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Kalpa Imperial, de l'autrice argentine Angélica Gorodischer est un fix-up de nouvelles que l'on classera (faute de mieux) dans le genre de la fantasy. Ce livre nous narre l'histoire de « l'Empire le plus vaste ayant jamais existé ». Publié depuis 1990, le livre a déjà connu un certain succès en Argentine et dans le monde anglo-saxon (bénéficiant notamment d'une traduction d'Ursula le Guin) avant d'être traduit et édité en français en 2017 par les éditions La Volte.


On retrouve dans l'ouvrage onze nouvelles, qui partagent le même univers, un empire immense et quasi-éternel qui nous est conté par un même narrateur (un conteur d'histoire). L'Empire est purement imaginaire mais situé dans un univers relativement proche du notre. Les récits restent suffisamment flous pour que le lecteur puisse se les représenter au sein de n'importe quelle culture (même si pour ma part je n'ai pu m'empêcher d'imaginer le récit au sein d'une Chine mythique) et, concernant la chronologie des récits, elle est volontairement très indistincte tant les évènements heureux et malheureux semblent être voués à se répéter indéfiniment. Notre narrateur va donc conter les hauts et les bas de cet empire au travers, généralement, de la vie de ses empereurs et impératrices qu'ils soient des gouvernants éclairés, médiocres ou même fous. On est peu à peu happé par le rythme, le charme et la musicalité de la narration, la vue de cet empire à la fois immuable et changeant avec ses périodes glorieuses et ses déclins. le conteur s'adresse à son auditoire comme un vieil homme sage s'adressant à des enfants au coin du feu ou à des sujets sur la place publique, il avertit ses lecteurs, installe un suspense, explique une ellipse et parfois, interpelle ou admoneste ses interlocuteurs.


le recueil commence avec « Portrait de l'empereur », un récit sur la vie de Bib, enfant chétif d'une époque sombre, qui ressuscita l'empire, il se poursuit un peu plus loin avec « Fin d'une dynastie ou histoire naturelle des furets » un récit très réussi où un jeune empereur prisonnier d'un pesant protocole apprendra la vérité sur sa filiation, un peu plus tard nous suivront l'ascension sociale irrépressible d'une impératrice venue des couches les plus basses de la société (« Portrait de l'impératrice ») puis l'autrice s'autorisera une incursion dans le conte fantastique via un récit où un commerçant rusé accède à la richesse et au pouvoir en s'appuyant sur un jeune garçon aux mouvements hypnotiques(« Premières armes »). Enfin, le livre s'achève avec un récit quasi-messianique grisant (« Tel est le Sud ») et le conte à hauteur d'homme d'une traversée du désert au sein d'une caravane marchande (« La vieille route de l'encens »).


Si certaines nouvelles m'ont paru excellentes et d'autres un peu plus ordinaires, j'ai trouvé de bonne tenue l'ensemble du recueil et apprécié ma découverte de l'autrice. Situé à mi-chemin entre le genre de la fantasy et le recueil de contes, c'est un livre à la fois agréable, immersif et bien écrit, un monde dans lequel il fait bon se plonger. Une des plus grandes qualités de l'ouvrage est sans doute sa gestion du rythme : aidé en cela par un style très plaisant, un zeste d'humour et une bonne alternance entre les nouvelles et un jeu constant avec le narrateur (un conteur, qui doit donc captiver et maintenir en haleine son auditoire), le livre se déroule avec plaisir et aisance sans aucun temps mort. Une agréable découverte.
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Je sens en écrivant ces lignes que ce livre m'a marqué et me restera en mémoire. Cette histoire magnifiquement écrite (mais au style parfois exigeant) est celle d'une civilisation indéterminée dans le temps et l'espace. Cette histoire nous est révélée par un conteur au travers de chapitres qui sont des nouvelles quasiment indépendantes, dans un tourbillon où se succèdent les empires souvent guerriers et les personnages souvent tyranniques. L'envoutement n'a fonctionné que par intermittence pour moi du fait du changement régulier de personnages. C'est au final le tableau général qui m'a marqué, cette proposition de fresque infinie, sans début ni fin, que nous ne pouvons appréhender qu'au travers des quelques instants grandioses ou dramatiques qui nous sont contés. Et enfin, ce dernier chapitre que j'ai beaucoup aimé, même s'il aurait aussi pu ne pas être proposé…
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Un conte des mille et une nuits venu d'Argentine…


