Dans ce tome, on rentre dans le vif du sujet du Vif (oups, quel jeu de mot !!! ahahah...)
Un peu d'Art, beaucoup de Vif.
On rentre violemment dans le sujet de cette magie avant de trouver un semblant d'apaisement, un début de solution. Les choses se mettent peu à peu en place, un peu plus sereinement pour chaque protagoniste de l'histoire.
Encore une fois, j'ai hâte de découvrir la suite des aventures des Loinvoyant. Fitz n'est plus seulement le personnage central de l'histoire. C'est tout son entourage, sa famille, qui est au centre des aventures.
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"Si c'est vrai, je crois que tu me dois la vérité sur toi-même. Quelle est la réalité, fou ? Pas celle sur laquelle tu plaisantes ou que tu laisses les autres imaginer : Qui es-tu ? Qu'es-tu ? Quels sont tes sentiments pour moi ?"
Enfin, il se tourna vers moi. Son regard était bouleversé. Mais comme je continuais à le dévisager, exigeant de savoir, je vis la colère s'allumer dans ses yeux. Il redressa soudain les épaules, poussa un petit soupir de dédain comme s'il ne parvenait pas à se convaincre que je lui posais vraiment la question. Il secoua la tête, prit une grande inspiration, puis les mots jaillirent de sa bouche comme un torrent. " Tu sais qui je suis. Je t'ai même confié mon vrai nom ; quand à ce que je suis, tu le sais aussi. Tu cherches un faux réconfort en exigeant de moi que je me définisse par des mots. Les mots ne contiennent ni ne définissent personne. Un coeur en est capable, s'il le veut ; mais je crains que le tien n'y soit pas prêt. Tu en sais beaucoup plus sur moi que quiconque, et pourtant tu persistes à prétendre que tout cela n'est pas moi. Que voudrais-tu que je retranche de moi ? Et pourquoi devrais-je me réduire pour te faire plaisir ? Pour ma part, jamais je ne te le demanderais. Et, par ces mots, admets une autre vérité : tu connais mes sentiments pour toi, depuis de longues années. Seuls ici, toi et moi, ne faisons pas semblant que tu les ignores. Tu sais que je t'aime. Je t'ai toujours aimé et je t'aimerai toujours." Il s'exprimait d'un ton égal, comme s'il décrivait un fait inévitable ; on ne percevait ni trace de honte ni d'humiliation dans sa voix. Il se tut ; des paroles comme celles qu'il venait de prononcer exigent une réponse.
Je repoussai tant bien que mal l'accablement induit par l'écorce elfique, puis je décidai de parler franchement et sans ambages. " Tu sais, toi aussi, que je t'aime, fou. Je t'aime comme un homme aime son ami le plus cher, et je n'en éprouve aucune gêne. Mais laisser croire à Jek, Astérie ou n'importe qui que notre relation dépasse les limites de l'amitié, que tu aurais envie de coucher avec moi, c'est...." Je m'interrompis, espérant un signe d'acquiescement qui ne vint pas. Au contraire, il fixa sur moi son regard ambre où je ne vis aucune dénégation.
" Je t'aime dit-il à mi- voix. Je n'impose pas de limite à mon amour ; aucune. Comprends-tu ?
- Trop bien, malheureusement! " répondis-je en chevrotant. Je rassemblai mon courage et poursuivis d'une voix rauque : " Jamais je ne... Me comprends-tu, toi ? Jamais je ne pourrais te désirer comme compagnon de lit. Jamais."
Il détourna les yeux. Ses joues rosirent légèrement non de honte, mais sous l'effet d'une passion tout aussi profonde et il murmura d'une voix parfaitement maîtrisée : " Cela aussi, nous le savons depuis des années. Ces mots qu'il n'avait jamais été nécessaire de prononcer, je devrai désormais les porter pour le restant de ma vie." Il me fit face de nouveau mais son regard paraissait aveugle. " Nous aurions pu vivre toute notre vie sans avoir cette conversation. Tu viens de nous condamner à ne jamais l'oublier."
J’avais peine à croire le fou, jadis, quand il affirmait que le temps était une grande boucle et que nous étions à jamais condamnés à répéter ce qui avait déjà été fait. Mais, plus je vieillis, plus je constate qu’il avait raison. Il voulait dire, pensais-je à l’époque, que nous étions tous enfermés dans un vaste cercle ; en réalité, à mon avis, chacun de nous naît sur sa propre voie circulaire, et, tel un poulain au bout de sa longe de dressage, nous suivons le chemin qui nous est fixé. Nous accélérons, ralentissons, nous arrêtons à la demande, puis recommençons ; et chaque fois, nous sommes convaincus que nous empruntons une route nouvelle.
L’éducation de mon père a été confiée, il y a bien longtemps, au demi-frère de mon grand-père, Umbre ; à son tour, mon père m’a donné à élever à son homme de confiance, et, une fois adulte, je n’ai pas douté que cet homme était le plus apte à protéger ma fille et à lui donner une instruction convenable? Pour ma part, j’ai pris l’enfant d’un autre et j’ai fait de Heur mon fils. Le prince Devoir, qui est mon fils sans l'être est devenu mon élève, et, plus tard, le fils de Burrich est venu apprendre auprès de moi ce que son père refusait de lui enseigner.
Tout cercle donne naissance à un autre cercle. Il paraît nouveau mais c’est une illusion : il représente notre dernière tentative en date pour corriger d’anciens manquements, réparer d’anciens torts dont nous avons été victimes et suppléer à nos négligences passées. A chaque cycle, nous rattrapons peut-être de vieilles fautes mais je crois que nous en commettons aussi de nouvelles. Toutefois, quel autre choix s’offre à nous ? Répéter indéfiniment les mêmes bévues ? Avoir le courage de trouver une voie nouvelle, c’est peut-être oser risque des erreurs nouvelles.
J'avais l'impression de m'approcher d'une tapisserie : on voit d'abord le dessin dans son ensemble, puis un examen plus poussé révèle les divers types de matériaux employés pour créer le tableau, et une étude plus approfondie encore permet de distinguer chaque point, la couleur et la texture de chaque fil.
La main qui a manié autrefois la hache et l'épée n'aspire plus qu'à tenir pour un soir la plume. Quand j'en nettoie la pointe d'une, je me demande souvent combien de seaux d'encre j'ai utilisés au cours de ma vie ; combien de mots ai-je confiés au papier ou au vélin, croyant ainsi capturer la vérité? Et, de ces mots, combien en ai-je jeté au feu parce que je les jugeais sans valeur ou erronés ? Comme d'innombrables fois auparavant, j'écris, je sable l'encre pour la sécher, j'examine mon texte puis je le brûle. Peut-être alors la vérité s'échappe-t-elle par la cheminée sous forme de fumée ? Est-elle détruite ou au contraire, délivrée, se répand-elle sur le monde ? Je l'ignore.
A chaque cycle, nous rattrapons peut être de vieilles fautes mais je crois que nous en commettons aussi de nouvelles. Toutefois, quel autre choix s'offre à nous? Répéter indéfiniment les mêmes bévues? Avoir le courage de trouver une voie nouvelle, c'est peut être oser risquer des erreurs nouvelles.
Quand l'auteur de CHERUB revisite le mythe de Robin des Bois en mode ultra contemporain !
ROBIN HOOD de Robert Muchamore, déjà 2 tomes en librairie