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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Lady L., toujours aussi belle, fête ses quatre-vingts ans, entourée de ses petits enfants et arrières petits enfants sous le regard énamouré de son cavalier servant et souffre-douleur : Sir Percy-Rodiner, Poète-Lauréat de la Cour d'Angleterre depuis vingt ans.

Toute sa famille se presse autour d'elle. Installer dans un fauteuil, une main posée sur le pommeau de sa canne, son petit fils Roland, titulaire d'un ministère sans importance, à sa droite, Anthony, bientôt évêque, à sa gauche, Richard, lieutenant-colonel du régiment de la Reine et James, directeur de la Banque d'Angleterre à l'arrière. Dès le lendemain, la photo sera en première page du Tatler ou de l'Illustrated London News. C'est dire si l'épouse de feu le Duc de Glendale figure au patrimoine national britannique ! Longtemps considérée comme une excentrique, à ce jour, l'Angleterre toute entière lui a pardonné ses écarts.

Près d'elle, un guéridon couvert de télégrammes et de messages dont plusieurs viennent du Palais de Buckingham.

Aussi, lorsque l'un de ses petits fils lui apprend que le terrain où est bâti un petit pavillon, situé au fond du domaine, doit être préempté par l'état et de ce fait détruit, elle ne peut s'y résigner et emmène son ami Percy visiter cet endroit, un étonnant mausolée où sont entreposés des objets qui racontent sa vie. de bibelot en tableau, Lady L. confie l'histoire de sa jeunesse. Née Annette Boudin, elle fait exploser le masque sous lequel elle vit depuis toutes ces années, sous les yeux effarés de son soupirant

J'ai adoré ce livre. Romain Gary fait partie de mes auteurs préférés mais avec ce roman je lui ai découvert un sens de l'humour « so british » qui m'a enchantée. Il a écrit ce roman, ce conte peut-on dire, en 1959 en anglais avec une parution en 1963. Les dialogues sont savoureux surtout ceux de Lady L. J'ai aimé cette aristocrate impudente, cynique, moqueuse, j'ai rit, j'ai sourit devant sa manière de faire valser toutes les conventions.

« Que le fils du Duc de Glendale put ainsi s'abaisser (à faire de la politique) lui paraissait vraiment choquant. Gouverner était un métier d'intendant et il était normal qu'un peuple choisit ses domestiques, c'était cela après tout la démocratie ».

C'est un roman extrêmement intelligent, bien construit, à plusieurs niveaux de lecture. Imaginer Sir Percy en train d'écouter les confidences de cette magnifique aristocrate octogénaire qui est, en réalité, Annette Boudin, fut un grand moment jubilatoire.

Ancienne anarchiste, prostituée occasionnelle de la rue du Gire à Paris, René-la-Valse va lui ouvrir la porte qui la mène vers « La plus belle canaille de Paris ». Elle pénètre le monde de Ravachol, de Kropotkine, mais c'est le fascinant Armand Denis, anarchiste célèbre, qui sera le grand Amour de sa vie. Une passion dévorante la consume. Elle est prête à tout pour Armand et se retrouve mêlée à toutes les combines y compris si la cause l'exige, celle de verser le sang.

Rien ne sera épargné à ce pauvre Sir Percy et il est facile de se le représenter effaré, consterné par les révélations de Lady L. Il reste abasourdi, accablé, révolté. Je voyais Sir Percy se décomposer sous mes yeux tant la plume de Gary m'entraînait dans ce petit pavillon au fond du domaine de Lady L. et j'entendais le son de la voix de notre aristocrate, à la fois autoritaire mais avec une pointe d'ironie derrière, toujours ravie de pouvoir choquer. Pauvre Sir Percy qui apprend à ses dépens qu'il ne faut pas se fier aux apparences.

« - Pour l'amour du ciel Percy, posez votre tasse. Vos mains tremblent. Vous vous faites vieux.
-Vous voir pleurer me ferait trembler même si j'avais vingt ans. Cela n'a rien à voir avec l'âge.
- Eh bien, débarrassez-vous de votre tasse et écoutez-moi. Je suis dans une situation horrible….. Bon voilà que vos genoux se mettent à trembler aussi. J'espère que vous n'allez pas tomber mort de saisissement. Comment est votre tension ?
-Mon Dieu, je viens justement de me faire examiner des pieds à la tête par Sir Hartley. Il m'a trouvé en pleine forme.
-Tant mieux. Car il va falloir que vous vous prépariez à subir un choc, mon ami. »

Ce qui est brillant, c'est qu'autour de quelques faits réels, Romain Gary parvient à broder une histoire qui est à la fois une satire de l'Angleterre Victorienne et une réflexion philosophique du milieu anarchiste des XIX et XXème siècles. Quelle imagination fertile !

