Nos âmes la nuit

Le démarrage a été lent pour moi dans ce roman, non que j'aie eu des difficultés à le lire, mais je n'en voyais pas tout d'abord l'intérêt. J'ai apprécié que les personnages aient un certain âge, que leur vie soit au premier abord normale, mais le style essentiellement dialogué m'est apparu trop plat, sans relief.

Addie fait à Louis cette étonnante proposition, qui du reste le prend de court : accepterait-il de venir dormir chez elle et de parler avec elle dans le noir, retrouver avec elle une intimité perdue depuis longtemps, car tous deux sont veufs depuis une dizaine d'années. Tous deux sont libres d'arrêter à tout moment, mais cela leur plaît, et une nouvelle vie se met en place, dans laquelle leur complicité prend de plus en plus de place.

Autour d'eux, ce nouvel état de fait surprend : la ville observe, remarque vite le changement, car les langues vont bon train, puis l'on commente, on juge. Seule leur vieille voisine, Ruth, est ouverte et leur souhaite le meilleur, tout en remettant à leur place les mauvaises langues. Toutefois, après 70 ans, on peut se permettre de faire fi de l'avis de la communauté. C'est ce qu'ils peuvent légitimement penser, et pourtant...

Ils connaîtront de belles heures lorsque Addie recueille en vacances son petit-fils Jamie, amené chez elle par son père (Gene, le fils d'Addie), lorsque la mère du petit quitte le domicile. Jamie va mal, mais Addie veille, le console, le rassure, et Louis fera figure de père de substitution, lui offrant une chienne, Bonny, et jouant avec lui au soft ball. Ils font du camping dans la montagne, c'est un magnifique été, très chaud.

Il faudra malgré tout se confronter à nouveau à la mesquinerie, voire à la méchanceté et à l'incompréhension de leur entourage face à leur histoire. Leur relation dérange, et on les met en demeure de cesser, de ne plus se voir, de bien se conduire, car "pour leur âge", ce n'est pas décent. C'est là où ma propre compréhension a véritablement rencontré ses limites, car j'ai été sidérée que cela puisse se passer comme ça à notre époque, qu'on puisse même laisser penser à des gens qu'ils ont un quelconque droit à PENSER agir de la sorte.

L'ensemble du roman m'a fait voir sous un meilleur jour les personnages, leurs failles et fragilités, et même le style m'est apparu davantage dépouillé que fade, à mesure que nous progressions dans ces beaux instantanés de vacances, dans la seconde partie du roman. Toutefois, l'ensemble n'a fait qu'effleurer ma sensibilité, je n'ai pas vraiment été touchée, j'ai plutôt ressenti une irritation face aux choix finaux des personnages. Mon impression reste mitigée, en-deça de la visée du roman.

Un roman comme une petite veilleuse dans la nuit justement. Rien de tragique, peu d'évènements, un récit presque factuel avec des dialogues simples et directs, mais une sérénité et la chaleur de la vie telle qu'elle devrait se dérouler, le dépouillement du bonheur quotidien. Comment penser qu'à 70 ans passés on ne peut pas vivre une histoire d'amour comme on la veut, avec ou sans sexe, retrouver les plaisirs partagés de diners au restaurants ou de baignades dans les ruisseaux ? Qui peut alors nous dicter notre conduite, si on se fiche du qu'en-dira-t-on ? On peut faire ce qu'on veut, et c'est ce que font Addie et Louis, en toute quiétude après les quelques hésitations du début. Mais c'est sans compter les réactions retorses de l'humain, et c'est le propre fils d'Addie qui va tenter de gâcher cette si jolie relation... Un roman sobre et très émouvant. Un auteur à creuser !

