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Une vaste et tourbillonnante explosion.
Un fort impressionnant chef-d'oeuvre.
Un possible « roman national » pour un peuple d'un tout petit pays résistant sans cesse à ses grands voisins.
Cette Lituanie du Loup de Fer, dont la langue a sans doute inspiré George R. R. Martin pour forger son « Valyrien » parlé par l'autre folle aux dragons (oui, oui, Game of Thrones…).
Une éprouvante et glissante plongée à l'intérieur d'esprits torturés (dans tous les sens du terme), et possiblement paranoïaques, sans certitude autre que nous sommes à Vilnius… véritable héroïne de ce roman, incarnée, entre autres, par cet être fantastique qu'est Vytautas Vargalys, nous prévenant :

« J'ai la tête lourde. C'est excusable pour quelqu'un qui, dès le matin, est pris dans un tourbillon, a levé le rideau d'un occulte spectacle, et est sur le point de se souvenir du monologue de son inéluctable rôle. Des fois, je me met à croire que le mieux pour moi serait de devenir fou. »

Nous allons l'incarner les trois quarts du livre, sous un déluge de pensées, en apparence désordonnées, et sans réelle structure narrative saillante — hormis l'usage de paragraphes en italique marquant un passé lointain — mais déroulée d'une manière si fine et ciselée dans leur écriture, que tout s'enchaîne avec une effrayante facilité, médusant hypnotisme nous jetant sans crier gare au milieu de scènes hallucinées, violentes et sensuelles.

La suite nous permettra d'incarner trois autres personnages, procédé classique pour varier les points de vue sur un même évènement, exécuté ici de manière parfaitement schizophrénique, du narrateur non-fiable à qui l'on fera confiance tant il nous montre la vérité : vertige.

L'éditeur, le flamboyant Monsieur Toussaint Louverture en fait un résumé probablement trop « commercial »… On ne va pas leur en vouloir, il faut bien vendre un livre pareil, effrayant…
Ils en disent un peu trop, comme souvent, au risque de sceller une interprétation plus qu'une autre dans la tête du lecteur, alors qu'au final, rien n'y est véritablement établi.
C'est un piège, comme ils disent.

Sa strate apparente de thriller métaphysique et complotiste n'occulte en rien sa richesse de réflexions à portée universelle, notre rapport au mensonge comme fer de lance.
L'actualité guerrière et identitaire actuelle renforce l'urgence d'une telle lecture.

