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3,27

sur 658 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Un couple vieillissant, désenchanté du monde, installé dans un bout encore préservé de ce monde. Une petite chienne s'invite à leur foyer, le lecteur aussi, et il fait bombance : un texte qui ne se refuse rien de nos mots, de leur musique et de leur texture. Qui va chercher les plus rares et les plus familiers, tout mélangé dans une allégresse d'évidence. Une accumulation de mots qui chantent sur tous les tons, les nuances, les goûts et les odeurs des paysages, mais aussi bien les exubérances de la chienne et la dérision moqueuse du compagnon. Ou les tiques arrachées du ventre de la chienne, enfermées dans un bocal et grouillant de vie, la même vie que celle du papillon, de la chienne, la même que la mienne. Même les menaces qui assombrissent notre humanité en péril, que l'auteur n'oublie jamais, prennent des teintes de soufre et de noirceur fascinantes, sous sa plume.
Pas d'intrigue, pas de rebondissements dans ce livre. Les évènements, ce sont le passage des saisons, l'arrivée de la chienne, le constat du corps qui renâcle de plus en plus, le compagnonnage intense et intime avec la prairie et la forêt autant qu'avec le vieil amant.
Une malle aux trésors à découvrir, un par un, dans une lecture émerveillée.

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Ce livre m'a profondément touchée. Il dit si bien toute l'ambiguïté de mon état d'esprit aujourd'hui face à l'état d'urgence de notre Terre. Il nous alerte sur ce monde en déclin qui, inexorablement, court à sa perte mais il réconforte aussi, console par sa magnifique description de la beauté du monde et par la force des liens qu'il nous raconte.

Je me suis sentie proche de ce couple de 80 ans qui choisit de vivre loin de la société actuelle, installé dans une maison isolée des Vosges, "les Bois bannis".

Grieg passe sa vie dans les livres, il se sent de moins en moins appartenir au monde.
"J'ai tout à fait le droit de ne demander qu'une chose: qu'on me foute la paix. Et puis c'est quoi le monde?De toute façon j'en sors peu à peu de force, du monde. Il me fout dehors"

Quant à Sophie, elle choisit les plaisirs simples de la Nature. Malgré un corps inamical, elle parcourt inlassablement les forêts et les sentiers. Consciente de n'être rien de plus qu'un maillon du grand Monde elle observe, apprend et savoure.
" Je suis sûre d'être née comme ça. Je suis sûre d'être née avec le désir à jamais de rejoindre la densité brute et brûlante, épaisse et délicate, légère et taciturne toute dans l'émotion de vivre, dans la sensation de survivre, d'être là, dans ce qui exulte ou qui tremble, qui m'entoure sans la moindre altérité."

Ce couple s'aime profondément, respectueusement. Ils se regardent vieillir avec tendresse. Conscients des dégâts irréversibles causés à notre planète, habités d'une forte conscience écologique ils ne sont pas négatifs, catastrophistes. Ils ont fait le choix de vivre en retrait de cette société. Adeptes avant l'heure de la sobriété ils vivent de peu mais se nourrissent de Nature, de Culture et de tendres liens. Ils connaissent les menaces mais savourent la beauté du monde.
L'arrivée de Yes, boule de poils grise, chienne maltraitée, leur apporte énergie, joie et tendresse.

L'écriture est superbe, sensible et poétique. le récit n'est pas linéaire. La poésie cède la place à l'érudition. Les descriptions s'émerveillent et succèdent à des réflexions sur l'écriture.
"...C'est déchirant l'imparfait, et j'aime ce qui d'être perdu me déchire. Je suis un fantôme racontant les souvenirs d'un monde qu'il a connu."

