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3,36

sur 261 notes
Cela démarre par des pages limpides et lumineuses emplies de mélancolie et de sensualité. Celle du narrateur qui se remémore son adolescence difficile, traversée par l'aura d'un être solaire qui sera son seul ami, son premier amour ( platonique ) aussi : Ethan, star du lycée, sportif accompli, beau et blond comme Redford dans Nos plus belles années.

C'est cet être parfait qui est accusé vingt ans plus tard d'avoir violé et tué une jeune fille de 16 ans. Inconcevable pour le narrateur , devenu journaliste, qui part enquêter au fin fond du Colorado, à Drysden pour prouver l'innocence d'Ethan. S'en suis une première partie, à énigme, classique mais avec une tonalité douce et étrange qui flotte au fil des pages.

Petit à petit se révèle une petite ville métaphore de l'Amérique profonde qui voue un culte à la virilité, à la norme, aux apparences, qui hait les déviants, les différents, au point de légitimer la violence. Petit à petit, se révèle le passé du narrateur, un passé qui remonte, empreint de souffrances et douleurs, et qui forcément biaise la recherche de vérité.

A mi-chemin, Fabrice Humbert fait basculer l'enquête vers une quasi dystopie ultra réaliste. le récit se complexifie, frise par moment l'hermétisme car il devient de plus en plus en exigeant qui sollicite l'intelligence du lecteur et sa capacité à réfléchir de façon large sur notre société. Et si Ethan et sa victime supposée n'étaient que des personnages ? Et si nous nous nous étions changés tous en personnages ? Des personnages de fiction à l'ère de la dématérialisation accélérée derrière nos écrans.

L'auteur s'interroge sur la vérité, sur l'identité à notre époque pourrie par les fake news et l'omniprésence des réseaux sociaux. Pas un hasard si le roman s'ouvre sur les écrans géants de Times Square qui renvoient l'image du supposé criminel en fuite.

Ce changement de braquet du récit est passionnant, l'auteur développant sa thèse à coup de références intelligemment disséminées ( Hitchcock, Hewingway, Welles, Garcia Marquez )

C'est aussi très déstabilisant aussi car on perd le fil de l'enquête avec une mise en abyme qui en devient vertigineuse, avec des décalages de plus en plus décalés. Les bots qui envoient des messages, les fermes de clics, les logiciels de retouche indétectables ... et si la jeune fille américaine assassinée n'existait même pas ? Est-on coupable de quelque chose qui ne s'est pas passé ? Le dénouement, abrupt, m'a laissé, tout de même, un goût d'inachevé. J'avais sans doute envie, très scolairement, de mieux comprendre. Je n'ai pas tout compris. Il faudra que je m'y plonge à nouveau. Le matériau littéraire est riche et le mérite/