Et encore, je ne vous ai pas tout dit ! Avec Lady L. « un moment de distraction » peut avoir de fâcheuses conséquences.

« Ah ! Fallait-il que je vous visse,
Fallait-il que vous me plussiez,
Qu'ingénument je vous le disse,
Que fièrement vous vous tussiez.

Fallait-il que je vous aimasse,
Que vous me désespérassiez,
Et que je vous idolâtrasse,
Pour que vous m'assassinassiez…. »


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Me décider à ouvrir un livre de Romain Gary est toujours une aventure : parce que la première rencontre ne s'est pas très bien passée - mais j'étais seule responsable !, parce que la seconde a été une apothéose, et qu'ensuite, j'ai toujours dévoré ses phrases tant son écriture possède le pouvoir de captiver... mais je reste sur mes gardes, Romain Gary fait partie de ces écrivains qui m'intimident grandement et pour lesquels, je me sens coupable de ne pas avoir été emportée par un de leurs romans.

Si j'avais du m'en tenir à l'illustration de l'édition de poche, je n'aurais jamais lu ce récit : une très belle femme, au tout début du vingtième siècle, mais une femme aisée, portant une très belle robe et un boa de plumes, le symbole de la vie facile, futile...et ce n'est pas ce qui me rend curieuse. Et pourtant, l'héroïne de ce livre, a été pauvre, misérable, au point de décider en toute conscience de se vendre pour essayer de vivre. Mais cela aurait été bien dommage de s'arrêter à la "parole" d'une couverture...
Et puis, on m'a dit " … tu sais, le récit se déroule en partie dans les milieux anarchistes...", alors là, oui, tout de suite, la curiosité était trop forte et j'ai lu les premières pages...


C'est l'histoire d'une vie, d'un regard qui se tourne vers le passé... Cette femme respectée et même crainte qui fête ses quatre-vingt ans, pompeusement, devant un parterre d'invités choisis, se raconte à son ami fidèle, dirions-nous, celui qui se consume platoniquement pour elle, puisqu'il ne s'est jamais déclaré... la bienséance de la société huppée anglaise !
Percy, ainsi nommé, est bien loin d'imaginer les confidences qui vont lui être faites : lui qui n'est qu'éducation et étiquette se retrouve entraîné dans les milieux anarchistes fin XIXième début XXième. Et voilà que celle qu'il vénère lui avoue avoir été de ceux qui se battent pour des idées que lui-même condamne....
Je ne veux rien vous raconter, il faut découvrir le récit petit à petit, sourire ou rire de l'incrédulité de Percy, de le voir se scandaliser, de le découvrir désormais partagé dans ses sentiments pour cette amie si chère dont il n'avait jamais supposé les engagements antérieurs.

Il faut "écouter" Romain Gary nous raconter cette époque et nous faire entrevoir ces milieux avec beaucoup de détails et d'à-propos, il connaît son sujet, on apprend, on vit dans ce Paris de la misère où finalement la violence est la seule vengeance qui reste à ceux qui n'ont rien au nom d'une idéologie qui veut avant tout rééquilibrer les injustices sociales.
Par contraste comme par provocation, il nous fait visiter les jardins de Lady L. somptueux , luxuriants, et il nous laisse ébahis de ses descriptions végétales en grand défenseur de la nature qu'il est.

Romain Gary aime tellement les femmes qu'il pardonne à son héroïne d'être versatile et manipulatrice, d'être intrigante et intéressée dans ses relations, de ne penser finalement qu'à elle et à son propre avenir. Il parvient, cependant, à ne pas nous la rendre complètement antipathique…
Et il traite, tellement souvent, les attitudes des hommes avec dérision, qu'il fait d'Armand Denis, un être qui ne s'enflamme que pour les idées, qui ne se consume que pour les faire partager, qui ne se donne qu'à une violence qu'il croit réparatrice de l'inégalité du partage des richesses dans la société mais qui ne sait voir le danger qui le guette derrière la femme éprise et conciliante, telle qu'il croit la deviner, trop passionné des mots, il est devenu presque oublieux du danger d'aveuglement des sentiments. Sa lucidité toute acquise à sa cause, s'estompe dès qu'il s'agit du sentiment amoureux.


