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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
J'avais une nature trop sensuelle, trop possessive, ce que je trouvais beau, je le désirais de façon beaucoup trop physique, disait-elle. Il est bien difficile de vivre en intelligence avec Dieu et son bas-ventre, ajoutait-elle plus loin.

Mais qui est cette jeune femme en proie à des contradictions si intenses entre corps et âme ? le journal d'Etty Hillesum (publié pour la première fois en 1981) montre une femme dépressive sensuelle et passionnée en quête d'équilibre et de paix, alors même qu'elle est juive et vit à Amsterdam sous la domination nazie. Un journal, écrit entre 1941 et 1943 à l'instigation de son psychologue et amant Julius Spier, qui va devenir celui d'une lectrice de Dostoïeski, de Rilke... de Saint-Augustin et de la Bible.

Des lectures qui approfondissent la croyance d'Etty, si curieuse d'elle-même, en l'homme et en Dieu. En dépit de ce qu'elle voit, Etty résolument mystique n'éprouve pas de haine pour les tortionnaires nazis responsables de l'extermination des juifs. Détachée par le Conseil juif, puis internée dans le camp hollandais de transit de Westerbork, d'où elle sera finalement envoyée à Auschwitz pour y trouver la mort à 27 ans, elle tente de soulager les hommes et envoie des lettres formidables à ses amis.

La vie d'Etty Hillesum est riche de questionnements et de doutes. Par son humanité et sa sincérité, les résonances qu'elle fait naître « J'ai en moi une petite mélodie personnelle », écrivait-elle, ne peuvent que nous toucher. La courte existence d’Etty est un hymne à la foi en Dieu, aux hommes et à la vie, nul besoin d'être croyant pour y puiser toute sa force bienfaitrice.
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Ce livre document est divisé en deux parties dont la plus longue est le Journal d'Etty Hillesum, de 1941 à 1943, intitulé Une vie bouleversée. Journal d'une jeune femme libre, aimant la vie et ses plaisirs , très sujette à l'introspection et à la réflexion ( aidée en cela par Julius Spier, son amant et une sorte de guide spirituel. C'est lui qui fit relire à cette jeune Juive la Bible et lui fit connaître saint Augustin. )
Réflexion sur elle-même mais aussi bien sûr réflexion très lucide sur la souffrance de l'humanité , qui n'a rien d'abstraite pour elle car , en tant que juive, elle va vivre au jour le jour les différentes et progressives brimades, et la fin programmée ( elle en est très vite consciente, contrairement à beaucoup) de son « peuple ».

"Je dis que « je me suis expliquée avec la « Souffrance de l'Humanité » ( ces grands mots me font toujours grincer des dents) mais ce n'est pas tout à fait juste. Je me sens plutôt comme un petit champ de bataille où se vident les querelles, les questions posées par notre époque. Tout ce qu'on peut faire , c'est de rester humblement disponible pour que l'époque fasse de vous un champ de bataille. Ces questions doivent trouver un champ clos où s'affronter, un lieu où s'apaiser, et nous, pauvres hommes, nous devons leur ouvrir notre espace intérieur et ne pas les fuir."

Ce Journal est destiné ( comme tous les journaux intimes, mais il prend bien sûr ici une autre résonance du fait des évènements historiques et de la précision de l'analyse personnelle ) à mettre en mots ce qu'Etty Hillesum appelle une petite mélodie personnelle:
"J'ai en moi une petite mélodie personnelle qui a parfois terriblement envie d'être convertie en paroles personnelles…. Je voudrais parfois me réfugier avec tout ce qui vit en moi dans quelques mots, trouver pour tout un gîte pour quelques mots. Mais je n'ai pas encore trouvé les mots qui voudront bien m'héberger. C'est bien cela. Je suis à la recherche d'un abri pour moi-même, et la maison qui me l'offrira, je devrai la bâtir pierre par pierre. Ainsi chacun se cherche-t-il une maison, un refuge. Et moi je cherche toujours quelques mots.
J'ai parfois le sentiment que le grand malentendu s'accroit à chaque parole prononcée, à chaque geste. Je voudrais m'immerger dans un grand silence et imposer ce silence à tous les autres. Oui, il est des moments où chaque mot accroît le malentendu , sur cette terre trop agitée."