Ils sont partout, même derrière ces trop innocents points.
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VILNIUS POKER de RIČARDAS GAVELIS
Il y bien longtemps que je n'avais pas lu un tel roman. Pour l'aborder, utile de consulter la géographie pour situer la Lituanie ( un des états Baltes) Vilnius, la capitale en particulier, et un peu d'histoire, disons depuis le début du 20 ème siècle.
C'est un roman à 4 voix, mais la voix qui tempête, qui hurle qui éructe avec des accents céliniens, c'est celle de Vytautas Vargalys. Il revient de 10 ans de goulag, il veut comprendre ce qu'est devenu son pays, étouffé par les Polonais, piétiné par les Allemands et finalement colonisé par les russes. C'est un récit de folie qui cherche les Leur, les Ils, les Eux, NKVD, KGB, hommes invisibles et omniprésents. C'est une voix labyrinthique qui cherche sa ville, sa Vilnius , Minotaure égaré dans des replis puants et une démence abjecte.
Vargalys va convoquer KAFKA et sa métamorphose, Nietzsche et Camus pour comprendre à travers sa folie. D'autres voix suivront la sienne pour témoigner. Lui ne verra pas la libération du joug soviétique en 1990.
C'est un roman fatigant à lire, presque épuisant mais d'un style et d'une beauté époustouflante. La quête du dragon ou du basilic qui dévore sa ville est magistrale.
Ričardas Gavélis est lituanien, né en 1950 mort en 2002. C'est son premier roman traduit en français.
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Meh. Oui mais non, enfin… il y a un peu trop de facilités à mon goût même s'il y a de bonnes idées. Bon, commençons par le positif, ça se lit bien, le rythme est bon et avec peu de pause inutile. J'ai apprécié le personnage principal, Vargalys, le survivant de neuf ans au goulag, j'ai aimé son passé troublé, son présent qui le lie à un complot russe mais son histoire à la trop parfaite Lolita m'a déplu. J'aurais préféré me concentrer sur les russes plutôt que l'ajout de cette histoire d'amour que je ne trouve pas franchement utile.
J'ai bien aimé le chien aussi ainsi que Martynas qui donne des anecdotes, je trouve qu'il ancre le roman dans le réel. Ode à la liberté dans un monde sans âme, le roman dépeint aussi la société avec quelques justesses qui m'ont plu également, mais ne m'ont pas suffi pour apprécier plus que ça le livre. Je n'ai pas non plus apprécié le mélange des genres, entre politique, philosophique, ou encore poétique et graphique.
C'est loin d'être un mauvais roman, il ne m'a simplement pas plu.
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Tel une partie de poker à quatre, ce roman nous dresse un extraordinaire état des lieux de Vilnius et de la Lituanie sous Brejnev. Comme si elles se couchaient les unes après les autres, les quatre voix occupent des proportions décroissantes dans le roman mais restent d'une intensité constante ; ils nous dévoilent une galerie de personnages truculents, torturés, ankylosés dans le communisme déclinant de l'URSS, avec ses goulags, ses espions du KGB à chaque coin de rue, ses fonctionnaires payés à ne rien faire, ses artistes, son élite intellectuelle et ses citoyens ordinaires qui survivent malgré toutes les restrictions. Et tout cela s'opère finalement dans une débauche sexuelle à laquelle le spectateur assiste tel un voyeur. C'est étouffant et dense, et le style, riche, offre peu de temps de répit. On en ressort lessivé, essoré, mais content, car certain de ne pas avoir perdu sa mise de départ...
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Tout d'abord, bravo aux Editions Monsieur Toussaint Louverture pour leur audace et leur courage, et à Margarita Barakauskaïté-Le Borgne pour la traduction impeccable.

De quoi ça parle?

Vytautas Vargalys est coincé dans un emploi absurde, contraint à créer un catalogue numérique pour l'une des bibliothèques de Vilnius contrôlé par les Russes, à laquelle personne n'a accès.

Survivant des camps de travail — une expérience qui l'a perturbé aussi bien physiquement que mentalement —, Vargalys est obsédé par « ce qui se passe » réellement sous la surface de Vilnius. Alors qu'il commence à perdre ses derniers repères, il découvre qu'Ils ont repris le contrôle. Ils sont des démons ayant pris forme humaine. Ils sont déterminés à voler toutes les âmes et à foutre la merde dans le monde. Vargalys commence à trouver des preuves de Leur existence partout où il regarde : dans les livres, dans la mort de son meilleur ami et dans les très jolies femmes envoyées pour travailler avec lui à la bibliothèque.

L'une d'elles, Lolita, est une sorte de femme fatale au passé mystérieux et porte un amour grandissant pour Vargalys. Vilnius Poker conte cette tragique relation entre Vargalys et Lolita – et entre Vilnius et ceux qui y vivent – de quatre points de vue différents, et saisit l'horreur surréaliste de la vie sous le joug soviétique.

Lyrique, philosophique et profondément dérangeant.








Avec Vilnius Poker, Ricardas Gavelis pousse l'expérience littéraire jusqu'à son paroxysme, marchant dans les traces des grands maîtres du genre – Leo Perutz, Arthur Schnitzler – et amenant le lecteur dans ses derniers retranchements. Constamment au bord du gouffre, là où la réalité et la l'illusion ne font plus qu'un au sein du brouillard visqueux de Vilnius, se trouve le personnage trouble de Vytautas Vargalys (dont le nom évoque l'histoire des grands ducs de Lituanie).

