période troublée qui voit l'assassinat du pasteur Martin Luther King en 1968. La fin qu'il nous propose laisse un goût amer, un espoir déçu, un sentiment d'impuissance, on sent qu'il est mal dans sa peau, malgré les nombreux voyages qu'il effectue pour changer d'air.
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Chien blanc n'aime pas les noirs. Il a été élevé pour ça. Gary n'aime pas les blancs qui n'aiment pas les noirs. Il n'aime pas non plus les noirs qui n'aiment pas les blancs, ni les blancs qui aiment trop les noirs pour pouvoir s'aimer un peu plus (ou ne pas se détester). Il aime Jean Seberg, une jeune actrice blonde portée sur la chose (même si cela est tu) et soutenant la cause (des noirs).

Gary écrit donc un livre sur les noirs (américains).

Tout blanc Et juif Et riche Et gaulliste ET franco-russe qu'il est.

En fait, Gary écrit un livre sur les noirs pour parler des blancs. Donc de lui.

Je me sens moins seul. J'ai l'impression que je n'aurais pas besoin de boire une bouteille de gin la prochaine fois que j'essayerai de passer une soirée festive avec des gens de ma classe sociale. J'ai l'impression que je comprends un peu mieux pourquoi je déteste la bienpensance, les préjugés, les allusions maladroites et involontaires de tous ces gens. En fait, ces gens, c'est un peu moi et la bêtise reste ce qui nous rassemble devant l'Éternel.

Vendredi soir, j'ai été au cinéma voir The Greenbook. C'est l'histoire d'un pianiste noir et de son chauffeur, un videur de boîte de nuit italien vivant dans le Bronx. Comme à chaque fois qu'un film américain dit que le racisme c'est mal mais que noirs et blancs peuvent quand même fraterniser, les golden globes (et bientôt les Oscars) le nomment dans à peu près toutes les catégories. C'est terrifiant. le film est très positif et j'ai passé un agréable moment mais un grand désarroi m'est tombé dessus en sortant de la salle de projection. Évidemment, tous les gens dans la salle étaient blancs mais cela n'était en rien la cause de mon malaise. J'ai du me rendre à l'évidence. 50 ans après 1968, les blancs ne sont toujours pas guéris de plusieurs siècles d'esclavage et il y a pire : je vais devoir expliquer à tous les gens de ma classe sociale et de ma race pourquoi ce film là est une petite imposture bienveillante.

Ramenez moi une bouteille de gin.
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