Ce que l'on remarque à la lecture d'Etty Hillesum, c'est bien sûr ce don d'observation, de mise à distance de la réaction immédiate qui est le fait de ces rares individus passionnés par l' humain, qui parviennent à ne jamais- quelles que soient les circonstances - juger en fonction de critères simplistes… Cela force bien sûr l'admiration, mais permet peut être aussi de comprendre sa résistance à tous moments, et c'est cette résistance personnelle qui lui a permis d'aider tous ceux qu'elle a pu aider ( tous les témoignages de personnes l'ayant connue témoignent d'un être rayonnant ..):
"L'homme forge son destin de l'intérieur, voilà une affirmation bien téméraire. En revanche, l'homme est capable de choisir l'accueil qu'il fera lui-même à ce destin. On ne connaît pas la vie de quelque un si l'on n'en sait que les évènements extérieurs. Pour connaître la vie de quelque un il faut connaître ses rêves, ses rapports avec ses parents, ses états d'âmes, ses désillusions, sa maladie et sa mort."

C'est ainsi qu'après un interrogatoire dans les locaux de la Gestapo, elle note:
"En fait, je n'ai pas peur. Pourtant je ne suis pas brave , mais j'ai le sentiment de toujours avoir à faire et la volonté de comprendre autant que je le pourrai le comportement de tout un chacun. C'était cela qui donnait à cette matinée sa valeur historique: non pas de subir les rugissements d'un misérable gestapiste, mais bien d'avoir pitié de lui au lieu de m'en indigner, et d'avoir envie de lui demander: « as-tu donc eu une enfance malheureuse, ou bien est ce que ta fiancée est partie avec un autre? »Il avait l‘air tourmenté et traqué, mais aussi, je dois le dire, très désagréable et très mou.…
J'aurais voulu commencer tout de suite un traitement psychologique sachant parfaitement que ces garçons sont à plaindre tant qu'ils ne peuvent faire de mal, mais terriblement dangereux, et à éliminer, quand on les lâche comme des fauves sur l'humanité. Ce qui est criminel, c'est le système qui utilise des types comme cela.
Autre leçon de cette matinée: la sensation nette qu'en dépit de toutes les souffrances infligées et toutes les injustices commises, je ne parviens pas à haïr les hommes. Et que toutes les horreurs et les atrocités perpétuées ne constituent pas une menace mystérieuse et lointaine,extérieure à nous, mais qu'elles sont toutes proches de nous et émanent de nous-mêmes, êtres humains. Elles me sont ainsi plus familières et moins effrayantes. L'effrayant c'est que les systèmes, en se développant, dépassent les hommes et les enserrent dans leurs poigne satanique, leurs auteurs aussi bien que leurs victimes , de même que de grands édifices ou des tours, pourtant bâtis par la main de l'homme, s'élèvent au dessus de nous, nous dominent et peuvent s'écrouler sur nous et nous ensevelir."

Et c'est toujours cette faculté d'essayer d'aller dénicher chez l'autre les raisons de son comportement, cette curiosité incessante pour la chose humaine qui est prodigieuse chez cette très jeune femme, et crée la différences avec d'autres récits.

Et toujours, pourtant, ce sentiment: la vie est si « intéressante » à travers toutes ses épreuves." Une observation détachée, presque démoniaque des évènements reprend toujours le dessus chez moi. Une volonté de voir, d'entendre, d'être là, d'arracher tous ses secrets à la vie, d'observer froidement l'expression des visages humains jusque dans leurs derniers spasmes. le courage aussi de se retrouver face à soi-même et de tirer beaucoup d'enseignements du spectacle de son âme au milieu des troubles de l'époque. Et, plus tard, trouver les mots pour dire tout cela.."

