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EAN : 9782251449319
348 pages
Les Belles Lettres (10/05/2019)
3.92/5   6 notes
Résumé :
« La beauté est vérité », disait John Keats. Pendant plus d’un siècle, ce fut parole d’évangile pour les physiciens. Qu’ils s’interrogent sur l’existence des trous noirs ou qu’ils prédisent de nouvelles découvertes au CERN, ils sont convaincus que les meilleures théories sont belles, naturelles et élégantes.

Dans Lost in Maths, la physicienne Sabine Hossenfelder mène l’enquête pour comprendre comment l’obsession moderne de la beauté nous empêche de vo... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Personne ne nous a promis un jardin de roses.

Chaque conscience vit bien souvent dans son cosmos qu’elle façonne en relation avec ses croyances, ses intuitions et ses illuminations.

Certaines ballades nocturnes aux frontières de l’extase intensifient encore davantage les attraits de la symétrie.

D’autres perceptions homologuent les solides platoniciens comme étant l’armature de plusieurs planètes.

Le meilleur des mondes possibles s’invite au banquet de toute une garde robe de découvertes aussi alléchantes qu’incertaines.

Le secret de l’univers n’est plus qu’une seule relation entre une équation que l’on se contente de projeter à l’infini.

Un support qui à défaut d’être observable s’avère être en résonance avec ce qui semble impossible à contourner.

Un esthétisme attirant, récupérateur, invérifiable mais rassurant dans sa conception isotrope et homogène.

Dans notre monde, la beauté ne peut être que symétrique, semblable à elle-même tissée dans un archétype originel dont elle s’imprègne sur toute sa longueur.

Vous le soulignez parfaitement chère Madame, tout est une question de dosage. L’équation pour être viable ne doit être ni trop mince ni trop rondelette.

Le savant doit être persuasif, maitriser ses affinités, voyager seul en étant bien conscient de l’absence de nombreuses données naturelles.

Dans de telles conditions autant que ce soit les siennes.

L’ordonnancement reste un atout princier.

Une poire pour la soif que l’on accorde avec ce que l’on trouve et que l'on valorise dans une sorte de maintenance concentrique ne faisant qu’entretenir les beaux jours d’un premier jet.

Le monde est merveilleux uniquement parce que nous l’avons défini ainsi sans forcément l’analyser en profondeur.

Le fond de toutes choses ne suffit même plus à colmater les instincts les plus fous.

On creuse encore.

La particule la plus petite en dissimule toujours une autre encore plus petite. Mais aucune d’entre-elles ne vient nous présenter ses hommages.

SUSY pressentie de longue date refuse d’apparaitre.

Existe-t-elle vraiment ?

Personnellement je vois des SUSY pratiquement tous les jours en visualisant certaines boutiques de mon centre commercial.

Des mannequins sans visages vêtues de belles robes élégantes unique parure d’une visibilité introuvable dont on n’arrive pas à définir les premiers traits.

Une question sans réponse que l’imagination se charge de combler pendant que fonctionne dans l’indifférence quasi générale un collisionneur bien discret sur ses performances.

On s’étend autant dans l’infiniment petit que dans l’infiniment grand. Si l’ordonnancement pouvait s’exprimer, il trouverait tout ceci bien inutile.

Il suffit certainement de stopper cette double spirale n’ayant certainement jamais de fin en fusionnant le tout en une seule figure (ou un seul chiffre) ne pouvant pas être plus petite ou plus grande qu’elle n’est.

Nous découvrirons alors l’unité parfaite entre le microcosme et le macrocosme situé au même endroit mais la encore le piège de l’uniformité nous tend les bras.

Le big bang, l’ombre de la genèse. La présence de Dieu longtemps insérée dans chaque perception s’évapore lentement d’une matière adaptant ses textes en fonction de la technologie de temps nouveaux ou il ne semble plus avoir de place pour notre créateur.

Le Physicien s’éloigne de la voie royale c'est-à-dire de l’objectivité la plus profonde par l’idée fixe dans un narcissisme individuel à la conquête d’un nom ou de la récompense la plus prestigieuse à l’aide d’une théorie alimentaire beaucoup plus individuelle qu’universelle assurant la postérité de son esprit.

