Pierre l'ébouriffé

Encore de la graine de canaille en culottes courtes à découvrir ici, de l'engeance des 400 coups pendables, de la désobéissance haute comme trois pommes.

Non, nous ne parlons pas du "David" de David Shannon qui fait tout ce qu'il ne faut pas faire à la maison et à l'école, ni du "Kiki grabouille" de Jeanne Willis qui ne veut pas se laver le lundi, les jours qui suivent et qui fini à la benne à ordures le dimanche (si si), celui dont nous allons parler est un classique, il est donc par définition pire.

Les passeurs d'histoires ont inévitablement entendu parlé de sa légende, ils tremblaient à l'idée de raconter son histoire. Qui est-il?

Pierre l'ébouriffé, bien sûr!



Demandez à le dégager des réserves de la bibliothèque près de chez vous pour y jeter un oeil curieux, que notre prisonnier prenne l'air et qu'il vous fasse connaitre son histoire.

Elle est redoutable, nous vous l'assurons.

Les volumes seront un peu vieux, certe, mais l'action restera vivace.



La version suivante est une adaptation de l'oeuvre d'Heinrich Hoffman offerte par Bernadette Delarge et illustré par Claude Lapointe.

Lapointe prendra ses libertés sur le côté vestimentaire bien connu du personnage, on le voit, ce style héros de la Comtesse de Ségur de l'oeuvre d'origine sera abandonné pour le genre très excentrique et dilettante d'une époque Hippie, celle de la première édition de cet album en 1971 chez le célèbre éditeur américain Harlin Quist au début.

Cette inspiration et le héros se rejoindront parfaitement, sur leurs volontés d'un choix vestimentaire libre et négligé , bref, ils visaient à se dédouaner d'un ordre moral jugé étriqué.

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Nous nous inscrivons aussi dans une époque particulière de la Littérature Jeunesse et du statut de l'enfant, d'où le choix d'édition d'Harlin Quist, précurseur d'albums déjantés et découvreur de talents hors normes.

C'est l'auteur François Ruy-Vidal qui se collera à la traduction française de ce classique.

Il porte également ce même désir de sortir des sentiers battus pour les propositions faites auprès de la jeunesse.



Selon les sources...

"...François Ruy-Vidal est né en 1931 à Paris.

Instituteur, il applique les méthodes pédagogiques nouvelles dans le but d'ouvrir l'esprit des élèves, de leur apprendre à penser et à juger par eux-mêmes.

Mais devant le peu d'ouverture de l'école qui s'empresse de faire des enfants des petits robots, il se tourne vers le théâtre pour la jeunesse.

Là aussi, il veut amener les enfants à réagir.

Cette nouvelle expérience confirme ses idées sur l'enfant : comme l'adulte, l'enfant est confronté aux mêmes sentiments : amour, jalousie, violence… Il déplore l'immobilisme de l'édition française pour la jeunesse : images stéréotypées, textes fades.

C'est au cours d'une tournée théâtrale en 1966 qu'il rencontre un jeune éditeur américain d'origine suédoise, Harlin Quist, et c'est le début d'une association dont Ruy-Vidal dira qu'elle était pleine de haine féconde, les idées passaient comme un courant électrique, stimulant et déprimant à la fois...".

(https://livrjeun.bibli.fr/doc_num.php?explnum_id=57*)



Qui est Pierre l'ébouriffé?

Pierre est un gamin qui refusa toute une année de se coiffer et de se couper les ongles (pieds compris).

Quel mauvais sujet disait-on, un vilain garçon qui disait non.



Les illustrations de Lapointe décale le ton qui fait scandale et fait ouvrir un peu plus les bouches des lecteurs pour y laisser échapper des rires, ses personnages disproportionnés à grosse tête sont désopilants.

Pierre annonce la couleur et introduit une galerie de petites histoires, des héros bien pires que lui dans la science des bêtises.



Heinrich ne lésinait pas sur la force de conviction, en aller au bout de son exemple qui va au bout de la bêtise et donc au bout de la catastrophe.

Bon sang, mais c'est affreux!, diriez-vous.

De cette "horreur" pédagogue nous avions aussi glissé, par le truchement des nouveaux auteurs de la version ds années 80, vers un délice d'humour noir qui feront pouffer de rire. Ouf!

C'est du même ordre que Kiki Grabouille qui finit à la poubelle si il ne se lave plus et Heinrich Hoffman, auteur mais aussi pédo-psychiatre, pensait bien rendre service en imaginant ces aventures explicites pour son propre fils.

C'est bien pire que le Pierre qui crie au loup et se fait boulotter d'avoir raconter des mensonges.

Les jeunes héros ici ne seront pas des faiseurs de bêtises à glorifier, ils serviront plutôt d'exemple pour la bonne cause.

Les jeunes lecteurs comprendront qu'il ne faut pas se moquer de la couleur de peau d'un camarade où il leur en cuira ou s'amuser avec les allumettes, torturer les animaux pour le plaisir, qu'il faut manger sa soupe, se montrer moins étourdi, bien se tenir à table et peut-être aussi arrêter de sucer son pouce quand on est grand.



Les adultes ne seront pas en reste pour la leçon, il est question évidement d'éducation et ils ne seront pas épargnés à la distribution de punition de l'auteur.



Cet album est bien entendu à réserver à un jeune public capable de recul et d'humour au second degré.

Ils s'étonneront, c'est certain, que la littérature jeunesse est osé mettre un jour en vedette les enfants sous cet angle.

Oui, la littérature jeunesse est étonnante.