C'est , je crois, cette capacité d'observation, de synthèse immédiate intellectuelle, avec mise en pratique en actes ( c'est beaucoup moins courant…) beaucoup plus que la dimension un peu mystique de certains écrits qui m'ont interpellée. Car si Etty Hillesum croit à un Dieu, et qu'elle lui parle d'ailleurs, c'est plus à un Dieu qui est en l'homme qu'à une image vraiment religieuse. Ce n'est que par la force du raisonnement qu'elle en arrive aux principes fondateurs d'une religion.

"Et je répétai une fois encore, avec ma passion de toujours ( même si je commençais à me trouver ennuyeuse à force d'aboutir toujours aux mêmes conclusions): » C'est la seule solution, vraiment la seule, Klaas, je ne vois pas d'autre issue: que chacun de nous fasse un retour sur lui-même et extirpe et anéantisse en lui tout ce qu'il croit devoir anéantir chez les autres. Et soyons bien convaincus que le moindre atome de haine que nous ajoutons à ce monde nous le rend encore plus inhospitalier qu'il n'est déjà. »
Et Klaas, le vieux partisan, le vétéran de la lutte des classes dit, entre l'étonnement et la consternation: « Mais.. mais ce serait un retour au christianisme! »Et moi, amusée de tant d'embarras, je repris sans m'émouvoir: « Mais oui, le christianisme, pourquoi pas?"

Suivent ce journal les lettres envoyées du camp de Westerbork: " Ici, l'on pourrait écrire des contes. La détresse, ici, a si largement dépassé les bornes de la réalité courante qu'elle en devient irréelle.." Camp d'où elle partira , elle sait comment, pour où et pour quel destin. Avec ses parents et un de ses frères.
Jamais dans ces lettres elle ne se permettra le moindre laisser-aller, la moindre plainte , si ce n'est pour constater qu'il lui est plus difficile de supporter la souffrance de ses proches, que la sienne..
Et jamais la moindre révolte..
"Mais la révolte qui attend pour naître le moment où le malheur nous atteint personnellement n'a rien d'authentique et ne portera jamais de fruits… Et l'absence de haine n'implique pas nécessairement l'absence d'une élémentaire indignation morale.
Je sais que ceux qui haïssent ont à cela de bonnes raisons. Mais pourquoi devrions nous choisir la voie la plus facile, la plus rebattue?"

Et ceci dans une des dernières lettres… qui est une sorte de conclusion de ce livre, démontrant qu'elle a fait le tour des choses et que ce qu'elle écrit est mûrement réfléchi:
"Les gens ne veulent pas l'admettre: un moment vient où l'on ne peut plus "agir", il faut se contenter d'"être" et d'accepter. Et cette acceptation, je la cultive depuis bien longtemps…"
"On me dit parfois: " Oui, mais tu vois toujours le bon côté des choses. » Quelle platitude! Tout est parfaitement bon. Et en même temps parfaitement mauvais. Les deux faces des choses s'équilibrent, partout et toujours. Je n'ai jamais eu l'impression de devoir me forcer à en voir le bon côté, tout est parfaitement bon, tel quel. Toute situation, si déplorable soit-elle, est un absolu et réunit en soi le bon et le mauvais."

Tout est dit…

Etty Hillesum est morte à Auschwitz le 30 novembre 1943. Elle avait 27 ans.

Beaucoup de citations, je sais,c'est long mais le texte vaut la peine que je le recopie.