J'ai donc refermé le livre avec beaucoup plus de questionnements que de réponses, et je pense que c'était le but de l'auteur que de nous livrer ainsi un roman exigeant, éminemment contemporain, prenant sans cesse le lecteur à contrepied, incapable de démêler le vrai du faux jusqu'à la paranoïa. le titre prend tout son sens dans cette réflexion pertinente sur l'illusion de nos vies.
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La fiction ne dépasse pas la réalité. La réalité est une fiction.
Alors que notre quotidien nous donne l'impression d'être en ce moment les figurants impuissants d'un film catastrophe, la lecture du dernier roman de Fabrice Humbert nous plonge dans un polar métaphysique qui interroge la frontière virtuelle qui sépare sans droits de douane la vérité et la fiction.
Ce n'est pas par hasard que l'auteur transporte son récit aux Etats Unis dont notre représentation est formatée par les films, séries et reportages que nous engloutissons comme les menus King Size d'un Fast Food.
Adam Vollmann, journaliste de bureau plus que de terrain, découvre sur les écrans géants de Time Square le visage d'Ethan Shaw, l'ancienne star de son lycée, avec lequel il avait noué, puis emmêlé, une amitié particulière vingt ans auparavant. L'homme est devenu un fugitif, recherché par tout un pays, accusé d'avoir violé et tué une jeune Mexicaine de 15 ans.
Vollmann décide d'enquêter et de revenir à Drysden dans le Colorado, morne bourgade peu accueillante où il a passé une adolescence difficile, recroquevillée et solitaire. Sur place, les versions contradictoires se multiplient, la ville semble gouverner par la rumeur et le mensonge. Nulle trace du fantôme d'Ethan Shaw.
Côté ambiance, c'est comme si Philip K Dick et David Lynch avaient partagé un joint. le journaliste ne parvient plus à démêler le vrai du faux et chaque rencontre lui donne un peu plus l'impression de se heurter à un scénario cadenassé.
Le récit intègre les souvenirs de cette enfance douloureuse, cloîtrés dans la mémoire du journaliste et qui descendent du grenier, lors de retrouvailles avec certains lieux ou d'anciennes connaissances.
L'auteur multiplie également les digressions passionnantes sans nuire au rythme du roman. Il évoque par exemple la question du son au cinéma. Il suffit d'avoir déjà pris un vrai coup de poing pour savoir que le son entendu dans un film ne correspond à aucune réalité. Mon nez pourrait en témoigner. de même, le bruit véritable d'une explosion d'obus n'a encore jamais été diffusée car il ne correspond pas aux attentes des spectateurs. « Il s'agit d'imitations d'illusions ».
Depuis « l'Origine de la Violence », tous les romans de cet écrivain évoquent également la question de l'identité. La victime ne semble être qu'un nom. Ethan Shaw ne projette que la caricature fuyante du sportif populaire dans son lycée. Un personnage volontairement inabouti. le journaliste a changé d'identité quand il avait quitté Drysden. Fabrice Humbert écrit-il sous un nom de plume ?
J'avoue avoir été impressionné par la richesse de ce roman qui mêle sociologie et psychologie, suspense et manipulation. Griotte sur le pudding, c'est très bien écrit. Seule la fin m'a laissé un peu sur ma faim. On devient gourmand devant de telles friandises.
Imaginez les personnages de Twin Peaks dans les décors du Truman show…
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"Le monde n'existe pas", titre mystérieux, pour un livre qui ne l'est pas moins.

Un bled étasunien, un meurtre, un coupable désigné, un journaliste enquêteur de retour au pays, voilà réunis les ingrédients classiques d'un vrai polar à l'américaine.

Mais sous couvert d'énigme policière, Fabrice Humbert en réalité propose une habile réflexion sur notre perception du monde face au pouvoir de l'image et de la mise en scène. Comme une métaphore de notre conscience collective saturée d'apparences et de fictions, le fil de l'enquête voit ainsi mensonges et vérités se mêler, dans une torsion vertigineuse de la frontière entre illusion et réalité.

Roman complexe et singulier, "Le monde n'existe pas" te permettra d'employer à bon escient ce qu'il te reste de temps de cerveau disponible. C'est toujours ça de gagné.


