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EAN : 9782810707577
214 pages
Pu Midi (12/01/2022)
3.75/5   2 notes
Résumé :
« Ombres que nous sommes, et chimères que nous poursuivons », écrivait Edmund Burke en 1780 à l'issue d'une élection endeuillée par la mort d'un des candidats. C'est le titre choisi par Chris Hannan pour sa pièce consacrée au sombre héritage d'Enoch Powell et à l'ombre persistante portée par son discours dit « des rivières de sang » sur la société britannique. Créée en 2016 au Birmingham Repertory Theatre, et reprise en 2017 au Royal Lyceum d'Édimbourg, puis à Londr... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Tout d'abord je remercie Masse Critique pour m'avoir sélectionnée afin de recevoir des PUM (Presses universitaires du midi) cet ouvrage publié avec le concours du laboratoire Cultures anglo-saxonnes et du Groupement d'intérêt scientifique - Migration et diversité dans les îles britanniques et irlandaises. le livre est une édition bilingue : le recto écrit en français et le verso en anglais. J'ai commencé la lecture en anglais puis aux trois-quarts, j'ai fini en français puis j'ai relu en français, seulement - cela va plus vite pour moi car le texte est relativement court.
C'est une pièce de théâtre qui comporte deux actes. le premier acte est découpé en onze scènes et le second en six. Parmi les quatorze personnages qui évoluent sur scène, quatre sont les principaux : Rose Cruickshank, une Britannique d'origine antillaise, Sofia Nicol, une Britannique d'origine chypriote grecque, souhaitant s'associer pour écrire un livre, Clem Jones, l'éditeur d'un journal, et Enoch Powell, deux amis qui ont des opinions politiques divergentes et qui finiront par s'éloigner l'un de l'autre.
Les autres personnages sont secondaires mais tournent autour d'eux. Que ce soient les épouses de Clem et d'Enoch, Joyce Cruickshank, la mère de Rose ou Grace Hugues dont le mari mort à la guerre l'a laissée seule et sans défense. Il y a aussi Sultan et Saeed Mahmood, deux immigrés Pakistanais, amis de Grace.
Bien sûr le gros morceau de la pièce, son sujet principal c'est le discours dit des « fleuves de sang » du 20 avril 1968, que prononça Enoch Powell à Birmingham : sa prise de position contre l'immigration post-coloniale, contre le multiculturalisme (les Noirs, puis les musulmans et enfin les Européens de l'Est). Dans la pièce, l'utilisation redondante du terme « Picaninnies » issu du vocabulaire colonial pour désigner de manière péjorative des enfants noirs d'origine antillaise. Rose a été traitée de picaninnie par ses voisins et s'en souvient avec amertume. Les Pakistanais sont appelés Paki et les termes junglee et nignog ont été usités dans les années 1960 et 1970 pour désigner les noirs, les Aborigènes australiens.
L'auteur Hannan a été marqué par la victoire du Brexit dans le référendum de 2016, l'année où il a fait jouer sa pièce à Birmingham avec Ian McDiamid dans le rôle de Powell et George Costigan dans celui de Clem Jones. Ce que nous montre la victoire des partisans du Brexit dans le référendum de 2016, c'est la prégnance à long terme des idées de Powell dans toute une partie de l'opinion britannique.
La pièce de Hannan révèle le traumatisme subi par les générations de migrants post-coloniaux, qui, bien que britanniques, vivent leur vie à l'ombre des préjugés et des discriminations.
Les Beatles composent la chanson Get Back pour marquer leur opposition au discours de Powell.
Le nom d'Enoch Powell est devenu aussi sulfureux en Grande-Bretagne que celui de Jean-Marie le Pen en France.
J'ai aimé lire cette pièce car outre le débat d'idées entre Rose et Powell surtout, elle est légère : beaucoup de poésie, et de chansons. J'ai découvert ainsi le poète anglais A.E. Housman avec son poème : The land of lost content et aussi avec son recueil de poèmes : A Shropshire Lad. Shelley n'est plus à découvrir mais son poème A Summer Evening Churchyard est magnifique. Sultan Mahmood chante une chanson écossaise de Harry Lauder créée en 1913 : I love a lassie, a bonnie lassie…dont les paroles sont très jolies et champêtres. Cela pourrait être très agréable et intéressant de voir cette pièce montée sur scène en France, même si les préoccupations des différents antagonistes sont un peu éloignées des nôtres, Préoccupations spécifiquement britanniques et comme le dit Enoch : « J'ai tendu un miroir pour que l'Angleterre se regarde ».