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Lire ce journal est une grande leçon de vie. Etty Hillesum nous fait part de son quotidien, de ses angoisses, de ses réflexions sur sa vie, sur l'humain. Tout cela à une époque où , en tant que Juive, elle voyait ses libertés se restreindre de jour en jour. Sans jamais se plaindre, en acceptant les contraintes, quasiment dans un amour universel. Se référant toujours à Dieu, se remettant en question chaque jour, en pensant toujours aux autres. Jusqu'à se faire enfermer dans un camp de d'internement, risquant un départ pour Auschwitz, rien que pour aider son prochain. Elle atteint presque l'état de sainteté dans sa dévotion ultime aux autres. S'oubliant totalement.
C'est un livre également très riche d'un point de vue philosophique. Les quelques citations que j'en ai relevées démontrent la richesse de son questionnement intérieur. Sa recherche du sens de la vie et l'orientation qu'elle a donné à sa vie sont hors du commun et témoignent d'une immense rigueur morale et intellectuelle.
Ce journal se lit aisément, comme un roman. Ce n'est pas seulement un témoignage sur la Shoah mais aussi un recueil de réflexions qui peut s'appliquer aussi bien à toutes les époques.
Les lettres de Westerbork sont peut-être un peu plus factuelles mais offrent un témoignage sur l'enfer qu'était ce camp d'internement.
Un livre essentiel à lire absolument.
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Amsterdam début 1941, les allemands ont envahis la Hollande, l'histoire se déroule dans cette ambiance angoissante de montée du nazisme.
Etty une jeune femme juive de 27 ans, issue d'une famille d'intellectuels non pratiquants, vient d'être diplômée d'une maîtrise de droit. Jeune femme libre dans sa pensée et dans ses actes. Angoissée, souffrant de syndrome dépressif dans ce contexte peu sécurisant d'occupation , elle cherche et se tourne vers des thérapies nouvelles telles que la psychanalyse pour résoudre son mal être.
Auprès de Julius Spier elle trouve une aide. Ancien élève de Jung, psycho-chirologue et juif comme elle, il devient son thérapeute, son ami, son amant, son amour, « l'accoucheur de son âme » comme elle aime le définir.
Il l'aide en un premier temps à structurer sa pensée, pour cela il lui donne un certain nombre d'exercices à faire chaque jour. Entre autres, elle écrit son journal, source véritable de son cheminement intérieur et de ses prises de positions. Un journal comme un outil pour s'expliquer avec elle même.

Ils font preuve dans leur démarche d'une grande ouverture intellectuelle et spirituelle au delà de leurs éducation, cela dans un désir de comprendre et d'aimer l'humanité. Pour l'aider, il lui demande de lire la bible, les évangiles, Saint Augustin, Dostoievski, Tolstoï,Rilke...
Julius Spier la guide au delà de l'amour qu'elle lui porte, au delà de l'amour affectif, mais plutôt vers un amour plus grand, sans possession. C'est l'éclosion pour elle d'un véritable cheminement spirituel.
Julius va mourir la veille de sa déportation, dans une dernière lettre Etty lui confie : « J'avais encore mille choses à te demander et à apprendre de ta bouche. Désormais, je devrais m'en tirer toute seule. Je me sens très forte tu sais, je sais que je vais réussir ma vie. C'est toi qui m'a appris à libérer les forces dont je dispose. Tu m'as appris à prononcer sans honte le nom de Dieu. Tu as servi de médiateur entre Dieu et moi. Toi le médiateur, tu te retires et mon chemin désormais mène directement à Dieu. »
Elle va demander à rejoindre le camp de Westerbrook, alors que ses amitiés lui permettraient de demeurer préservée encore des camps et de rester sur Amsterdam. Elle se sent porteuse d'une mission. Elle sait qu'elle doit mettre de la lumière là où les ténèbres sont les plus épaisses. Jour après jour elle couche son témoignage dans son journal, véritable photographie historique de la vie des camps. Elle creuse là le sillon d'un chemin plein d'espoir. le durcissement de ses conditions de vie ne font qu'approfondir son respect de la vie, et coïncident avec l'émergence d'une sagesse. Par vague monte en elle l'amour pour le tout, de celui qu'elle appelle Dieu, mais qui n'appartient à aucune religion, aucun dogme. Elle le rejoint au tréfond d'elle même. Elle est une éveilleuse.