Et nous voilà pris au piège d'une écriture qu'on ne peut lâcher, entraînante, qui donne parfois dans l'ironie, parfois dans le cynisme, parfois dans la déclaration d'idées, Romain Gary devient facétieux nous bousculant dans nos points de vue pour mieux nous inviter dans sa vérité...

Même si je préfère "le" Romain Gary qui nous parle de ségrégation, de maltraitance animale, d'amour incandescent dans sa vérité, de ses années d'engagement au service d'un humanisme toujours plus fort, celui qui sait si bien nous montrer les laideurs de l'âme humaine, les fêlures de la société, ses aberrations, force est de reconnaître que quels que soient les mots qu'il nous donne à lire, il sait nous séduire et nous donner à réfléchir à travers n'importe quelle trame de récit…
Avec Romain Gary, il faut accepter de se laisser porter par les mots, se laisser guider par les phrases, on apprend, on réagit, on se trouve bouleversé ou révolté...
C'est du Grand Art dans l'écriture !


Quel regard Romain Gary porterait-il sur notre société actuelle ?
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Cher Romain,
Permets-moi de t'appeler Romain, depuis le temps que l'on se fréquente, toi et moi, l'intimité qui s'est creusée entre nous autorise cette liberté.
Romain, quand je t'ai connu, tu me disais t'appeler Émile, et la jeune collégienne que j'étais est tombée sous le charme de ta plume. Longtemps, j'ai regardé les squelettes de parapluies abandonnés sous L'orage, en pensant à Momo et à Madame Rosa. Tu avais déjà tracé un sillon dans mon coeur, Romain, un sillon que je suivais à pas mesurés, tout doucement. Plus que tout je voulais faire durer la promenade sur ce chemin. Tu es mort avant que je n'atteigne l'âge de raison, c'est peut-être ce qui fait de moi la lectrice la plus déraisonnable qui soit. Savoir qu'un auteur que l'on aime n'écrira plus que ce qui existe déjà, rend plus précieux chacun de ses ouvrages.
A chaque fois que j'ouvrais un de tes écrits, dès la page de garde j'étais partagée entre deux sentiments : la joie de te lire à nouveau, de te découvrir, et une certaine tristesse à penser que c'était un livre de plus qui m'amenait au bout du chemin. Ce chemin à l'issue duquel il n'y aurait plus de »nouveaux » livre de toi à lire… Mais il reste la joie aujourd'hui, des années après notre première rencontre, la joie de te redécouvrir, de te relire autrement. La lecture de mes 10 ans, de mes 15 ans, ou de mes 20 ans, m'a fait comprendre que chaque relecture offre au regard un nouveau récit. Et aujourd'hui, où l'adulte que je suis admire l'homme total que tu as été, je sais que le chemin ne se termine jamais vraiment. Tu as raison, tu es incapable de vieillir. le Pacte que tu as passé avec le Ciel s'est étendu à toute ton oeuvre.
Alors te relire reste encore ce que je préfère au monde. Je fais le bilan des choses que j'aime, et au détour d'un souvenir, je me rappelle d'une vieille anglaise au ton malicieux. Je me rappelle de Lady l.
J'ai repris la semaine dernière mon exemplaire. le même exemplaire que j'ai ouvert pour la première fois dans ma chambre au pensionnat, avec pour toute lumière, une lampe de chevet tamisée, pour ne pas attirer les foudres de la responsable de l'étage. Je me revois déchiffrer avec émerveillement les premières pages de cette histoire. J'ai suivi Annette dans ce Paris d'un autre temps, jusqu'à sa glorieuse vie, derrière ce masque de Lady l. On en revient toujours là avec toi : les déguisements que la vie nous oblige à porter. D'autres noms, d'autres discours, d'autres agissements... Et derrière Annette, comme derrière toi peut-être, il reste ce cynisme amer.
Mais j'ai adoré à 16 ans, et aujourd'hui, cette histoire fabuleuse de la construction d'un monde nouveau, à travers les yeux brillants d'une sorte de folie d'Armand Denis. J'ai aimé retrouver la belle histoire d'amour et de combats qui liera Armand et Annette. Voir leurs ambitions respectives se frotter à la complexité de l'Histoire avec un grand H, même fictive, c'est réjouissant ! Les amours d'un jeune anarchiste poète, poseur de bombes un peu raté, et d'une jeune pauvresse qui arrivera aux plus grands sommets, c'est le tour de force littéraire que tu nous offres.
J'aime écouter cette vieille dame qui confie à un jeune admirateur les méandres de sa vie, ses amours, ses indignités, la beauté et la laideur d'une vie riche et tumultueuse.
L'humour, la drôlerie, le cynisme, la tendresse, et les grandes espérances de pauvres êtres humains ballotés par la folie de l'Histoire, Lady l. garde pour moi la même force qu'à la première lecture.
Cher Romain, merci pour Annette, Armand et les autres. Je te quitte pour ce jour, en te rappelant ces vers que tu prêtes à la taquinerie enthousiaste d'Armand Denis :
Ode à l'humanité,
Ah fallait-il que je vous visse,
Fallait-il que vous me plussiez
Qu'ingénument je vous le disse,
Que fièrement vous vous tussiez