Ce portrait affectueux d'un trio aimant, soudé est une belle ode à la vie, un appel à la lucidité, la résilience et à la résistance.
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Après Un ange à ma table, récit autobiographique de Janet Frame (autrice d'ailleurs évoquée dans ce roman , mais pour un autre récit), voici donc Un chien à ma table, où l'on retrouve les thèmes chers à l'autrice: la nature, les animaux, la vie retirée dans une maison isolée dans la montagne avec un compagnon, Grieg, féru de lecture , ainsi que l'écriture bien sûr.c
La narratrice, prénommée Sophie, est maintenant octogénaire et elle observe sa relation à ce corps plus aussi souple, qui peine à se mettre en marche le matin. Pourtant l'irruption d'une chienne de berger, victime d'un zoophile, dans la vie de ce couple âgé va leur insuffler une nouvelle énergie, instaurer une nouvelle relation au vivant. Cette chienne, aussitôt baptisée Yes, tant elle semble positive, va se montrer "affamée de langage", ce qui ne peut que réjouir l'écrivaine , Sophie.
Pourtant, en arrière plan de cet heureux trio , l'atmosphère , évoquée par petites touches, est lourde, le danger rôde, les temps ne sont plus à la réjouissance, mais "On peut très bien écrire avec des larmes dans les yeux."
J'ai retrouvé avec bonheur l'écriture de Claudie Hunziger, soulignant à tour de bras les formules qui émaillent ce texte , profitant pleinement de ses analyses et de son écriture tour à tour poétique et ancrée dans le réel. Un roman qui file sur l'étagère des indispensables.
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Dans les auteurs contemporains, je trouve que Claudie Hunzinger a l'une des plus belles plumes, quand elle se perd dans les brumes des Vosges et nous parle du monde, de la nature, de notre rapport à l'animal....
La narratrice et son compagnon, dans les 80 printemps tous les deux, vivent dans un recoin de montagne, dans une ancienne ferme d'anabaptistes où lui se refuse au monde et se réfugie dans les livres et d'où elle part parfois, pour faire le plein de provisions dans la vallée ou pour assister à des rencontres littéraires.
En ombre portée sur le roman, le lecteur comprend vite que le monde, là bas, en dehors de la nature, perd sérieusement la boule, sans qu'on sache jamais trop exactement ce qui s'y passe. Covid? Autre chose? Ensauvagement de notre espèce en tout cas, comme Yes, petite chienne en fuite recueillie un soir, son corps meurtri, peut en témoigner. La femme et l'animal s'apprivoisent, s'entendent, courent la montagne ensemble, tandis que la plume digresse, se promène, s'interroge...
Vraiment très bon!
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Un chien à ma table est une leçon de vie garantie 100% humanisme. le livre d'une vioque qui pose sur le monde le regard émerveillé d'une gamine de 80 piges, un émerveillement lucide parce que les signes du danger climatique sont là. Les interrogations sur la survie des espèces ou sur la capacité des générations futures à appréhender les défis écologiques traversent l'ouvrage. Mais, bordel que la montagne est belle chez Hunziger ! Tellement que l'on arriverait presqu'à la fredonner, manière de se rappeler que, du temps de Ferrat déjà, les enjeux écologiques inquiétaient.
Un livre d'une vioque, donc, mais plus proche des Vieux Fourneaux que de Carmen Cru. Une vioque qui écrit un roman d'amour. Amour pour son chien, amour pour son éternel fiancé, amour pour la nature. Une vioque que l'on inviterait bien sur le Larzac voisin afin de marcher en silence dans ce faux désert kartique et parler avec elle du pastis des Homs, des cardabelles, des loups, des vautours, des slogans d'hier « Faites labour, pas la guerre », et surtout à qui, on oserait parler, en toute camaraderie, du chagrin d'avoir dû faire euthanasier Cayenne, un Royal Bourbon qui accompagna tant de nos errances.
Un Chien à ma table est aussi le livre d'une militante à qui sont pardonnées toutes les références qui émaillent l'ouvrage. Habituellement, l'étalage de tant de connaissances culturelles me font basculer dans le rejet façon vieux schnock (j'aime bien ce terme qui démarre si lentement, lèvres en avant puis langue qui claque comme une torgnole sur une joue de petit con) mais là, j'ai accueilli ces indications comme la volonté louable d'enseignement. On ne se refait pas Claudie, prof un jour, prof toujours !
Enfin, les passages les plus beaux sont sans doute ceux où l'auteur décrit les transformations physiologiques qui accompagnent le temps qui passe. Peut-être qu'ils ne résonnent pas pour tous de la même manière et que j'aurais sans nul doute conclu différemment si la séance de bûcheronnage d'hier ne pesait pas sur mes lombaires de jeune… vioque.
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Un crépuscule qui s'embrase joyeusement
Ce livre à la grâce d'une clairière dans une forêt dense, il éclaire le crépuscule d'une vie qui n'a pas abdiqué.
C'est un seuil où mémoire, respect, résistance, fantaisie et bien d'autres fleurons vous invitent à percevoir le monde avec ses sons, ses couleurs, ses odeurs en une symphonie pastorale régénérante.
Sophie et Grieg, octogénaires, se sont installés à Bois-Bannis dans les Vosges, dans une tanière à leur image.
Plus de soixante ans de vie commune dans le respect et l'amour. Chacun son rythme, sa vie mais toujours là l'un pour l'autre.
« Grieg pouvait avoir autant de rides qu'il voulait, il resterait à jamais à mes yeux un vieux gamin intraitable, adoré réfractaire à tout pouvoir, à toute bataille, à tout engagement, qui me disait : Ne jamais se laisser prendre par une idée, par un courant, par un groupe, par une vague. Toujours se cavaler ! Personne au cul ! »
Lui lit devrait-on dire plutôt relit inlassablement la nuit, elle écrit et inlassablement observe la nature, la vie qui l'entoure.
Un jour une petite chienne maltraitée surgit Sophie la baptise Yes, c'est un oui à la vie, c'est une explosion de joie dans ce qu'elle a de plus pure.
Tous les trois dans leur tanière vont vivre hors de tout temps chronométré, Sophie exerce son oeil et sa plume à interroger la vieillesse, la condition féminine, et le pourquoi d''une vie qu'ils ont menée en marge d'un monde qui ne leur convient pas, ancrés dans cette terre, cette nature qui leur apporte tant.
L'âne Utopie m'a fait beaucoup pleurer.
Le lieu ici est source de vie, c'est une invitation à être dans l'essentiel, la source, l'élixir.
Vivre en osmose avec cette nature qui nous offre tout, la respecter, ne pas la détruire, ne pas scier la branche sur laquelle on est assis.
Cette vie en lisière est visiblement moins effrayante quand on est au coeur de la nature, l'auteur nous y raconte la beauté, la douceur sans édulcorer la réalité, vieillir c'est être en lisière par la force d'un monde qui tourne en niant l'humain et la nature au profit de l'argent et du consumérisme.
Dans la construction il y a la magie de ce qui n'est pas calculé, pas question d'ordonner, la vie jaillit comme Yes avec sa danse de la séduction, c'est tout fou mais tellement joyeux.
Cela donne de la légèreté à un propos, une réflexion profonde sur la vie.
« Des vioques. J'aime beaucoup ce mot, vioque, il dit l'effarement insoluble de l'enfant qu'on est resté. »
Sophie nous parle d'ancrage et de vulnérabilité et ce n'est pas incompatible.
Claudie Hunzinger a voulu « écrire un livre qui fasse battre les coeurs » et c'est cela, elle a réussi à nous faire vivre ce qu'elle raconte, à nous offrir des émotions pures, du rire aux larmes par la beauté des mots.
Le crépuscule d'une vie et d'un monde dans une joie réelle, sans artifice avec beaucoup de saveur, saisie au bond avec des instants qui filent comme des notes de musique qui n'en finissent pas de nous imprégner.
En refermant ce livre, le lecteur reconnaissant dit : merci madame.
©Chantal Lafon