Un soir de mai, à Holt dans le Colorado Addie Moore, qui a 70 ans révolus, décide de frapper à la porte de son voisin, Louis Waters et lui fait une proposition pour le moins atypique. Elle souhaite qu'il vienne dormir chez elle, la nuit car quand on est veuve, seule et loin de sa famille, ce sont les nuits qui sont les plus difficiles à supporter, comme si chaque soir, on mourrait un peu plus. Sans plus de question Louis accepte. Main dans la main, dans l'obscurité de la chambre d'Addie, ils se racontent leur vie et leur coeur s'ouvre l'un à l'autre, l'un pour l'autre.
Kent Haruf décrit tout en douceur, en pudeur, en mots susurrés l'histoire d'amour entre deux personnes au crépuscule de leur vie, celle d'une grand-mère et son petit-fils de 6 ans, Jamie et l'opposition farouche des enfants respectifs d'Addie et Louis qui n'acceptent pas leur relation, voyant dans ce qu'il y a de plus merveilleux entre deux êtres (et peu importe leur âge) quelque chose de dégoutant, dérangeant et totalement inapproprié à 70 ans.
A croire que la société dans laquelle nous vivons aujourd'hui infantilise aussi bien les enfants que les personnes âgées, les considérant comme inaptes à éprouver et ressentir ce qu'il y a au plus profond de leur coeur.
Un livre d'une rare beauté, d'une justesse infinie.

Dans cette histoire paisible, les dialogues se forment sans ponctuation, laissant la part belle à la profondeur des échanges. Rien ne vient brouiller cette étrange relation toute en délicatesse, qui commence avec une douceur qui nous isole du reste du monde.

Une petite bulle inattendue, comme une deuxième chance offerte par la vie pour ce veuf et cette veuve, voisins depuis une quarantaine d'année. Qui pourrait bien trouver quelque chose à redire à ce bonheur tout neuf, si innocent, et qui les réconcilie avec la vie ? Cherchant à fuir la solitude glacée des draps et de la nuit, ils commencent à partager chastement leur lit, et se donnent l'un l'autre la présence rassurante d'un compagnon de nuit. Puis, sans l'avoir prémédité, se développe un attachement ; inopiné et réconfortant.

Une histoire sereine qui se construit jour après jour, où le respect domine, mais où la joie de l'amour est merveilleusement racontée, encore et toujours possible, à 20 ans comme à 70 ans ! On y trouve le réveil du coeur et du corps, l'émerveillement profond qui nous anime quand on a trouvé la personne qui nous manquait. Mais à quoi tout cela tient-il ?

Effectivement, comme un vent glacial et inhospitalier, leurs enfants respectifs, choqués et méfiants, raidis par le déshonneur, n'entendent pas accepter cette folie décidée par leurs parents...



Ce roman, délicieusement imprévisible, pose la question du pouvoir de décision des individus passé un certain âge ; et le pouvoir des enfants dit "responsables" de leurs parents. Pour eux, est-il possible d'avoir encore leur libre arbitre ? Pourquoi serait il exclu de prendre sa vie en main lorsqu'on a encore tout son discernement, malgré l'âge qui avance ? Perd-on son identité et sa liberté en vieillissant ? Comment justifier la mainmise des enfants sur la vie sentimentale de leurs parents vieillissants ? Ce roman soulève des questions essentielles, qui nous touchent forcément, que l'on soit d'un côté ou de l'autre de la barrière. Des interrogations bouleversantes qui donnent envie de pousser la réflexion plus loin encore, et qu'on souhaite partager...

Un livre à lire et à offrir !



Lien : https://auxpetitespepites.fr

Addie et Louis, veufs et bien seuls décident (enfin c'est Addie qui décide au début), de se rencontrer la nuit pour parler et dormir à deux. Tout va bien jusqu'au moment où leurs enfants s'en mêlent et la vox populi y va aussi de son couplet. Encore une fois, les braves gens n'aiment pas que l'on suive une autre route qu'eux (Brassens).
Arrive alors le petit Jamie, petit-fils d'Addie, qui gêne un peu ses parents en pleine crise. S'en suit une belle histoire entre Louis et ce gamin qui trouve enfin un homme qui lui apprend la vie, la vraie.
Mais tout allait trop bien. Je n'en dit pas plus.
Un roman écrit sur un bon rythme, précis et sans fioritures.
On se laisse entraîner par cette histoire simple mais touchante de sincérité. le passé des deux veufs est remué sans concessions mais sans jamais tomber dans le pathos.
Une bonne réflexion aussi sur la vieillesse, la solitude, le rapport aux autres, surtout avec ses enfants adultes qui, évidemment, détiennent la vérité. Dire que ceux-ci sont parfois ingrats et égoïstes relève de l'euphémisme...
Un beau roman malheureusement posthume. A lire.

