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L'île haute" est un beau texte poétique, construit autour de trois parties: "Blanc" comme l'hiver, "Vert" comme le printemps, "Jaune" comme l'été. Trois couleurs qui symbolisent les trois saisons que le jeune héros du roman va passer dans un village isolé de Haute-Savoie, à proximité de la frontière suisse.
Sur fond de 2ème guerre mondiale et d'occupation étrangère, le jeune Vadim Pavlevitch, d'origine juive, quitte Paris et sa famille pour officiellement soigner son asthme, mais surtout pour se réfugier dans une vallée reculée des Alpes sous le nom d'emprunt de Vincent Dorselles. Regardé sous cet angle, ce roman est l'histoire du drame personnel d'un enfant de 12 ans, confronté à l'incompréhension du monde qui l'entoure, et au déracinement extrême qui l'oblige à oublier son identité. Un destin adouci toutefois par la bienveillance de la famille d'accueil qui va l'héberger pendant plusieurs mois et l'aider à quitter la France. A travers de l'évocation de cette famille affectueuse, l'autrice rend hommage à ces "justes" qui, en ces temps troublés, apportèrent leur aide à ceux qui tentaient d'échapper à l'arrestation.
Mais, cet ouvrage est surtout l'histoire d'un émerveillement, aussi inattendu que violent, celui que va éprouver ce jeune citadin devant la contemplation des paysages de la haute montagne, des paysages qu'il va découvrir peu à peu dans leur apparente immobilité hivernale, leur lente évolution lors des changements de saison, et dans l'aspect fluctuant des perspectives et des lieux. Lui qui ne connaissait la montagne qu'au travers des manuels scolaires, qui ne voyait le ciel qu'au travers de celui que les immeubles parisiens lui laissaient entrevoir, qui n'entendait les sonorités qu'au travers des bruits de la ville, il va appréhender la réalité concrète d'un autre monde, celle que lui donne quotidiennement le spectacle de la nature à l'état brut, et de la vie à son contact immédiat. Doté depuis son plus jeune âge d'une sensibilité artistique, en partageant l'existence rude et simple des montagnards de cette époque, Vincent/Vadim va apprendre à décrypter la beauté des choses, la poésie des formes, la musique des mots, celle des chants d'oiseaux et des silences nocturnes, et va ainsi parvenir à en percevoir la cohésion d'ensemble.
Au début de l'automne 1943, en franchissant clandestinement la frontière suisse, Vincent, redevenu Vadim, comprend alors qu'il a quitté l'enfance avec un beau bagage .
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L'île haute" est un roman d'apprentissage particulièrement réussi.