Il s’agit de durer même quand on est plus la, dans une formule ou sur une toile que le temps ne pourra jamais détruire.

Plus de cent ans qu’Albert détient le pompon de la découverte d’une relativité poudre aux yeux certainement impossible à mettre un jour en démonstration.

Les deux jumeaux (dont l’un voyageant à la vitesse de la lumière ne vieillit plus) ont encore de nombreux siècles à vivre dans la clandestinité avant que d’éclore et c’est loin d’être sur.

Pendant ce temps les décennies s’égrènent.

De moins en moins d’informations nourrissent les journées d’un chercheur se devant de survivre coute que coute en devenant faute de mieux un produit médiatique n’étant plus qu’un spectacle numérisé sévissant en DVD en librairie, ou sur un serveur généraliste.

On se met en scène en vulgarisant à tout va, rabâchant citations et formules, Laplace et son hypothèse divine ont encore de beaux jours devant eux.

Pire encore, l’image de synthèse devient l’emblème d’une contrefaçon récupératrice, un support intelligent falsifiant une réalité que l’on ne peut atteindre que par la virtualité.

On peint, on dessine, on compose, on filme, on chante chacun fait sa popote dans son coin dans l’impossibilité de créer un partenariat en dur avec un univers bien mystérieux dont les différents modules refusent de révéler leur identité.

Gravity épaulé par le beau Danube bleu assurent pour le moment l’intérim, l’éventuelle phénoménologie d’une banlieue terrestre insignifiante, observatoire local d’un univers vertigineux, incommensurable devant lequel nos aphorismes s’effritent devant tant de profondeur.

Seules les maths sécurisent encore pour quelques temps quelques cogitos isolés se pâmant devant des formules qu’ils sont les seuls à comprendre.

Beau ne signifie pas forcément être vrai.

L’univers n’est pas une horloge. La théorie du Vortex est belle mais sans la moindre preuve d’une existence.

Quoi de plus beau que de pouvoir s’évader de son monde en traversant des nuages d’énergies capable de nous catapulter vers d’autres univers.

Cette belle perspective ne fait actuellement que le bonheur que de certains livres spécialisées, de bandes dessinées ou de péplums galactiques.

Idem pour la théorie des cordes ne possédant aucune donnée expérimentale. Une ribambelle de violoncelles au plus profond de la matière pourquoi pas après tout, au point ou nous en sommes.

Une sorte de Tommyknockers. Un objet étrange à la fois inconnu, profondément enfoui dans les mathématiques qu’une foule de savants essaient de rapatrier vers la lumière du jour.

Une partie de la physique du XXI siècle tombée par hasard dans le XX siècle.

Les mathématiques regorgent de choses aussi belles qu’étonnantes mais ces choses sont-elles à l’image de notre monde ?

La physique devient un no man’s land. Un territoire théorique non empirique à la dérive entre les mathématiques et la philosophie.

Quelles théories peut-on encore découvrir et surtout tester sans perdre son temps ni son argent?

Comment savourer une découverte sans la disséquer?

Observer une fleur, une fraise dans une assiette ou le ravissant visage d’un nouveau né démontre sans aucune contestation que la symétrie est la loi de la nature dont l’univers doit logiquement s’inspirer.

Chaque point situé sur leur surface est une offrande à la régularité et à la simplicité. A quoi bon l'ignorer.

Un aspect n’ayant aucune honte de sa récurrence au même titre qu’un nombre au plus près de l’unité.

La beauté n’est plus un critère scientifique mais une vision empirique. Le seul moyen d’obtenir des théories qui fonctionnent ?

Oui et non.

Oui :

J’ai beaucoup de respect et d’admiration pour cette équation :

111 * 111 = 12321.

Je la trouve belle, simple et élégante et surtout évidente dans son libellé.

Elle permet grâce à la symétrie de ses deux nombres de calculer les deux valeurs antinomiques et complémentaires du chiffre trois.

Non :

Je me demande toujours après avoir vu l’usine à gaz de l’éclairage originel faisant fonctionner le système électrique de ma salle de bains comment tout cela pouvait fonctionner sans danger.

