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sur 662 notes
Termes choisis, écriture délicate et quelque peu surannée : plaisir de lecture !

Sacrifice, abnégation, refus de l'amour charnel, c'est la voie qu'Alissa choisit face à l'amour qu'elle ressent pour Jérôme, son cousin. Amour partagé il faut le dire.
Et pourtant pour ces deux-là, il était impossible au lecteur de ne pas le voir se concrétiser tant de points communs existaient entre ces deux êtres : amour profond, foi, lecture, jardinage, tendresse et complicité aussi.


J'ai eu un peu de mal au début à passer cette porte étroite. L'empathie auprès de ce jeune couple d'amoureux n'a pas été immédiate. Mais plus j'avançais dans la lecture, plus je me rapprochais d'eux, même si je ne partageais pas leurs choix : trop de passion divine pour elle, trop de laisser-aller ou laisser-faire pour lui. Et pourquoi finalement ? Ne pas oser vivre ? Ne pas goûter au bonheur terrestre ? le sacrifice au nom de la vertu ?

Difficile d'entrer dans la tête d'Alissa et de voir s'exalter ainsi sa passion et pour Jérôme et pour Dieu. On peut lui en vouloir de jouer ce rôle surtout quand elle dit souhaiter à son cousin de se marier avec une autre et d'avoir une fille qui portera son nom, en souvenir. Quelle ambivalence dans ses sentiments ! Mais elle se trompe elle-même en agissant ainsi et c'est bien ce que révélera plus tard ses écrits retrouvés.
Quant à Jérôme, on aimerait le secouer de tant d'effacement et de gémissement.

Un thème (amour courtois, valeurs idéalisées ; ce roman est paru en 1909) bien sûr loin de l'actualité d'aujourd'hui mais qui se lit avec plaisir. Les personnages et les lieux sont très bien dépeints, étudiés en profondeur, par l'auteur. Et l'on ressort de ce récit empli de tristesse pour ces amoureux, en se disant : quel gâchis, mais aussi en s'interrogeant sur le sens de la vie et le poids de la religion.
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Prix Nobel de Littérature en 1947, André Gide est un écrivain né à la fin du XIX ème siècle et décédé en 1951. Son oeuvre
est monumentale : ("Les Caves du Vatican", "Voyage au Congo", "Le retour du Tchad" ) etc.

L'histoire du roman qui nous occupe se déroule en Normandie, dans la société bourgeoise, tant au Havre qu'à Fongueusemare, tout proche, à Nîmes et ses environs, et à Nancy.
Deux adolescents, Alissa, cousine de Jérôme, plus âgée de deux années que celui-ci, et Juliette, soeur de Alissa, se rencontrent dans la famille. Maison cossue, parcs et jardins boisés, des haies vives, des chemins qui favorise le cahe-cache, les écoutes indiscrêtes des parents et invités, ont vite raison de l'innocence des jeunes gens.
Jérôme a la coeur qui penche pour Alissa. Une correspondance s'installe entre les deux épris.
Ce sont les années de découverte, de "revoir"; des années d'échange de courriers, une lettre répondant aussitôt à une autre lettre, avec la complicité éclairée de la soeur d'Alissa, Juliette.
La conscription, à Nancy, éloigne alors pour des années (7 ans à cette époque) les deux jeunes gens.
Lorsque dans la vie nous écrivons avec tant de patience, vite vient une question, au fil des années, des printemps, des hivers, qui écrit à qui ?
Et André Gide de poser ladite question :"N'écirions-nous que pour nous-mêmes ?"
La jeune femme qui se sent vieillir, apostrophe son coeur et le questionne à l'aune de sa foi.
Alors, quelle place pour cet amour qui se dit mais ne se fait pas ?

On ne sort pas indemne de cette lecture. Ce roman est une confidence Pour celui qui lit, et écoute le duo,

Je conseille fortement ce livre paru en 1909, toujours d'actualité; que j'ai lu en un jour.

Entrez dans ce texte brillant, vous ne pourrez le quitter. Superbe, touchant. Et, émouvant.