Lien : http://minimalyks.tumblr.com/
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Un roman des plus intrigants. Adam, journaliste, découvre avec stupeur que le héros de ses années lycée, Ethan, est accusé du viol et du meurtre d'une jeune fille de 16 ans, Carla (et qu'il est en fuite...). Stupéfait, il décide de retourner dans la petite ville de son adolescence (où sa vie ne fut pas des plus faciles) pour prouver l'innocence de son ami. Mais il est parfois difficile de se confronter à son passé...Après une première partie très nostalgique (et assez conventionnelle), l'auteur propose une seconde partie beaucoup plus introspective, un peu brumeuse, ambiance Twin Peaks. Dans ce second temps, Adam s'interroge beaucoup sur la réalité de ce qu'il découvre et de ce que les médias racontent. Quel est la part de vérité dans les récits des uns et des autres ? Ethan est il coupable ? Carla existe t-elle vraiment ? Beaucoup de questions sont posées au fil des pages, peu seront explicitées dans une fin des plus ouvertes. En effet, l'intérêt de l'histoire n'est pas dans l'enquête policière, mais dans les questions qu'elle amène Adam (et le lecteur) à se poser.
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La fin de le monde n'existe pas a interloqué beaucoup de lecteurs. Elle est pourtant assez "logique" à partir du moment où l'on est amené à se poser de vrais questions sur la fiabilité du narrateur, voire même sur son état mental, de plus en plus sujet à caution, au fil de l'intrigue. Celle-ci ne semble d'ailleurs qu'une sorte de prétexte, avec l'utilisation voyante de certains codes du thriller, pour engager une vaste réflexion sur notre société moderne, marquée par la manipulation à grande échelle (selon l'auteur), à l'aide de récits savamment concoctés pour cacher le fait qu'ils ne sont que des Fake News, alimentés notamment par les réseaux sociaux, version contemporaine et pernicieuse des rumeurs d'antan. le livre de Fabrice Humbert balance entre essai sociologique et roman noir, avec question identitaire de ses deux personnages principaux, celui qui raconte et celui qui est fantasmé (la remarque est valable pour les autres protagonistes du roman, y compris la jeune fille assassinée). Fabrice Humbert ne se prive pas d'un nombre incalculable de digressions, qui rendent l'ouvrage encore plus erratique, pour ne pas dire aléatoire, alors que le recours à de nombreux flashbacks contribue déjà à son éparpillement. Il y a aussi quelque chose d'artificiel dans l'Amérique que décrit l'auteur, ou de fabriqué si l'on préfère, qui concourt à une possible lassitude du lecteur, au fil de pages qui expriment de manière schématique une ambiance de plus en plus paranoïaque. L'ambition de le monde n'existe pas est grande mais ni l'écriture en elle-même ni l'architecture du récit ne montrent une vraie maîtrise pour répondre à cette prétention affichée.
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Je profite du confinement pour essayer d'avancer dans mes chroniques, et comme je n'ai pas spécialement envie d'écrire, ni vous de lire, des chroniques mitigées sur des livres très moyens, je viens vous parler du dernier roman vraiment enthousiasmant que j'ai lu. C'est ma quatrième lecture de Fabrice Humbert, je crois, pas du tout inconnu de mes services donc, et j'aime sa manière de se saisir de sujets d'actualité, et d'en faire des romans prenants.
Le sujet donc : Adam Vollmann, journaliste new-yorkais, apprend avec étonnement que l'idole de sa jeunesse, la star de son lycée de Drysden, Colorado, Ethan Shaw, est activement recherché pour le viol et le meurtre d'une jeune fille de seize ans, Clara Montes. Ne pouvant imaginer comment cela est possible, Adam se rend à Drysden pour enquêter, rencontrer la mère de Clara, l'épouse d'Ethan, et d'autres personnes…