. Petit à petit, elle sublime cette énergie d'amour vers un amour universel. Au sein même des camps, elle rayonne , elle veut aider celui qu'elle appelle Dieu dans sa tâche. Par l'écriture, elle continue ce dialogue avec elle même, avec la vie pour tenter de comprendre l'incompréhensible... Elle sait qu'elle sera écrivain. Elle témoigne, envoie autant de lettres qu'elle peut... Partout, elle écrit. Ce recueil de tout ce qu'elle a écrit nous plonge au coeur de cette introspection et de cette quête. C'est presque une initiation.
On ne ressort pas le même en lisant ce livre…
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Alors même que la destruction des Juifs touche toute l'Europe, et qu'ils le savent, Etty Hillesum part en quête. D'elle, de Dieu, de l'amour (elle en une conception très libre, qui peut surprendre vue l'époque).En lisant ces pages, on ne peut être que partagé. Elle sait ce qui attend ses coreligionnaires, et pourtant elle semble l'accepter : pas de fuite, pas de clandestinité. Elle reste, travaille et finalement sera assassinée à Auschwitz.
Et pourtant, quel apaisement à les lire ces pages, celles d'une quête profonde ; elle sait que demain peut-être elle sera morte et pourtant ne renonce pas au futur, consciente de vivre une situation historique d'où émergera peut-être une humanité meilleure et dont il faudra témoigner. Elle se projetait dans ce rôle, comme dans sa future carrière d'écrivain.
D'elle, il ne reste que ses lettres et ce journal ; elle n'a jamais pu parlé. D'elle, il reste ces pages pleines d'une force intérieure, loin de la révolte mais sûre de son droit, de son devoir de vivre debout, sans fuite. Droite sous le ciel.

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Ces écrits sont une lumière qui brille dans la nuit de l'horreur que furent la seconde guerre mondiale et la shoah.

Etty Hillesum, dans un parcours difficile, quasiment impossible, celui des juifs de Hollande pendant la solution finale, a développé une réflexion, une ascèse, un hymne à la vie et un refus catégorique de la haine qui nous font nous sentir bien petits si nous vient l'idée de nous comparer à elle (du moins pour ce qui me concerne).

Elle écrit notamment : " La barbarie nazie éveille en nous une barbarie identique, qui emploierait les mêmes méthodes si nous avions le pouvoir de faire ce que nous voulons à l'heure qu'il est. Cette barbarie qui est la nôtre, nous devons la rejeter intérieurement, nous n'avons pas le droit de cultiver en nous cette haine, parce que le monde alors ne se dégagerait pas d'un pouce de la boue où il est."

Et aussi : " Si notre époque vous rend les choses trop dures et ne vous permet plus de vivre, eh bien, nous ne prendrons pas la chose trop au tragique et nous irons au casse-pipe avec une douce mélancolie. Cela aussi fait partie du lot, et que cela frappe un autre ou moi-même, il n'est pas en notre pouvoir d'en décider, mais de ce point de vue là non plus, on ne doit pas se prendre trop au sérieux".

Il ne faut pas s'y tromper : aller au devant de l'inéluctable avec l'amour de la vie dans le coeur n'est pas un assentiment à l'horreur, une résignation passive à l'extermination (dont on connaissait clairement le processus en marche autour des années 1940). Etty Hillesum avait les yeux grands ouverts et rien en elle n'était soumis. Son chemin à elle était d'apporter des éclats de joie et de sérénité dans le camp de transit de Westzerbork où elle fit office d'assistante sociale avant d'être acheminée et assassinée à Auschwitz avec toute sa famille.