Fallait-il que je vous aimasse,
Que vous me désespérassiez
Et que je vous idolâtrasse
Pour que vous m'assassinassiez.
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J'avoue que je n'étais pas très enthousiaste au moment de me lancer dans cette lecture, j'y allais même à reculons. Je ne saurais pas trop dire d'où me venait cette réticence, peut-être le titre qui ne me plaisait pas, la couverture et le résumé qui ne me donnaient pas envie. Bref, c'est sans envie que j'ai commencé ce « Lady l'». Mais c'était sans compter le talent de Romain Gary. Il ne m'a fallu que quelques pages pour être happée par ce roman subtil, drôle et intelligent.

« Lady L. » est à la fois un roman historique, une étude de caractère et une histoire d'amour. C'est une réussite à tous les nouveaux. Tous ces ingrédients se mélangent parfaitement les uns aux autres, le roman est très équilibré.

« Lady L. » est l'occasion de découvrir le monde des militants anarchistes de la fin du 19ème siècle. Cet aspect historique est bien documenté. La peinture sociale est réaliste, l'évolution des mouvements anarchistes est bien perceptible sans que ce soit assommant tant cela s'intègre parfaitement à la narration.

En effet, malgré le côté réaliste dans le contexte, fouillé et documenté, Gary n'oublie jamais d'écrire son roman. le premier point fort de son récit c'est son personnage principal. Annette, celle qui deviendra Lady L., est un personnage romanesque à souhait. Flamboyante, charismatique, elle suscite tour à tour admiration et émotion. le personnage est parfaitement caractérisé, sa psychologie est fouillée, très fine, très subtile tout en étant un personnage bigger than life. « Lady L. » c'est aussi une très belle histoire d'amour. Sans aucune mièvrerie, Gary nous raconte une passion très terrienne, celle d'Annette pour Armand, qui s'oppose à celle plus grande encore d'Armand pour l'Humanité entière à travers son idéal révolutionnaire.

L'ensemble est servi par le ton si particulier de Gary, ce mélange idéal d'intelligence, de finesse, d'humour. C'est remarquablement écrit, les dialogues sont savoureux, un vrai bonheur de lecture. J'ai été très surprise d'apprendre que Gary avait écrit ce roman en anglais parce que j'ai vraiment eu le sentiment de retrouver le style de l'auteur.

« Lady L. » est un très beau portrait de femme, doublé d'une romance touchante sans mièvrerie, prenant place dans un contexte historique passionnant, le tout servi par une écriture élégante, subtile et drôle. Je vous recommande chaudement ce roman.

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Quand, à l'occasion de la célébration de ses 80 ans en famille, Lady L, fantasque et excentrique, apprend que le pavillon annexe à son domaine va être détruit, la nouvelle qui la contrarie vraiment, va la conduire à révéler sa vie à Percy, le poète, éternel amant platonique, qui la portait aux nues et qui va vite déchanter le temps d'arriver au fameux pavillon.
Née Annette Boudin issue d'une famille ouvrière où le père s'investit dans la contestation continue de la société, intelligente et belle comme le jour, après un court passage dans la galanterie s'amourache d'Armand Denis archétype de l'anarchiste idéaliste dont les projets grandioses ne peuvent mener qu'à la catastrophe. Elle va le financer par des petits larcins et grâce à la fortune du Duc de Glendale - Dicky - qui a pris Annette sous son aile, mais la belle est restée midinette..