« Tous les hommes ont un secret attrait pour les ruines. Ce sentiment tient à la fragilité de notre nature, à une conformité secrète entre ces monuments détruits et la rapidité de notre existence ».
Chateaubriand traduit bien le sentiment que j'éprouve à la lecture des contes contenus dans Kalpa Imperial, un sentiment mêlé de fragilité et d'éternité, d'éternel recommencement après les chutes, de décrépitude atteignant même ce qui semble immortel renforçant par là-même notre propre fragilité d'humains…Kalpa impérial, « l'empire infini », lui aussi détruit tel un monument qui semblait pourtant éternel…


Kalpa Imperial est un livre d'une élégance rare, d'une beauté délicatement surannée. S'il était une matière, il serait du marbre : une écriture lisse, sans aspérité, douce et poétique, pure, atemporelle, nervurée. S'il était une fragrance, il serait discrète infusion d'iris. S'il était une habitation, il serait palais antique aux colonnes immenses et fières. S'il était une couleur ce serait un blanc tirant sur le crème, légèrement cérusé. S'il était une chanson, ce serait un titre du groupe espagnol La Chica, l'énigmatique titre Oasis sans doute. S'il était un tableau, il serait un tableau d'Hubert Robert, ce peintre français de ruines antiques entourées d'une nature idéalisée…
Après avoir découvert récemment Ursula le Guin, je découvre une autre voix féminine des littératures de l'imaginaire, Angélica Gorodischer, contemporaine d'ailleurs d'Ursula le Guin. Une voix féminine sud-américaine, et voilà un récit de fantasy à nul autre pareil, très singulier. Chaque histoire contenu dans ce livre envoute, caresse notre âme et transporte notre imagination. Écrit en 1983 à la chute de la dictature argentine, il est considéré comme un classique de la littérature SFFF en espagnol et a remporté plusieurs prix littéraires.

Il faut dire que ce livre raconte, au sens premier du terme, il raconte la politique, la religion, les conflits, les relations entre les différentes cultures d'un empire. Sa naissance, ses soubresauts et sa fin. Quel empire ? Où ? Nous ne savons pas (je l'imagine empire babylonien mais il n'y aucune indication en ce sens), juste qu'il s'agit du « plus grand Empire que le monde ait connu ». Cela donne une dimension universelle à ce livre. L'absence de temporalité donne l'impression de se situer en des temps immémoriaux, le récit est ainsi retranscrit à l'oral, un peu à la manière des aèdes antiques. le récit se déroule ainsi dans un empire imaginaire appelé « Kalpa », à une période indéterminée mais qui semble très lointaine, et suit les aventures d'un conteur itinérant qui voyage à travers cet empire infini en racontant des histoires aux différents habitants et souverains qu'il rencontre.

« En plus d'être longue, l'histoire de l'Empire est compliquée : ce n'est pas un conte facile dans lequel on énumère un événement puis un autre et dans lequel les causes expliquent les effets et les effets ont la même ampleur que les causes. Non, ça n'a rien à voir : l'histoire de l'Empire est semée de surprises, de contradictions, d'abîmes, de morts et de résurrections ».

A chaque histoire le conteur nous interpelle, nous ordonne, nous gronde parfois afin que nous soyons bien attentifs à son récit qui va en effet livrer une importante tranche d'histoire. Des chroniques historiques racontées comme si nous étions sur une place publique, à écouter ce conteur scander fort son récit l'appuyant, j'imagine, de gestes amples et exagérés, usant d'un style éminemment poétique. Une ambiance hors du temps, une histoire transmise à l'oral offrant une parenthèse enchantée comme seuls peuvent le faire les contes ou les fables racontées autour d'un feu.

