Colombe et la horde

Colombe va avoir 18 ans. elle vit dans une famille d'adoption. Une famille simple mais gentille. Elle est vendeuse dans une boulangerie. Sa vie lui convient, elle se contente de ce qu'elle a. C'est à dire pas grand chose...Mais Colombe est une naïve qui connait peu la vie. Son rêve ? Un voyage en Espagne ...
Elle est amoureuse d'Etienne, un client qui ne la regarde même pas, fou de tuning et dont la seule motivation est de réussir des paris débiles en épinglant le maximum de filles à son "tableau de chasse."
Il y a aussi Edmond, un gamin binoclard un peu précoce, qui s'intéresse beaucoup à Colombe, en vain...
Et puis il y a la horde et là on tombe dans un autre monde. La famille Groseille puissance 10. " Des bêtes ! une horde de bêtes qui vivent dans une porcherie pouilleuse à l'entrée de la ville..." Indescriptible et inimaginable que cette famille.
C'est celle de Colombe !!! Qui aura le tort de les rencontrer.
Et là les choses s'emballent, l'avenir s'assombrit pour la jeune fille.
Une histoire très noire, cruelle et désespérante.
Une histoire de sexe et de mensonge.
Une BD petit format, un dessin en bichromie -jaune et noir -. Un cauchemar sur papier...

Je ne saurais mieux dire de cette BD qu'un simple "Attention, drame". En effet, et malgré la quantité d'annonces qui avaient précisées que la BD était dramatique à souhait, j'ai tout de même été surpris par la noirceur du ton et la violence de cette BD.
Exploitant la veine du drame social, dans une famille bien caricaturale d'une France profonde, mais aussi dans des personnes dépeintes (Colombe gentille et un peu retardée, ses parents adoptifs qui l'exploitent, son amour qui est un beau salaud...). C'est un portrait bien noir d'une certaine France d'en-bas, où le tragique est quotidien.

Sur cette idée, Simon Hureau nous dresse quelques personnages dans toute la misère de leurs vies, et progressivement dévoile la tragédie qui se tisse en arrière-plan, comme une destinée fatale qui ne peut que nous attendre. C'est très surprenant et j'ai vraiment aimé le basculement permanent entre la noirceur du propos, les petites échappées de bonheur qui semblent presque trop belles et le retour à la réalité crasse.

Le dessin est dans la même veine que Intrus à l'Etrange, première BD de l'auteur que j'ai découverte, et contient aussi quelques défauts selon moi. Comme le fouillis de certaines cases, notamment avec ce format de BD très petit. Mais c'est une petite insatisfaction que j'ai quant à ce dessin, qui est globalement très bon et retranscrit très bien les atmosphères. L'auteur arrive très facilement à nous faire glisser dans le sordide rien que par des choix d'expressions graphiques, et j'aime beaucoup.

Si le glauque ne vous dérange pas, si vous n'êtes pas allergique à la noirceur, cette BD est faite pour vous !

La bichromie jaune et noire est très intéressante (bon il faut bien un peu de blanc pour sous-tendre l'ensemble, on peut donc peut-être parler de trichromie... à moins que le blanc et/ou le noir ne soit pas considérés comme des couleurs pour certains... je m'égare...).
Pourtant, je n'ai pas compris le manque de point de vue de l'auteur qui s'est, dit-on, inspiré d'une histoire vraie. Tout manque ici de réel. Tout braille, tout beugle, tout transpire la médiocrité et la cruauté. Mais pour démontrer quoi ? Que la vie est une non-histoire ?
Dommage que ce beau dessin n'est pas été soutenu par un scénario plus construit...