Lady L, roman rédigé directement en anglais montre tout l'humour dont peut faire preuve Romain Gary , un humour très british; c'est un récit drôle plein d'esprit et de verve, caustique et tellement politiquement incorrect......
Romain Gary y oppose l'anarchisme idéaliste et violent et une critique du système plus bourgeois et cynique et au final plus efficace. Il parsème son récit de références bibliographiques certainement inventées, histoire de perdre un peu plus son lecteur...
Un petit bijou d'intelligence et d'humour...
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Lu par souci de comprendre un autre livre qui en parle. Un livre qui cite de grands auteurs, ici Romain Gary, permettant d'appréhender des thèmes importants comme ici l'extrémisme...
Ne connaissant même pas ce lady L. (Lesley? Loren? Liberty?), je me suis empressé de combler cette lacune.
C'est un roman léger, drôle et très humour "british" qui a l'intérêt de nous replonger dans cette mouvance anarchiste qui a animé l'Europe au tournant du vingtième siècle. Il a le mérite, pour ceux qui s'y plongeraient, de mettre en perspective notre histoire contemporaine...
Celle du roman est un chemin de vie dévoilé rétrospectivement et surtout une belle réflexion sur la balance entre fidélité à des idéaux et réalisation individuelle.
Choisir entre utopie et pragmatisme.
Une lecture à conseiller.
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Décidément … décidément … décidément … J'aime Romain Gary ! Bientôt il finira par détrôner Camus qui, le pauvre, n'a pas autant de livres au compteur ! Car après Gros-Câlin, Éducation européenne, La Vie devant soi, L'angoisse du roi Salomon, voici un nouveau coup de coeur signé Romain Gary !

A noter : c'est un des romans de Gary qui a été écrit directement en anglais !

Une vieille dame, digne représentante de l'aristocratie anglaise – mais de souche française – fête son anniversaire en famille. Elle réfléchit alors avec humour à ce qui a été sa vie. "Je suis un peu anarchiste. A quatre-vingt ans, c'est assez gênant évidemment. Et romantique, par dessus le marché, ce qui n'arrange rien."

C'est à ce moment-là qu'elle apprend le projet d'une autoroute destinée à passer sur son terrain : pour cela, il faudra détruire un petit pavillon qui n'a jamais bougé depuis 30 ans. Légèrement paniquée, elle embarque son plus vieil ami, Percy, vers ce pavillon et décide de lui raconter son histoire. Car il y a là une chose qui ne doit pas être découverte …

Ah quel dommage que je ne puisse pas tout vous raconter tellement cette histoire est croustillante, complètement délirante et terriblement drôle ! Une fois encore, Romain Gary montre l'ampleur de son talent en créant le personnage de Lady L., savoureuse vieille dame – dotée à la fois d'un humour très british et d'une impertinence à la française – qui a plus de secrets que ne le pense sa famille, et en particulier un qui remettrait en question leurs vies entières … Et au fur et à mesure que nous le découvrons, l'étonnement puis l'hilarité nous gagne face à Annette, jeune fille qui doit devenir Lady L. et qui a trompé l'Angleterre tout entière; nous offrant aujourd'hui, sur fonds de cynisme amère, un conte drôle et caricatural.

Une fois encore, j'ai été estomaquée par la capacité de Gary d'emprunter différents styles, de se fondre dans ses personnages : quoi de commun entre l'enfant de la Vie devant soi, le jeune polonais d'Éducation européenne et Lady L. ? Peut-être l'humour dont, pour le coup, Gary ne se défait jamais !