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Je suis entré par la porte étroite de ce récit, guidé par la très belle écriture d'André Gide. Ce texte court, - moins de deux cents pages, dont on devine une dimension autobiographique, nous fait rencontrer quelques jeunes personnages, encore adolescents.
Dans ce texte à la construction insolite, fragile comme un édifice prêt à se rompre, André Gide nous convie dans ce milieu austère d'une famille bourgeoise et protestante de la province du début du vingtième siècle.
Suite au décès de son père, le narrateur Jérôme s'éloigne de Paris avec sa mère pour rejoindre le domaine de Fongueusemare, tout près du Havre le temps des vacances. Là il se lie d'amitié avec son cousin Robert, ainsi que les deux soeurs de ce dernier, Alissa et sa cadette Juliette.
Pourtant c'est le temps d'une jeunesse presque insouciante que nous abordons tout d'abord.
Le bonheur est là comme une joie pure qui vient donner de la lumière aux personnages. Les enfants grandissent et peu à peu, comme on peut le deviner aisément, l'amitié se transforme en amour, emportant Jérôme et Alissa dans un jeu sentimental certes plus platonique que sensuel, mais dont les tours et les détours laissent venir à eux des gestes épris de bonheur et de vertige. La nature est riante autour de ces jeunes amants en devenir et ressemble à ce jardin parsemé d'arbres et de fleurs dans lequel on entre par une petite porte dérobée...
La porte étroite s'ouvre sur cet air bucolique. Alissa et Jérôme ont appris à tout partager, ils ont ce don en eux pour effleurer les mêmes instants, les mêmes paysages, les mêmes objets, ce piano au milieu du salon, une promenade dans le jardin, un coin d'azur, des livres qui parlent eux aussi de bonheur, d'histoires d'amour, de légèreté...
Mais le jardin est un lieu fermé, c'est une histoire qui se tisse peu à peu entre les personnages comme un huis-clos... C'est un amour tendre, sans doute encore fragile, prêt à s'effriter dans l'entrelacement des mots.
La joie d'aimer est vite abîmée par une ombre dont on ne soupçonne pas le dessein qui la porte, dont on ne comprend pas tout de suite le sens qui l'anime.
Un triangle amoureux complexe se déploie comme un chassé-croisé peuplé d'élans et de malentendus. Jérôme et Alissa s'aiment, mais Juliette aime aussi Jérôme, alors Alissa est prête à renoncer à l'amour de Jérôme, à se sacrifier pour faire le bonheur de sa soeur qui est déjà promise à un homme qu'elle ne désire pas, un homme rustre qui possède des terres agricoles dans le sud de la France.
Est-ce alors que les choses ne furent plus pareilles, plus comme avant ?
Une vertu indicible, son exaltation tout aussi sincère que spontanée, viennent effacer cette joie pure qui ne demandait qu'à pousser cette porte étroite, l'ouvrir grande sur un jardin prêt à s'embraser d'odeurs et de couleurs.
Alissa change alors, à moins que ce ne soit le monde autour d'elle qui change à ses yeux, à moins que ce soit son regard sur ce monde... Elle change dans la tranquillité des jours, c'est presque imperceptible. C'est comme un ciel qui bouge dans la couleur pâle des nuages. Jérôme la voit s'éloigner, tant en demeurant dans une sorte d'illusion...
L'écriture d'André Gide dit cela avec délicatesse, justesse, douceur...
Alissa repousse les fiançailles. Elle devient cette Arlésienne drapée d'une foi devenue inébranlable. Jérôme cherche à tendre vers cet idéal de vertu qui porte Alissa, mais ce n'est qu'un chemin pour rejoindre celle qu'il aime et qui l'aime cependant, ce n'est qu'un chemin, tandis qu'Alissa se consume déjà ailleurs, plus loin, plus haut peut-être...
Je me suis tenu dans le retrait de cette porte étroite, qui bat dans le vent, ce vent qui ballote les personnages, les effleure, finit par les tourmenter.
Je n'ai pas vu les choses venir, tout comme Jérôme peut-être. Les hommes sont-ils absents de cet indicible mouvement des femmes en elles ? Je pensais que l'amour d'Alissa cherchait à se nourrir d'un idéal terrestre, le bonheur d'ici-bas, les choses simples et ordinaires de la vie qu'un coeur qui bat pour l'autre peut transcender. Je voyais rire ce jardin en eux, avec ses fleurs, ses abeilles, ses rouges-gorges, ses gorges pleines de rires...
