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Que dire qui n'a pas déja était dis sur ce monument de la littérature du 20 éme siécle ? Cet ouvrage relate avec beaucoup de réalisme la terrible bataille de Stalingrad qui a vu pendant un an les russes faire face dans une duel sans pitié avec les armées allemandes . La plus grande défaite de l'armée russe qui fut contrainte au recul jusqu'a la Volga et la'plus grande victoire paradoxalement pour la Russie qui au terme de cet affrontement sans pitié a remporter une victoire qui allait sonner le début de la fin pour l'armée allemande prise au piége des glaces et de l'hiver russe . N'oublions pas que cet opus est la suite de Pour une juste cause publiée en 1952 par Grossman . le méme Grossman avait vécu tellement d'événements terribles durant la période de la guerre , entre autres la mort de sa mére pendant le massacre des juifs au ghetto de Berditchev en 1941 , puis son arrivée en tant que correspondant de guerre au camp de Trebnlinka en Septembre 1944 , avant d'étre le rédacteur en chef d'un livre noir sur l'extermination des juifs par le régime nazi , avant comple de l'absurde de vivre la terreur stalinienne qui s'abattie sur la population juive à partir de 1948. Au final la rédaction de ce manuscrit fut achevée en 1960 et confisqué par le régime soviétique à l'image de L'archipel du Goulag de Soljénitsyne . Il fut enfin publié en France en 1980 , puis en Russie en 1989. Cette oeuvre dresse un portrait trés peu flatteur de la société soviétique au travers de nombreux personnages , cela dans une période marquée par Auschwitz et le Goulag. C'est donc un roman historique et un roman psychologique que l'on a ici. Grossman prend le parti de comparer les régimes soviétique et nazi pour donner une idée la plus précise possible de la folie du totalitarisme et du populisme appliqué. Grossman n'épargne pas le régime soviétique qui est selon lui le principal fautif de l'échec dans l'instauration d'une démocratie socialiste. Pour lui l'histoire méme de la russie est à l'origine de cet échec. Il renvoie dos a dos communistes et nationalistes , et les accusent d'avoir détruit l'idéal de liberté que comportait la notion méme de démocratie socialiste. Pour lui Stalingrad fut au fond une victoire et une catastrophe pour le'peuple russe qui allait connaitre l'enfer du stalinisme , l'opposé total du socialisme en tout points. Grossman se pose en observateur devant la soumission du peuple russe à une icone , une idole . Ainsi il établit un lien direct encore une fois avec le nationalisme , ce quise confirme encore aujourd'hui. Pour lui la force des régimes totalitaires c'est au fond la privation de la capacité de liberté de l'esprit , cela à l'échelle d'un continent . Il va méme jusqu'a parler d'hypnose en la matiére et force est de constater qu'il avait raison . La violence des mots est telle dans ces régimes que l'homme est au final réduit en esclavage malgré lui et ne peut plus répondre de maniére individuelle. La parole de masse a remportée une victoire en aliénant les esprits et en les rendant dépandants d'une parole dite issue de la voix du peuple . Pour lui , la banalisation de la parole extrémiste est un piége fatal qui conduit à l'horreur du totalitarisme et à la justification d'actes atroces dont l'extermination des juifs. Il brouille les frontières entre innocence et culpabilité , pour lui la quasi totalité des peuples sont responsables des actes atroces commis par les bolchéviques et par les nazis . Vie est destin est un ouvrage comme il en existe trop peu dans l'histoire , et il est à regretter qu'il soit si complexe , si ardu , a tel point que nombre ne le terminent pas . Peut étre aurait il mieux valu que ce livre soit édité en plusieurs tomes , de maniére a pouvoir vraiment prendre le temps de le lire et de mesurer combien l'humanité doit à cet auteur qui est aujourd'hui trop oublié alors qu'il fut et qu'il reste l'une des principales voix par dela la mort a lutter pour la'paix et pour la liberté de l'esprit.
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Suite de "Pour une juste cause" (que je n’ai pas lu), "Vie et destin" est une œuvre immense. Elle a été terminée en 1962, mais elle a bien failli être perdue en raison de l’intervention musclée du KGB. Heureusement, elle a pu être sauvée. Son contenu provient de l’expérience personnelle de Vassili Grossman comme correspondant de guerre sur le front, face à la Wehrmacht (notamment à Stalingrad). Une expérience terrible, qui lui a permis de tout observer: l’impréparation de l’Armée Rouge, les atrocités de la guerre, les massacres de Juifs par les nazis, le poids despotique de la dictature stalinienne. Il raconte tout cela, mêlant son expérience personnelle aux aventures de ses personnages romanesques. Dans ce livre, l’auteur - qui était Juif - se révèle lucide et sincère, au risque de se mettre personnellement en danger. Dans ce monde en folie, il sait prendre de la hauteur et s’exprime sans acrimonie, sans pathos. Vassili Grossman était un grand humaniste.
J’ai découvert tardivement ce monument de la littérature russe et je suis heureux, amèrement heureux de l’avoir lu. Je le recommande sans aucune réserve, malgré la longueur de son texte.
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За правое дело suivi de Жизнь и судьба
Traduction : Luba Jurgenson pour "Pour Une Juste Cause" et Alexis Berelowitch et Anne Coldefy-Focard pour "Vie & Destin"

