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sur 480 notes
UN BALCON EN FORÊT de JULIEN GRACQ
L'aspirant Grange est affecté à la maison forte des Hautes Falizes près des Ardennes belges au milieu d'une plantation de barbelés. La maison est équipée de deux ouvertures, une pour la mitrailleuse, l'autre pour le canon anti char. le caporal Olivon ainsi que deux soldats, Hervouët et Gourcuff partagent la maison avec lui. Il ne se passe pas grand chose, les soldats vont régulièrement relever leurs collets pour les lapins tandis que Grange va au hameau s'installer au café des Platanes. Les soirées passent assez vite Grange et Olivon sont de gauche, discutent facilement et ont des amis communs. le capitaine passe à l'occasion distiller quelques informations, puis l'hiver arrive. Un soir de pluie Grange rencontre Mona, une jeune femme avec laquelle il aura une liaison régulière. La routine s'installe, une sorte d'ennui bien que Grange aime son bunker. le passage de blindés et de gros( généraux familièrement) laisse à penser qu'il va y avoir du mouvement mais rien finalement et chacun retourne à sa morne routine, permission à Paris en fin d'hiver, s'ennuie et rentre. le capitaine appelle désormais tous les jours, la tension est palpable, Olivon pense qu'on devrait mettre une pancarte « chiens méchants » devant le bunker!! 9/10/ mai 1940 l'heure n'est plus à l'attente « ils »sont à dix minutes du bunker…
C'est un livre sur l'attente, il ne se passe rien ou presque, on s'occupe à des tâches subalternes, on essaye de deviner le futur grâce à quelques réflexions du capitaine, à des mouvements de troupes, à la lecture d'un journal, et pour Grange c'est l'ultime rencontre amoureuse qui rompt l'immobilisme, mélange d'amour et de froideur comme si la peur du lendemain inhibait une partie des sentiments. Et puis d'abord et avant tout la prose de Julien Gracq qui impose sa lenteur, c'est un texte d'une beauté envoûtante autour d'une mort qui s'invite progressivement. Un pur bonheur de lecture.
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Jamais sans doute n'aura-t-on mieux approché l'essence-même du Romantisme que dans ces trois oeuvres bâties autour de l'attente que sont "Le Rivage des Syrtes", "Un balcon en forêt" et "'Le Roi Cophetua"... Amour incandescence, feux de cheminée éteints, murailles dérisoires de fortins oubliés sous la sylve émeraude et les caresses de brume...

Mona & Grange : touchants "Tristan & Yseult" minéraux - gisants oubliés et immortels - un petit matin de l'hiver 1939-1940, dans la tiédeur d'un lit d'une chaumière d'Ardennes...

Gracq - "géographe sentimental" - fut bien (hélàs) notre "Dernier romantique"...

Il est par ailleurs fascinant de découvrir aujourd'hui ses "Manuscrits de guerre" (cahiers retrouvés après sa disparition - édités par José Corti en 2011) : sorte de memorandum intime de la "drôle de guerre" vécue - de très près - par l'ironique lieutenant Louis Poirier... (et on sourit de rappeler que son "lieutenant Grange" portait un nom pareillement agreste !).

Textes resurgissant des fonds sous-marins autour du continent Gracq - comme la ville d'Ys de la légende : ils forment un assez incroyable et passionnant prélude à la magie émeraude de "Un balcon en forêt" (adapté au cinéma par Michel Mitrani, comme on s'en souvient !) ...