Dans ces pages cruelles où j'étais seul à commencer à voir ce qui se passait, - quand je dis seul je veux dire par là que ma complicité tissée avec le narrateur qu'est Jérôme ne servait plus à grand-chose, je voyais un fossé commencer à se creuser entre les deux amants... Peut-être faisait-il semblant de ne rien voir... ?
J'étais seul à voir ce qui se passait, mais je ne comprenais pas ce qui se passait. Comment tant de tendresse et de complicité pouvaient-elles brusquement être menacées ? Et par quoi d'ailleurs ?
André Gide me laisse pantois avec cette chose inexplicable, incompréhensible aux yeux de l'homme aimant et mécréant que je suis, aimant la vie, les jardins, les fleurs, les gourmandises, les tangages, l'ivresse insoupçonnée qui gît dans l'étonnement de chaque jour, chaque rencontre...
Car c'est pour Alissa peu à peu le renoncement à un bonheur qui lui ferait brusquement peur, ferait pâle figure à côté du rêve qui l'anime, le refus d'un bonheur facile qui viendrait altérer la pureté de l'âme. Elle préfère une vie d'ascétisme religieux aux plaisirs charnels. Pourtant elle n'a jamais cessé d'aimer Jérôme.
J'ai entrevu ici une lutte entre deux forces qui semblent s'opposer : l'amour et la vertu, comme si ces deux versants étaient séparés par un gouffre abyssal et ne devaient jamais se rejoindre...
J'ai vu dans ces pages un récit amer et désabusé.
Le coeur de Jérôme qui bat pour Alissa devient peuplé de chimères.
Elles emplissent le lecteur que je suis d'un sentiment de tristesse et de révolte.
L'abnégation, - l'idéal d'abnégation nourri d'une foi dont on ne sait d'où elle vient, serait-elle donc la seule cause qui rendrait impossible cet amour, du moins dans son expression charnelle ? Quel gâchis ! ai-je alors pensé. Mais qui étais-je pour juger d'un tel amour ? Sauf que je voyais Jérôme souffrir. Sauf qu'Alissa se perdait elle aussi dans cette manière de se consumer tout doucement...
Où poser ma tristesse, mon incompréhension, mon indignation ? À quel endroit ? Ici, peut-être ce soir, dans ces quelques lignes à partager avec vous...
André Gide dit cela avec tant de mots beaux et fragiles, dans une forme narrative mêlant les confidences de Jérôme au journal d'Alissa et aux lettres qu'ils s'écrivent, rendant le texte d'une proximité incroyable. Je laisse entrouverte la porte étroite de ce livre pour que vous puissiez un jour y venir à votre tour.
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Un texte "facile" à lire, mais difficile à interpréter!!
Toute la subtilité de ce texte d'André Gide consiste à livrer un roman à la première personne, même s'il y a plusieurs narrateurs via les courriers, qui semble relativement banal : un couple de jeunes amoureux s'éloigne l'un de l'autre à force de retarder leur engagement pour nombre de raisons qui apparaissent plus comme des prétextes que de véritables impératifs.
C'est le premier degré du texte, et le titre du livre suggère une expérience de nature spirituelle puisqu'il est fait mention de la porte étroite. Même si ce n'est jamais explicité dans le livre, c'était probablement évident pour les contemporains de Gide. La porte étroite fait référence à une réponse de Jésus à un jeune homme riche qui lui demande comment accéder au royaume de Dieu. Jésus répond qu'il faut se délester de ses richesses. Et d'expliquer à ses disciples que pour atteindre le royaume de Dieu, il faudra se dépouiller de tout ce que l'on porte, comme on doit délester un chameau pour le faire passer par la porte étroite (petit portillon accessible quand les grandes portes ne sont pas ouvertes).
Il s'agit donc de dépouillement, et d'une interprétation de l'évangile assez austère qui était probablement courante du temps de Gide, beaucoup moins mise en avant aujourd'hui. On parle également dans le texte de quiétisme (doctrine consistant à penser qu'on peut gagner son salut passivement, en s'abstenant d'agir mal) et de jansénisme (doctrine opposée exigeant beaucoup d'efforts de peur que la grâce de Dieu ne manque pour sauver le croyant). Alissa incarne à sa façon les excès du jansénisme par son désir de privation du bonheur, tandis que Julien incarne le quiétisme par son attitude d'acceptation inerte.
