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sur 397 notes
Je l'avais lu à l'adolescence et séduite par le style, émue par la détresse de l'écrivain qui parait se livrer avec une rare authenticité, je n'y avais vu que du feu...
À la relecture, j’ai envie de dire : j’y vois une écriture subtile, précise et lyrique pour circonscrire la confusion qui nous fait toucher du doigt cette capacité phénoménale que possède l'humain de se sublimer et de se mentir à soi-même.
La première partie retrace les évènements qui ont marqué son enfance et son adolescence et son entrée dans le monde des lettres.
Il est né dans de beaux draps : j'entends par là dans l'aisance d'une famille où l'on sait se tenir et où on ne consent pas, par exemple, à habiter dans des maisons sans portes cochères !
Il perd son père à 11 ans. Un père attachant et libéral dont il gardera la nostalgie. Sa mère, restée veuve, de religion protestante lui impose une éducation excessivement puritaine et rigoriste.
À l'école, il se fait harceler, voire torturer par un groupe d'enfants hargneux et violents. Pour être dispensé de classe, il feint une maladie nerveuse. Et cela marche. Très vite un mécanisme d'évitement se met en place, car on le devine par la suite, à des moments clefs de sa vie, il aura tour à tour des maux de tête, des fluxions de poitrine gravement invalidantes qui s'avéreront finalement être d'origine somatique.
Choyé par une mère assez bornée, mais aimante il sera confié à divers précepteurs choisis sans beaucoup de discernement. C'est d'ailleurs par ce biais que se développe un amour des lettres qui s'enracine dans un désir de transgression. Il rejoint assez tard l'école alsacienne où il rencontre Pierre Louÿs. Après son bac (en passant par le lycée Henri IV) et la confirmation de ses ambitions littéraires, il fréquente les salons parisiens et se lie avec de nombreux poètes : Valery, Heredia, Mallarmé.
Depuis l'enfance, il est amoureux de sa cousine Madeleine qui le repousse plus ou moins, mais dont il devine le profond chagrin lorsqu'elle surprend sa mère en situation d'adultère. Cet amour platonique parait sincère. Il n'y rentre strictement aucune sensualité. Avec du recul, on comprend que c'est un prétexte, que cela va lui permettre de retarder sa mue ou la prise de conscience de sa véritable sexualité.
C'est dans la deuxième partie qu'il se découvre et s'avoue clairement un penchant pour les hommes à l'occasion d'un voyage avec son ami Paul Laurens. Évidemment malgré le beau style, les scrupules et circonlocutions, il est impossible de ne pas être gêné. Non par l'homosexualité qui n'a rien d'illégitime, mais parce qu'il s'agit là d'enfant (ou de très jeunes ados) et de relations consentantes et… tarifées. J'ai envie de dire avec Camus que dans ce cas, un homme, ça s'empêche. Il y avait en lui, visiblement, une complète dissociation entre le désir voire la passion physique et l'amour. La rencontre avec Wilde est significative sur ce point, car ce dernier lui propose un rapport avec un adolescent de moins de 16 ans…
On voit qu'il se débat dans la confusion, qu'il lutte contre lui-même, écartelé entre un penchant qu'il tient pour naturel et ses convictions chrétiennes. D'ailleurs, il tombe malade. Il tentera plus tard de concilier les deux par un tour de passe-passe rhétorique qui donne naissance à des envolées lyriques qui paraissent – à la relecture – toujours aussi séduisantes, mais nébuleuses. C'est ce qui au demeurant est assez touchant. En gage de sa sincérité : quand sa mère meurt et en hommage sans doute à cette mère abusive qu'il affectionne malgré tout, comme s'il voulait à tout prix se racheter et terrasser ses démons, il se fiance à Madeleine. C'est sur cette note de renoncement et d’espoir que se termine le livre.
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Si le grain ne meurt /André Gide (1869-1951) Prix Nobel 1947
La cinquantaine passée, Gide décida d'entreprendre l'écriture de ses mémoires. Tenant un journal depuis toujours, c'est sa vie privée ainsi notée qui lui a été un tremplin pour trouver l'inspiration. Cette autobiographie, écrite dans un style remarquable très classique, s'étend de l'enfance de Gide jusqu'à ses fiançailles et nombres des éléments vécus et relatés dans cette oeuvre ont inspiré « La porte étroite » et « L'Immoraliste ».
Dans ce récit, il raconte sans fard les 26 premières années de sa vie. Lors de sa parution en 1926, le livre scandalisa ses contemporains. On parla d'audace provocante. Cela a toujours été dans la nature de Gide de provoquer, obsédé qu'il fut d'être foncièrement sincère.