Vous voulez en savoir plus sur le mouvement anarchiste de la fin du 19e ? Ou vous voulez seulement rire un bon coup ? Alors c'est un roman à lire et à relire sans cesse ! (et à voir, car Gary a lui-même supervisé le tournage et réalisé par Peter Ustinov en 1965, avec Sophia Loren dans le rôle de Lady L.)
Lien : http://missbouquinaix.wordpr..
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C'est une première pour moi : j'ai (enfin !) lu un roman dans la Bibliothèque de la Pléiade. Une personne très chère et qui me connait bien m'a offert pour mon anniversaire le coffret des 2 volumes de l'oeuvre de Gary publiée dans cette prestigieuse collection en 2019. C'est plutôt impressionnant de tenir en main ce volume (en l'occurrence le tome 1 du coffret) et d'en tourner les pages si fines qui ne sont pas sans me rappeler le missel de mon enfance. Mais ici point de saintes écritures, ni de plieuses images glissées entre les pages mais la fougue, le talent, l'humanité, l'imagination et les facéties de cet auteur que j'aime tant : Romain Gary.

Autre contrainte librement choisie : je me suis imposé de ne pas corner les pages qui me plaisent le plus, vice auquel je confesse m'adonner assez souvent, sauf sur les livres que l'on me prête, cela va de soi ! Mais cette contrainte est largement compensée par la présence dans cette édition d'un "appareil critique" en tout point remarquable, j'y reviendrai.

Lady L. est le 6ème roman de Gary, écrit et publié d'abord en anglais, en 1959, après avoir reçu son premier Goncourt pour "Les racines du ciel". Gary est alors marié à la journaliste et écrivaine anglaise Lesley Blanch mais leur couple traverse déjà des moments difficiles. C'est pourtant cette femme, de dix ans son aînée, qui va inspirer ce roman à Gary.

Lady L. est une aristocrate anglaise, toujours resplendissante, qui s'apprête à fêter son quatre-vingtième anniversaire en compagnie de ses nombreux descendants dont plusieurs occupent des postes très important dans les institutions britanniques, dont un ministre et un évêque. Apprenant que l'on va exproprier et raser le pavillon oriental qui est au fond de sa propriété, elle convie un vieil admirateur et écrivain, Sir Percy Rodiner, à s'y rendre avec elle afin d'y régler une affaire urgente. En chemin, elle va devoir raconter à ce brave Percy la vie mouvementée qu'elle a vécue et qui est très éloignée de que cet homme pouvait s'imaginer.

Nous serons alors plongé dans l'atmosphère de Paris sous "La Belle Epoque" (à la fin du XIXe siècle), et en particulier dans le milieu des truands (les "apaches") et des anarchistes (Bakounine, Kropotkine, Ravachol...). C'est dans ces milieux interlopes qu'a grandi et s'est épanouie une très jolie fleur appelée Annette Boudin qui deviendra plus tard Lady L. Annette va tomber amoureuse d'un bel anarchiste du nom d'Armand Denis qui fera d'elle une demi-mondaine, capable de séduire et de berner les aristos en villégiature autour du lac Léman.

Cette histoire romanesque, situé dans une époque depuis longtemps révolue est pourtant l'occasion pour Gary de nous parler de thèmes qui lui sont chers, notamment du combat entre idéalisme et matérialisme, entre les aspirations humanistes et un réel désespérant, entre la beauté du monde et les "mains sales" de la politique. On pense au livre de Camus "L'homme révolté" qui fait une large place aux mouvements anarchistes et qui fut publié quelques années auparavant ainsi qu'à la pièce "Les justes".

Lady L. est un roman attachant. Mais je dois dire que sa lecture en a été rendu encore plus agréable grâce à l'appareil critique mis à disposition par la Pléiade. La note générale pour ce roman est l'oeuvre de Marie-Anne Arnaud Toulouse et j'ai pris un grand plaisir à y découvrir les multiples liens entre ce roman et le reste de l'oeuvre de Gary et les différents éclairages que Gary lui-même a donné sur ce roman. Un roman certes amusant et facétieux mais qui possède aussi, comme très souvent chez Gary, des accents plus sombres et des réflexions de nature philosophique comme en témoigne cette phrase, parmi tant d'autres :
« C'était un homme condamné au sérieux et dont la pureté ressentait l'imperfection de la vie comme une injure profonde. Il était vraiment fait pour ces grands travaux d'assainissement qui mènent au bûcher de l'Inquisition ou au trône de l'Inquisiteur. »
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Trois Gary, sinon rien.

« Chien blanc », pour la ségrégation dans l'Amérique de Luther King, « Les enchanteurs » pour un amour presque éternel chez la grande Catherine, et « Lady L. » pour une mystification parfaite au royaume de sa très gracieuse Majesté.