Bien que juive, d'une famille il est vrai peu pratiquante (pas d'offices à la synagogue, pas de cuisine casher), elle a développé sous l'influence du psychologue Julius Spir, une spiritualité teintée de christianisme : sur ses conseils elle a fréquenté avec assiduité mais sans fanatisme, toujours avec ouverture et gaieté : les évangélistes, Saint Augustin, Thomas A Kempis (L'imitation de Jésus Christ).

Ses auteurs préférés étaient Dostoïevski, Rilke, Tolstoï, auxquels elle fut fidèle toute sa vie et dont elle tira, surtout des deux premiers, des thèmes infinis de méditation.

Nul doute qu'une telle lecture n'aide à vivre notre époque où menace aussi le fléau de la réduction progressive de nos ressources et où va se poser, dans un terme qui ne cesse de se rapprocher, la question de notre survie.

Ses écrits complets ont été collectés, sous l'impulsion de l'association "Les amis d'Etty Hillesum", par les éditions Seuil dans la collection Opus (1081 pages, notes et index compris) : je vais me les procurer.
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Etty, ça fait maintenant plus de vingt ans que je t'ai lue.
Etty, je retrouve par hasard 2 citations de toi que j'avais notées au dos d'une partition.
Etty, tu feras partie de ma vie, jusqu'au bout de ma vie.
Tu m'accompagneras, tu me rejoindras, tu m'épauleras, tu me réchaufferas, de loin en loin, je le sais.
Il a suffit de quelques mots et j'ai retrouvé tout de suite combien tu m'avais bouleversé, alors, par ton courage, par ta foi en la vie, inébranlable, même au coeur des ténèbres.
Etty tu es plus vivante en tes mots que tellement d'entre nous.
Et mon merci est minuscule à côté de ta force, mais il reste sincère.
Etty, cette trace, en moi, c'est toi, même après tout ce temps.
Tu fais naître un sourire, sur mes lèvres, ce soir. Permets moi de le partager, permets-moi de te partager, ainsi, dans un sourire, humanité fébrile, humble mais ardente.
Et d'imaginer ton sourire en retour, puisque tu es toujours là.
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Plus de quinze mois que ce livre est dans ma pile à lire, en provenance de Normandie. Et plus encore qu'il est dans ma tête, à force de citations et de références à Etty Hillesum, lues chez une amie non-babelionaute.
La présente édition se divise en deux parties. D'abord le journal d'une jeune juive hollandaise d'Amsterdam. Puis les lettres de Westerbork, que Etty envoie à ses amis d'Amsterdam depuis le camp d'internement d'où partent les convois pour l'Est.
Au-delà d'indéniables qualités littéraires, on ne peut que ... Difficile de trouver les mots ... S'incliner ? Être impressionné ? Se taire ? Devant le parcours de cette jeune femme, devant sa foi, sa lucidité ...
Le plus marquant pour moi est sans doute dans le cheminement intérieur d'Etty. Ce sentiment qu'elle passe de la relative insouciance des premiers temps à la pleine conscience de son être profond. Et d'ailleurs, à ce titre, j'ai préféré la seconde partie du journal ainsi que les Lettres de Westerbrok. Ce qui impressionne, c'est le calme et là sérénité qui habitent Etty, alors même que l'étau se resserre progressivement. C'est son acceptation d'un destin qu'elle devine tragique, même si les camps de la mort ne sont pas encore une réalité tangible. C'est son amour inconditionnel de la vie. Ce sont les rêves et les projets qui l'animent, quand elle pense au monde d'après, celui qu'il faudra construire à la fin de la guerre. Combien de passages où Etty clame son amour des hommes, son absence de haine envers les bourreaux.