La jeunesse de Gide n'a pas connu ce qu'il appelle « l'exotisme de la misère », mais plutôt la « simplicité archaïque » de la vie huguenote notamment lors de ses vacances à Uzès, berceau de la famille paternelle.
« Mes parents avaient pris coutume de passer les vacances d'été dans le Calvados, à La Roque Baignard, cette propriété qui revint à ma mère au décès de ma grand-mère Rondeaux. Les vacances de nouvel an, nous les passions à Rouen, dans la famille de ma mère ; celles de Pâques à Uzès, auprès de ma grand-mère paternelle. »
Dès le début du récit, Gide fait part de ce vif sentiment qu'il éprouvait d'être divisé par sa double origine normande et languedocienne. Difficile alors pour le jeune homme de se sentir enraciné quelque part même s'il est fier d'être le petit fils du pasteur Tancrède Gide et s'il se sent touché par la vie évangélique d'une famille paysanne. Il est certain que l'atmosphère régnant au sein de cette famille a eu un impact déterminant sur son enfance. Il reconnait son côté obtus et oppressé, paralysé par l'éducation puritaine et sévère de sa mère et fera tout pour que ce côté disparaisse et cède la place à un jeune homme épanoui et libre d'esprit et de corps.
« Mon éducation puritaine encourageait à l'excès une retenue naturelle où je ne voyais point malice. Mon incuriosité à l'égard de l'autre sexe était totale…Je vivais replié, contraint, et m'étais fait un idéal de résistance ; si je cédais, c'était au vice… »
L'amour de Gide pour Madeleine Rondeaux, sa cousine, (Emmanuelle dans le récit) a eu une importance capitale dans la vie de l'écrivain. Elle devint sa femme en 1895. On retrouve Madeleine sous divers noms dans son oeuvre, que ce soit dans « L'Immoraliste » ou dans « La porte étroite ». Il apparait que cet amour se tournait vers un être faible, victime d'un drame familial et qu'il souhaita protéger.
L'ouvrage se divise donc en deux parties : dans la première, il raconte ses souvenirs d'enfance : ses précepteurs, ses écoles où il ne fut guère assidu, pour une scolarité globalement anarchique, sa famille, ses mauvaises habitudes, ses jeux, sa solitude puis son amitié avec Pierre Louÿs, sa vénération pour sa cousine et ses premières tentatives d'écriture. Dans la seconde partie, Gide retrace sa découverte du désir et de sa pédophilie et son homosexualité, lors d'un voyage en Algérie. Affidé à Pierre Louÿs, Oscar Wilde et Paul Albert Laurens, il vogue avec Ali sur des vagues d'oaristys en route vers l'empyrée…
Il faut bien retenir que Gide porte un regard sévère sur ses obsessions et cette absence de complaisance se traduit par une confession écrite sincère et sans pudeur en une langue aux mots choisis et précis. Un critique disait : lire Gide, c'est comme écouter du Bach.


Extrait : « le motif secret de nos actes, et j'entends : des plus décisifs, nous échappe ; non seulement dans le souvenir que nous en gardons, mais bien au moment même. Sur le seuil de ce que l'on appelle : péché, hésitais-je encore ? Non ; j'eusse été trop déçu si l'aventure eût dû se terminer par le triomphe de ma vertu, que déjà j'avais prise en dédain, en horreur. Non ; c'est bien la curiosité qui me faisait attendre… »
Pour la petite histoire, le titre fait allusion aux versets de l'Évangile selon Saint Jean, 12,24-25 :
« Si le grain de blé qui est tombé en terre ne meurt, il reste seul ; mais, s'il meurt, il porte beaucoup de fruit. Celui qui aime sa vie la perdra, et celui qui hait sa vie dans ce monde la conservera pour la vie éternelle. »
Ce texte exprime donc de façon métaphorique la dualité de l'auteur. Commencé en 1916, ce récit à forme parfois de confession fait écrire à Gide dans son journal : « Je n'écris pas ces mémoires pour me défendre, je n'ai point à me défendre, puisque je ne suis pas accusé. Je les écris avant d'être accusé. Je les écris pour qu'on m'accuse ».
Pour la petite histoire encore, notons que André Gide eut une fille : Catherine Gide (1923-2013), écrivaine, fille naturelle et seul enfant d'André Gide et d'Élisabeth van Rysselberghe (fille de Maria et du peintre Théo van Rysselberghe). Elle fut reconnue par son père à la mort de Madeleine en 1938, épouse d'André Gide.