Nous vivons dans un espace temps courbe mais sans savoir pourquoi, il fonctionne c’est tout.

Nous en admirons le processus mais sommes impuissants devant sa véritable mission. Est-elle accidentelle ou prédestinée ?

Les multivers sont également et au combien un sujet passionnant alimentant des polémiques à n’en plus finir.

Tous les choix possibles doivent assurément se réaliser un peu partout dans l’univers.

Une Arlésienne du moins pour le moment, variante d’un monde quantique magique ou tout existe simultanément.

Une théorie séduisante ou détestable selon les avis unissant l’infiniment petit et l’infiniment grand sur une même page que nos imaginations en manque de pulsations émotives acceptent sans trop de réticence.

Devant l’absence de révélations naturelles l’abomination frappe à nos portes. Nous sommes emportés par toutes les virtualités que nous formatons.

Et pourtant voici certainement la solution.

"Il n'y a aucune raison de croire que la configuration que nous avons reçue soit la seule manière cohérente d'ordonnancer la poussière. Il doit y avoir des milliards d'autres univers qui coexistent avec nous composés exactement de la même matière mais arrangés de manière différente."
Greg Egan la cité des permutants.

A l’heure actuelle comme vous le souligniez parfaitement chère Madame nous ne savons même pas si l’espace continu à l’infini ou si il finit par former un tout pour donner naissance à un univers fini, fermé dont le rayon est beaucoup plus grand que ce que nous voyons actuellement.

Comment accepter que la lune ne soit pas la quand on ne la regarde pas.

De considérer que tout est à la fois dans aucun et dans tous les états possibles jusqu'à ce que nous le regardions. Comme le chat de Schrödinger dans sa boite.

De vivre telle la mécanique quantique dans un monde sans intuition.

De l’accepter comme des atomes mystérieux et féeriques constitués de gros machins flous se traversant les uns les autres.

Voila chère Madame mon ressenti bien modeste sur votre bon et beau livre très érudit dont j’ai tenté de retranscrire du mieux possible à l’aide de quelques touches personnelles son côté accessible du moins à mon échelle.

La science à besoin de patience et de temps.

Chaque découverte nous emmènera toujours quelque part même si ce quelque part ne semble être actuellement qu’un Physicien perdu dans ses maths.

Comme vous le spécifiez en guise de conclusion, la physique n’est pas des maths, la physique c’est choisir les bonnes maths sans se griser de son propre brasero et j'ajouterai pour quelles puissent enfin et d'un seul regard nous offrir l'univers dans le creux de notre main.









