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4,22

sur 480 notes
Quelle déception que cette lecture !

Non pas que j'avais des attentes avant de commencer ce roman – il m'est arrivé dans les mains je ne sais plus comment, mais les premières pages étaient si délicieuses, riches d'un vocabulaire soutenu et d'une prose proche de la poésie. Gracq est un dictionnaire vivant qui transpire par tous les pores des mots peu connus du commun des mortels.

Mais, après quelques dizaines de pages, j'ai commencé à me lasser de certaines redondances, notamment ces innombrables comparaisons dont abuse l'écrivain. Parfois, certaines sonnent creux, semblent passer à côté :

« En quelques secondes elle fut nue, ses vêtements arrachés d'elle par un vent violent plaqués partout contre les meubles comme une lessive qui s'envole sur un roncier. »

« Il n'aimait plus les nouvelles : il était comme les isolés qui ont laissé quelque part derrière eux une mère ou une soeur très âgée, et dont la promenade quotidienne subtilement dépiste le facteur. »

« Il sentait au creux du ventre une révulsion désagréable, comme quand on court à la mer sur une grève que les pieds nus jugent excessivement fraîche. »

Bon…
L'histoire maintenant…

Ni désagréable ni palpitante. Elle commence légèrement et devient de plus en plus grave, mais dans l'entre-deux, elle s'étire et s'étire et ne semble jamais se terminer : comme certains s'écoutent parler, Gracq écrit, se lit et probablement insatisfait après lecture, s'écrit jusqu'à l'excès.

Dans ce récit, il y a une légère histoire d'amour, ou plutôt un flirt qui a été consommé, entre le personnage principal, Grange, et cette jeune femme des bois, Mona. Mais est-ce que tout ceci est réel ? Car cette histoire verse dans l'onirisme. Peu importe, je n'ai pas vraiment apprécié cette relation, l'auteur y apposant une vision très masculine qui n'a rien du romantisme ni de l'érotisme : Mona est une femme facile et « malgré ses yeux innocents, avec ses cils passés au rimmel et son rouge, ses seins petits, mais hardis, et le minuscule tablier-prétexte, elle avait l'air d'une soubrette de magazine galant. »

Et encore ce passage : « Quand Mona s'éveillait, avec cette manière instantanée qu'elle avait de passer de la lumière à l'ombre […] cinglé, fouetté, mordu, étrillé, il se sentait comme sous la douche d'une cascade d'avril. »

Bon…

Ayant lu en début d'année le désert des Tartares de Dino Buzzati, je trouve qu'Un balcon en forêt s'y apparente. Car c'est un roman de l'attente, de la lisière et de la frontière. Mais là où le style de Buzzati est épuré au maximum, celui de Gracq m'a semblé pompeux, excessif. Comparer ces deux oeuvres, ce serait comme comparer le roman et le gothique. J'ai toujours préféré l'art roman : ma région en abonde :-)



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L'attente est au coeur du récit. Un , soldat attend la venue de l'ennemi, et l'ouvrage se focalise sur cette situation en laissant le temps s'écouler avec une lenteur extrême, pesant sur chaque petite chose qui lamine le quotidien et façonne ce qu'on peut apparenter à de l'anxiété, de l'exaspération, parfois de l'exaltation. Surtout, il y a cette rencontre dans la forêt avec une jeune fille, ultime romance avant le malheur. Julien Gracq cisèle les mots et nous fait vibrer dans les moments de grande intensité.
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L'hédonisme du déserteur, ébloui par la beauté d'un monde suspendu, rattrapé par la blitzkrieg une fois les dernières neiges fondues. Reste l'implacable marche de l'histoire, l'aveuglement paisible des piétons, et le tic-tac tamisé de la forêt.

Un balcon en forêt, Julien Gracq, Paris, Editions José Corti, 1958.
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Gracq ou la géographie de l'attente, de l'osmose & de la contemplation ardente. Et comme toujours : la montée en puissance d'une pulsion de mort latente.

C'est l'histoire de l'aspirant Grange, qui rejoint une maison forte — un "balcon" surplombant un blockhaus — au beau milieu de bois silencieux. Il partage sa solitude avec trois hommes, aussi taciturnes que lui, et fait la rencontre de Mona, entre deux flaques de pluie.
La drôle de guerre bat son plein : c'est-à-dire qu'il ne se passe rien — ou *presque*. La frontière s'agite un peu, la Belgique dodeline de la tête, mais la forêt ardennoise demeure enclose dans un écho d'orage qui sonne comme un pétard mouillé, comme un coup de tonnerre mou.

