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EAN : 9782080255969
368 pages
Flammarion (15/09/2021)
4.24/5   21 notes
Résumé :
Le " premier XXIe siècle ", comme la première version d'un logiciel insuffisamment testé, révèle chaque jour de nouvelles failles : nous sommes loin du triomphalisme qui saisit les démocraties en 1989 quand le mur de Berlin est tombé. L'individu qui croyait changer le monde est de plus en plus écrasé par lui. Il a perdu confiance dans la politique, et l'utopie identitaire remplace l'utopie politique. Comment en est-on arrivé là dans des sociétés aussi différentes qu... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Le livre indispensable pour prendre de la hauteur sur ce que le monde vit, subit et pourrait être. La qualité principale de l'essai réside dans la volonté d'inscrire l'individu dans un projet collectif. L'auteur brasse large, de l'Antiquité à internet, des Lumières à aujourd'hui, et surtout pointe 1989,- la chute du mur de Berlin - et 1991- l'éclatement de l'URSS- comme nouveaux marqueurs d'une Histoire mal évaluée par l'Europe occidentale. La paix est en péril, dépend de l'évolution interne des sociétés bien davantage que de la diplomatie. Deux chapitres pertinents décrivent l'évolution de la politique, passée du projet commun à l'accentuation des différences. Heureusement, un mouvement s'amorce en faveur de la renaissance des valeurs au détriment de la prédominance de l'individu.
Le style est celui d'un haut diplomate rompu aux rouages de la politique internationale; la pensée celle d'un humaniste conscient des enjeux écologiques et de la mainmise des géants du numérique sur la collecte et l'exploitation de données à des fins commerciales. Jean-Marié Guéhenno souligne la nécessité de protéger ces données des visées des entreprises et de l'État.
Mais le message majeur que je retiens de ce propos de haut vol, c'est la vérité essentielle de nous construire en relation avec les autres, et non, contre les autres ou chacun dans son coin, obnubilé par le succès et la réussite sociale. Cela implique de sortir du repli sur soi et d'accepter l'incertitude d'une vie moins programmée, moins prévisible.






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Jean-Marie Guéhenno dresse un état des lieux sur les vingt premières années du XXIème siècle avec lucidité et hauteur. La mondialisation qui a pris de l'ampleur depuis les évènements de 1989 (qui a marqué quelque part la fin du siècle précédent) y est analysée comme un tournant tant la chute du mur de Berlin, accompagnée de la chute - tel un jeu de dominos - du bloc communiste peu après y est significative, mais à l'époque mal identifiée.

Le sort sinon l'avenir de la démocratie y sont également abordés à une époque où les traits dictatoriaux sinon impérialistes de certains Etats et dirigeants politiques d'envergure refont surface et laissent à l'Europe la possibilité de constituer une troisième voie entre Etats-Unis et Chine.

Au final , on est agréablement surpris par le discours de l'auteur qui nous livre une bonne analyse géopolitique de notre monde actuel, en retranscrit les aspects et ouvre des perspectives intéressantes.

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Ancien proche collaborateur du secrétaire général de l'Onu, JM. Guéhenno propose, dans son dernier livre, une vision géopolitique d'une singulière lucidité sur l'état du monde depuis les illusions ayant fait suite à l'effondrement de l'Union soviétique.
La mondialisation signe la fin des formes traditionnelles de souveraineté assises sur l'Etat-nation. L'auteur compare les deux grandes expériences modernes de la démocratie : l'expérience américaine qui valorise la communauté de choix et l'expérience européenne qui reconnaît l'importance des communautés héritées. L'avenir de la liberté est-il une voie médiane entre ces deux pôles ?
Livre érudit et passionnant.
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Bon, j'ai commencé ce livre avant l'invasion de l'Ukraine par la Russie et je l'ai continué par la suite. J'avais envie de mieux comprendre la géopolitique et l'interaction des différents régimes politiques, j ai entendu l'auteur à la radio je l'ai trouvé très intéressant son livre l'est tout autant
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Citations et extraits (35) Voir plus Ajouter une citation
Il aura fallu les huit années que j'ai passées à la direction des opérations de maintien de la paix de l'ONU pour que je comprenne la fragilité des sociétés humaines. Comme l'air que nous respirons, la paix nous semble être l'état naturel de toute société. J'ai découvert au contact de pays brisés par la guerre qu'il n'en est rien. Ce respect instinctif des lois, qui nous les fait généralement observer même en l'absence du gendarme, ce préjugé de confiance, limité mais réel, que nous témoignons à ceux que nous appelons nos semblables ne sont pas des sentiments aussi naturels que nous l'imaginons souvent. Ils sont un vernis précaire qu'il suffit de peu de chose pour effacer, et qu'il est ensuite infiniment difficile de restaurer. Dans les pays en guerre civile où se déploient la plupart des missions de maintien de la paix, ce vernis est parti, et le « capital social » dont parlent anthropologues et philosophes – cette richesse qui réside non dans les capacités individuelles de chacun des membres d'une communauté humaine mais dans les liens, implicites et explicites, qui les unissent – a disparu. Il ne reste alors qu'un monde de défiance où personne ne se confie à personne.