Amicalement à tous !
Lien : http://www.regardsfeeriques...
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Un chef d'oeuvre de Julien Gracq, cristallisant l'attente de quelques soldats au début de la deuxième guerre mondiale dans les Ardennes. Cette attente est déroulée par le style flamboyant de Gracq qui la dépeint au milieu d'une nature mystérieuse, au coeur de la forêt. Rencontre avec une jeune femme pour l'un d'eux, elle aussi empreinte de mystère. Ce texte coule lentement, comme toujours avec cet écrivain exceptionnel, et l'on suit doucement le fil de sa pensée depuis ce balcon sur lequel on voudrait s'attarder.
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Une très jolie découverte que "Un balcon en forêt" : je n'avais rien lu de Julien Gracq et j'ai été frappée par la beauté de son écriture.
Un récit d'atmosphère où le héros, Grange, attend sur le front, dans la forêt des Ardennes, qu'il se passe quelque chose. Plus qu'un récit de guerre (nous sommes en 39 avant l'offensive allemande) qui est peu évoquée, c'est plus un récit initiatique où Grange se découvre peu à peu dans cette "île-balcon" au milieu de la forêt, dans un espace-temps qui s'étire indéfiniment au rythme des saisons.
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Aller au bout de la parenthèse : l'échappée forestière, sensuelle et poétique de Julien Gracq au coeur ardennais d'une guerre d'attente qui n'avait rien de drôle, en 1939-1940.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2024/03/25/note-de-lecture-un-balcon-en-foret-julien-gracq/

Automne 1939 : l'aspirant Grange vient d'être affecté au front des Ardennes, tout près de la frontière belge, dans ce que l'on appelle alors du bout des lèvres une « drôle de guerre », face à une armée allemande devenue ennemie officielle et non plus simplement officieuse depuis l'invasion de la Pologne en septembre. Alors qu'on lui confie une maison forte au milieu des bois, bâtiment hybride dissimulant un bunker au rez-de-chaussée et au sous-sol sous le masque coquet d'une maisonnette civile au premier étage, obstacle qu'il devra tenir le moment venu en compagnie d'un caporal et de deux soldats, le jeune officier installe ses quartiers et ses routines, quasiment dans la forêt. C'est dans les bois qu'il rencontre Mona, jeune femme installée dans le minuscule hameau voisin en attendant une évacuation à venir, dont il devient l'amant au gré d'une véritable parenthèse teintée d'onirisme, alors que la guerre pourtant si proche semble résolument fort lointaine, jusqu'au 10 mai 1940, où, naturellement, tout s'écroule soudainement.

Publié en 1958, sept ans après « le Rivage des Syrtes », qui lui avait apporté un prix Goncourt (qu'il devait refuser – comme « La littérature à l'estomac », pamphlet paru l'année précédente, pouvait le laisser deviner), le quatrième roman de Julien Gracq, sera aussi son dernier, avant qu'il ne délaisse définitivement cette forme (même si « La Presqu'île », en 1970, contiendra à la fois une nouvelle et le fragment remanié du roman avorté qui devait d'abord succéder au « Rivage des Syrtes ») pour se consacrer pleinement et uniquement à une littérature sans doute encore plus personnelle, constituée de notes et d'observations travaillées d'une manière unique (on vous en parlera prochainement sur ce même blog).

Aucun texte de l'auteur – qui répugnait le plus souvent à revenir sur ce qu'il avait écrit -, et de loin, n'a suscité de sa part autant de commentaires ou de réponses aux questions posées par la critique : né certainement de son expérience personnelle de la guerre de 1940 (lieutenant au 137e régiment d'infanterie, il combattra autour de Dunkerque avant d'être fait prisonnier et de passer un peu moins d'un an dans un camp, dont il sera libéré du fait d'une infection pulmonaire), mais aussi, confiait-il, d'un long retour sur le terrain ardennais en 1955 et de la vision singulière de la « maison forte », mi-habitation innocente mi-blockhaus redoutable, dans un passage des « Communistes » d'Aragon. C'est aussi à propos de ce texte que seront parfois évoqués les mécanismes fort distincts utilisés par lui et par Claude Simon, dans sa « Route des Flandres » de 1960, pour rendre compte de l'expérience de l'attente et de la débâcle.