« Non, non, écoutez bien ce que je vous dis, ne vous laissez pas distraire et ne dites pas ensuite que je ne vous ai pas donné assez d'explications. S'il y a quelqu'un qui ne s'intéresse pas à ce que je dis, il peut partir ; c'est comme ça, pour ne pas déranger les autres ».

Le conteur, dans chaque récit, met en valeur des personnages marquants, picaresques, souvent proche de la folie, de l'abnégation, de l'étrange, de l'ignominie. Comme cet empereur sans nom qui s'est emparé de force du pouvoir et devint fou jusqu'à se terrer dans son palais, continuant à gouverner sans que personne ne le voit (Les deux mains), ou encore ce jeune prince qui, en découvrant la vérité sur son père et sa mère, mettra fin au royaume (La fin d'une dynastie ou L'histoire naturelle des furets, sans doute mon récit préféré tant l'ambiance est étrange). Comme cet homme, Bib, trop maigre, trop curieux et trop désobéissant qui fit revenir à la vie l'Empire (Portrait de l'Empereur), comme ce marchand de curiosités qui ravit le pouvoir grâce à une étrange chose qu'il va louer à l'Empereur ( Premières armes) ou encore ce médecin aux pratiques mystérieuses qui a don de clairvoyance (L'étang)…et tant d'autres.
Ces personnages, multiples et très variés, ne se retrouvent pas dans les différents récits, les chapitres de Kalpa impérial sont reliés les uns aux autres de manière thématique plutôt que narrative, en un temps très long qui semble éclaté et fragmenté, où se succèdent des empereurs stupides et des empereurs sages, des empereurs fous et des empereurs visionnaires. le ton est, dans tous les cas, toujours très caustique, le parti pris ubuesque et absurde. le lieu est chaque fois un lieu différent de l'empire avec des personnages différents mais on y retrouve des thèmes et des motifs similaires. Notamment le thème du pouvoir mais aussi, et surtout, celui de la vérité historique. Qu'est-ce qui est vrai, qu'est-ce qui est transformé dans ce qui est raconté ? Mieux vaut-il croire les livres d'histoire, les légendes, les chansons populaires ? Ne sont-ils pas une autre façon de raconter et donc de transformer les faits historiques ? le conteur itinérant voyage à travers l'empire en racontant des histoires qui sont souvent en contradiction avec les versions officielles de l'histoire, ce qui soulève des questions sur la manière dont les événements sont relatés et interprétés. Comment faire son devoir de mémoire et d'histoire dans ces conditions ?

« Ils restèrent également dans la légende, ces récits que tout le monde dit ne pas croire précisément parce qu'ils ne sont pas très sérieux et auxquels tout le monde croit précisément parce qu'ils ne sont pas très sérieux. Et l'on chanta des chansons insidieuses et si faciles qu'on les répéta sur les places et dans les ports et dans les foires. Et il n'y avait aucune part de vérité, aucune : ni dans les origines romanesques ni dans les noms imagés et fantaisistes. Je suis celui qui va vous conter la façon dont les choses se sont déroulées, car il revient aux conteurs de contes de dire la vérité bien que la vérité n'ait pas l'éclat de ce qui est inventé mais cette beauté que les crétins qualifient de misérable ou de mesquine ».

Angélica Gorodischer est l'une des autrices de SFF de langue espagnole les plus reconnues au monde, comme en témoigne son prix World Fantasy, reçu en 2011 pour l'ensemble de son oeuvre, ou son prix Dignité de l'Assemblée Permanente pour les Droits de l'Homme, reçu en 1996 pour son action en faveur du féminisme. Son livre "Kalpa Impérial" est une oeuvre singulière, onirique et poétique, le premier livre de fantasy argentin que je lis pour ma part, et qui, par le biais du conte, constitue une incroyable allégorie du pouvoir, allégorie d'autant plus troublante lorsque nous savons que ce livre a été écrit au moment même de la chute de la dictature argentine. C'est un livre universel contant l'Histoire de l'humanité depuis la nuit des temps. Un livre qui pourrait être emporté sur une île pour s'abreuver et se bercer de contes sur la société humaine et ne jamais oublier la folie, l'ignominie, l'absurdité et la beauté du monde tout en étant plongé dans une ambiance à la tessiture du rêve…

« Cela eût pu se produire hier, cela pourrait se produire demain, ou un jour de l'an prochain ».