Le Brexit a-t-il amené un nouveau souffle dans ce pays en pleine mutation économique, idéologique et d'intégration des minorités, il est trop tôt pour le voir. Mais l'avenir nous le dira. Faut-il y voir des similitudes avec ce qui se passe en France ? Ici, nous avons toujours un métro de retard mais bon, la roue tourne.
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J'ai lu, après l'avoir reçu dans le cadre de l‘opération Masse Critique, l'ouvrage « what shadows - ce que les ombres ». C'est en réalité un ouvrage bilingue (anglais - français) ce qui est très intéressant même si ce n'est marqué nulle part. C'est un livre d'obédience universitaire, coordonné par des Professeurs spécialistes des questions anglo saxonnes. L'introduction se veut très didactique et ouvre bien la thématique posée par la pièce autour de la question de l'extrémisme et de l'impact du discours d'Enoch Powell le 20 avril 1968. Elle remet en perspective cet homme politique de premier plan qui a marqué les esprits depuis lors même après sa mort et semble même pour les auteurs constituer un prémisse au Brexit posant la question de l'insularité et des spécificités du Commonwealth britannique. Par le plus grand des hasards il se trouve que je suis en train de terminer la trilogie remarquable de Jonathan Coe, dont l'histoire se passe à Birmingham, ville de Powell et lieu où se passe le discours de Powell. Je connaissais donc déjà l'histoire du discours et ses répercussions. La formule « Enoch was right » fait ainsi encore florès dans certains milieux anglais. le plus étonnant du point de vue français est l'imperméabilité entre les thèses d'Enoch Powell et les partis extrémistes français. L'introduction n'en parle d'ailleurs pas du tout. Il est vrai que le « racisme » de Powell est très lié à l'indépendance des États du Commonwealth noir et indien donc de culture radicalement différente de celle de l'Angleterre.
Que dire de la pièce en elle même ? le registre de la langue est très accessible. Sur le fond la pièce met aux prises deux époques et donc un Enoch au moment de son discours en 1968 et à la fin de sa vie en 1992. Lors de son discours il se fâche à mort avec son meilleur ami et sa femme Marjorie qui ne le lui pardonneront pas. Ils ne se reverront jamais. En 1992 il est confronté à Rose une immigrée du Commonwealth qui considère que l'Angleterre lui appartient autant qu'à Powell. Les autres scènes, celles sans Powell, perdent de leur intensité et sont moins percutantes en particulier la scène sur le toit de l'hôpital dont on ne voit pas bien l'intérêt.
La pièce n'est pas moralisatrice. Elle met même tellement à égalité les thèses des immigrés (« pecanninis ») et celles de Powell que cela en devient troublant.
Le discours de Powell lui a donné une place toute particulière sur la scène anglaise même si il a été banni des postes ministériels suite à sa sortie. Il restera député, constamment réélu, pendant plusieurs dizaines d'années mais ne sera jamais Premier Ministre alors que certains lui prédisaient ce destin. A la fin de sa vie il n'avait pas changé d'un iota.
Au total la pièce éclaire une partie de l'histoire de l'Angleterre mal connue des français et montre les failles d'un pays qui fut, à l'instar de la France, brillant mais qui ne l'est plus. Est ce que le Brexit, rejeton de Powell, lui permettra de redevenir la Nation qu'elle a été ? C'est sans doute le pari des dirigeants actuels. Seul l'avenir le dira.
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En 1968, Enoch Powell, député du parti conservateur, prononça un discours xénophobe dont la portée sur la société britannique est encore perceptible aujourd'hui. En effet, l'idéologie sous-jacente à la politique hostile aux migrants menée par le parti conservateur au pouvoir depuis une douzaine d'années trouve sa source dans ce discours.
Ce dernier est ici restitué dans son contexte historique par une très instructive introduction rédigée par deux universitaires. Les besoins de reconstruction du Royaume-Uni après la Seconde Guerre mondiale le conduisent à organiser l'arrivée de migrants du nouveau Commonwealth, c'est-à-dire de colonies dont les populations étaient majoritairement non-blanches comme l'Inde et les Antilles représentées par différents personnages dans la pièce. L'État met fin à cette politique au début des années 1960. Or, la fin de cette immigration économique est marquée par l'arrivée des familles de ces hommes venus participer à la reconstruction du pays. C'est en partie cette période que la pièce de Chris Hannan met en scène à travers un entretien entre Rose Cruickshank, professeure à Oxford d'ascendance antillaise, avec Enoch Powell. Par un procédé d'analepse, il met en scène la vie du quartier multi-ethnique où vivait Rose dans les années 1960 et le désarroi de la dernière Anglaise à résider dans le quartier, Grace Hughes, dont le ressenti va inspirer le discours d'Enoch Powell.