Lady L., née Annette Boudin, d'une mère blanchisseuse et d'un père révolté et ivrogne - d'autant plus révolté qu'étant davantage aviné - a très vite décidé que le plus vieux métier du monde lui offrirait plus de perspectives que celui de sa mère, morte prématurément.
Sa beauté, son intelligence, sa force de caractère, séduisent Armand Denis, anarchiste révolutionnaire, qui décide de l'introduire dans les milieux privilégiés qu'il exècre, mais où elle pourra être utile à son combat. Une petite formation aux usages du grand monde, une innocente falsification d‘identité, et hop, la comtesse de Camoëns, par amour pour son anarchiste qui lui demande de repérer les meilleurs sites à cambrioler, s'invite dans les belles demeures aristocrates et suisses du lac Léman.
Elle y rencontre un merveilleux personnage, Lord Glendale dit Dicky, aristocrate britannique quinquagénaire, esthète, collectionneur, voyageur, un peu en rupture de ban avec la cour anglaise en raison d'opinions et de comportements pas tout à fait conventionnels. Dicky, pas dupe de la fausse identité d'Annette, mais complètement séduit par sa beauté et son originalité, parachève sa formation de lady avec beaucoup de finesse et d'affection.
Et il l'épouse quand le bel anarchiste est mis sous les verrous, alors qu'Annette est enceinte.
Annette dont Dicky a parfait la noble généalogie, va devenir une incontournable de la cour anglaise où le couple reviendra vivre. Après la mort de Dicky, Annette épousera un Lord L. dont on ne saura à peu près rien, en dehors de son nom.
Mais le bel anarchiste fera de nouveau parler de lui, quand il aura purgé ses huit années de prison ; Annette le reverra…

Le soir de ses 80 ans, Annette raconte sa vie, sa vraie vie, à un autre personnage indispensable au paysage du livre : Sir Percy Rodiner, « Poète-Lauréat de la Cour d'Angleterre ». « D'une intégrité morale à vous soulever le coeur (…) c'était vraiment un homme honorable et comment la poésie était allée se fourrer là-dedans, Dieu seul le savait. C'était d'ailleurs aussi le seul homme qu'elle eût connu qui ait un regard de bon chien tout en ayant des yeux bleus ».
Sir Percy est amoureux, platonique bien sûr, de Lady L. depuis 40 ans. Amoureux de sa beauté, de son élégance, de son esprit brillant, de sa classe aristocratique. Il va vivre la soirée la plus douloureuse de sa vie, en écoutant les révélations d'Annette. Ses yeux effarés, son incrédulité, sa gêne, sont des moments d'anthologie. On en arrive à redouter l'apoplexie pour lui. Un faire-valoir, délicieusement en péril, à la gouaille de Lady L. quand elle retrouve ses accents parigots.

L'écriture de Gary est aussi alerte et enlevée que dans « Les enchanteurs ». L'humour et la dérision sont au rendez-vous. N'y manquent pas non plus, sur un ton léger, des considérations dont on sent l'importance pour l'auteur, comme par exemple, ces phrases sur les anarchistes que Dicky attribue à « son ami Karl Marx » : « Des rêveurs d'absolu qui prennent leur noblesse et l'exquise qualité de leurs sentiments humanitaires pour une doctrine sociologique. Ces gens-là abordent les problèmes sociaux avec cette élégance des sentiments, cette noblesse de coeur, cette bonté d'âme qui relève bien plus de l'inspiration poétique que des sciences sociales… Ils s'installent devant l'humanité comme un peintre devant son sujet, en se demandant comment en faire un chef-d'oeuvre. Ils jettent leurs bombes comme Victor Hugo jette ses foudres poétiques et avec beaucoup moins d'effet. »

Donc un Gary brillant qui avait déjà trouvé, en 1963, le style et l'esprit qui m'ont ravie dans « Les Enchanteurs », écrit dix ans plus tard.

PS : Mais… mais j'ai oublié de remercier Martine qui m'a ouvert la piste vers Lady L. Un éclaireur de grande qualité !


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un grand livre que je pensais avoir lu ...mais non , je m'en serais souvenu.
Profondeur des personnages & destins superbes de Lady l'd'abord .
On se plonge à la fois dans l'Europe du terrorisme de la fin du 19eme et dans l'Angleterre coincée du vingtième.
Romain Gary y excelle à la fois dans l'écriture et dan l'intrigue superbement construite.
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