Un être dont les réflexions les plus banales pénétraient son cerveau, tels de minuscules hameçons, et l’attiraient vers des territoires terrifiants, merveilleux ou surréalistes. À l’époque de leur rencontre, il n’avait rien publié d’important depuis plusieurs années. Depuis la mort de son épouse, en fait. Et néanmoins, plus de vingt ans après sa publication, les universitaires continuaient de gloser sur son Contrefactuels. Jeune étudiante en philosophie, Cass elle-même l’étudiait depuis longtemps quand elle avait fait sa connaissance.
Leurs souffles haletants résonnent dans l’espace exigu. Les doigts de Shawn s’aventurent plus bas. Elle déboucle sa ceinture et l’embrasse à pleine bouche, sentant ses dents heurter ses lèvres. Une infime douleur lui coupe le souffle. Elle enserre sa taille de ses jambes et ravale un rire tandis qu’ils vont et viennent contre le mur. Bientôt, elle ne sait plus où finit son corps et où commence celui de Shawn, et elle s’en moque. Elle pousse un cri. Il la suit de près.
Elle choisit une page au hasard et s’oblige à lire une phrase. Et à la comprendre. La première de la page 34. Elle la lit une fois. Deux fois. Se fige. La sensation est familière, étrange. L’air semble soudain plus dense. Elle relit la phrase. Se gratte la tête. Regarde la note qui flotte dans la bande blanche de l’entête. Elle lui rappelle… non, pas ça… autre chose. Une chose à laquelle elle a déjà réfléchi, ou qu’elle a déjà lue. Quelque chose de nouveau. De…
Souvent, quand elle allaite la nuit, Cass a l’impression d’être l’unique personne au monde à ne pas dormir. Se fait l’effet d’une clandestine. Comme si la nuit était un espace exotique qu’elle seule était autorisée à explorer. Mais ce soir, c’est différent. Le mot griffonné par Robby sur sa vieille dissertation la tracasse.
Cette femme – Ginny essaie d’intégrer l’information, l’esprit en ébullition –, cette femme est une réplique d’elle-même. Sa jumelle. À la différence près qu’elle paraît plus douce que le reflet que lui renvoie son miroir, chaque matin. Son visage est plus rond, ses hanches, un peu plus évasées.