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Imaginons que l'on représente le degré d'attention qu'un lecteur peut porter à un livre par une courbe. Que cette courbe soit la transcription géométrique des vibrations - des ondes - suscitées par le contenu. On s'apercevrait peut-être qu'un bon bouquin génère une courbe qui progressivement se rapproche d'une limite à laquelle soit il se produit chez son lecteur des borborygmes du genre : " Mouais, mouais, pas mal...". Après quoi, elle redescend mollement, comme une bonne moyenne pondérée qu'elle est, en cloche standard, et retourne vers le niveau zéro de l'attention. Soit, c'est là qu'on se rend compte que ce n'est pas seulement un bon bouquin mais un vrai chef-d'oeuvre, il y a une vraie brisure dans les coefficients de la fonction et on voit apparaître une autre limite, verticale celle-là, qui ne sera jamais dépassée par la courbe puisqu'elle file alors vers l'infini, grimpant comme une folle en faisant dire au lecteur : "LUTIN ! mais c'est génial". Mais ça c'est pour les très très bons bouquins seulement. le fait est qu'ici la fonction d'onde de mon attention s'est effondré comme en mécanique quantique lorsque l'expérimentateur - l'auteur, pour ceux qui ont du mal à suivre ma métaphore et se seraient perdus dans les méandres du vocabulaire matheux - est intervenu sur mon expérience de lecture en collant à la fin de chaque chapitre un résumé de ce qu'il fallait retenir. Ce qui revient à compter le nombre de choses que j'avais bien retenu. Non seulement ça a changé complètement la nature de ce que je lisais, ce n'était pas une oeuvre, ce n'était plus qu'un manuel avec un objectif qui visait médiocrement l'enseignement ; mais en plus, j'ai malheureusement eu l'impression d'être considéré comme une sorte d'élève peu attentif ce qui n'était peut-être pas complètement faux puisque j'ai eu un mal fou à progresser au-delà de la page 160... Sans compter que dès le premier chapitre, je n'étais pas d'accord avec les résumés proposés (c'est aussi à ce moment-là que j'ai constaté un gonflement très significatif de mes chevilles que j'ai attribué principalement à un régime bien trop riche par rapport à mon activité et à des températures hors norme). Pourtant le titre du livre était très aguicheur dans la liste des ouvrages de la dernière Masse Critique. Non seulement, il me faisait clairement de l’œil mais j'étais persuadé qu'il devait bien se cacher derrière ces quelques mots en anglais des idées très séduisantes. Les trouver exposées sous la forme la plus concise possible a été ma principale motivation pour tourner les pages malgré tout. J'en ai trouvé quelques unes. Il y a un coup de crayon quasiment sur chaque page et si je devais les citer toutes cela reviendrait à faire un copier-coller d'un bon tiers du livre. En voilà, une qui semble synthétiser les grands problèmes soulevés par cet ouvrage : "Nous savons depuis les débuts de la mécanique quantique, qu'il est mal avisé d'exiger de toutes les structures mathématiques d'une théorie qu'elles correspondent à des éléments observables. Par exemple, les fonctions d'onde ne sont pas en elles-même mesurables. Ce qui est mesurable, c'est seulement la répartition de probabilité déduite de la fonction d'onde." Autrement dit on utilise les mathématiques les yeux fermés pour compenser l'absence de faits observables.

[Hiatus, je manque d'inspiration pour lier la première partie à la seconde.]

Tout ce qui rend les effets probabilistes de la mécanique quantique si étonnants (du moins quand on essaye de les faire passer dans un langage humain standard), si merveilleux et stimulants pour l'imagination disparaît dans ce livre. Un détail gâche tout : l'univers macroscopique serait "chaud bouillant", malheureusement, et pour le compte, insensible aux effets quantiques. Finie la possibilité que l'ensemble des particules qui me constituent puisse être n'importe où - et même : partout en même temps - dans l'univers si personne ne les observe. Pourtant mon cerveau étant cadencé à un centième de seconde, et vu que ce qui peut arriver à ma pauvre personne n'intéresse absolument aucun autre être humain, je me plaisais à penser que pendant cet intervalle de temps minuscule où je perdais conscience de moi, l'ensemble de la matière qui me constitue voyageait à des vitesses inconcevables vers des lieux tout aussi inconcevables. Peut-être même qu'une partie pouvait se trouver alors à proximité d'un trou noir et ne jamais en revenir, effet probabiliste ou pas. L'idée que je m'évaporais par effet quantique, aspiré par une infinité de singularités physiques, avait quelque chose de délicieusement morbide. Mais, n'en déplaise à Étienne Klein qui cite souvent cette phrase dans ses conférences : non, on n'a pas le droit d'expliquer le réel par l'impossible. C'est un peu la morale du livre. Ou du moins telle que je l'ai comprise. Il faut rester bien ancré dans la physique classique... aristotélicienne (?) : on ne peut pas, on ne doit pas faire de physique fondamentale sans observations.

