Voilà, je viens de terminer ce livre qui m'a été conseillé par Bookycooky.
Il est étonnant qu'un auteur contemporain au souffle aussi puissant (
Felipe Hernandez est né à Barcelone en 1960) ne soit pas plus souvent évoqué : les oeuvres ont du mal à traverser les frontières, surtout les oeuvres exigeantes.
Le puissant directeur de l'auditorium de Santa Ana et propriétaire d'Arcangel, terrain boisé en bord de mer, Nubla, confie à un jeune musicien, José, la composition d'une partition. Au fil de leurs rencontres, les exigences du maître d'oeuvre se font de plus en plus nébuleuses (Nubia signifie "nuageux") et capricieuses, jusqu'à devenir inquiétantes.
José est en proie à de violentes migraines qui s'annoncent par des auras semblables à des états de transe, au cours desquels les sons subissent une distorsion cyclonesque : dans la furie de ses orages intérieurs, José compose dans un état hallucinatoire presque continuel tandis que son monde s'effrite autour de lui : ses amours de défont, son meilleur ami disparaît, un garde-chasse incendiaire dresseur de chiens de combat fait régner la terreur.
Les personnages du livre sont tous marqués par un destin qui les livre à la souffrance et à la descente aux enfers. José est aspiré par un vortex destructeur qui le blesse dans sa chair et absorbe son énergie créative : parviendra-t-il à mener à bien la mission qui lui a été confiée par un Nubla de plus en plus incontrôlable ?
Les deux thèmes majeurs du roman, la création artistique et la recherche de l'immortalité, s'entrecroisent avec maestria.
Felipe Hernandez livre de magnifiques méditations sur la condition humaine ; tous les personnages et les évènements s'y correspondent avec une amplitude et une imagination diabolique... car le défrichage de terres artistiques inexplorées comporte d'épouvantable dangers pour le corps, l'esprit et l'âme. L'artiste risque tout bonnement de disparaître dans une brèche métaphysique où temps, espace et sons se tressent en une corde sanglante qui pend sur l'abime.
Et si tous les personnages de ce récit de titan n'étaient qu'une seule et même personne : le découvreur de terres inconnues ?
"
La partition" est fortement apparentée au
Faust I de
Goethe et au Docteur
Faustus de
Thomas Mann.