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4,12

sur 610 notes
Un style assez surprenant, un personnage qu'il faut suivre....L'auteur, son histoire, son passé justifie ce roman qui permet d'avoir un point de vue tout à fait atypique sur la Shoah et sur Israël.
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Hilsenrath Edgar - "Le nazi et le barbier" - éditions Attila, 2010 (ISBN 978-2757828533) - traduction réalisée par Sacha Silberfarb et Jörg Stickan de l'original en langue allemande "Der Nazi & der Friseur" publié en 1971.

Je suis tombé dessus par hasard, tout bêtement dans un kiosque de gare, et la quatrième de couverture a tout de suite retenu mon attention. L'auteur imagine en effet rien moins qu'un "Max Schulz, fils illégitime mais aryen pure souche", ayant passé son enfance en contact étroits avec la famille juive voisine au point d'assimiler tous les grands rituels judaïques, devenu un adhérent convaincu aux idées puis au parti nazi dès les années 1930, rapidement promu dans la SS au rang de rouage moyen mais indispensable de l'appareil génocidaire, terriblement efficace dans l'élimination physique de milliers de juifs, que ce soit dans les "Einsatzkommandos" ou ensuite en tant qu'adjoint au responsable d'un camp d'extermination.
La guerre terminée, il parvient à passer entre les mailles du filet, et décide de se mettre une fois pour toute en sécurité en se faisant circoncire de façon à usurper l'identité de son ancien ami d'enfance pour devenir purement et simplement un bon citoyen juif grand teint, qui émigre en Israël, participe aux combats contre les Arabes et finit même par délivrer des cours de religion judaïque.
Le tout raconté sur un mode ironique voire sarcastique, n'hésitant pas à recourir à la dérision ou au langage le plus cru.

J'en fus tellement étonné que je décidai de me renseigner plus avant sur ce roman, qui a lui aussi une curieuse histoire. L'auteur, Edgar Hilsenrath, est bel et bien un juif d'origine allemande, rescapé des camps, ayant vécu en Israël, puis aux Etats-Unis, vivant à Berlin et publiant toujours en allemand. La première édition du roman "Der Nazi & der Friseur" fut donc publiée en allemand, aux Etats-Unis, en 1971 : elle connut un succès immédiat, fut traduite en anglais ("the nazi and the barber"), ce qui n'empêcha pas les grands éditeurs allemands de refuser d'en reprendre l'édition en Allemagne, car à cette époque, il était impossible de parler de façon aussi irrévérencieuse de l'Holocauste. Il fallut donc attendre 1977 pour que ce roman écrit en allemand soit publié en Allemagne par un petit éditeur nommé Helmut Braun (Köln), et 2010 pour disposer d'une traduction en langue française.

En montrant qu'un ancien nazi convaincu et actif dans le génocide peut devenir un citoyen israélien tout à fait acceptable, l'auteur ne fait vraiment pas dans la dentelle ! La fin du roman est toutefois quelque peu décevante : au moment de se démasquer volontairement, le héros se confronte carrément à Dieu, sur le thème «j'ai peut-être été un grand salopard, un assassin et un meurtrier, mais où étais-Tu Toi-même lors de l'Holocauste ?». On rejoint là d'une certaine manière le roman "Caïn" de José Saramago, et la réponse des instances religieuses chrétiennes est toujours la même : Dieu n'est pas là pour interdire aux hommes de commettre des horreurs, le chrétien est "libre", c'est à lui de décider de ses actions... dont il porte donc l'entière responsabilité (voir par exemple : "De la liberté du chrétien", de Martin Luther, Seuil 1996 – ISBN 978-2020262859).
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Bon, ben oui, il faut rentrer dans un livre de HILSENRATH, ce n'est pas un cadeau, il faut vouloir le prendre...........très vite j'ai pensé à "Inglorious bastards" de Tarentino...et vive le cinéma..........et vive l'écriture...........c'est du n'importe quoi basé sur du trop réel..........et c'est à pleine dents que l'on y mord ... et si l'on y mord, il n'y a pas de vaccin ..........Max/Itzig...qui est Max qui est Itzig, l'un et l'autre sont inséparables, puis la propagande les sépare, et l'un prend la place de l'autre...tout en racontant l'histoire de l'un bien que sachant ce qu'est devenu l'autre..........à un tel point que tout le monde le prend pour l'autre...et ils excusent, par son passage dans les camps, sa volonté de se dénoncer comme étant l'un et non l'autre.
pour moi "énorme bouquin"......à lire
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L'histoire d'un Allemand du début du XXe siècle qui grandit au milieu de Juifs avant d'adhérer au NSDAP sous la pression de ses parents, puis de s'engager dans la Waffen SS où il massacrera en bonne et due forme dans les Einsatzgruppen, puis dans un camp de concentration avant de prendre la fuite. Après avoir récupéré l'identité de son ancien meilleur ami d'enfance juif (qu'il avait assassiné en camp ainsi que sa famille), il décide de se convertir au judaïsme pour passer inaperçu et de se réfugier dans la gueule du loup, c'est à dire en Israël où il finira par devenir un sioniste fanatique!