Cette expérience m'a conduit à jeter un autre regard sur les sociétés en paix. Au lieu de les voir comme autant d'exemples de l'état d'équilibre pacifique vers lequel tôt ou tard toute société humaine devrait revenir, je les ai vues comme des réussites exceptionnelles et toujours menacées. À l'instar du médecin qui, à force de ne voir que des malades, finit par se demander quel miracle conserve une majorité de la population en bonne santé, j'ai commencé de m'interroger sur les conditions nécessaires au maintien de la paix dans une société.
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La politique, telle qu'elle fut inventée par les Grecs, semble ainsi arriver au bout d'un long cycle : elle a commencé par l'immense ambition d'organiser dans la cité des hommes le dialogue des idées d'où émergerait la raison. Les démocraties modernes ont été plus modestes, prétendant seulement organiser la confrontation pacifique des intérêts collectifs. On voit aujourd'hui comment même cet objectif plus limité paraît hors d'atteinte, car la crise simultanée de la gauche et de la droite détruit le terrain commun sur lequel pouvait s'engager la négociation des intérêts, projet contre projet.
L'espace public disparaît, et avec lui le débat politique : il n'y a plus de lieu où échanger les arguments de la raison ni où négocier la confrontation d'intérêts rivaux.
À défaut de rassembler autour de programmes, la politique rassemble désormais sur des identités. Et ces identités, construites sur l'affirmation d'une différence, loin d'organiser la société en groupes qui pourraient structurer un débat politique, la fragmentent presque à l'infini.
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L’invention en Europe du livre imprimé à la Renaissance a transformé le rapport au savoir de la civilisation occidentale. Quelques siècles plus tôt, en Chine, le livre imprimé, en permettant la diffusion des textes aux lettrés, avait contribué à installer le savoir au cœur des hiérarchies de pouvoir. En Europe, nous n’avons compris que très progressivement la dimension révolutionnaire de l’imprimerie, et le monde entier risque aujourd’hui de commettre la même erreur d’appréciation s’il ne prend pas rapidement toute la mesure du bouleversement politique que porte en germe l’internet. La transformation de la politique décrite au chapitre précédent résulte pour une part du changement radical que les nouvelles technologies introduisent dans notre rapport au savoir et dans ses conditions de production.


Reprenons l’histoire politique du livre imprimé pour comprendre ce qui nous attend. Le livre imprimé apparu en Europe avec Gutenberg enleva aux clercs le monopole de ce savoir qu’ils conservaient dans les manuscrits de leurs monastères. Cette révolution dans les techniques de diffusion du savoir a fait sentir tous ses effets politiques par étapes successives. Elle changea d’abord les rapports de force dans l’Église catholique, en donnant, par la diffusion de la Bible, une autorité nouvelle à des moines auparavant sans autorité comme Luther, qui pouvaient désormais communiquer par le livre hors des hiérarchies ecclésiastiques. Ce bouleversement scinda les Églises d’Europe en deux camps, catholique et protestant, et cette scission, à son tour, bouleversa la carte politique de l’Europe, en sapant la fondation religieuse de la légitimité des princes et des rois. Des légitimités concurrentes s’affrontèrent, qui conduisirent à près d’un siècle de guerres. La seconde secousse provoquée par la révolution du livre imprimé attendit près de deux siècles : la diffusion des connaissances grâce à celle du livre apporta à une bourgeoisie instruite une nouvelle légitimité, dont la Révolution française fut l’expression la plus radicale. La démocratie libérale moderne dont nous avons hérité a prétendu être, dans sa version idéale, le dernier avatar de cette révolution : dialogue de la raison entre personnes instruites, unies dans un même espace de réflexion par l’éducation et formées par la lecture des mêmes livres. Le savoir, en se diffusant largement, a changé pour toujours les fondements de l’autorité.