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#Unchienàmatable #NetGalleyFrance
Merci avant tout à Netgalley France et aux Éditions Grasset pour m'avoir permis de lire ce livre.
Je découvre avec ce livre la plume de Claudie Hunzinguer poussée d'abord par une amie qui n'a cessé de m'en parler, et surtout sa présence dans les sélections de trois prix littéraires Renaudot, Médicis et Fémina 2022.
Une écriture très poétique, travaillée, très visuelle, avec de nombreux rapports avec la nature, les fleurs.
Une grande connaissance des plantes est indéniable.
Roman ou autofiction, l'histoire raconte la vie retirée du monde, d'un couple vieillissant, lui désireux de rester en dehors du monde, à l'intérieur de ses livres, elle plus sauvage, à l'affût des pertes, des changements de ce monde à cause de l'homme et de ses irresponsabilités. Un jour, un chien se présente à leur porte, une jeune chienne, très certainement violée, ou maltraitée par un zoophile, maigre, affamée. Elle repartira, pour ensuite plus tard revenir, et doucement, elle se posera à leurs côtés. D'abord à côté de Sophie, puis à côté de Grieg. Comme une parenthèse de vie à trois, où chacun protège les autres, sans les perdre de vue. Lui grand lecteur, elle écri-vaine comme elle se définit, sorte de portrait de l'auteure elle-même et de son compagnon.
Tentative de repli sur soi-même pour échapper à la folie du monde, qui pour Sophie se soldera en fait par une volonté quasi-animale d'observation de la nature d'abord, puis de tout être humain, ou tout animal passant près de leur demeure.
L'un des thèmes est celui de la langue, celle écrite où se réfugie Grieg, celle de Yes qui tente de comprendre peut-être les verbiages de Sophie, celle de Sophie qui tente de comprendre le monde et son changement pour pouvoir le décrire, le rendre visible à travers ses mots d'écri-vaine.
Un autre thème fort est celui de l'amour, celui de la vie ensemble. La vie ensemble de plusieurs êtres, de la perte de soi, en vivant ensemble, de l'ensauvagement de Sophie, elle qui a souffert de solitude, de la volonté de Grieg de se réfugier dans les livres lui qui rêvait de voyages et d'aventures. le thème de l'isolationnisme, du survivalisme est abordé, avec ses ombres et ses lumières, avec ses incohérences, et ses bonnes idées. Pas de réponse sur quoi faire face au changement du monde, juste cette phrase superbe : "l'absurde est beaucoup trop léger pour les humains."
Et le rideau de ma chronique se baisse sur la chanson de Dominique A, les éveillés, citée en toute fin du livre, où se trouve cette phrase magnifique : "Nous n'avons pas le droit de nous perdre de vue".
Un très beau livre qui met l'accent sur ce que nous ne devons pas perdre de vue.
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Claudie Hunziger réalise l'exploit d'explorer divers thèmes en les questionnant, au cours d'une histoire simplissime, laissant toutes la place aux réflexions profondes qui naissent après l'apparition d'une chienne blessée dans le quotidien routinier d'un couple au grand âge. marginaux, ils se sont perdus dans la nature, volontairement, vivant de marche et de littérature.
Deux premiers thèmes explorés, la nature sauvage, et la place de l'Homme dans cette dernière. Ensuite, le regain de vitalité que la chienne apporte à Sophie, et enfin sa capacité à combler les failles de ce couple vieillissant.