L'identité est au centre de la pièce de Chris Hannan. Les répliques sont d'une grande justesse et soulèvent des problématiques clés : racisme, intégration, identité, entre autres. Sa publication en France intervient alors que la a question identitaire est au centre de la campagne présidentielle de cette année 2022 et est à ce titre indispensable à lire et à relire.
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Surtout, la pièce de Hannan révèle une autre facette de cette influence à long terme du discours, plus indirecte mais tout aussi profonde : le traumatisme subi par les générations de migrants post-coloniaux, qui, bien que britanniques, vivent leur vie à l’ombre des préjugés et des discriminations. La pièce de Hannan met en scène le dialogue impossible entre le personnage de Rose Cruickshank, une Britannique d’origine antillaise, et un Enoch Powell au soir de sa vie. Le personnage de Rose Cruickshank incarne la migration antillaise, revendiquant avoir été l’une des « Picaninnies » (Négrillonnes) évoquées par Powell dans son discours, avant de réussir des études brillantes et de devenir Professeure à Oxford (voir la scène 1 de l’acte 1). Malgré ce parcours, elle vit à l’ombre, ou plutôt dans l’ombre, des préjugés racistes, rencontrant ainsi des difficultés relationnelles avec son ancienne collègue Sofia Nicol, elle aussi d’origine immigrée, mais blanche. (Introduction)
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Rose Cruickshank : A quel point diriez-vous que vous connaissez l’Angleterre ?
Enoch Powell : Eh bien, j’ai écrit une histoire de l’Angleterre.
Rose Cruickshank : Oui. Dans votre discours sur les « fleuves de sang ».
Enoch Powell : Je l’appelle le discours de Birmingham.
Rose Cruickshank : vous y parliez de l’immigration dans les années 1950 et 60, que vous décriviez comme un bouleversement total, sans précédent en mille ans d’histoire anglaise.
Enoch Powell : Oui, l’ampleur de l’immigration. Le sentiment d’être envahis.
Rose Cruickshank : N’y avait-il pas de sentiment d’invasion en 1066 ?
Enoch Powell : Les Normands n’étaient pas aussi nombreux.
Rose Cruickshank : Ils ont bâti plus de mille châteaux.
Enoch Powell : Une classe dominante en a remplacé une autre. Les gens ont sans doute haussé les épaules en pensant quelle différence est-ce que ça fait ?
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Ca m’étonne toujours le soupçon qui pèse sur le mot multiculturel comme si on venait de l’importer de l’étranger et qu’on devait le mettre en camp de détention le temps qu’on mène l’enquête. Le concept est aussi anglais que le thé, plus vieux que ta maison ou que quoi que ce soit que tu possèdes, il date d’avant nos routes et d’avant l’Angleterre elle-même. Cette décision nous l’avons prise il y a trois cents ans, l’Acte de Tolérance, non pas pour définir l’anglicité, non pas pour la nationaliser, mais pour tolérer les gens dont les croyances sont fondamentalement différentes des nôtres. Le multiculturalisme, ça n’a rien à voir avec être gentil, c’est ce dont le pays est fait.
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Scène dix – Le discours de Birmingham
20 avril 1968. Hôtel Midland, Birmingham.
Observé par les personnages de la pièce. Enoch Powell fait son discours au public.
Enoch Powell : Monsieur Le Président, Mesdames et Messieurs.
La fonction suprême de l’homme d’Etat est de protéger la société des maux prévisibles. Dans cette entreprise, cette fonction se heurte à des obstacles profondément ancrés dans la nature humaine.
Un de ces obstacles est que, par nature, on ne peut prouver qu’il s’agisse réellement de maux avant qu’ils ne surviennent : d‘où la tentation irrésistible pour toute politique de se préoccuper du présent immédiat au détriment de l’avenir.
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Alors que je contemple l’avenir, je suis rempli de mauvais pressentiments. Comme les Romains, il me semble apercevoir le Tibre écumant de sang.
Les émeutes raciales, ce phénomène tragique et insoluble, que nous observons déjà avec horreur outre-Atlantique, vont avoir lieu chez nous par notre propre volonté et par notre propre négligence. En fait, on en est déjà presque là.
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