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Je relis assez fréquemment ce livre, plus souvent, la première partie, celle consacrée à son enfance, et plus particulièrement celles relatant ses séjours uzétiens dans la maison familiale, relecture quand l'envie me prend de faire une promenade littéraire dans ce duché gardois. Retrouver, respirer les lieux qu'il décrit, le Gardon, l'hôtel Béchard où sa grand-mère achetait les tendres aloyaux aux olives, la pâtisserie sous les arcades de la Grande Place aux Herbes qui approvisionnait la famille en dessert dominical, - en vol-au-vent, en quenelles, en croûtillon au lard ou en floconneuse brandade - , l'Esplanade…), croiser furtivement l'ombre des gens qu'il a côtoyé, (la belle cousine de Flaux aux cheveux portés en bandeaux, au profil de camée, l'épaule provocante, son oncle, Charles, professeur au collège de France…) Ses souvenirs et témoignages, ceux de sa famille sont conservés maintenant dans le musée municipal, l'ancien palais épiscopal .
Si vous êtes dans les environs, lisez ou relisez ce livre, avec un oeil différent, un oeil de touriste cultivé , et allez musarder dans cette petite ville. Elle est classée Ville d'art depuis 1965 et a été une des premières à bénéficier de la Loi Malraux. Vous y rencontrerez André enfant, un Gide beaucoup moins austère que celui qui se profilera dans d'autres oeuvres .

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“Les Mémoires ne sont jamais qu'à demi sincères, si grand que soit le souci de vérité: tout est toujours plus compliqué qu'on ne le dit.” Sa vie et sa pensée sont certes compliquées - mais quand il décide d'écrire ses Mémoires, Gide ne s'embarrasse pas de faux-semblants. Construit en deux parties bien distinctes, Si le grain ne meurt révèle deux aspects de sa personnalité qui ne le montrent pas sous un très bon jour : d'abord en enfant ingrat à l'éveil intellectuel tardif, puis en compagnon de débauche d'Oscar Wilde, découvrant lors d'un voyage son attirance pour les jeunes garçons. Si cet aspect scandalise les contemporains de Gide - et continue de ternir, légitimement, son image, ses amants étant tout juste adolescents -, cette mise à nu complète est cependant passionnante pour qui veut cerner l'influence de la vie de Gide sur son oeuvre. de l'Immoraliste à la Porte étroite, de Paludes aux Faux-Monnayeurs, c'est toute la production romanesque de Gide que l'on retrouve par fragments, diffractée, dans ces mémoires de jeunesse qui restent un modèle du genre.
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Une super autobiographie qui se lit très facilement. Cette simplicité se retrouve dans le style très fluide et beau de Gide. J'ai pris énormément de plaisir à découvrir sa plume et j'ai hâte de me plonger dans d'autres oeuvres de l'auteur. Avoir commencé par ce livre me permet de mieux cerner l'auteur, on a ainsi l'impression de le connaitre et on souhaite retrouver son style comme celui d'un ami.
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Autobiographie d'André Gide : son milieu privilégié, son enfance, ses parents, sa famille, son éducation, ses découvertes littéraires, sa passion pour la musique, ses rencontres avec des écrivains. Il s'agit en même temps d'une peinture du Paris littéraire du début du XXème siècle.
Dans la deuxième partie du récit, Gide évoque ses voyages, la découverte de son homosexualité qu'il a du mal à assumer à l'époque et avec l'éducation qu'il a reçue.
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Au-delà des témoignages de première main sur le gratin littéraire de l'époque (Gide rencontre Wilde en Algérie...), et des ébats trop connus dans le sable, voici la plus poignante confession au style d'une haute tenue. Quoi de plus émouvant que la narration des amours naissantes du célèbre directeur de la NRF avec sa future épouse? Elles donneront le jour à La Porte Etroite, La Symphonie Pastorale encore, et se lisent à coeur ouvert dans Et Nunc Manet In Te. Cette faille de toute une vie ô combien publique reste secrète en dépit de tous les étalages..."Lécher sa plaie", écrivait René Char.
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Le seul livre de Gide que je relis avec plaisir. le seul livre de Gide que je relis. le seul livre de Gide.
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Gide raconte sa vie, son enfance, mais il cherche surtout à expliquer ses choix, son écriture et à monter pourquoi et comment il a aimé les hommes. C'est surtout utile pour les amoureux de l'auteur, de l'époque et pour ceux qui voudraient comprendre l'itinéraire d'un écrivain homosexuel.
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Pureté, puritanisme, protestantisme, humanités...
Il faudrait bien des mots pour qualifier ces mémoires.
Je ne connaissais de Gide que plusieurs de ses romans, sans avoir eu la curiosité jusqu'à présent de découvrir sa vie.
Et quelle vie, quelle époque...
Des découvertes, des fréquentations de renom, une haute société avec ses codes.
Un univers totalement inconnu et captivant pour moi.

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