L'attente frôle l'extase. « Peut-être ne se passerait-il rien. »
Moriarmé, en contrebas, rassemble les troupes engourdies, tandis que les Falizes surplombent les lacis de la Meuse, « couleur d'huile lourde », et se cambrent dans leur orgueil, scandant un chant guerrier dont on ne distingue pas bien les paroles. Sont-elles amies ou ennemies ? Promesses de foudre ou d'embellie ?
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Beau livre sur l'attente, "Un balcon en forêt" est un joyau d'écriture, comme toute oeuvre de Julien Gracq. le lecteur qui découvrira cet auteur fera bien de se rappeler que chez Gracq le style est 80% de la chose écrite et que la lenteur de la lecture va de pair avec la qualité du texte. Et c'est avec émerveillement que l'on parcourt ces pages (que l'on coupe soi-même, éditions Jose Corti oblige) au vocabulaire ciselé comme de l'opale et poli par une réflexion intense.
Je n'ai pas pu m'empêcher de penser bien sûr à son chef d'oeuvre, "Le rivage des Syrtes" en lisant celui-ci. le thème est similaire : un homme , soldat, attend la venue de l'ennemi, et l'ouvrage se tient tout entier dans cette attente de l'Autre, de l'Événement, du Mystère. Envoyé garder un obscur blockhaus de béton près du fleuve La Meuse durant l'automne 39, le héros attend donc cette offensive que l'on devine irréelle dans l'esprit de chacun, à l'instar de cette guerre, que personne ne comprend ni ne peut imaginer.
Le récit de l'attente avec en point d'orgue une rencontre miraculeuse avec une jeune fille de la forêt, ultime romance avant le malheur , est une longue description des états d'âme du soldat mais surtout une extraordinaire description de la vallée et de la forêt alentours. le paysage est un personnage en soi que l'on découvre grâce à une prose magnifique . La jeune fille de ce roman apporte d'ailleurs sa chaleur organique à une nature sauvage, tellurique et parfois glaciale, comme elle apporte cette étincelle de vie et de folie dans un paysage qui s'enfonce lentement dans l'angoisse et l'immobile avant d'exploser au printemps 40.
La routine militaire, les lents convois, les chemins verglacés et les promenades cigarette au bec sont les micro-événements de ce roman presque sans histoire, dont toute l'écriture se tend vers le dénouement , vers l'irruption de cette Mort qui rôde. On se prend à accorder à chaque phrase toute l'attention que le héros attache au moindre brin d'herbe, tant le sentiment d'urgence suinte de la tranquillité de cette forêt magique.
Je ne mettrais pas la plus haute note personnellement car je trouve que ce roman reprend un peu trop les thème du Rivage des Syrtes et présente un peu moins de puissance ou de surprise dans ses longs paragraphes. C'est surtout la continuité de ce très beau style qu'on a ici envie de saluer, plus que l'histoire, qui heureusement trouve une très belle conclusion.
J'ai eu aussi beaucoup de plaisir à retrouver encore chez Gracq cet emploi particulier des italiques, qui soulignent soudain la singularité d'un mot ou d'une expression, vous y arrêtant presque comme devant une peinture. Etonnant. Recommandé !!
PS: Pour celui ou celle qui lira cette critique, je ne résiste pas au plaisir de recommander trois très beaux livres sur le sujet de l'Attente, et qui se complètent très bien : "Le Rivage des Syrtes" de Julien Gracq, "Le Désert des Tartares" de Dino Buzatti et "Sur les falaises de marbre" de Ernst Jünger.
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Des trois Gracq que j'ai lus (avec 'Le Rivage des Syrtes' et 'Au château d'Argol''), je ne sais pas si c'est mon préféré, mais c'est en tout cas le plus accessible.

Certes, la maison forte des Hautes-Falizes est avant tout un "îlot désert au milieu de la guerre", un "théâtre" où l'attente lancinante joue le rôle principal, enclos dans le silence des arbres et le réseau des layons (puis des barbelés), un lieu propice aux rêveries, que l'hiver enneigé rend encore plus onirique.
Il y a, cependant, quelque chose de plus concret que dans 'Le Rivage...' - ne serait-ce que la menace, allemande, qui rôde autour et dont la rumeur reste omniprésente, bien plus palpable que celle fantasmée du Farghestan -, de plus prosaïque que dans 'Argol' - avec, entre autres, les tâches quotidiennes que mènent ces quatre soldats presque désoeuvrés.

On entre ainsi avec facilité dans ce récit majestueusement intimiste, bercé par la plume toujours sublime de Gracq (qui, décidément, a la science du "bon mot" - même s'il faut régulièrement aller chercher celui-ci dans le dictionnaire...).

Et puis, il y a presque de l'"action" dans le mouvement final.
Une action bien sûr "gracquienne", où la violence s'écrit dans un écrin de "paysages intérieurs".

Oui, sans doute mon Gracq préféré.
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Le plus beau livre de Gracq, où l'attente étrange de la "drôle de guerre" se mêle au thème d'une attente existentielle exaltée par le sentiment amoureux et celui de la nature, dans cette forêt des Ardennes "d'où l'ennemi viendra". Une écriture poétique superbe.
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C'est avec un peu d'appréhension que j'ai commencé ce livre : je ne sais pas pourquoi mais julien Gracq me semblait être un auteur trop difficile pour moi. Quelle ne fut pas ma surprise de constater que ce livre n'était pas difficile à lire, bien au contraire.Il paraît que ce livre est un peu l'histoire de l'auteur pendant la drôle de guerre. C'est sans doute pourquoi il sait nous faire saisir l'ambiance de cette époque et de la région proche du conflit malheureusement attendu.

Grange est un personnage attachant mais qui ne dévoile (presque) rien sur sa vie avant septembre la mobilisation.


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C'est très bien écrit, avec un style marqué par la formation de géographe de Gracq. Mais je n'ai pas vraiment accroché... Question de goût.
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Conseillé par un babelionaute après ma lecture du « Désert des tartares » de Dino Buzzati. Effectivement, il y a des similitudes entre les deux romans (histoire, thèmes).

Le début m'a d'ailleurs bien emballé ; l'histoire, le style, les descriptions et l'ambiance m'ont vite séduit. Pourtant, à mesure de mon avancée, la lassitude me gagna. Les longues et nombreuses descriptions me lassèrent, le style se fit plus lourd, mon immersion plus difficile. Bref, le plaisir se détériora et ne revint que durant quelques passages entre deux longueurs.

Une lecture intrigante et atypique mais pas complètement satisfaisante pour ma part.
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