C'est écrit par un Juif allemand, dans un style burlesque avec un humour typiquement juif, plein d'auto-dérision, qui permet d'aborder ce genre de sujet avec humour et légèreté. le style est original et ça se lit comme une lettre à la poste
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La littérature ne sert pas toujours à caler un meuble ou à passer pour un bobo. Il arrive qu'elle soit aussi utile. Prenez le rasage par exemple. Une technique. Un art. Un savoir faire :

"Très important : le savonnage.
Menton savonné, à moitié rasé.

On rase aussi bien dans le sens du poil qu'à rebrousse-poil.
Voire les deux en même temps."

Savoir raser, donc, dans les deux sens. Toute une maîtrise. de même, savoir tirer de haut en bas dans une fosse pleine de Juifs, quelque part en Pologne. Pas donné à tout le monde. Passer de l'uniforme blanc de barbier, celui d'apprenti du meilleur coiffeur du coin, un brave monsieur juif, à celui de SA, puis à celui de SS, parce que l'uniforme de SA, c'est marronnasse, et comme le dit la mère : "On dirait du chocolat au lait. Au début, j'aimais bien, mais maintenant, j'aime plus". Passer, donc, du chocolat au lait au chocolat noir. Pas une sinécure. Un goût acquis ?
Savoir planter une seringue de phénol en plein dans le coeur d'enfants juifs dans un camp d'extermination. Ou bien planter une seringue de vitamines dans le bras d'enfants juifs, sur un bateau clandestin en partance pour la Palestine. Même coup à prendre.
Savoir traverser une forêt polonaise en plein hiver 45 ou écouter parler les arbres de la forêt des six millions en plein cagnard israélien. Même talent.
Changer de vêtements, d'uniformes, de vie, de métier, de nom, d'histoire, de race. S'appeler Max Schultz, génocidaire SS à gueule de caricature antisémite, assassin de 10 000 juifs, et prendre le nom, la vie même de son ami d'enfance, Itzig Finkelstein, après lui avoir fait exploser le caisson dans un camp. Et devenir, sous ce nom, un barbier respecté par la communauté, sioniste fanatique, dans une petite ville israélienne. Même ressort.

C'est illisible, c'est paru en 1967. Mais on ne peut pas écrire ça, lire ça en 1967. Ni maintenant. Dans 1000 ans, à la rigueur, quand tout sera fini. En 1967. Avant Robert Merle et Jonathan Littell, se mettre dans la peau d'un bourreau nazi. Et faire de la Shoah, de l'Exodus, des Kibboutzim, une grande poilade. C'est La conjuration des imbéciles, mais nazie. Et des dialogues magnifiques qui tirent la note du récit vers un final impossible, qu'on ne peut désigner que par des grands mots pompeux : rédemption, rachat, expiation. Mais ça n'existe pas.