Quelle douce lecture ! J'ai passé un très bon moment avec Louis, Addie, Jamie et Bonny. Amour, tendresse, bienveillance... Ce livre est toute en sensibilité et sincérité. Il a beau être court, il n'en ai pas moins profond. Il me tarde de découvrir l'adaptation sur Netflix.

C'est un vrai beau roman d'amour entre deux personnes âgées qui unissent leur solitude autour d'un enfant et d'un chien que la vie n'a pas épargnés. Tous ensemble, ils vivent de beaux moments de vrai bonheur avec des activités toutes simples.
Ils sont malgré tout victimes du qu'en dira t - on des voisins qu'ils parviennent malgré tout à surmonter avec humour et bonne humeur. Par contre l'avis des enfants aura raison de cette relation qui leur faisait tant de bien.
La fin m'a laissé un goût un peu amer : est ce de la tristesse ou de l'espoir qu'il faut éprouver devant la décision qu'ils décident de prendre? En tous cas, le titre décrit tout à fait l'atmosphère du récit et la photo de couverture est bien représentative d'un épisode heureux de leur histoire.

C'est un roman magnifique qui a pour thèmes principaux la solitude et la vieillesse. Deux êtres dans les dernières années de leur vie habitent la même rue d'une petite ville américaine. Addie Moore prend son courage à deux mains et un soir de mai rend visite à Louis Waters. Elle lui propose de venir dormir chez elle le soir pour discuter et ainsi éloigner les fantômes et les insomnies. Dans un premier temps Louis est surpris, puis conquis.
Faisant fi du quand-dira-t-on, ils s'apprivoisent. La simplicité de cette amitié, sa douceur sont mis à rude épreuve lorsque les proches s'en mêlent. Les fantômes ne sont jamais loin.
Cette histoire est accompagnée par une écriture dépouillée et par le rythme qui laisse le temps au temps.

Ce livre semble, malheureusement, surréaliste du fait qu'une femme sollicite un homme pour passer une "simple" nuit avec elle.
Cette histoire m'a beaucoup touchée par tout l'amour ressenti ; j'ai même éprouvé de la peine lors de leur séparation heureusement très brève ;mais aussi beaucoup de mépris vis à vis du fils de cette femme qui ne tolère pas la venue de Louis qui fait tant de bien à cette femme et à lui !!

Je commence l'année avec un livre récemment reçu et qui figurait dans la partie supérieure de ma PAL.

Beau texte émouvant et magnifique histoire douce-amère montrant à quel point vivre dans l'échange est épanouissant et, malheureusement, combien vivre selon ses désirs profonds sans atteinte à autrui est quelquefois difficile, voire impossible, dans une société où s'affranchir de ‘'la norme''(*) est stigmatisé impitoyablement… une histoire d'actualité car à notre époque la vieillesse n'est plus synonyme de relégation. Jusqu'au bout, on voudrait croire que c'est possible, mais…

Je n'avais jamais lu de livre de cet auteur… ‘'Nos âmes la nuit'' est son dernier roman, paru après sa mort ; mais je vais en lire d'autres car j'ai apprécié la finesse et la sensibilité de son écriture ainsi que l'habileté et la délicatesse avec laquelle il relate cette histoire qui aurait pu verser dans le scabreux.

"Kent Haruf aborde l'amour avec une grâce miraculeuse. Son style sobre, sa façon de saisir en quelques détails visuels l'essentiel donnent à son livre une force paisible" (Le Figaro dans son article ''Nos âmes la nuit de Kent Haruf : le visiteur du soir'').


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(*) ‘'la norme'' dans notre société est ce que font ou estiment pouvoir faire les citoyens-moutons de Panurge intoxiqués par certains réseaux sociaux et les discours démagogiques… on parle beaucoup de ‘'tolérance'' mais l'intolérance s'étend à tous les niveaux.