Ma seule "réserve" est liée à l'apparente résignation d'Etty, une forme d'acceptation passive d'un destin dont elle pressent malgré tout qu'il est sans issue ... Et en même temps ... N'est-ce pas finalement de la part d'Etty une forme de résistance passive, la meilleure réponse qui soit ? En cela, Etty Hillesum est "inspirante", au-delà des convictions de chacun, tant Etty donne une place de plus en centrale à Dieu dans sa vie. Et en cela, elle contribue, à sa façon, à ce monde plus tolérant et aimant qu'elle appelait de ses voeux.
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Voici une édition française en poche qui fut publiée pour la première fois en 1981 aux Pays-Bas et connut alors un succès foudroyant.
La première partie est constituée d'un journal écrit entre 1941 et 1943, rédigé pour compléter une thérapie. ‘'Eh bien, allons-y ! Moment pénible, barrière presque infranchissable pour moi, vaincre mes réticences et livrer le fond de mon coeur à un candide morceau de papier quadrillé''.
Je n'ai pas vraiment accroché à cette première partie, car cela concerne trop ses états d'âmes et ses troubles. Ce qui pour moi relève du privé et de l'intime ne devraient pas être publié. Cela n'a pas été écrit à l'origine dans ce but. Elle écrit pour mettre de l'ordre dans sa tête, et même si le contexte de l'occupation des Pays-Bas et les lois anti-juives transparaissent de temps à autre en arrière plan, ce n'est pas ce qui domine. Or, c'est ce qui m'intéresse.
Par contre, la deuxième partie est on ne peut plus ancrée dans la réalité. Elle travaille pour l'administration juive qui administre en partie le camp de transit de Westerbork. Ses lettres s'adressent à ses proches. Elle relate les conditions de vie du camp, et même si elle a parfois psychologiquement du mal à supporter ce qui se passe, on la sent heureuse de se rendre utile, elle se sent enfin à sa place, semble-t-il, et elle n'a pas peur à l'idée de passer de l'autre côté de la barrière et de risquer un jour de se retrouver à la place de ses ‘'habitants''. On voit l'évolution sur les quelques mois qu'elle passe là-bas, la situation se dégrade. Ses lettres ont cette fois valeur de témoignages historiques.
L'un d'entre elles notamment, écrite en décembre 1942 à deux soeurs à la demande du Docteur K, en transit dans ce camp, est particulièrement frappante. Elle est longue de 18 pages de descriptions sur le fonctionnement du camp, qui montre qu'elle a parfaitement conscience du milieu dans lequel elle évolue et de ce qui se passe autour d'elle.
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Ce recueil, "Une vie bouleversée" d'Etty Hillesum, m'a laissée littéralement sans voix. C'est ce que l'on appelle un livre édifiant.
Il s'agit d'un journal et de lettres écrits de 1941 à 1943 par Etty Hillesum, une jeune femme hollandaise d'une trentaine d'années, belle et vive, extrêmement cultivée, libre dans sa pensée comme dans ses moeurs... et juive. Etty est décédée avec toute sa famille à Auschwitz fin 1943. Mais elle nous laisse des textes magnifiques, témoignant d'une foi en l'homme et en Dieu inouïe. Une force d'âme d'autant plus extraordinaire qu'Etty a subi les multiples restrictions et privations infligées aux Juifs à Amsterdam, avant d'être envoyée dans un camp de travail à Westerbok et d'affronter le terrible quotidien des déportés : le froid, la faim, l'épuisement, la terreur quotidienne de partir, ou de voir partir ceux que l'on aime, dans l'un de ces convois sinistres qui s'ébranlaient vers la Pologne au petit matin... Mais jusqu'au jour de son propre départ vers Auschwitz, Etty, lucide et dénuée de toute naïveté, a célébré la beauté de la vie, y compris au milieu des barbelés et de la boue, et offert sa présence lumineuse à tous les malheureux qui l'entouraient. La dernière phrase de son journal est : "On voudrait être un baume versé sur tant de plaies". Edifiant, vraiment.
Lien : https://wordpress.com/post/a..
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