Bref, nos deux amoureux semblent plus en recherche spirituelle qu'en recherche charnelle, et le lecteur assiste à la désincarnation progressive de leur amour. La clé en est probablement dans l'attitude de la mère d'Alicia, qui bien que dépressive avait un amant, et donc une jouissance immodérée. Sa fille semble vouloir prendre le chemin inverse, un chemin d'austérité et d'abnégation, dont il est inutile ici de rappeler les différentes étapes, si ce n'est qu'elles vont la conduire à une sorte de mélancholie mortelle à force de réprimer ses sentiments.
Tout au long de la lecture, je n'ai pu m'empêcher de me demander, mais que ne cédent-ils à la passion des corps? le journal intime trouvé en fin d'ouvrage en livre une clé : les moments de grande froideur d'Alissia correspondent à ses luttes les plus intenses contre ses désirs.
Que Gide aie voulu critiquer l'austérité des moeurs de son époque et montrer à quel point elle pouvait être mortifère, nul doute là dessus. Cette austérité est un héritage du XIXème siècle et va continuer à peser sur la foi chrétienne tout au long du XXème siècle, on en voit aujourd'hui des traces dans les scandales liés à des maltraitances dans les orphelinats : il fallait maîtriser les tentations de la chair.
Nos deux héros sont de bonne volonté, presque trop, puisqu'ils acceptent les séparations, et même les provoquent comme de nouveaux moyens de s'assurer de la sublimer leur amour et de s'assurer de sa pureté.
L'intrigue se complique par l'amour de Juliette, la soeur d'Alicia, pour le narrateur. Une nouvelle chance pour Julien de rencontrer l'amour, qu'il va également laisser passer. Juliette va se marier à un homme qu'elle n'aime pas, mais avoir des enfants et être heureuse, tout en restant amoureuse de Julien. Elle représente le pragmatisme et le compromis alors qu'elle est à priori la plus passionnée des deux soeurs. Sa porte étroite à elle se révélera féconde.
Je ne peux m'empêcher de faire le parallèle avec une mystique contemporaine du roman : Thérèse de Lisieux, qui va également être en prise avec la dépression, et également donner sa vie, jeune, dans une extase mystique, en 1897, soit douze ans avant l'écriture du roman. La publication des journaux intimes de Thérèse lui vaut un succès mondial rapide et il n'est pas impossible que Gide en ait eu connaissance.
Quoiqu'il en soit, le livre fut salué du temps de Gide comme un éloge de la vertu, ce qu'il n'est probablement pas, car qui peut envier les deux protagonistes de l'histoire qui sacrifient ce qu'ils ont de plus beau pour une illusion qui n'a finalement pas de sens, et qui ne devient qu'un immense bourbier.
La conclusion en serait plutôt : méfiez-vous de trop chercher la porte étroite. La vie est effectivement suffisamment riche en porte étroites pour qu'on n'aille pas s'en inventer des supplémentaires!
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Jérôme et Alissa. Alissa et Jérôme. À travers cette amourette d'enfant, Gide dit l'universel, la portée d'un amour qui transcende. La place prédominante dans l'ensemble de l'ouvrage de la religion catholique, à laquelle s'entremêle l'amour, donne un ton vieillot et passé, comme un bouquet de fleurs fanées sur une nappe de Vichy.
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Il y a des jours où je regrette d'être tombée dans le piège des notes, ces froids petits chiffres posés avec nonchalance sur nos lectures (et sur tant d'autres choses d'ailleurs: des produits, des services, et même des gens...), et qui dans leur format lapidaire et définitif révèlent bien peu de ce que l'on veut dire. Je me prends même ici à rêver que ces notes soient celles que les auteurs attribuent au lecteur et non l'inverse: qui suis-je pour "noter" Gide?
D'autant que mettre une note est en soi une démarche facile, totalement inverse à celle de la porte étroite! "La route que vous nous enseignez, Seigneur, est une route étroite – étroite à n'y pouvoir marcher deux de front", dit Alissa qui se dérobe à l'amour de Jérôme, qu'elle aime pourtant, mais qui choisit la voie de l'abstinence pour préserver ce que cet amour a de plus pur.
L'exigence et l'élégance de la plume de Gide, la délicate austérité du récit tout comme l'ambition d'élévation de l'âme de ses personnages sont évidemment au-delà de toute vulgaire notation. En revanche, je dois avouer que cette lecture, bien que courte, aura été pour moi assez poussive, trop marquée de religiosité et d'introspection pour mes papilles de lectrice, d'où ce piètre 3 dont je la gratifie. J'ai bien peur de ne toujours pas être prête à lire Proust...