Cependant - ce sera une pensée personnelle en forme de conclusion - même si, de toute façon, tout est, à la base, fondé sur des observations, ce n'est jamais que leur interprétation, ce qui les relie, qui est pure fiction - et par là même totalement non mesurable. Çà l'a toujours été, avec la possibilité de se tromper. En plus de deux mille ans de science, c'est arrivé souvent. Quand on a demandé à Ptolémée s'il pensait que la Terre était en mouvement, il a répondu que cette idée était séduisante mais qu'en appliquant les principes d'Aristote, à savoir que ce qui est léger s'élève et que ce qui est lourd descend - choses observables avec un caillou et de la fumée -, il fallait bien se rendre compte que c'était un concept farfelu puisque la masse de la Terre est telle que si elle était en mouvement nous serions immanquablement arrachés de sa surface... La physique depuis Galilée est fondée, curieusement, sur ce qu'on ne voit pas, des relations qui sont tout à fait contre-intuitives et non-aristotéliciennes, avec, malheureusement, une efficacité incontestable (la notion de mouvement rectiligne dans le vide, par exemple, contredit tout ce que l'on peut observer directement, mais ça fonctionne). Cette situation a pris des proportions extraordinaires avec la mécanique quantique. Le premier à se révolter contre elle, fut un de ses initiateurs, Einstein, qui aura passé le reste de sa vie à essayer de trouver la faille sans jamais y arriver. Finalement la force de la physique n'est-ce pas d'avoir justement, et continuellement, la capacité de douter et de chercher à contrer ses propres résultats. Un livre comme celui-ci semble être en révolte contre des théories contemporaines (la super-symétrie et la théorie des cordes - entre autre sans compter quelques pratiques qui relèvent du psittacisme) - mais il est indispensable pour que cette science reste en bonne santé. Et pour l'instant l'humanité dont c'est un des outils les plus puissant, devra se contenter de ces petites révoltes en attendant la révolution qui ne manquera pas de se produire un jour ou l'autre.
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Très bon livre que ce Lost in Maths, qui se présente à la fois sous la forme d'un pamphlet et d'un état des lieux de la physique théorique contemporaine. Sa lecture en sera parfois ardue pour les non-initiés, mais elle en vaut la peine.

Sabine Hossenfelder, une chercheuse allemande qui n'a pas froid aux yeux, attaque le problème de front : les physiciens contemporains seraient pleins de biais et de subjectivité, le premier d'entre eux étant l'amour de la beauté mathématique et les préconceptions du beau qui prédominent à la création et à la validation des théories (son propos se concentre sur les théoriciens, elle exclut de sa critique les expérimentalistes et les phénoménologues).

Car la physique théorique moderne semble dans une impasse. Ou devrait-on dire, elle patauge dans la choucroute. La théorie quantique et la relativité générale ne rentrent pas dans un cadre cohérent et il existe aujourd'hui des centaines, voire des milliers de théories 'du tout' concurrentes qui prétendent unifier la physique grâce à des convolutions mathématiques plus ou moins originales.

Le problème : quasiment aucune de ces théories n'a été, au moins en partie, validée par l'expérience. le LHC, dans lequel résidaient les plus grands espoirs des scientifiques, n'a en une décennie d'exploitation guère que confirmé l'existence du boson de Higgs (créant au passage plus de casse-têtes pour les physiciens qu'il en a résolu du fait de sa masse supposée). Car il est possible que la plupart des théories actuelles ne soient pas testables du tout, ou alors uniquement à de très hautes énergies aujourd'hui inaccessibles.

La physique en est arrivée au point où les théories pourraient mettre plusieurs décennies, voire siècles, avant de pouvoir être testées. Cela pose un problème (méta-)physique énorme : sans l'expérience, comment départager toutes ces théories ? Par habitude, les physiciens ont pris l'habitude de favoriser les théories simples, élégantes, qui semblent 'naturelles', intuitives, dont on aurait envie qu'elles soient vraies.

C'est contre cela que s'élève Sabine Hossenfelder : selon elle, les critères qu'on vient d'évoquer ne peuvent être la source que de biais et nous mener sur des pistes trompeuses. Même le fait qu'ils aient été la source de succès dans le passé ne les rend pas valides pour autant. Au moment où ils ont été évoqués pour la première fois, l'héliocentrisme ou le principe d'incertitude ont bien été considérés comme laits, horribles, et les physiciens et philosophes n'avaient qu'une hâte, s'en débarrasser. Jusqu'au moment où on s'est aperçus qu'ils correspondaient à la réalité et que l'on a appris à vivre avec.

Malheureusement, l'auteure ne propose pas de solution aux défis immenses de la physique contemporaine (s'il existait des alternatives viables à l'expérience scientifique, ça se saurait). Elle appelle simplement chacun à faire preuve d'esprit critique, à être conscient de ses propres biais et ouvert à de nouvelles approches, même si celles-ci ne semblent pas correspondre à nos a priori esthétiques.