I - Aucun livre n'a jamais été présenté de cette manière sur notre forum et il n'y en aura sans doute pas d'autre. Les deux volumes peuvent se lire séparément et ont été édités tous deux séparément et pourtant, il ne nous viendrait pas à l'esprit de les présenter l'un sans l'autre car la spécificité de "Vie & Destin", son caractère unique non seulement dans la littérature russe mais aussi dans la Littérature tout court, ne se perçoit pleinement que par opposition à ce que son auteur avait conçu comme la première partie de sa fresque, "Pour Une Juste Cause."

L'axe central des deux volumes, c'est le siège de Stalingrad. Rappelons brièvement que le sort de l'Europe et de la Seconde guerre mondiale s'est décidé à Stalingrad et que, sans l'héroïsme du peuple russe tout entier et de ses soldats, les Alliés auraient peut-être réussi à abattre Hitler mais cela leur aurait pris infiniment plus de temps. L'affirmer n'est ni faire mentir L Histoire, ni dénier aux Américains l'importance que revêtit pour nous leur intervention dans le conflit. Mais il faut garder à l'esprit que, au moment où débute "Pour Une Juste Cause", l'Europe entière, à l'exception de l'Italie fasciste, de l'Espagne, d'obédience franquiste, et de la Grande-Bretagne de Sa Gracieuse Majesté, est envahie par les Nazis. On peut chipoter sur les distinctions entre les pays annexés (comme l'Autriche ou une partie de la Pologne), les pays effectivement occupés (comme la France) et les pays satellites (comme la Roumanie ou la Hongrie) mais la réalité s'impose : l'Europe appartient aux nazis.

Pour une raison connue de lui seul, Hitler prit la décision de rompre le pacte que l'Allemagne avait signé avec l'URSS le 23 août 1939. L'idéologie nazie des "sous-hommes" incluait largement les Slaves et cette arrogance de ceux qui s'auto-proclamaient comme appartenant à la "race des Seigneurs" allait entraîner leur perte. Car si l'attaque allemande du 22 juin 1941 fut pour Staline comme un véritable coup de massue - et l'homme n'était pourtant pas facile à déstabiliser, on le sait - il allait très vite se reprendre et, à sa manière très particulière, exiger et obtenir du peuple russe un effort si gigantesque, si surhumain, qu'il finit par renverser la vapeur de l'énorme machine de guerre allemande.

