«
Le monde n'existe pas» de
Fabrice Humbert
«
Le monde n'existe pas. le monde est une histoire pleine de bruit et de fureur. Je revenais dans mon passé, à la recherche d' Ethan Show, à la recherche du sens de la fureur. Je devais me dégager des représentations pour trouver la vérité, mais est-il possible dans ce monde des images et des récits, de la dévoiler ?»
Le narrateur, Adam
Vollmann, journaliste au New Yorker, enquête sur le meurtre d'une adolescente, Clara Montes, dont l'auteur présumé, Ethan Show, a été son seul ami, il y a vingt ans. À cette époque Ethan Show était la star du lycée à Drysden, où Adam
Vollmann et Ethan se sont rencontrés. Adam est persuadé de l'innocence de son ami que les médias présentent comme l'assassin idéal. L'amérique vient de subir une série de violences et de meurtres et les médias, à force de rabacher et de ressasser les agressions et les crimes, finissent par angoisser toute la société qui exige un bouc émissaire . «la foule a peur, la foule est effrayée, la foule a besoin d'un sacrifice». Pour répondre aux attentes de la société, les médias ne retiennent que ce qui peut donner une image négative d'un suspect pour en faire un coupable parfait, peu importe sa véritable personnalité. Théâtralisation des émotions, choix des images, des photos. « L'énorme barnum se met en place». Enfin un sujet que l'on va pouvoir diffuser en boucle et qui va retenir l'attention de nos adorateurs comme un Dieu les siens. Ethan est le meurtrier idéal.
Adam est à la recherche de la vérité, « une vérité difficile, avec les limites et la fragilité inhérentes à toute vérité». Dans un climat pesant et lourd, lui rappelant son adolescence où il avait été harcelé à cause de ses penchants sexuels , Adam est agressé à plusieurs reprises. Il est méfiant, se sent mal, se sent coupable. La réalité devient paranoïaque. le malaise s'installe.
Le narrateur évoque tout ce qui pose problème à la recherche de la vérité : les photos qui peuvent être retouchées, modifiées et qui alimentent les théories du complot grâce à internet et aux réseaux sociaux. le pouvoir d'un Tweet qui « est aussitôt commenté par des millions d'autres tweets, analysé à la radio, à la télé, répercuté par l'immense et folle caisse de résonance du monde. L'épuisante société du bavardage ». Nous pouvons aujourd'hui mettre dans la bouche de quelqu'un des propos qu'il n'a jamais tenus et les diffuser à travers la planète. On peut tout inventer.
La vérité n'existe pas,
le monde n'existe pas.
Adam va découvrir que la seule photographie de Clara Montes diffusée par les médias est un montage retouché d'une prostituée russe. Mais, alors ? Clara Montes existe t-elle ?, toute cette histoire serait inventée ? Rien n'est vrai, tout est faux ?
Ce roman m'a parfois donner un sentiment de malaise, malaise provoqué par celui d'Adam et voulu par l'auteur afin d'installer le doute dans l'esprit du lecteur : où se trouve la réalité ? dans le récit d'Adam où dans une autre réalité ?
En début de lecture j'ai regretté que l'auteur, Français, de langue française, se soit cru obligé de faire évoluer son roman aux Etats-Unis ? j'ai finalement compris que ce choix était parfaitement pertinent. « les civilisations sont fondées sur des récits identitaires, des fictions dont l'Iliade pourrait être le symbole. L' Amérique, pays violent où le plus fort l'emporte toujours, pays de la culture de la force, pour séduire ou pour terrifier, est une fiction narrative avec cette particularité que [son] récit fondateur est cinématographique et que [son]
Homère s'appelle Hollywood». Empire de l'illusion et de la fiction.
Je laisse aux futurs lecteurs le soin de découvrir le dénouement de ce roman qui renforce le doute sur le récit d'Adam et sur « l'existence du monde», sur l'existence de la réalité du monde selon
Fabrice Humbert.
Roman déconseillé à ceux qui chercheraient pour les vacances une lecture légère et délassante.