Un immense merci à @Dandine pour sa belle critique incitative et immersive et à @Bookycooky pour m'avoir orientée vers cette immense auteure argentine !

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L'Histoire et les histoires de Kalpa, « le plus grand empire ayant jamais existé » au fil des siècles et des dynasties.

J'avais été appâtée par cette couverture intrigante et l'origine géographique du roman: je ne crois pas avoir déjà lu ou même simplement vu passer sur la booktubosphère/blogosphère des romans de fantasy argentine ou juste sud-américaine.

Et je n'ai pas été déçue de cette première incursion (pas la dernière, je l'espère), car j'ai passé un très bon moment de lecture 🙂 (...)
Lien : https://bienvenueducotedeche..
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Asseyez-vous, asseyez-vous! Ceux qui restent debout empechent les autres de me voir et de bien m'entendre, les empechent d'ecouter attentivement la saga de l'empire que je vais conter, les hauts faits des hommes qui l'ont construit et detruit depuis sa creation ou ses creations, car elles sont diverses comme les multiples traditions, toutes differentes, toutes multiformes et heteroclites, toutes mouvantes comme les sables du sud, mais toutes vraies car toutes ont retenu les pensees, les reves et les interpretations des conteurs qui m'ont precede depuis les siecles premiers, ceux qui connaissaient de pres l'exaltation du Soleil et le sang-froid de la Lune.


Mais qu'est-ce que je raconte et ou est-ce que je me crois? Il n'y a personne face a moi, et aucun son ne sort de ma bouche. Je tape comme un forcene sur un clavier, suivant sur un ecran des lettres qui apparaissent comme par miracle et s'amoncellent en mots et en phrases. Tout un message que je veux transmettre a des gens que je ne connais pas et que je qualifie quand-meme d'amis, des gens pour qui je me suis reve – un court instant – conteur et rapporteur de la memoire d'un empire. Mais je reviens vite sur terre et je comprends que ce que je fais, que la seule chose que je puisse faire, c'est transmettre mes impressions de lecture d'un livre, ce livre, Kalpa Imperial.


Ah, oui, mais quel livre! Et d'abord, comment le caracteriser? de la science-fiction? Non, il raconte des passes, et je crois que la science-fiction decrit plutot des futurs. de la fantasy? Peut-etre, mais j'en ai si peu lu que je ne suis pas sur de savoir distinguer ce genre. L'auteure remercie Christian Andersen, J. R. R. Tolkien et Italo Calvino pour “l'elan qu'ils m'ont donne", alors des contes? Des contes fantastiques? Je penche pour ce parti et crois meme qu'elle aurait tout aussi bien pu remercier Homere et les auteurs anonymes des Contes des mille et une nuits.


Et quel souffle! Quel epos! Chapitre apres chapitre, conte apres conte, a travers les pages de Kalpa Imperial s'animent empereurs imperatrices et usurpateurs du trone, generaux et rebelles, commercants artisans et medecins, mais aussi, and not least, villes palais et bicoques, routes et chemins, monts et fleuves et ces immenses etendues d'un sud faiblement explore, qui sont aussi importants que les protagonistes humains. Chapitre apres chapitre se revele un empire ou se succedent les dynasties, les epoques de gloire et les annees noires, un empire qui incorpore d'enormes volumes d'espace et de temps, en des regenerations infinies ou tout change tout le temps mais ou rien n'a ete, n'est ni ne sera reellement nouveau (“L'Empire a toujours existe. Il existe, il a existe, il existera, c'est ce qu'on nous enseigne a l'ecole avant meme que nous n'apprenions a lire. — Qui sait, dit madame Assyi'Duzmaul. — Comment peut-on penser que l'Empire n'a pas existe, dit un homme soucieux, en secouant la tete. — La dame a raison, dit le vieux. Qui sait. Il y a des legendes, il y a des histoires, et il se peut que tout ne soit pas qu'une fable inventee par des aveugles, des bardes et des mendiants.”).