Toutefois, le 22 juin 1941, l'armée allemande se trouve aux portes de la taïga : l'Ours soviétique semble sur le point de rendre l'âme et le reste de l'Europe se tait, comprenant avec horreur que la conquête de l'URSS, si on l'ajoute à toutes les précédentes et aux victoires remportées également en Asie et en Afrique, marque la naissance d'un monde entièrement soumis au nazisme. (A Suivre ...)
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La bataille de Stalingrad et toutes les horreurs du 20 ème siècle : le nazisme, le stalinisme, les camps, l'élimination des juifs ; ce sont les thèmes de ce livre. Les passages éloquents sur la nature humaine sont déprimants. le livre est fort, il porte un regard lucide sur cette époque et ce témoignage est comme un phare balisant les risques menaçant notre humanité. C'est bien sûr un livre référence, mais il faut reconnaître que c'est aussi un pavé indigeste de presque 1 200 pages auquel il faut s'accrocher pour aller jusqu'au bout. Des chapitres prenants et émouvants, des analyses philosophiques, mais aussi beaucoup de longueurs, notamment sur la bataille de Stalingrad. On a parfois un peu de mal à resituer dans le puzzle les multiples personnages de cette vaste fresque. Si vous embarquez, vous ne serez pas déçus, mais le voyage ne sera pas facile. Je l'avais abandonné, il y a quelques années et suis content d'être cette fois arrivé au bout.
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Il y a tellement d'aspects à aborder dans "Vie et Destin" que je ne m'y tenterais pas ici mais, me permettrai une réflexion . Si Vassili Grossman tend à nous prouver que tous le régimes totalitaires, quelques soient leurs bords, ont des bases ou des socles communs, l'âme Russe, elle, possède le don du roman fleuve et, qu'ils soient écrits sous des régimes tsaristes ou communistes, cela ne changent rien au talent de leurs auteurs.
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À l'actif de ce livre, la présence. L'effrayante proximité des Russes et des Allemands dans les ruines de Stalingrad, leur mobilité dans l'eau glacée de la Volga, dans la neige arrosée par les snipers, dans l'usine de tracteurs convertie en usine de chars qui reste active de nuit sous les bombes. L'auteur a vécu la guerre totale dans la « capitale de la guerre mondiale ». On n'invente pas la proximité de la mort, cette anesthésie de l'épuisement qui participe à l'héroïsme : « À plusieurs reprises, Poliakoff fut jeté à terre, il tombait, se relevait, courait, il ne savait plus où il se trouvait, s'il était vieux ou jeune, s'il y avait encore un haut et un bas. Mais Klimov l'entraînait à sa suite et ils finirent par se laisser tomber dans un profond trou de bombe, glissèrent jusqu'à son fond plein de boue. L'obscurité y était triple ; l'obscurité de la nuit, l'obscurité de la fumée et de la poussière, l'obscurité d'une cave profonde » (p 583-4).

Au passif, l'excès de déplacements des deux côtés du front, la navette sans transition chez les civils dans les zones libres ou occupées, chez les zeks du goulag, dans les camps allemands de prisonniers russes, dans les camps russes de prisonniers allemands. Mais sans doute cette impression de vertige est-elle voulue par l'auteur. Plus pénibles et plus disparates encore sont les interminables conversations où chacun, désigné par son nom, ses prénoms, ses surnoms ou ses fonctions — une bonne centaine de personnages —, intervient sur une comme sur dix pages pour discourir sur l'homme russe, l'âme russe, le peuple russe, son avenir, le parti, la bureaucratie ou l'ennemi. Tout ce monde parle ou pense pour nous, soldats du front, victimes de l'arrière, académiciens de Moscou, généraux dont l'existence est attestée, y compris les têtes historiques, Eichmann, Hitler, Staline : « Staline était ému. En cet instant, la puissance future de l'État se confrontait avec sa volonté. Sa grandeur, son génie n'existaient pas par eux-mêmes, indépendamment de la grandeur de l'État et des Forces armées. Les livres qu'il avait écrits, ses travaux scientifiques, sa philosophie ne prenaient un sens, ne devenaient objet d'étude et d'admiration de la part des millions de gens que lorsque l'État était victorieux » (p 874).

Sur le plan des idées, on sent percer derrière la multiplicité des vies et des destins (curieux, le singulier du titre), un archétype de l'homme fort, honnête, patriote et pessimiste, dont la bonté se retourne contre lui, bientôt désespéré. Après la victoire de Stalingrad, le temps des héros est aussitôt suivi du retour de la haine, de la méfiance, de l'antisémitisme (l'arrestation et la torture de Krymov, le questionnaire imposé à Strum, physicien juif, après sa découverte). L'union sacrée qui rassemblait camarades commissaires et camarades combattants reflue en un constat désespéré, celui d'une convergence morale avec l'ennemi : dans une très longue et peu vraisemblable conversation entre un officier allemand fataliste et un vieux bolchevik, l'auteur dénonce la convergence des deux totalitarismes (p 527-40), idée insupportable aux censeurs. On peut lire ailleurs la biographie de l'auteur, la condamnation et la résurgence de son livre.

Vouloir donner la parole à tous crée de pénibles distorsions. Ainsi Grossman donne deux représentations de la Shoah (le mot n'est pas prononcé). Avant les images odieuses des chapitres 47-48 (seconde partie), il attribue à Eichmann, le planificateur minutieux du massacre, une vision totalement irréaliste, une scène de science-fiction : « Le sol était constitué de lourdes dalles mobiles à encadrement métallique parfaitement jointes. Un mécanisme commandé depuis la salle de contrôle permettait de faire basculer ces dalles en position verticale, de telle sorte que le contenu de la chambre était évacué dans les locaux souterrains. C'est là que la matière organique était soumise au traitement d'une brigade de dentistes qui en extrayaient les métaux précieux de prothèse. Après quoi on mettait en action le convoyeur conduisant aux fours crématoires, où la matière organique désormais exempte de pensée et de sensibilité subissait, sous l'effet de l'énergie thermique, une dégradation ultérieure pour se transformer en engrais minéraux phosphatés, en chaux et en cendres, en ammoniac, en gaz carbonique et sulfureux » (p 640).