Une preuve que la nature et l'Homme peuvent s'aimer, à condition d'un respect mutuel.



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Nous avons l'impression de retrouver le couple de la Survivance, d'ailleurs le mari dit à son auteur de femme : "tu ne vas pas encore me faire mourir."
La nature est tout autour de la maison. Nous sentons l'odeur de la prairie, le craquement des brins d'herbe sous les pas. les os qui craquent. le corps qui ne répond plus comme avant.
Les livres, la littérature, les animaux. Un couple.
Claudie Huntzinger nous emmène dans ses escapades. Nous nous faisons petite souris pour apprécier chacune de ses découvertes, rencontres, émerveillement.
Nous aimerions avec une carte retrouver la ferme, son cimetière et sa fontaine.
Une très belle lecture.

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Ce livre n'est pas recommandé pour les enfants. Tout d'abord à cause de l'extrême violence pouvant expliquer pourquoi un chien choisit de se retrouver là où des humains ont décidé de se perdre. Ensuite parce qu'il s'agit de pensées et de regard aiguisés à l'aune d'une vie de personne âgée, pétrie d'une érudition ayant sa part de mystère pour celui qui n'a pas cette richesse, et s'en stimule.
Ce livre est pénible parce qu'il est recommandé de ne sauter aucun paragraphe et d'entrer au préalable dans l'accompagnement d'une attitude plus que dans une action.
Mais une fois averti, prêt à se laisser embarquer dans un certain inconnu du non convenu, le lecteur peut vibrer à la description de ce qu'une vie dense en réflexion peut apporter à l'apparence simple du quotidien.
Il se peut qu'il y ait tentation à accuser Claudie Huntzinger de vouloir faire le procès de la société et des personnes qui ferment les yeux devant toutes les pertes engendrées par un système. Cependant il s'agit juste d'avoir le droit de vivre autrement et d'exprimer son bonheur, de le partager avec ceux qui le souhaitent. Et c'est tout à l'honneur d'une auteure de se risquer à ce que cet écrit ne soit point vain.




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