On ne peut pas parler d'auteurs du Loiret sans évoquer
Maurice Genevoix. Habitant Châteauneuf-sur-Loire depuis trente ans, je me suis tout naturellement intéressée à cette grande figure de la littérature française et j'ai été associée à différentes productions culturelles autour de ce grand écrivain, académicien, entré au Panthéon le 11 novembre 2020 avec
Ceux de 14 dont il a témoigné de l'engagement dans son recueil éponyme.
Mais j'estime n'avoir ni l'autorité ni la compétence pour parler de lui. Aussi, je donne la parole à
Jacques Tassin qui a écrit de nombreux livres sur Genevoix et que je considère comme un spécialiste : « Genevoix, c'est l'élégance de style et la précision du verbe mises au service d'une ferveur de la vie. Une ferveur naturelle chez l'enfant qui grandit sur les bords d'une Loire sauvage et belle ; une ferveur renforcée au centuple par l'expérience de la guerre. Genevoix, c'est donc l'amour de la Vie magnifié par l'art. »
Un jour, un des derniers romans écrit par
Maurice Genevoix alors âgé de 85 ans et qu'il présentait lui-même comme un ouvrage testamentaire, est paru en 1976 aux éditions le Seuil et vient d'être réédité aux éditions Plon.
L'intrigue de ce livre est très simple : c'est la rencontre entre deux hommes, l'auteur et un vieil homme, Fernand d'Aubel qu'on peut considérer comme son double car les deux hommes ont de nombreux points communs, que ce soit dans leurs caractères que dans leur rapport au vivant. Elle est le prétexte à un éloge de la nature, de l'authenticité, de la simplicité. Dans ce livre, tout est vrai et simple, les personnes dans leur pragmatisme naturel, loin de ces « gaillards intelligents dont la façon d'être intelligents nous ferait remercier le ciel de n'être qu'un simple d'esprit », la nature et les animaux qui l'habitent. On y fait des rencontres, elles aussi toutes simples, comme « deux papillons accouplés, deux bombyx. Chacun d'eux, les ailes étalées à plat, eût épousé les lignes d'un demi-cercle idéal. Ainsi unis, par les seules pointes de leurs abdomens mais les franges de leurs ailes se touchant bord à bord, leur couple apparaissait comme un joyau étrange, parfaitement rond, enrichi d'ocelles symétriques, couleur d'opale sur un fond brun lavé de vert… Quel joaillier eût imaginé composition plus admirablement vivante ? »
Ce livre est un hymne à la vie et à la nature où chacun a sa place et doit rester à sa place. Quand on l'ouvre, la plume de
Maurice Genevoix nous entraîne et nous invite à observer, à entendre, à sentir, à mobiliser tous nos sens pour nous émerveiller devant l'harmonie de la nature qui nous entoure et qu'il faut préserver. Émerveillement, telle est la posture de l'auteur dans ce livre ; émerveillement mais aussi respect. Pas de revendications écologiques dans ce livre, mais une poésie sensible, un regard bienveillant et attentif. Et en le refermant, on se sent apaisé et heureux. On peut ensuite le reprendre n'importe où et s'imprégner de ces mots que seul un grand écrivain comme
Maurice Genevoix a pu assembler pour en faire une véritable oeuvre d'art.
Page 19, il écrit : « le même silence. Un gland qui tombait d'un chêne, rebondissant de branche en branche, éveillait des échos sans fin. le trottinement d'une musaraigne, le sibilement imperceptible d'une cane dans la jonchère, tous ces chuchotis de la nuit rendaient encore plus saisissante l'absence de tout bruit humain… Les arbres mêmes me dépaysaient, relevaient d'essences inconnues. Hautains et sombres, ils dressaient maintenant côte à côte des troncs monumentaux, striés de longues cannelures qui déconcertaient le toucher… il y avait, au ras du sol, une sorte de forêt avortée, des vingtaines de pousses ligneuses, des cônes trapus, au sommet arrondi comme des moignons refermés. Rien n'eût pu affirmer davantage le sentiment de réalité autre qui m'avait progressivement envoûté. »
Un livre très beau, très fort qu'il faut absolument lire et relire, et dont on ne se lasse pas.