L'auteur aborde les thèmes de la vérité et du mensonge, notamment par rapport à l'image, à l'information, les fake news, bien sûr, et aussi la surveillance du citoyen, et surtout de celui qui va à l'encontre du gouvernement ou de toute autre puissance. Les références sont nombreuses, du mythe d'Oedipe à Citizen Kane, ou à la prise de la Bastille, et pourtant, on reste tout le temps dans le roman, et en aucun cas dans un essai déguisé. Qu'a réellement fait Ethan Shaw, son ami Adam Vollman va-t-il réussir à l'innocenter, ces questions restent prégnantes tout du long du roman, et portent le lecteur.
Au-delà de l'écriture, particulièrement maîtrisée, du thème, très actuel et de la dénonciation nécessaire, l'histoire touche au plus profond, et pousse à tourner les pages avec avidité. Même la fin, qui peut sembler frustrante, ou moins limpide que le reste, m'a semblé en parfaite adéquation avec le reste du texte, et m'a subjuguée. Une parfaite réussite, en ce qui me concerne.
Lien : https://lettresexpres.wordpr..
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Quand Adam traverse Time Square, il découvre sur écrans géants le visage d'un homme Ethan, recherché pour le viol et le meurtre d'une ado, Clara. Ethan, cet ami solaire qu'il avait rencontré lorsqu'il était ado dans la petite vide de Drysden et qui lui avait fait l'aumône d'une drôle d'amitié. Se rendant sur place pour enquêter, il reconstruit en creux, à travers les témoignages des proches ou des gens de la ville, ce qu'est devenu cet homme et pourquoi il est devenu l'ennemi à abattre.
Premier roman que je lis de cet auteur, j'ai eu comme une fulgurance. L'auteur s'empare des sujets qui hantent les États-Unis: le mensonge érigé en totem, la force pure contre l'esprit, les « fake news » gobées sans sens critique, la loi de la force brute, les armes, la valeur de la chasse (au gibier ou à l'homme) …
La virtuosité de l'auteur m'a accrochée d'un bout à l'autre du livre, particulièrement dans l'approche et la construction des deux personnages principaux, Adam et Ethan, qui ne se rencontrent pas puisque l'un enquête sur la disparition de l'autre, mais que le journaliste dessine à travers les paroles et les mensonges de ceux qui témoignent.
En bref, j'ai trouvé ce livre d'une grande intelligence et je reconnais qu'il m'a prise aux tripes rapidement et durablement.
Je vais suivre cet auteur….
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Un bon récit à la première personne qui permet à l'auteur de donner toutes les carte au personnage principal pour semer le doute chez le lecteur. Nous avançons à l'aveugle avec Adam Vollmann journaliste trentenaire qui retourne dans la ville de sa jeunesse pour réhabiliter son amour de jeunesse, accusé de viol et de meurtre. La première personne fait l'effet d'histoire vraie comme un témoignage. La frontière entre réalité et fiction est d'autant plus floue car mise en abyme par le personnage journaliste. Un récit entre rêve et réalité, vérité et mensonge, enquête et machination.
Si j'ai supprimé les étoiles c'est que je ne suis pas convaincue par la fin. J'aime quand c'est clair et qu'on nous dit tout. Là ce n'est pas le cas
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Ce livre est flippant.

J'ai failli douter de la réalité du monde, moi aussi.

Théories du complot, storytelling politique, ou quand la fiction s'empare de notre société et devient plus réelle que notre morne réalité... Vivons-nous dans une émission de télé-réalité, où tous nos faits et gestes son épiés, où il existe un scénario préétabli ? Dans un talk-show géant où chacun donne son avis sans réfléchir juste pour se faire remarquer ? Sommes-nous tous fous ou croyons-nous tous des fous ?

Dans ce récit, qui m'a parfois fait penser à La vie devant ses yeux de Kasischke pour le rapport qu'entretient le personnage principal avec son adolescence dans laquelle il semble prisonnier, on ne sait même plus qui est encore vivant, qui est vraiment mort...



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Un journaliste du New Yorker découvre sur les écrans de Times Square le visage de celui qui est recherché pour un crime récent et reconnaît en lui l'ami d'enfance. L'incrédulité le pousse à retourner au fin fond du Colorado, sur une terre qu'il a voulu oublier, pour faire la lumière sur cette histoire.

Démarrant de manière classique et éprouvée, l'enquête devient rapidement le prétexte d'une histoire bien étrange, où réel et illusion se mêlent. Peut-on encore opposer mensonge et vérité dans un monde post-factuel, où la réalité se crée, se modèle et se transforme devant nos yeux qui choisissent ce qu'ils voient ?

« Le monde n'existe pas » car la réalité est fiction, la fiction réalité. Ce roman est donc nettement plus exigeant qu'il n'y parait au départ. Peinture d'un règne de violence primitive, utilisée et confortée par l'ère du « fake ». Très intéressant.
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