J'avais déjà parlé de la plume de cet auteur dans mes chroniques de
Bloody Valéria et
Les chiens de brouillard. L'univers de
Stéphane Gravier et surtout son humour m'avait conquise. Et bien je peux vous dire que même sans humour, l'alchimie opère. Je viens de finir cette nouvelle que j'ai beaucoup aimée.
Déjà je ne dirai plus que je n'aime pas les nouvelles !
Stéphane Gravier prête ses mots à un petit garçon de dix ans, c'est lui le narrateur, c'est lui
le maître des fils. Idolâtré par sa mère qui l'élève seule, il est étouffé, enfermé par cet amour maternel. Persécuté par les autres enfants à cause de ses kilos en trop, il est étouffé, enfermé dans sa bulle.
Pour respirer, s'évader, il va devoir tirer sur les fils qui se présentent à lui, et là, l'auteur joue sur le double sens des mots... C'est une longue descente aux enfers, même si au début il dit frôler les limites du paradis.
Quand le fils doit devenir le père pour bercer sa mère, cela devient la chronique d'une folie annoncée en quelque sorte.
Je suis sorti le premier. Maman était seule depuis le matin et je commençais à m'en inquiéter. Je devais me rendre à son chevet, vérifier le pouls, renouveler sa perfusion d'affection.
Il nous livre une analyse pertinente et cynique de sa situation grâce à une intelligence aiguisée. C'est parfois même un peu trop sortant de la bouche d'un enfant de dix ans, mais la plume de l'auteur fait très vite oublier ce détail pour ne savourer que les mots, les images.
Elle (une voisine) me souriait dans les couloirs, ne savait pas ce qu'ils (ses trois garçons) me faisaient subir. Les trois faux culs demeuraient toujours en arrière, sous ses jupes trop larges, me narguant dans son dos. J'aurai pu lâcher le morceaux, lui raconter. Cela n'aurait rien changé, je le voyais dans ses yeux de poissons morts. Elle était ailleurs, droguée de médiocrité et de négligence.
Nouvelle noire, cynique, qu'on ne peut plus lâcher une fois qu'on l'a démarrée. Et dans cette noirceur transparaît malgré tout une plume poétique que j'adore. Arriver à faire passer autant d'émotions en si peu de pages, moi je tire mon chapeau !
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