Nouvelle lecture d'un recueil de
Junji Ito, et c'est encore très réussi. Assez addictif, en fait ! Publié en 2010 en France par Tonkam, le recueil date de 1998 au Japon, et est constitué de sept récits créés entre 1988 et 1993...Mon Dieu que de temps perdu pour pouvoir apprécier ces pépites par chez nous !
Dans le récit éponyme, nous sommes dans un étrange village où chacun voit son sang s'échapper d'une manière aussi insolite qu'horrible, un arbuste poussant de leur corps, chargé de fruits chargés de ce sang.
Junji Ito revisite le mythe du vampire dans ce récit étonnamment assez romantique. Dans l'épreuve du dédale, des jeunes égarés en forêt tombent sur un temple bouddhiste. L'environnement sectaire des moines leur semble assez inquiétant...il vont chercher à s'échapper, mais le sous-sol est un dédale, et il se pourrait qu'ils soient observés...
Dans l'épée de réanimation, un jeune passionné du phénomène des feux-follets, en allant en chasser en voit tomber d'un coup des dizaines, au même endroit, comme aimantés. Surprise, ils rechargent en énergie l'épée d'un homme étrange, épée qui a le pouvoir de réanimer les morts. Notre jeune homme d'abord effrayé va vouloir devenir calife à la place du calife...
Dans le testament, la jeune Taeko s'est suicidée en se jetant sous un train, tenant à la main un papier peu lisible et énigmatique. Sa soeur Hiroko et ses parents qui lui ont longtemps caché qu'elle avait été adoptée se sentent responsable de sa mort, d'autant que bientôt chaque soir un fantôme apparaît pour les culpabiliser. Mais Hiroko avait une amie très proche, Keiko, avec laquelle elle s'était brouillée...Curieusement, son père, un voisin, vient annoncer à la famille que Keiko est morte. Lui aussi est au prise avec un fantôme. Une histoire de fantômes, de coïncidences et de vengeance par-delà la mort.
Dans le pont, tout un village de zombies se rassemble sur le pont pour réclamer la vieille Osodé. La tradition veut qu'on allonge une personne décédé sur un tatami, et, sans l'y attacher, qu'on le laisse filer sur le cours d'eau vive. Mais avec le courant, certains défunts versent dans la rivière, après avoir heurté un pilier du pont, ou s'être orientés en travers. C'est arrivé jadis à Shokichi, le premier amoureux d'Osodé. Irrépressiblement, elle sent que son heure est venue. Elle préfèrerait ne pas subir ce rite et tomber dans la rivière. Les villageois y voient pourtant pour elle le moyen d'épouser son amour de jeunesse dans l'au-delà. Un beau récit, nimbé d'étrangeté et évoquant le monde des traditions toutes nippones.
Dans Logique diabolique , une élève, Kazué Morimoto, se suicide en se jetant d'un toit de son établissement scolaire, sous les yeux de ses camarades. La prof Sakurai semble avoir tenté de la retenir. A côté du corps, une cassette s'est échappée du sac de la victime. Un copain la récupère...fébrilement, car c'est lui qui l'avait glissé, par curiosité, pour espionner le rencart que Kazué devait avoir quelques heures avant le drame. En l'écoutant, il va se trouver confronté à la mort personnifiée, pour son malheur.
Dans la même salle est assez terrifiante. Une chambre d'hôpital héberge les deux femmes impliquées d'un accident de voiture, légèrement blessées, elles se renvoient la responsabilité et se disputent. Mais elles la partagent avec quatre autres femmes allitées, qui semblent connectées entre elles, rêvant de la même chose et se parlant la nuit. Elles vont s'avérer autrement plus inquiétantes...La situation vire bientôt à l'épouvante...
Un grand plaisir de lecture, qui mêle l'horreur et l'angoisse, sans renoncer entièrement, à la marge, à des sentiments plus doux ou nostalgique, qui m'encourage à poursuivre l'exploration de cette oeuvre riche, notamment avec les sorties récentes et à venir de la nouvelle maison d'édition Mangetsu.