Toutes cette epopee, ou ces epopees, nous sont transmises par la bouche d'un conteur de rues ou de places (“Ecoutez-moi sans vous distraire […] On attire mon attention et on me flatte pour que je raconte de vieux faits oublies […] Je suis celui qui va vous conter la façon dont les choses se sont deroulees, car il revient aux conteurs de contes de dire la verite bien que la verite n'ait pas l'eclat de ce qui est invente mais cette beaute que les cretins qualifient de miserable ou de mesquine […] Je vais vous raconter qu'il y eut une fois un enfant […] Et moi je vous le raconte a present, vous qui n'allez jamais etre empereurs. Je ne le raconte pas pour que vous compreniez, j'ai deja renonce a une telle pretention ; ni pour que vous compreniez le Prince Furet. Je le raconte parce que les sages disent que les mots sont les enfants de la chair et qu'ils pourrissent si on les garde prisonniers.”), mais aussi par un archiviste (“Ma vie, messieurs, se passe dans les papiers. Je n'ai rien vu et j'ai tout lu […] Cela est aussi vrai et aussi faux que tout ce que racontent les hommes […] Mais qu'en serait-il des annales de l'Empire si nous autres archivistes nous nous mettions a fantasmer comme les conteurs de contes?”), et des fois meme une femme de chambre ou un officier de la sentinelle peuvent prendre la parole. le dernier chapitre, le dernier conte, nous est narre directement par l'auteure, sans l'artifice de devoir asseoir un conteur. Et la elle se permet des clins d'oeuil tres accentues, parodiques, a notre monde et a notre realite. Cela romp avec la solemnite de tout le reste du livre. Ce n'est qu'une petite partie du chapitre, mais c'est la partie du livre que j'ai le moins aime. Alors je reviens au conteur, il sait surement aussi charmer les serpents, comme il sait charmer son auditoire, comme il a su me charmer, moi.


En ecoutant le conteur nous assistons a des batailles sanglantes (“Les hommes chargeaient, se dechiraient la gueule, se mettaient en pieces ; ils se repliaient puis chargeaient a nouveau. Lorsqu'on raconte toutes ces choses on eprouve du degout pour cette creature qu'est l'homme"), a la creation de nouvelles villes, comme la ville des collines qui devint capitale de l'empire. Phare du Desert, on l'appela, et aussi Perle du Nord, Etoile, Mere, Guide, Berceau, Mere des Arts, et enfin Mere de la Religion Veritable. Nous l'ecoutons raconter un grand mouvement messianique, qui attend Celui Qui Revient, celui qui doit revenir pour instaurer ou reinstaurer la justice (“Et ce sera celui qui doit venir qui consolidera les toits et les fondations de ta maison, celui qui ramenera de la mort et des profondeurs ceux qui sont sur le point de partir, celui qui verra ta ville et ta maison car il peut voir le monde, celui qui ne sait rien et qui sait tout, celui qui depuis le coeur de ta terre se leve et par tous est vu tel qu'il est”). Et nous ne nous etonnons presque pas de l'entendre chanter plus de louanges d'imperatrices que d'empereurs (“l'Imperatrice Nargenenndia Ire, celle qui entra dans l'histoire avec le sobriquet etrange de « le Chat », celle qui aux dires des conteurs de contes fut presque aussi sage que la Grande Imperatrice Abderjhalda mais beaucoup plus joyeuse ; presque aussi valeureuse qu'Ysadellma mais beaucoup plus belle ; presque aussi forte qu'Eynisdia la Rouge mais beaucoup plus compatissante ; celle qui inaugura son regne avec une question adressee au vieux qui se tenait debout a la droite du trone d'or : — Quelles sont les vingt voies du monde, p'tit pere ?”).