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Jérôme vient de perdre son père. Avec sa mère et une amie de celle-ci, Miss Flora Ashburton, ils partent tous les trois passer des vacances en Normandie chez les Bucolin, des parents. Il y fait la connaissance de sa cousine, Alissa, dont il tombe amoureux et lui soumet son projet de l'épouser…
Si l'on connaît un tant soit peu la biographie de Gide, on s'apercevra vite qu'il reprend beaucoup d'éléments de celle-ci dans « La porte étroite ». Ainsi à sa sortie, il ne souhaite pas que l'on qualifie son ouvrage de roman mais plutôt de récit, sans doute afin de lui donner toute la véracité qu'il souhaite et, de facto, satisfaire son égo en embellissant une réalité moins gratifiante. Car l'auteur a bien épousé sa cousine, mais on peut douter de l'aspect passionnel de leur relation qu'il développe amplement au cours de cet ouvrage lorsque l'on sait la vraie nature de Gide. Mais qui sommes-nous pour juger ?
Alissa surprend dans son attitude à refuser l'amour qui lui est offert, et même agace. On pourrait penser que l'ennui, tout comme pour la Bovary, est l'élément déclencheur de cette recherche des situations dramatiques. Mais là où le personnage de Flaubert concrétisera ce goût pour la tragédie dans l'adultère, le personnage de Gide l'argumentera dans une foi vertueuse.
On ne peut lire « La porte étroite » sans penser à Marcel Proust et « à la recherche du temps perdu ». On y trouve les mêmes ambiances, la Normandie et sa campagne, la mer et ses odeurs iodées que l'on devine... Il y a aussi, bien sûr, cette langue française parfaitement maniée et la poésie qu'il émane de chaque phrase. C'est comme une mélodie suave qui ne peut que flatter nos oreilles, exacerber nos sens.
On pourrait penser que Gide s'est inspiré de Proust, il n'en est rien. Gide écrit « La porte étroite » en 1909 et ce n'est qu'en 1913 que Proust présente son manuscrit aux maisons d'édition. Lorsqu'il le propose aux éditions Gallimard, son ami Gaston Gallimard est enthousiasmé, mais n'étant qu'administrateur c'est au comité éditorial que revient la décision. C'est là où Gide intervient en y opposant un veto. Par-là, il entend asseoir son autorité au sein de la prestigieuse maison et peut-être écarter un rival talentueux. Plus tard il le regrettera.
« La porte étroite » est un grand moment de la littérature française, et l'objet du premier succès de Gide auprès des lecteurs. Aussi étroite soit-elle, c'est une remarquable ouverture sur l'oeuvre de Gide, facile d'accès et que l'on devrait conseiller de lire en premier, pour qui n'a jamais rien lu de cet auteur.
Editions Mercure de France, Folio, 186 pages.
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Voici un roman court qui offre l'avantage appréciable de valider de nombreux challenges de lecture, futé !

