Véritable phénomène au Japon, le manga Beastars débarque en France grâce aux éditions Ki-oon.
Beastars est l'oeuvre de la mangaka
Paru Itagaki qui commence sa carrière en publiant Beast Complex dans le magazine Weekly Shonen Champion d'Akita Shoten en 2016.
Quelque mois plus tard, elle entame une série qui remporte un succès immédiat auprès du public et de la critique : Beastars.
Actuellement, l'aventure de Tegoshi et de ses camarades compte 12 volumes et a déjà reçu plusieurs prix prestigieux tels que le prix
Osamu Tezuka ou le prix Manga Taishô 2018.
Tentons à présent de comprendre comment Beastars est devenu l'un des mangas les plus populaires au pays du sole
il levant…
L‘école des animaux
Dans Beastars (maligne contraction de Beast et Stars…ou encore Be a stars), le lecteur plonge dans un monde anthropomorphes où les personnages sont en réalité tous des animaux divisés en deux catégories : les herbi(vores) et les carni(vores). Dans cet univers, les carnis n'ont pas le droit de manger de la viande, ce qui rend tout de même plus aisée la cohabitation avec les herbis.
L'institut Cherryton fait pourtant face à un drame suite au sauvage meurtre de Tem l'alpaga qui a fini dévoré sans que personne ne sache qui est le vraie responsable de cet acte barbare.
Certains, pourtant, on déjà des soupçons puisque dans le club de théâtre dont faisait partie Tem se trouve également Legoshi, un loup gris taciturne qui doit forcément caché de v
ilains secrets. Pour ramener le calme à l'institut, tous compte sur le prochain Beastar, l'élève le plus talentueux et respecté de l'école qui pourrait bien être Louis, le cerf rouge le plus en vue du club de théâtre.
Mais s
i Legoshi arrive dans un premier temps à calmer les esprits, c'était sans compter sur une rencontre imprévue avec une lapine particulièrement attirante : Haru.
Pourra-t-
il refréner ses instincts animaux pour démasquer le véritable assassin de Tem ?
Car dans Beastars,
il est beaucoup question d'instinct et de nature profonde.
Paru Itagaki recycle le principe anthropomorphique d'Orwell pour creuser des thématiques humaines et transformer son institut en un laboratoire d'allégories et de métaphores toutes plus passionnantes les unes que les autres. Au coeur de la série se trouve une notion centrale : l'être vivant peut-
il dominer ses pulsions naturelles devant les normes sociétales imposées ?
Et la réponse n'est pas du tout évidente…
Questions d'apparences
L'immense force de Beastars, c'est de jouer sur les conventions humaines en reprenant à son compte des comportements animaliers archi-connus.
Dès le premier volume, on comprend que tous les personnages sont victimes des à priori sur leurs apparences.
Legoshi, personnage principal de la série, est un loup gris imposant aux longues griffes…qui pourtant s'avère timide, réservé et doux comme un agneau.
En face, Louis le cerf, paisible herbivore au port altier s'avère bouffé par le stress en coulisse et bien moins sûr de lui que l'on pourrait le croire.
Citons également Haru, superbe personnage qui transforme une douce lapine en croqueuse d'hommes en faisant ainsi une traînée de service…selon ses camarades de classes.
Mais le vrai tour de force de
Paru Itagaki, c'est de réunir des thématiques adolescentes ET adultes tout en ut
ilisant à fond ses personnages d'animaux pour mettre en évidence clichés et préjugés.
Une f
ille qui a envie de coucher avec des garçons est-elle une pute si elle assume son propre désir ? Un mâle qu
i lutte contre ses instincts de prédateur est-
il condamné à devenir un violeur ? Un élève-modèle est-
il condamné à toujours réussir sans fa
illir ?
Le nombre de questions soulevées au cours de l'aventure ne cesse de croître tant et si bien que la question du meurtre initial devient très accessoire. le véritable objectif de Beastars, c'est avant tout de disséquer les conventions sociales.
Théâtre, sexe et carnivores
Pour entretenir son suspense et étendre son univers,
Paru Itagaki creuse les relations entre les élèves de l'institut, introduit régulièrement de nouveaux personnages principaux et multiplie les intrigues.
Après la pièce de théâtre servant de révélateur sur la nature profonde des uns et des autres, elle emmène ses personnages à l'extérieur de l'institut dans le monde des adultes…et les choses se compliquent encore et encore.
Ici, Beastars se penche autant sur la misère que sur l'hypocrisie ordinaire.
Les adultes tolèrent par exemple l'existence d'un marché noir vendant de la viande alors que l'institut l'interdit strictement aux adolescents. Comme s
i l'âge adulte rimait avec plaisirs interdits et fautes morales.
Mais le plus génial dans cette excursion, c'est certainement de faire en sorte que les miséreux vendent littéralement leur corps dans la rue…et la réaction des acheteurs potentiels. Beastars n'est jamais aussi fort que lorsqu'
il présente frontalement des problèmes de société courants.
Mieux encore,
Paru Itagaki arrive à ne jamais tomber dans le soap et construit patiemment des personnages bourrés de contradictions devenant ainsi attachants en diable pour le lecteur. En tête, le couple Legoshi/Haru, à la fois totalement improbable et passionnant à suivre. On citera également quelques histoires indépendantes comme celle de la poule fière de son trava
il mais incapable de révéler au principal intéressé l'étendue de son talent.
Chaque moment de Beastars réjouit le lecteur, et c'est, mine de rien, une sacrée prouesse encore décuplé par le trait magnifique de son auteure.
Véritable révélation,
Paru Itagaki livre ici un univers aussi riche qu'intelligent parsemé de personnages passionnants.
Sous un trait particulièrement léché, voici une série avec des animaux qui explore l'humain et la société moderne comme rarement.
Un vrai régal !
Lien :
https://justaword.fr/beastar..