"- J'ai vu un tas de choses, Hanna. Mais il me faut d'abord les digérer.
- Tu as vu Jérusalem ?
- Oui, Hanna.
- le mur des Lamentations ?
- Oui. Aussi. J'y ai même prié.
- Mais, tu crois en Dieu ?
- Parfois oui, parfois non, Hanna. Comme la plupart des gens. Je ne le prends pas au sérieux.
- Alors, pourquoi tu as prié au mur des Lamentations ?
- Par tradition, Hanna.
- Par tradition ?
- Oui, Hanna, par tradition.
- Ça t'a fait quoi... le mur des Lamentations ?
- J'ai pleuré, Hanna.
- Pourquoi, Itzig ?
- Par tradition, Hanna. Par tradition."
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J'ai lu pas mal de livres sur la deuxième guerre mondiale mais celui-ci m'a vraiment scotchée. Jamais je n'aurais pu penser que l'imagination humaine aille si loin. Surtout à la date où ce roman a été publié. Encore aujourd'hui, je le trouve osé, irrévérencieux, voire choquant ou "trash".
Le fond et la forme, le sujet et la manière dont le sujet est traité (l'écriture, le style de l'auteur) sont parfaitement accordés.
Les toutes dernières pages du roman m'ont particulièrement plues, proposant un retournement de situation surprenant. Cette fin apporte un regard distancié par rapport à l'ensemble du parcours du narrateur (Max Schultz / Itzig Finkelstein) et donne à réfléchir à cette période sous un angle nouveau.
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Un curieux roman, dont je me souviendrai ! Edgar Hilsenrath nous raconte l'histoire de Max Shultz (alias Itzig Finkelstein) un génocidaire allemand de ses premières années jusqu'à sa mort. Cette histoire est rocambolesque, complètement amorale, cynique, dérangeante, mais écrite avec tellement d'humour et de finesse que j'ai totalement adhéré, dès les premières pages. La fin m'a beaucoup plu, l'auteur soigne ses effets et ne néglige aucun passage de son roman. J'ai donc beaucoup aimé car c'est un sujet classique mais traité avec beaucoup d'originalité (et de provocation ?) et bien écrite à mon goût. Quelques longueurs sur la fin ne me font pas donner la note maximale, mais je recommande fortement ce roman.
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Max Schulz est un batard, né d'une domestique peu farouche et de père inconnu, mais 100% aryen malgré son nez crochu et ses yeux de grenouille. Itzig Finkelstein, né le même jour à quelques encablures de là, est 100% juif malgré ses cheveux blonds et ses yeux bleus. Les Finkelstein ont pignon sur rue avec leur salon de coiffure (on ne dit pas "boutique"), L'homme du monde, et ce sont eux qui sortiront un peu le rustre Max de sa bêtise crasse, et lui enseigneront les rudiments du métier de barbier, ainsi que de culture et de religion juive. La guerre va bouleverser ces rapports amicaux et transformer Max en génocidaire de masse.
le premier coup de force du roman a été de raconter cette période sombre de l'Allemagne à travers les yeux du bourreau, et non de la victime. Et quel bourreau! Max est laid, rustaud, lâche, ingrat. Pas antisémite, non, mais son attentisme le pousse jusqu'au camp de Lauwalde en Pologne où il tue 200 000 juifs.
le personnage a de quoi rebuter, d'autant plus que son récit est écrit dans un langage un peu vert, volontiers trivial et paillard. Et puis, par un deuxième coup de force du livre, il nous devient plus sympathique et plus humain. D'une part parce que la culpabilité, même s'il ne l'avoue jamais franchement, affleure sans cesse. D'autre part, son départ pour Israël, qui doit lui permettre de ne pas être jugé pour ses crimes, devient progressivement une marche vers la rédemption.
le style gras s'enrichit alors de passage d'une sorte de lyrisme, notamment dans le quatrième livre où Max s'adresse directement à Itzig, le vrai.
"Cher Itzig. Ceci n'est pas une lettre. Ou plutôt, ce ne sont pas des lettres. Je n'écris rien. Même pas dans mon journal intime. Je n'écris rien du tout. Je réfléchis, c'est tout. Ou je crois que je réfléchis. Je m'imagine que j'écris une lettre. A quoi? A toi! Au mort! Itzig. Viens. Parle moi. Ou laisse moi parler. Écoute moi. Voilà l'histoire. Voila, c'est comme ça. Viens avec moi à Jérusalem. Laisse moi t'emmener avec moi. Allez, viens! Écoute moi! p. 252
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Je lui ai mis trois étoiles car les deux premiers tiers sont bons et que ce livre m'a fait rire par moments. Seulement, une fois en Palestine le livre s'enlise un peu, traîne en longueur et s'éssouffle. La prose n'est pas extraordinaire et un opus plus court aurait fait l'affaire.
Sinon si vous aimez l'humour grinçant et sarcastique, ce livre est pour vous, du moins les deux premiers tiers.
C'est l'histoire d'un allemand qui a tous les attribus physiques d'un juif, il sera ss mais après guerre pour ne pas payer l'addition, il se fera passer pour son ami d'enfance, un voisin juif. Il va se prendre au jeu et surjouer ce personnage et devenir plus juif qu'un juif.
Dans quelle mesure arrivera-t-il à ses fins?
Par l'humour et la dérision, Edgar Hilsenrath nous démontre à quel point les hommes peuvent suivant les circonstances prendre des chemins radicalemement différents.
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"Je me présente, Max Schultz, fils illégitime mais aryen pur souche, de Minna Schultz..." Ainsi débute le Nazi et le Barbier, un roman tout à fait irrévérencieux, provocateur, cru et vulgaire, mais ô combien intelligent et salvateur... Un roman qui raconte l'extermination des juifs du point de vue du bourreau (Max Schultz), bien avant l'indigeste Bienveillantes de Jonathan Littel.