Plus sérieusement, "La porte étroite" est - si on en croit l'évangile - le choix délibéré de ne pas céder à la facilité, à la séduction du péché ; c'est le choix conscient et volontaire de la Vertu.

Jérôme, le narrateur, et Alissa, sa cousine, s'aiment depuis l'enfance et leur avenir heureux semble tracé. C'est sans compter sur Juliette, soeur d'Alissa et donc autre cousine de Jérôme, dont on découvre qu'elle aime aussi Jérôme. de ce triangle amoureux à la "Je t'aime, moi non plus", il ressort un mariage arrangé et fécond pour Juliette, et une relation amoureuse complexe pour Jérôme et Alissa. Au fil des ans, Alissa semble en effet fuir l'engagement matrimonial projeté de longue date et se campe dans une posture de sacrifice et de renoncement, tout en cherchant à atteindre la sainteté dans l'amour, prétendant à une supériorité qui exclut de plus en plus la consommation de cet amour.

Jérôme fait part dans son récit des aléas de sa passion et André Gide donne aussi la parole à Alissa à travers ses lettres et son journal.

Comme c'est souvent le cas avec les amours éthérées et compliquées - pour ne pas dire exaltées ou hystériques, j'ai été peu touchée par ce drame sentimental et même si la plume de Gide donne du relief à l'ensemble, je ne me suis pas attachée aux personnages et j'ai ressenti très peu d'empathie, même face au drame.


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Challenge XXème siècle 2022
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Challenge XIXème siècle 2022
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Alissa ne peut aimer Jérôme que dans l'absence et l'oubli d'elle-même. Il est au loin, elle écrit se languir et espérer, ne rien attendre que le revoir. Mais une fois qu'il est de retour, elle semble fuir et se dérobe. La psychanalyse y verrait-elle une forme d'hystérie ? Lui ne s'y retrouve pas, mais n'est pas en reste pour autant, et elle lui échappe par son exigence d'absolu et de pureté. Tout cela est bien compliqué, qui requiert de cheminer par les sentiers arides de l'éducation protestante d'une bourgeoisie provinciale élitiste et bien pensante. Car le ton est donné dès le titre de l'ouvrage : la porte étroite, c'est par elle qu'il faut s'efforcer de passer, à l'exhortation de Jésus lui-même, dont les paroles sont reprises par le pasteur pour sa méditation, dès le début du livre.
Ces ados corsetés dans des principes et qui ne vivent pas leur âge, restent cantonnés à des devoirs et des dévotions qui les tiennent bien éloignés des aspirations de la plupart des jeunes gens d'aujourd'hui. Très daté, ce roman dépeint une époque pourtant pas si lointaine, qu'il est bien difficile de relier à la nôtre. L'écriture et le style sont aujourd'hui trop recherchés pour permettre au grand Gide de rester un auteur accessible à tous. Il fait aujourd'hui partie des écrivains d'un autre temps, ancré dans un 19ème siècle pétri de principes et jusqu'au 20ème siècle qui n'était pas entré dans la modernité, à l'heure de lui décerner le prix Nobel de littérature.
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Ce roman, racontant l'amour entre Jérôme (le narrateur) et Alissa (sa cousine), m'a profondément marqué, notamment par son caractère concis (peu de personnages, assez court) et très dense (à chaque page se ressent d'une extraordinaire façon l'amour des deux protagonistes).
Ainsi, le titre porte bien son nom grâce à cette sensation d'exiguïté que nous avons à force de côtoyer les plus profonds sentiments des deux amoureux, comme si nous étions de trop.
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