Un des aspects les plus poignant est que Vytautas, qui a survécu à de longues années au goulag, tombe dans une démence d'autant plus glaçante qu'elle fait l'objet d'un raisonnement construit et inattaquable, et ne se manifeste qu'en son for intérieur – créant et entretenant ainsi le trouble chez le lecteur qui perd tous ses repères. La chasse à l'homme acharnée dont il fait l'objet est-elle elle aussi réelle, ou n'est-il traqué que par ses démons et ses souvenirs? Démence ou clairvoyance?

Un roman polyphonique à quatre voix, qui sont autant de versions d'une même histoire, qui se confrontent et se réponde nt afin de démêler le vrai du faux, le réel de l'hallucination, la raison de la folie.

Mais y a-t-il seulement une seule et unique bonne réponse?

Vilnius Poker est souvent considéré comme le tournant de la littérature lituanienne, et a permis à Gavelis d'acquérir sa réputation de plus grand romancier lituanien.

Un époustouflant roman sur la liberté, « un véritable chef-d'oeuvre qui vous hante même après l'avoir terminé ».
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« Vilnius Poker » de Ričardas Gavelis (Monsieur Toussaint Louverture) traduit du lituanien par Margarita Leborgne, 544 p.
Il y a 3-4 ans, il n'était pas évident de trouver un traducteur du lituanien en français. J'avais alors indiqué qu'il existait un lycée français à Vilnius, mais il s'est trouvé une traductrice lituanienne qui s'est fixée en Bretagne où elle est maintenant professeur de français. Pas évident non plus de se faire une idée sur les livres de Ričardas Gavelis, mort en 02, et dont « Vilnius Poker » n'a été traduit en anglais qu'en 09 seulement. Et pourtant les critiques positives abondent (The Believer, Bookslut) avec des références à J. Joyce ou F. Kafka (excusez du peu).
Le livre est construit suivant quatre parties (de plus en plus courtes) avec chacune son narrateur. Vytautas Vargalis est bibliothécaire, occupé ( ?) à la confection d'un catalogue informatisé à vocation de n'être jamais consulté. Il est aussi rescapé des camps de travail, où il a été torturé (référence à Stadniukas, « un salopard de Russe du NKVD »). Son meilleur ami, génie mathématicien, jazzman atonal et plus que fantasque, Gédiminas Riauba meurt en début du livre. Il est amoureux de Lolita Banys-Žilys, femme fatale, mais au passé plus que trouble (est ce que son père était colonel du KGB, cordonnier, ou professeur d'histoire ?). Cela occupe les 340 premières pages du livre.
Son collègue Martynas Poška, fera la narration de la seconde partie. Et Stéfania Monkevič, brave « fille du pays » terminera l'épisode « humain ». La dernière partie (34 p.) nous est racontée par Gédiminas Riauba, réincarné en chien philosophe sous les traits de Jagellon, grand duc qui fondera la dynastie régnante au XIII siècle, dont on reconstruit actuellement le château à Vilnius.
Tout cela est fort beau, mais ne fait pas un roman. Il faut y ajouter les kanuk'ai, que Vytautas nomme plus simplement Eux ou encore Ils. Ces créatures peuvent prendre n'importe quelle apparence et dévorent les consciences des humains, les réduisant au néant. Néantisation des hommes, des pensées du coeur… Lente déstructuration des habitants, de la ville et du pays qui fait suite aux multiples occupations (polonais, juifs, allemands, russes) que le pays a subi, après son âge d'or depuis 1290 et qui se termine vers 1792, soit cinq siècles durant lesquels ce pays grand comme la Belgique aura sa littérature avec Martynas Mažvydas et Oscar Vladislas de Lubicz-Milosz (le cousin du polonais Czeslaw Milosz), sa peinture avec Mikalojus Konstantinas Ciurlionis, et bien sûr gardera sa langue (balte et non finno-ougrienne comme l'estonien). C'est alors le royaume de la Vistule, pays de l'aigle blanc. Il va se faire progressivement dépecer par les trois aigles noirs que sont l'Autriche, la Prusse et la Russie. Restent les « pigeons gris et crasseux de Vilnius ». Une grande partie de la littérature actuelle de Lituanie, mais aussi de Lettonie et d'Estonie, aborde ces thèmes du déclin et des invasions-soumissions des pays Baltes au cours des temps. Lire « La Saga de Youza » par Youozas Baltouchis (Alinéa, 1990) ou « Des âmes dans le brouillard » par Loreta Macianskaité (Presses Universitaires de Caen, 2003). D'où leur espoir actuel de se rattacher a l'Union Européenne (en brulant parfois les étapes économiques). On voyait encore les récoltes de foin coupé à la faux et à cheval il y a quelques années.