Julien Gracq lui-même a pu dire et écrire que, au fond, « le Rivage des Syrtes » et « Un Balcon en forêt » traitent de la même chose : l'attente médusée face à la guerre à la fois inexorable et incertaine. Mais là où le jeune aristocrate de la seigneurie d'Orsenna, Aldo, nous plongeait dans une intense leçon d'histoire et de géographie politique, voire de psychologie des foules, l'aspirant Grange nous entraîne dans un tout autre registre, celui d'une parenthèse curieusement enchantée où l'amour et la nature (on peut rappeler à ce propos que Julien Gracq, presque autant que Jean Giono auquel on songe pourtant plus naturellement, incarne bien fort dignement un nature writing à la française, dans ce roman comme dans d'autres de ses oeuvres) jouent les premiers rôles pour échafauder non pas une récit réaliste (comme l'ont trop vite et mal lu certains critiques contemporains de la publication) mais bien une aventure intime jouant quasiment d'un onirisme décalé face à une tourmente qui approche (et dont les dernières pages du roman nous donnent bien plus qu'un formidable aperçu – comme diraient cette fois les marins).

Signalons aussi l'existence souvent trop oubliée du superbe film de Michel Mitrani, sorti en 1979, avec Humbert Balsan, Aïna Walle, Yves Alonso et Jacques Villeret, qui rend pleinement justice à ce roman magnifique, qui est peut-être bien, avec du recul, le plus paradoxalement achevé de ceux de Julien Gracq.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Si le Rivage des Syrtes était le lieu d ' un voyage en apesanteur et donnait la sensation au lecteur de vivre un songe, dans une irréalité intemporelle, Un Balcon en Foret adopte un parti-pris en tout point différent. Historiquement situé de manière précise - la séquence historique de la Drôle de Guerre dans les Ardennes - le récit s'attache à la description forcené du monde sensible , a une contemplation organique de l'environnement naturel dans lequel évoluent une poignée de soldats tapis dans un fortin d'observation. Si l'on peut postuler l'opposition terme à terme entre les deux livres, demeure néanmoins intacte et inchangée , l'écriture de Gracq d'une grace et d'une beauté renversante . Ici la phrase dans son obsession à rester dans le régime des sensations, à saisir presque épidérmiquement, l'idée du vent dans les feuillages ,celui du bruit d'un cours d'eau..., préfère à l'évocation sinueuse , à la forme étirée des méandres, la recherche de l'équilibre , de la musicalité, du mot juste , de son association idoine , pour nous donner à dévisager notamment dans une première partie les traits d'un long poème éblouissant.
La seconde partie du livre qui correspond aux premiers jours de Mai 1940 et à l'entrée des troupes allemandes en France, marque clairement le pas en matière d'intensité tant littéraire qu'émotionnelle mais persiste dans l'observation remarquablement scrupuleuse , dorénavant de la logistique militaire et de la géographie des déplacements. Difficile enfin de ne pas penser tout au long du livre au Désert des Tartares de Buzzati, comme un double inversé ou un meme effectif réduit de soldats retranché dans un meme cantonnement isolé , attendent névrotiquement dans un cas ,l'hypothétique arrivée d'un ennemi qui ne vient pas et dans l'autre n'attendent pas - incrédules - , l'arrivée d'un ennemi dont la venue est en revanche inéluctable.
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« Une idée de bonheur avait toujours été liée pour Grange aux sentiers qui vont entre les jardins, et la guerre la rendait plus vive : ce jardin lavé par la nuit, gorgé de plantes fraîches et d'abondance comestible, c'était pour lui le chemin de Mona ; il abordait à la lisière du bois comme au rivage d'une île heureuse. La porte de Mona n'était jamais fermée - non pour que son ami pût entrer le matin sans la réveiller, mais parce qu'elle était par la race de ces nomades du désert que le déclic d'une serrure angoisse : où qu'elle fut, elle plantait toujours sa tente en plein vent ».
.
. de la frontière entre les Ardennes françaises et belges, entre l'automne 1939 et le printemps 1940.
.