C'est bien sûr à ses pairs que ces conseils sont adressés. Quant à nous le grand public, il nous reste un merveilleux panorama des avancées et défis de la physique contemporaine moderne, d'un point de vue non seulement scientifique, mais métaphysique et philosophique.

[Critique rédigée dans le cadre de la Masse Critique Babelio Juin 2019]
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Pour Sabine Hossenfelder, la science est en crise, y compris la science fondamentale la plus pure. La description qu'elle en fait est en effet sans équivoques : des théories « évidentes », « naturelles », « belles » qui ne sont pas confirmées depuis des décennies par des observations et des expériences, on ne découvre pas les particules que l'on devrait voir, à contrario des observations et des données étranges s'accumulent sans qu'on ait la moindre idée de ce qu'il se passe (matière et énergie noire), et pire on ne comprend même pas complètement et intimement ce que l'on sait déjà.

Les théoriciens sont atteints d'une sorte de maladie extatique, comme les moines du moyen-âge, ils sont baignés dans une forme d'adoration contemplative de la nature et de la physique. Ce que nous devons y voir doit être « beau », « élégant », « naturel ». En effet, l'esthétique dans la science a été un aiguillon ou une conséquence de certaines découvertes, c'est indéniable. Mais aussi, comme le montre l'auteure, un frein à la compréhension de la nature telle qu'elle est : c'est l'adoration du mouvement circulaire qu'il a fallu surmonter pour découvrir le mouvement elliptique des planètes. de plus l'esthétisme est aussi affaire d'éducation, ce qui est beau pour l'un, l'est moins pour un autre. Il se forme alors des écoles d'esthétisme qui se combattent : les « cordistes », les « bouclistes », les « susystes », les « éverettiens », les « suskindiens », etc. Si le subjectivisme de la beauté, que l'on ne peut pas tout à fait évacuer comme mode de pensée, est un guide et une récompense, elle ne devrait pas cependant supplanter l'objectivisme physique. Contrairement aux maths (mais philosophiquement ça se discute), la physique à un cas concret d'étude : la nature, la réalité des choses. Certains voudraient se passer de la méthodes scientifiques pour imposer leur vision comme une évidence, comme finalement une révélation quasi mystique ou religieuse.

C'est un énorme problème. Un problème qui relève de la sociologie des scientifiques et leurs relations avec la société et la nature. Les scientifiques sont des êtres humains, donc sujet à l'erreur, et au déni de leur vulnérabilité face à l'erreur. La méthode scientifique a été élaboré justement pour corriger les erreurs. Mais la communauté s'est aussi adapté à cette méthode pour la rendre en partie inopérante. L'aménagement de l'environnement scientifique, en écoles, castes, moyens de communications et d'influences, permet finalement de créer des groupes qui se protègent et permettent de maintenir un mode de fonctionnement et des thèses non vérifiées ou invérifiables pendant des décennies ; et pire, dissuade l'émergence de nouvelles idées. Ce n'est pas un phénomène nouveau : mais visiblement en avoir conscience ne permet pas de le contrer toujours efficacement.

La science est aussi victime du mode de fonctionnement qu'on lui impose à l'image de la société avec ses exigences d'efficacité, de rentabilité et de retour sur investissement. L'auteure en fait mention bien entendu et observe les même biais que l'on voie dans les autres couches de la société. On en observe particulièrement les effets délétères dans l'évaluation et ses indicateurs. J'ai souvent constaté que la définition d'un indicateur d'évaluation, aussi pertinent soit-il, est toujours dévoyée car les enjeux sont trop importants. Prenons deux exemples illustratifs, une étude a montré que l'indicateur de citation des articles scientifiques à amener la communauté scientifiques italiennes a ce citer les uns les autres sans pertinence pour atteindre leurs objectifs ; le classement de Shanghai des universités a amené la France à fusionner ses universités pour soudainement débouler dans le haut du classement. Finalement les indicateurs perdent leurs pertinences et provoquent des phénomènes d'adaptation qui rend encore plus obscure le fonctionnement de ce que l'on veut observer.

