Courte biographie de ce grand poète bourguignon mort en 1967, le combat de
Marie Noël est aussi une introduction à son oeuvre, qui met bien en lumière -si je puis dire- sa noirceur. Un livre que j'ai lu avec un grand intérêt, mais certains passages, denses et complexes, à l'image des textes de
Marie Noël elle-même, sont parfois difficiles à lire.
Même si le combat de
Marie Noël revêt plusieurs formes, par exemple le conflit intérieur qu'elle vit entre sa vocation poétique et son devoir d'état, son grand combat, c'est celui de l'Espérance contre la souffrance : celui qui consiste à préserver -petite, mais forte- la flamme de l'Espérance, contre les souffrances, dont sa vie a été marquée, particulièrement en 1904, et le désespoir qui aurait pu en découler. D'abord, le 25 décembre 1904, un chagrin d'amour, qu'elle résume en un seul vers : "J'ai vu quelqu'un passer, s'approcher, disparaître" et dont elle ne se remettra jamais.
le chemin d'Anna Bargeton relate, de façon romancée, cet épisode douloureux de sa vie. Puis, le surlendemain, le 27 décembre 1904, la mort subite de son frère de douze ans, Eugène, découvert mort dans son lit. Elle en tirera plusieurs poèmes criants de tristesse et de révolte, dont "Office pour l'enfant mort" et "Hurlement". Ce double choc de Noël va conduire Marie Rouget, très éprouvée, à prendre
Marie Noël comme nom d'emprunt.
Ainsi tourmentée, voire hantée par le mystère du mal,
Marie Noël est une vraie âme en peine. Ses
Notes intimes ne s'ouvrent-elles pas par cette dédicace : "Aux âmes troublées, leur soeur" ? Les trois thèmes suivants vont ainsi lui fournir l'essentiel de son inspiration : "le bien-aimé vainement attendu, l'existence sans foyer et privée des multiples amours dont le couple humain est le principe" (page 61) et la mort. A ce titre, les pensées de
Marie Noël sur la mort sont essentielles dans l'histoire de sa relation existentielle à Dieu (page 71).
La découverte de son oeuvre peut s'opérer dans l'ordre suivant. Pour commencer,
les chansons et les heures : "Vision", cité pages 36-37, "Attente", cité page 57, ou encore "Chanson de toile". Pour les amoureux des vers, Les Chants de la Merci. Plus mélancoliques et abordant le combat spirituel, Les chants et psaumes d'automne, dont le poignant "Hurlement", cité page 69, et le célèbre "Office pour l'enfant mort" (page 71). Enfin, abordant ses angoisses, ses doutes, mais aussi sa foi, les
Notes intimes, qui comportent la belle prière "Mon Dieu, je ne vous aime pas". Car, et c'est là que son oeuvre touche au sublime, beaucoup de ses poèmes ne sont-ils pas autant de prières ?