Après plusieurs mois à avoir lorgné dessus, je me suis finalement décidé, un jour, en le trouvant en rayon dans une superbe librairie. Etait-ce le fruit de l'attente, d'avoir convoité ce livre pendant si longtemps, ou la force propre du livre qui se manifestait à son toucher? Je ne sais pas. Mais dès que j'ai senti son poids dans mes mains, j'ai ressenti quelque chose de fort, comme si quelque chose me transperçait...
J'ai depuis quelque temps maintenant une grande appétence pour les auteur.es hispaniques (
Eva Baltasar,
Miquel de Palol,
Jaume Cabré en tête), et découvrir un nouvel écrivain est toujours un moment particulier dans la vie d'un lecteur, surtout si celui-ci s'inscrit dans un processus plus vaste, et encore plus s'il vous procure une décharge étrange lors de sa rencontre.
Que dire de
Virtual? On pourrait en dire beaucoup, on pourrait se perdre en résumé, en conjectures, en analyses. Mais je préfère vous partager seulement mes ressentis sensoriels à sa lecture.
'
Virtual' est un roman très déstabilisant. Et j'aime ce genre de roman! Ici, il ne faut pas voir le terme 'déstabilisant' pour son aspect négatif : vos fondations ne vont pas s'écrouler, rassurez-vous. Mais vous le savez aussi bien que moi, un lecteur, même ouvert à la discussion avec ses proches, aux conseils de son libraire préféré, ou aux recommandations médiatiques, s'enferme un peu dans ses choix de lecture. Son 'horizon d'attente' ne change que très peu, car on choisi souvent ses livres en fonction de critères récurrents et de plus en plus fins avec le temps : la maison d'édition, l'auteur, les thématiques, les enjeux etc. C'était mon cas pour ce livre : j'adore ce que publient les éditions Verdier, l'un des joyaux de notre édition française ; je m'intéresse à la littérature espagnole ; et d'après la quatrième de couverture, ce roman semble mêler des éléments de science-fiction (altération de la réalité) et de thriller psychologique (chasse à l'homme) ; enfin, c'est un joli pavé. Et bien malgré ça, j'ai été pris à la gorge, sans m'y attendre, car ce que j'ai lu a dépassé vraiment toutes mes attentes.
'
Virtual' est un piège, une toile d'araignée qui se referme petit à petit sur vous, subrepticement. A sa lecture, j'ai ressenti les mêmes émotions, extrêmement fortes, qu'à la lecture du chef-d'oeuvre '
Vilnius Poker' de
Ricardas Gavelis. '
Virtual' a quelque chose d'angoissant, mais au sens métaphysique.
Felipe Hernandez est un sacré auteur pour réussir à transmettre cette peur du vertige, car c'est l'inconnu qui vous saute à la gueule dans ce livre. Ici le lecteur ne suit pas Jacob Sender, non, il est projeté en lui, tout comme Jacob va être projeté, recraché, puis absorbé dans ce monde virtuel : le lecteur est assailli d'une délicieuse anxiété, car nous lisons pour ça, pour vivre des choses incroyables et imprévisibles. '
Virtual' est de ces roman labyrinthique qui vous font perdre pied avec la réalité.
Vous l'aurez compris, j'ai adoré ce roman. Je le chérie pour m'avoir poussé dans mes retranchements et fait ressentir plusieurs fois un vertige métaphysique, m'ouvrir à des questionnements nouveaux. C'est un grand livre, essayons de le mettre entre quelques bonnes mains pour qu'il vive.