Avenue des mystères, sans atteindre les meilleurs Irving, porte dans ses pages tout ce qui fonde mon admiration pour cet écrivain :
> une immersion totale dans ses décors (ici le Mexique et les Philippines, une décharge et un orphelinat tenu par des jésuites à Oaxaca, des sanctuaires catholiques, des avions, un cirque, des hôtels de luxe, etc)
> des personnages uniques, porteurs d'une symbolique riche, et gravés à l'eau-forte avec des détails précis, hyperréalistes tout en pouvant s'avérer totalement saugrenus, absurdes, irrationnels voire surnaturels
> une capacité à faire accepter ce surnaturel (fillette extralucide, personnages sortis de nulle part et disparaissant en un claquement de doigt, miracles, fantômes...) au milieu du quotidien le plus banal... à moins que tout cela ne soit qu'un rêve
> capacité tout aussi admirable à truffer les scènes tragiques de diversions grotesques et amusantes et réciproquement, avec l'humour pince-sans-rire à la Irving
> une fluidité du texte qui glisse de lieu en lieu, d'époque en époque, d'un personnage à l'autre, en d'incessants aller-retour et sans jamais lasser ni perdre le lecteur (justement grâce aux qualités décrites plus haut).
> des réflexions profondes sur la différence (handicap, milieu social, orientation sexuelle, couleur de peau, religion...) et la discrimination ; mais aussi sur le courage, l'engagement, la fidélité, le poids de la religion et, bien sûr, le pouvoir de la lecture et de l'écriture
> des obsessions irvinguiennes sans lesquelles on serait presque perdu : littérature, sexe, religion, notamment (mais il n'y a ni ours, ni voyage à Vienne).
En résumé : c'est bien du
John Irving et c'est toujours un grand plaisir de le lire.