Dans ce monde à l'esprit pourri, une femme ne saurait être que l'épouse ou la putain d'un homme - du moins ne tarde-t-elle pas à devenir l'une ou l'autre.
L’imagination, il s’en rendait compte, est plus paresseuse que la mémoire.
Écrire, il le savait depuis toujours, est une occupation solitaire.
Dans le monde selon Garp, une soirée pouvait fort bien être d'une gaîté folle et le lendemain lourd de menaces.
"Le crapaud était plutôt fort aujourd'hui"
- Tu te souviens, lui demanda Duncan dans l'avion, Walt demandait toujours s'il était vert ou marron ?
Garp et Duncan éclatèrent tous deux de rire. Mais il n'était ni vert ni marron, se dit Garp. C'était moi. C'était Helen. Il avait la couleur du mauvais temps. Il avait la taille d'une automobile.
Entre les hommes et les femmes, avait un jour dit Jenny Fields, seule la mort est l'objet d'un partage équitable.
« Il est malhonnête d’exploiter la vulnérabilité émotionnelle des gens » avait écrit Jenny Fields, comme toujours polémique.
Assise toute nue sur le fauteuil, elle peigne l'extrémité de sa queue de cheval, qu'elle soulève par dessus son épaule. Elle pivote dans le fauteuil, se renverse en arrière et pose ses pieds sur le lit aquatique. Le chien lui lèche ses longs orteils. D'un coup de pied elle envoie le chien valser loin du lit.
Garp lui expliqua ce que l’on éprouvait à commencer un roman.
-C’est comme d’essayer de ramener les morts à la vie, dit-il. Non, non, ce n’est pas exact, c’est plutôt comme d’essayer de maintenir tout le monde en vie – à jamais. Même ceux qui sont destinés à mourir à la fin. Ce sont ceux-là qu’il importe le plus de maintenir en vie.
La mère de Garp, Jenny Fields, fut arrêtée en 1942 à Boston, pour avoir blessé un homme dans un cinéma. Cela se passait peu de temps après le bombardement de Pearl Harbor par les Japonais, et les gens manifestaient une grande tolérance envers les militaires, parce que, bruquement, tout le monde était militaire, mais Jenny Fields, pour sa part, restait inébranlable dans l'intolérance que lui inspirait la conduite des hommes et des militaires en particulier. Dans le cinéma, elle avait dû changer trois fois de place, mais, le soldat s'étant chaque fois rapproché un peu plus, elle avait fini par se retrouver le dos contre le mur moisi, avec, entre elle et l'écran, un stupide pilier qui lui bouchait pratiquement la vue ; aussi avait-elle pris la décision de ne plus bouger. Le soldat, quant à lui, se déplaça une nouvelle fois et vint s'asseoir près d'elle.