. Julien Gracq, un écrivain géographe, l'écrivain des paysages, l'écrivain de la prose poétique. Ce recours aux forêts qui permet de façonner le paysages mental, ces descriptions magnifiques qui annoncent un dénouement attendu: l'annonce d'une défaite « une foutue armée(…) une armée foutue ». En lisant Gracq, on s'imprègne d'une ambiance, celle qui prévalait pendant « la drôle de guerre ». En puisant dans ses souvenirs et son expérience, l'auteur nous livre une longue interrogation sur ce dont il a été témoin.
.
. Ces lieux, cette puissance du sauvage et du végétal donnent une vraie trame narrative au récit. Une tension. Aux frontières de la forêt et du « fantastique », la maison de Mona. Erotisme. Grange et Mona. Tristan et Yseult? Il y a tant de références: Poe, Camus, Rimbaud, Sand, Gide, Shakespeare. Travelling avant et arrière, poésie en mouvement , paysages et Histoire, ce balcon nous fait nous tenir sur la ligne de crête, participer. Les laies et layons, ces chemins de vie. Une lecture qui sollicite nos sens. Magistral!
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Loin dans la vallée de la Meuse, au coeur de la forêt, pendant cette guerre qui n'en semblait pas une, un petit détachement de soldats français surveille la survenue éventuelle de blindés allemands.
Il y a surtout la forêt superbe, un village perdu au bout d'une route ignorée et cette casemate cachée au coeur des taillis.
Puis surviendra une histoire d'amour entre une si jeune femme, veuve déjà, oui la guerre existe bien
et puis enfin la guerre qui fera son entrée.
Ce roman est rangé sans restriction dans mes
pépites.
Pour l'écriture superbe
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Période de la drôle de guerre, des mois d'attente avant l'invasion allemande. Alors que Gracq à vécu cette période de l'intérieur par sa mobilisation puis sa capture, il en fait pourtant un roman à deux doigts de la prose poétique, très distancé et calme. Un calme qui prend d'ailleurs toute la place, à en devenir assourdissant. Dans ce paysage des Ardennes mises en pause, l'atmosphère domine tout et se trouve être un protagoniste aussi important que Grange, le personnage principal. le but n'est pas ici de montrer la guerre (qui se limite finalement au rang d'évènement) de manière frontale ou violente mais seulement son ombre qui pèse et l'attente des hommes face à elle, comme on retiendrait son souffle face à un équilibriste dont on prévoit la chute. Si la tension monte et est palpable au fur et à mesure du livre, l'explosion finale, rapide, ne sera que suggérée.
Un balcon en forêt a un côté beaucoup plus réaliste que les autres romans de Gracq et l'aspect onirique qu'on est habitué à trouver chez lui n'est à peu près présent que par cette ambiance de rêve éveillé. Restent en mémoire une forêt qui semble parfois se changer en mer, l'impuissance d'hommes face à une situation dont ils ne sont pas maîtres, l'attente qui paraît ne vouloir laisser sa place qu'à elle-même.
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Très difficile de commenter pour moi cette oeuvre. D'abord parce que c'est une oeuvre dont j'ai entendu beaucoup de bien et qui est très appréciée par quelqu'un qui m'est cher, ensuite parcequ'elle m'a clairement tenue en respect.

L'histoire m'a plue. Les mots et le style sont beaux. L'écrivain raconte et décrit très bien avec poésie, lenteur, onirisme et immersion cette drôle de guerre pour le personnage principal.

Mais... le vocabulaire militaire auquel je ne connais que peu de choses, l'histoire "d'amour" qui sonne très masculine pour moi, et surtout les phrases ne m'ont pas permis de totalement aimer ma lecture. le style est beau, les mots extrêmement bien choisis. Mais il m'a fallu me concentrer pour ne pas me perdre. C'est une lecture qui prend son temps mais qui m'a demandée trop d'efforts. Si la poésie est là, les images au niveau du fond, et les mots choisis, les constructions de phrases au niveau du style n'ont pas coulé naturellement en moi.
Peut-être pas le bon moment, peut-être que je ne suis pas le bon lectorat.

J'en retiens néanmoins l'excellente retrancripstion de cette drôle de guerre, de ce confinement consenti. Silence, forêt, insignifiance, absence de volonté.
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