Sur le plan littéraire, le réalisme le plus cru côtoie le grand lyrisme russe « La terre s'étirait, immense et sans fin. Et, immense et éternel comme la terre, il y avait le malheur » (p 181). « Tout passe, mais ce soleil, ce soleil énorme et lourd, ce soleil de fonte dans les fumées du soir, mais ce vent, ce vent âcre, gorgé d'absinthe, jamais on ne peut les oublier. Riche est la steppe… » (p 387). « Mais ce siècle était le sien, il vivait avec ce siècle et y resterait lié même après la mort » (p 353).

Un livre qu'on est heureux d'avoir lu et soulagé de terminer.
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Petite précision qui peut avoir son importance, « Vie et destin » est la suite de « Pour une juste cause ». Si le roman se suffit à lui-même, la multitude de personnages évoqués m'a parfois fait regretter l'absence d'un petit index.
Pour le reste, quelle réussite ! Ces 1200 pages nous offrent une mise en perspective du nazisme et du soviétisme.
Une petite parenthèse pour dire que le roman a été écrit dans les années 50 et j'avoue être admirative du courage dont a fait preuve l'auteur – son roman fut d'ailleurs confisqué – et du recul qui a été le sien pour analyser la situation de son pays.
Il est terrible de constater à quels points ces deux régimes, bien qu'antagonistes suite à l'opération Barbarossa, sont similaires dans les méthodes utilisées et dans l'extermination de tous ceux considérés comme ennemis, ceux-ci pouvant d'ailleurs être les amis d'hier.

Vassili Grossman nous dépeint avec force la vie soviétique avec cette peur permanente de la délation, où chaque parole peut être mal interprétée et sujette à une lettre de dénonciation.

L'analyse de la place de la bureaucratie est aussi bien menée, on assiste à la mise à l'écart des révolutionnaires historiques, de la première heure, au profit d'une nouvelle catégorie d'hommes et de femmes, pas forcément plus zélés communistes mais en tout cas bien plus habiles apparatchik.

Les personnages principaux ne sont pas manichéens dans l'ensemble même si l'auteur semble s'attacher à ne pas nous les rendre attachants, en nous exposant leurs défauts et autres faiblesses sans fard. Ce n'est pour autant pas un reproche car au final je trouve que cela m'a permis d'appréhender bien mieux la vie sous Staline.

Lien : https://allylit.wordpress.co..
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Il faut certains efforts pour se plonger dans cette oeuvre, bien écrite mais pleine de recoins, de nuances, de plans distincts, de personnages nombreux, dont les noms russes varient selon le contexte. Il y a des romans que l'on lit simplement, avec une certaine distance. Ce roman là ne se lit pas, c'est une expérience que l'on fait.
Au milieu du livre, j'ai failli jeter l'éponge. La description d'Auschwitz m'avait débordé de malaise. J'ai poursuivi néanmoins et quelle grâce ! ? Aussi paradoxal et incompréhensible que cela puisse paraître.

Ce roman est trop riche pour être résumé. Mais si vous voulez entrevoir quelque chose de l'humain, du totalitarisme, de la guerre, de la liberté, foncez chez le libraire.
Il y a beaucoup de livres que j'aime, mais c'est bien le seul qui m'ait marqué à ce point, pour lequel je conçois une telle urgence. Ce sont probablement les conditions initiales de publication qui ont fait que ce monument est relativement peu visité. Foncez.

NB: Dans l'édition "bouquins " de 2005(Vassili Grossman Oeuvres ), outre le fait que le texte à été revu (Ah! le charme du samizdat issu d'un microfilm approximatif), la préface de Tzvetan Todorov me semble précieuse.
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Remarquable ouvrage (j'hésite même à utiliser le mot roman) qui renvoie dos à dos les deux projets parmi les plus criminels de l'humanité. Il aurait été dommage que ce livre eut connu un destin différent en ne parvenant pas jusqu'à nous. Quel choc pour les censeurs de Moscou à sa lecture dans les années 50...
Quel choc aussi pour les lecteurs avertis des scènes effroyables de Treblinka ou des exactions de la Loubianka. La même terreur! le même but...une extermination et une déshumanisation. Que n'ais je lu au préalable « Pour une juste cause » et m'attacher ainsi encore plus au destin de ces millions de gens avant le dénouement de leurs histoires personnelles.
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Vassili Grossman, reporter de guerre, a couvert au plus près la bataille de Stalingrad.