La science ne peut pas être rentable, elle ne peut pas être efficace non plus (comme la santé ou la sécurité d'ailleurs). C'est une quête gratuite et non dirigée, avec d'éventuelles surprises au bout. Vouloir la faire plier à des objectifs de maximisation des « gains », fussent-ils épistémologiques, un « capitalisme » des savoirs, c'est la dévoyer et la rendre justement inefficace dans ces buts : car comme l'a montré l'auteure elle ne produira plus que ce qu'elle a déjà produit.

Il est peut-être temps de protéger la science de certains travers des scientifiques et de certaines exigences hors de propos de la société. Et pour les simples citoyens d'être mieux former en science, encore plus de la méthode scientifique et d'être activement curieux de ce que disent les scientifiques.
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Un enfant s'est écrié “Le Roi est nuˮ, ici l'auteur s'écrie “La physique est nueˮ. Et elle le prouve. Depuis trente ans aucune découverte majeure n'est venu éclairer notre monde, à part le boson de Higgs (prédit dans les années soixante) dont personne ne doutait de l'existence et les ondes gravitationnelles que Einstein avait annoncées il y a plus d'un siècle. Déjà Smolin nous avait alertés il y a des lustres. Les physiciens ont remplacé la recherche de nouvelles théories par des échafaudages mathématiques (d'où le titre du livre) non testables. Devant cette impasse, certains vont mettre en cause la démarche scientifique elle-même pour sauver leur peau, leur poste et leur carrière. Cela est particulièrement vrai pour la “théorie des cordesˮ qui n'a rien prouvé mais qui donnent des thèses à rédiger et des sinécures aux potentats de la discipline (Susskind et consorts). Au cours des interviews d'une belle brochette de prix Nobel, les physiciens ne sont pas dupes de l'escroquerie mais espère ou font semblant que la situation va se débloquer, au moins pour la génération suivante. La répugnance des théoriciens devant les théories “pas bellesˮ semble un sentiment partagé, malgré le cul de sac vieux de trente ans. La biographie permet aux intéressés de récupérer les articles support du débat. Bref la beauté sauvera peut-être le monde comme l'a dit Dostoïevski, elle ne sauvera pas la physique. Un ouvrage absolument salutaire, même si l'auteur ne se fait pas trop d'illusions !
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Notre sens de la beauté a changé. Et comme je [Steven Weinberg] l'ai décrit dans mon livre, la beauté que nous recherchons aujourd'hui, non dans les arts, la décoration d'intérieur, ou l'élevage de chevaux, mais la beauté que nous recherchons dans les théories de la physique, c'est la beauté de la rigidité. Nous aimerions des théories qui, autant que possible, ne pourraient être modifiées sans que l'on aboutisse à des impossibilités, comme des incohérences mathématiques. (p. 124.)
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Son [Steven Weinberg] Gravitation and cosmology a été le premier manuel que je me suis jamais acheté. Son prix était si prohibitif que pendant presque toute une année je l'ai traîné partout avec moi, de peur de l'égarer. Il m'accompagnait à la salle de sport. Je mangeais avec lui. Je dormais avec lui. Un jour, j'ai même fini par l'ouvrir. (p. 122)
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Le modèle standard est fondé sur un principe appelé la "théorie de jauge". Conformément à ce principe, chaque particule a une direction dans un espace interne, un peu comme une aiguille sur une boussole, sauf que l'aiguille ne pointe nulle part.

"Un espace interne ? Mais c'est quoi ça ?" vous demandez-vous. Bonne question. Et la meilleure réponse qui me vienne, c'est "utile".
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La beauté est un guide, mais elle est traitresse, et elle a égaré bien des physiciens par le passé. (p. 45)
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Je suis convaincu que nous pouvons découvrir au moyen de constructions purement mathématiques, les concepts et les lois qui les lient les unes au autres, qui donnent la clé pour comprendre les phénomènes naturels. En un certain sens, j'estime donc qu'il est vrai que la pensée pure peut saisir la réalité comme l'avait rêvé nos ancêtres.
Albert Einstein
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