En ecrivant un empire Angelica Gorodischer a creee un monde. Son livre est un livre monde ou on trouve de tout, bonheur et affliction, allegresse et abattement, sagesse et deraison, courage et pleutrerie, loyaute et trahison, richesse et denuement, beaute et … autres beautes.
L'empire qu'elle decrit dure-t-il encore? Je ne sais. Je crois meme que nul ne le sait. Mais d'une chose je suis pratiquement certain: son livre, ce beau livre, est fait pour durer. Angelica Gorodischer est morte cette annee, mais on retiendra son nom: ANGELICA GORODISCHER.
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Un recueil difficile à classer: il tient de la fantasy par son goût des paysages ouverts et la volonté cosmogonique de son auteur; mais sa capacité à embrasser une grande échelle de temps en un coup d'oeil (le kalpa, dit wiki, est une sorte d'éon hindo-bouddhiste), à faire avancer le cycle des fondations et des ruines tient du Rosny Aîné ou du jeu Civilization. Plus que la peinture d'un monde c'est en effet un portrait du phénomène impérial qui est ici proposé, phénomène plus végétal que mécanique, et toujours vaguement effrayant. On y parle aussi du vieux conflit entre la liberté et la prédestination, conflit indécidable qui sème d'une page à l'autre des héros amers. Sa lecture me laisse le goût désagréable d'une leçon par l'exemple dont je refuserais de tirer les conclusions - à quoi d'autre dépend qu'il ne soit paru qu'à la chute de la Junte argentine, en 83?
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J'ai abandonné la lecture à environ 60% du récit. La forme de narration ne me plaisait pas, trop dense et surannée. J'avais l'impression de lire de vieux textes religieux. Pour ma part il manquait un point de référence auquel se rattacher : peut être un contexte historique plus global, une vue d'ensemble, une ligne temporelle... Comment est-on arrivé d'un point A à un point B. En tous cas j'ai eu énormément de mal à me plonger dans l'histoire des empereurs d'une contrée inconnue, avec des personnages qui changent sans cesse et qui n'ont aucun rapport les uns avec les autres si ce n'est d'être empereur. J'ai dû passer à côté du but de ce récit. Je n'ai vraiment rien aimé mais j'ai poursuivi autant que possible au vu des critiques positives que j'ai lues. Je n'y ai pas retrouvé les qualités énoncées : l'onirisme, la poésie.. Je n'y ai pas été sensible.
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Ce livre a été traduit de l'espagnol par Mathias de Breyne. Que soufflent les vents cléments. A présent, il n'y a plus de délations d'exécutions secretes. Les archivistes archivent et les pêcheurs pêchent. La dynastie des Ellydrovides coupe une fleur dans les jardins. Bibarandaraina et Vorondesides le flûtiste, il pleut. Ekkementes cherche l'enceinte. Orbad le mystérieux. Car derrière le hasard ou le non-hasard tous soupçonnent un ordre secret. Épargnez-moi ce travail. Tout désavantage à des advantages disent les sages. Un jour, il mourra comme lui, l'empire aussi et stupides seront ceux qui le regretteront. Combien le monde est compliqué .
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Le livre est écrit de façon un peu surannée, mais qui rajoute au charme des conteurs d'histoires qui se succèdent.
Par contre j'assimilerais cette oeuvre à de la poésie or moi je recherche dans les livres des histoires qui bougent et qui génèrent du stress ou de l'adrénaline, et qu'on n'arrive pas à lâcher ! ... donc tout le contraire :-))

J'ai donc interrompu ma lecture à la moitié, mais en étant persuadé que ce livre pourra trouver son public !
La preuve quand on voit les notes et les avis ...
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La narration est au centre de ce recueil de contes cohérents (dans une fresque dynastique). de bonnes surprises.
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