Le livre est paru en 1987, donc avant la fin de l'occupation et domination soviétique. Il est évident que cette période qui fait suite à l'occupation polonaise et allemande, n'est pas la période la plus gaie de la Lituanie. Je me souviens avec émotion de récits qu'un autre Gédiminas, (de même prénom et lui aussi professeur scientifique), m'a fait sur la libération de Vilnius, avec des mouvements de chars soviétiques contre une population à pied et sans arme. (Trop de pudeur alors sur la période soviétique et sa répression implacable. Emotion et volonté d'oublier les massacres de juifs de la période allemande). Cette occupation de territoires et de consciences Ričardas Gavelis l'a sans doute aussi vécue, sous quels traits ? Gédiminas sans doute, mais cela en ferait un livre prémonitoire. Dans la peau du chien (l'allusion aux odeurs) alors ?
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La première partie du livre nous fait vivre, sur plusieurs centaines de pages, une journée de déambulation hallucinatoire et paranoïaque dans Vilnius. Pauvres lecteurs qui, des décennies plus tard, comprenons que notre monde est plus "kanuk'é" que jamais ! "Ils" sont encore là, partout et toujours plus puissants !
La suite apporte un autre éclairage sur la narration, avec toujours en toile de fond la résistance à l'occupation soviétique. L'écriture devient plus conventionnelle, mais ce n'est que pour mieux nous faire douter de la réalité…

Sa première partie suffit à faire de Vilnius Poker un immense roman.
La lecture peut en sembler ardue, mais une fois passées quelques dizaines de pages, on se laisse emporter par ce texte dense mais fascinant.
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D'après l'éditeur français : "C'est le livre de toutes les grandes capitales modernes dévorées par l'apathie et la tentation de l'oubli. C'est le portrait d'un peuple dépouillé de son histoire. C'est Dostoïevski. C'est Kafka et Burroughs. C'est Kundera. C'est un piège". C'est un peu de tout cela mais c'est surtout Beckett. C'est Molloy. Et c'est Orwell. Envoutant.
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Un autre roman qui se dresse comme une ville-livre, où les rues sombres forment ensemble un labyrinthe. Une question se maintient avec une force obsédante et donne au titre tout son sens ; Qui croire ou que croire ? Vilnius prend corps de la même façon que Petersbourg chez Gogol ou Bucarest dans la trilogie Orbitor de Mircea Cartarescu (Il y aurait beaucoup d'autres exemples à évoquer). Mais alors que Bucarest prenait une forme franchement délirante, franchement fantastique, c'est plus ambigu pour Vilnius.

L'ambiance est si sombre qu'elle paraît presque irréelle, invraisemblable, mais ne peut pas être complètement noire pour cette raison : La réalité survit autant que la perception de personnages patibulaires, déprimés ou alcoolique le permet. Pourtant on sent bien que cette Vilnius fantomatique est un portrait lucide pour ne pas dire désillusionné de l'homo lithuanicus et à plus forte raison de l'homo sovieticus, de toute l'humanité réduite à un silence stupide. Une musique grisante se dégage de ce roman habilement construit, va directement au coeur d'une certaine manière. Même s'il peut en prendre plein la gueule, parce que le récit est quand même dégoûtant. Mais étrangement pas rebutant, à deux ou trois épisodes près. La troisième partie est peut-être un peu décevante par rapport au reste.
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Argh.

Voilà un livre dont on ne ressort pas indemne. Si vous avez survécu aux 100 premières pages, ce livre vous rendra fou une fois la quatrième de couverture refermée. Ou au moins un peu plus fou. Ou pas du tout.

Attention aux pigeons.
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