Sous-titré "Histoire d'une vengeance" ; c'est exactement cela qui est mis en scène : la vengeance du fils de pute, et du boucher, ou du serrurier, ou du majordome, ou que sais-je encore ? mais pur aryen. le petit Max nait avec des yeux de grenouille, un nez crochu, des cheveux bruns... alors que son petit voisin, et pour un temps meilleur ami : Itzig Finkelstein, fils de Chaïm Finkelstein, pur juif, lui, nait blond, élancé et beau... C'est par cette première inversion que nous, lecteurs, nous rentrons de plein pied dans cette histoire de morts, de meurtres, de guerres, de marché noir ; dans L Histoire aussi : celle de l'Europe, de l'Allemagne à l'Ukraine en passant par la Pologne - forcément, la Pologne ! - mais aussi dans l'Histoire de la création d'Israël et du sionnisme.

Alors comment en arrive-t-on jusque là ?

Et bien en suivant le petit bonhomme de chemin de Max Schultz, génocidaire, fils illégitime mais aryen pur souche. Quand Minna, sa mère, se fait mettre à la rue par son employeur (parce que tout de même, cinq pères potentiels pour cet enfant c'est trop, "les bonnes choses vont par trois"), elle empoigne ses baluchons et le petit, se fait aider par les cinq géniteurs, et immédiatement rencontre le bon gros coiffeur Slavitski. (il parait que c'est lui qui a la plus grosse de la rue... Minna n'y résiste pas !) le petit grandit, parfois violé par son beau-père, souvent battu... il va à l'école, devient très ami d'Itzig et vagabonde souvent chez les Finkelstein. Quand vient l'heure de trouver un métier, il devient apprenti coiffeur chez Chaïm Finkelstein (parce qu'il est le meilleur coiffeur de la ville, parce que c'est lui qui a écrit la bible des nouveaux coiffeurs "La coupe moderne sans escaliers", et puis aussi un peu pour emmerder Slavitski...)

Le temps passe, la crise fait rage, Hitler débarque... Par conviction Max s'enrôle dans les SS. Et il est bon ! En Pologne, il flingue à tout va, y compris son ami Itzig et les parents Finkelstein. Mais la vie est parfois cruelle... l'Allemagne perd la guerre, et Max devient alors criminel de guerre, recherché, très recherché...

Qu'importe ! Il a grandit, élevé par la communauté juive ; il connait les prières, parle Yiddish, et connait quelques morts... c'est ainsi qu'il va usurper l'identité de son "ami" Itzig, devenir un bon barbier, et même émigrer en Palestine, afin de lutter pour la création de l'Etat d'Israël... un pur aryen sionniste...

Je ne vous dis pas comment tout cela s'achève ; je vous laisse savourer ces 500 pages de pure parodie loufoque où perce tout de même la tragédie, l'horreur de la guerre, et ses cohortes de morts.

Pourquoi est-ce que j'ai particulièrement aimé ce livre ? Pourquoi est-ce que je le mets tout en haut de mes chefs d'oeuvre ? Parce que c'est un livre brillant, intelligent, drôle - alors que le sujet ne s'y prête pas - ; parce que ce n'est pas juste une bonne farce bien grasse, mais un vrai livre sur la Shoah, sur les mécanismes de la destruction de masse ; parce que l'empathie que l'on ressent pour Max Schultz est dérangeante : ce monstre peut m'émouvoir... et puis aussi parce qu'il y a derrière l'apparente légereté, la description de l'horreur absolue, mais sans jamais rentrer dans la fascination morbide. Parce qu'il y a au bout du compte un appel à chacun d'entre nous, chaque lecteur, qui nous dit "n'oubliez pas" ; non, n'oubliez pas que cela est arrivé, que c'est arrivé aussi simplement que ça, que les clichés véhiculés, d'un côté comme de l'autre, sont toujours les mêmes : ceux-là qui vous font rire, ce sont ceux-là qui nous ont fait mourir.

Je recommande la lecture de ce livre à tous ; même les plus sensibles, ceux qui pensent que l'on ne peut pas rire de tout. On peut ; et cela est salvateur de le faire. Cela permet de prendre une distance critique, qui manque souvent dans notre façon d'aborder L Histoire.
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