Il a cru à l'avènement de l'homme communiste puis a déchanté devant la réalité du régime, et face aux sévisses qu'il a eu à subir en tant que démocrate, en tant qu'intellectuel et aussi en tant que juif.

« Vie et destin » nous raconte l'épopée des soviétiques, certains sortis des geôles de Staline spécialement pour aller au front, contre l'envahisseur allemand en juin 1941.
L'amour de leur patrie et la foi dans leur idéal les a portés et leur a permis d'affronter les épreuves les plus cruelles.

Mais « Vie et destin » n'est pas un journal du front.
VG nous emmène dans la cabane en rondins d'un camp de la Kolyma en Sibérie, dans un camp de concentration en Allemagne ou dans un camp d'extermination en Pologne.

Il nous plonge dans les rangs des détenus qui vont du wagon dont ils viennent de descendre, aux portes du camp pour la sélection.

Nous sommes avec le membre d'un Sunderkommando qui nettoie la chambre à gaz entre deux exécutions.

Nous sommes avec le kapo cynique, avec le voisin de châlit, avec le « camarade » ou l'ancienne connaissance d'un détenu.

Nous sommes avec les juifs, hommes, femmes, enfants et nourrissons, dans la chambre à gaz ; jusqu'à la toute fin du supplice, après que la porte s'est refermée.

Nous sommes avec Krymov dans le bureau de la Loubianka où il est interrogé des jours durant, maintenu éveillé et en vie grâce à des piqûres « puisque la médecine nous y autorise ».

Nous sommes dans l'équipe du laboratoire qui félicite Strum pour la qualité de son travail de chercheur, avant de se détourner de lui et de l'oublier parce qu'il ne serait plus vraiment dans la ligne du Parti. Jusqu'au jour où « qui vous savez » l'appellera personnellement au téléphone pour lui dire combien ses découvertes sont importantes pour la patrie et le socialisme.

C'est au coeur des rouages de tous les systèmes totalitaires que nous sommes immergés. Là où il serait plus simple de mourir que de survivre. Là où se jouent et se dénouent toutes les lâchetés et les trahisons qui permettent au système de fonctionner malgré les volontés parfois contraires de ses agents les plus zélés ou de ses adversaires les plus farouches.

Le destin nous prend par la main et nous guide sur un chemin que nous n'avions pas imaginé. Mais l'homme qui vit vraiment sa vie refuse toujours de suivre une voie qui n'est pas là sienne.

La bataille de Stalingrad a été particulièrement terrible. Militaires et civiles ont défendu la ville, et au-delà d'elle leur pays, avec d'autant plus d'ardeur et de courage qu'ils ont reconnu dans le souffle qui animait Stalingrad assaillie, dans les relations que les gens nouaient entre eux, dans leur altruisme et leur générosité, l'esprit et les valeurs de la révolution d'octobre.

Cette grande guerre patriotique était l'occasion de reprendre le relais de ceux de 1917, de renouer avec les valeurs de ce temps-là et de reprendre et parachever enfin, le travail entrepris alors.
La liberté qui était l'objectif premier de la guerre en était aussi, à Stalingrad, l'arme la plus efficace. On sait ce qu'il en a été par la suite.

Toutes les histoires, qu'elles soient dramatiques ou au contraire très gaies, histoires de guerre ou histoires d'amour, sont racontées sans emphase, avec des images simples et proches de nous, qui nous touchent et qu'on comprend immédiatement.

Chaque fois que je lis un auteur « russe » (VG était ukrainien) je regrette de ne pas connaître davantage les cultures soviétique et russe.
Avec cette géographie immense, ces hommes et ces femmes d'horizons divers et variés, aux noms de conte de fées, et dont les diminutifs affectueux sont plus longs que les prénoms eux-mêmes, et avec cette histoire terrible et glorieuse, ces rêves qui virent aux cauchemars.

Les peuples soviétiques ont payé le prix fort, avant, pendant et après la seconde guerre mondiale, peut-être et hélas pourrait on presque dire, plus pour notre liberté que pour la leur.
C'est une chose que, me semble t il, personne ne devrait oublier. En hommage à Grossman et à ses semblables, célèbres ou anonymes, grands savants ou petits paysans, employées de bureau ou poétesses géniales, militaires zélés ou ouvrières rebelles, qui ont eu des rêves aux dimensions de l'univers, mais que la vie n'a pas su exaucés.
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