L’avènement du monde digital annonce un bouleversement encore plus considérable. Le changement le plus immédiat et le plus visible est la transformation de la communication politique. Chaque époque reflète à cet égard la technologie du moment. Les révolutions américaine et française furent marquées par la prolifération de brochures, de pamphlets rapidement imprimés et diffusés. Ce furent les débuts de la presse politique. La radio a accompagné la montée des mouvements totalitaires, et son utilisation par Hitler a été considérée à l’époque comme révolutionnaire, car elle a changé la pratique de la politique et les conditions d’exercice du pouvoir. Elle a été une puissante caisse de résonance, amplifiant l’impact des meetings de masse qui ponctuèrent la montée des fascismes. Dans ces meetings, la foule prenait conscience de sa puissance collective, et, grâce à la radio, ce moment de communion collective a pu entrer dans chaque foyer et établir un rapport personnel, presque charnel, entre les gouvernants et les gouvernés, entre le chef et la masse. La politique traditionnelle a ensuite exploité les mêmes techniques, et Franklin Roosevelt, avec ses causeries radiodiffusées, a été le premier responsable d’un pays démocratique à comprendre l’importance des médias. Depuis, l’usage de la télévision est devenu systématique, et tout acteur politique, dans les démocraties comme dans les dictatures, utilise la télévision et la radio.
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La brutalité croissante du langage politique, du président Trump aux gilets jaunes en France, peut alors être célébrée comme un sain retour à l’honnêteté : ne pas offenser, c’est commencer de mentir. Le langage de la colère est devenu le langage de la politique dans beaucoup de démocraties occidentales. Volontairement provocateur, il sonne la revanche sur l’hypocrisie policée de l’ancienne politique. Il faut « dire les choses comme elles sont ». Exister, c’est ignorer les autres. La civilité – le respect des autres –, cette composante essentielle de la vie en société, l’implicite d’une société, sa fondation invisible, disparaît. L’espace partagé de la raison, qui depuis l’Antiquité a été le socle du débat démocratique, se fragmente en une multitude d’îlots de certitudes incompatibles et irréconciliables. À quoi bon ménager ceux avec qui on n’a rien de commun ? À quoi bon chercher avec eux une vérité partagée ? Insulter, mentir n’ont pas de conséquences quand on n’est pas destiné à se revoir, quand le fil du temps ne relie plus passé, présent et futur. On se désintéresse de la vérité non en se référant à une vérité supérieure, mais parce que l’idée même de vérité est devenue suspecte. Elle est le vestige d’un monde où existait un espace commun, dont elle était la ligne d’horizon, ligne jamais atteinte, mais toujours désirée. Les spécialistes de la communication diraient que la vérité a cessé d’être « porteuse » : elle n’est plus à la mode, et c’est la controverse qui attire. Le chemin semé d’embûches qui conduit à des vérités toujours problématiques est insupportable à une foule impatiente de certitudes, et l’idée même que la vérité est une recherche permanente paraît un peu désuète, voire ridicule. Désormais, la seule vérité qui compte est celle avec laquelle on vit, dans la forteresse de ses certitudes. À l’arrogance du savoir répond l’arrogance de l’ignorance. Triste revanche qui conduit directement à l’obscurantisme…
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Ces identités n'avaient jamais disparu, mais un âge dominé par de grandes idéologies les avait reléguées au second plan. Elles étaient devenues plus culturelles que politiques. Elles étaient fragiles, et leur fragilité même a contribué à l'extrême violence des conflits qu'elles ont nourris. Pour des individus perdus, incertains de ce qu'ils sont, l'affirmation de soi par l'annihilation de l'autre prend vite un caractère existentiel. Les massacres de Palestiniens par les phalanges libanaises, l'extermination des habitants de Srebrenica, les horreurs de la guerre civile somalienne ont préparé le nihilisme des années plus récentes, et devraient être un avertissement sur les dangers de la tentation identitaire qui touche maintenant les vieilles démocraties.
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Vidéo de Jean-Marie Guéhenno
Jeudi 7 mars 2024, les négociations entre Israël et le Hamas pour l'organisation d'une trêve se sont soldées par un échec. La perspective d'un cessez-le-feu dans la bande de Gaza semble de plus en plus incertaine. Une paix durable peut-elle encore être imaginée ? Quels en seraient les contours ?
Pour en parler, Emmanuel Laurentin reçoit : Sylvaine Bulle, sociologue Jean-Pierre Filiu, professeur des universités en histoire du Moyen-Orient contemporain Jean-Marie Guéhenno, diplomate, ancien secrétaire général adjoint des Nations unies et professeur à l'université Columbia (New York)
Visuel de la vignette : Mohammed Abed / AFP
#société #geopolitique #israelhamas _________
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