Une échappée belle et tragique en terres antiques et mythiques,
Laurent Gaudé réécrit le dernier grand voyage des morts d'un des plus grands conquérants, Alexandre et nous entraîne jusqu'au plus profond de son âme.
L'ultime expédition d'un homme "trop grand pour la vie", "un homme qui ne sait pas mourir". Une ultime chevauchée qui prend des allures de véritable épopée, une dernière danse entre la vie et la mort, où les voix des deux mondes, vivant et mort, se répondent dans ce dernier élan vers l'inconnu, la liberté, l'absolu, l'éternité.
À la mort d'Alexandre, c'est tout l'Empire qui se fissure, se déchire « Les reines meurent dans la fange, les nouveau-nés sont étouffés. On déchire les alliances et aiguise les fers. »
Les pleureuses de ce monde englouti vont porter la douleur à travers le monde « [...] tant que le cortège parcourt le monde, Alexandre est là et il tient encore l'Empire, par son absence mais c'est une façon de le tenir. Si elles ne pleurent plus, tous penseront que le temps du deuil est révolu et alors ils se jetteront les uns sur les autres. »
Un très beau roman qui débute plutôt lentement. Il m'a fallu un certain temps avant de me familiariser avec les voix qui ouvrent l'histoire et le décor qui s'installe.
J'ai particulièrement apprécié la voix de Dryptéis, une femme courageuse et fidèle à Alexandre jusqu'au bout. Elle aura passé sa vie à semer l'Empire, à fuir lieux et forme du pouvoir, à être une parmi tant d'autres, à se délester du poids de l'or qui coule dans ses veines pour trouver la paix, pour elle, pour son fils, pour être enfin « dans le coeur vif des choses où les instants passent avec lenteur et où tout est vital ».
« Elle aime les lieux où les voix, dans les montagnes, se font avaler par les crevasses et où il ne reste qu'un silence vibrant de lumière. »
Laurent Gaudé est brillant dans ce registre, il nous livre un récit épique sur une légende de l'Histoire en toute simplicité...si j'ose dire.
Une écriture prodigieuse, une construction savante et délicate pour permettre au lecteur d'avancer doucement, prudemment dans les pas de cet immense cortège funéraire, mystérieux et lumineux.
Si le registre vous plaît, n'hésitez pas une seconde à vous lancer dans ce très beau roman !
« Ô mystère des mondes... le temps chavire et les ombres paraissent. »
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