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°°° Rentrée littéraire 2019 #14 °°°

«  Homme, es-tu capable d'être juste ? C'est une femme qui t'en fait la question . » a dit Olympe de Gouges. Là, c'est un homme qui en fait la question, l'historien et écrivain Ivan Jablonka.

L'objectif de cet essai est éminemment respectable après le tournant majeur amorcé par le mouvement #metoo : repenser la masculinité, inventer de nouvelles formes de masculinités pour faire des «  hommes égalitaires, hostiles au patriarcat, épris de respect plus que de pouvoir. Juste des hommes, des hommes justes. »

Cet essai est très ambitieux puisque l'auteur adopte un point de vue global, piochant des exemples du monde entier dans les domaines de l'histoire et de la sociologie. Il se compose de quatre parties :

- « le règne de l'homme » sur les origines de la mise en place du patriarcat et de la domination masculine, depuis le Paléolithique, toutes civilisations et religions comprises

- « la révolution des droits » sur la naissance du féminisme et des conquêtes vers plus d'émancipation féminine

- « les failles du masculin » sur la crise de la masculinité à mesure que les femmes acquièrent visibilité et droits

- « la justice de genre » sur ce vers quoi nos sociétés actuelles devraient tendre pour en finir avec le patriarcat et mettre en place une réelle égalité

Les trois premières parties relèvent d'un énorme travail de documentation très rigoureux afin d'extraire des exemples concrets et précis ainsi que des chiffres irréfutables. Si le propos est clair, pédagogique avec des sous-parties courtes, j'ai trouvé cette accumulation d'informations un poil indigeste ou du moins répétitives. Souvent j'aurais eu envie ou besoin d'un approfondissement pour développer certains points passionnants. Mais ce n'est pas le parti pris d'Ivan Jablonka qui a voulu plutôt un ouvrage exhaustif et il semble l'être.
Il est sans doute pertinent de ne pas lire ces trois parties d'un coup mais d'y revenir pour trouver des informations ponctuelles.

La quatre partie est pavée de bonnes intentions, impossible de réfuter quoi que ce soit concernant la nécessité impérieuse de bouger les lignes, notamment en éduquant mieux nos garçons pour qu'ils deviennent des hommes justes. Beaucoup de lieux communs cependant ou de déclarations d'intention évidentes. Mais cet ouvrage est nécessaire, car, pour amorcer un changement, il faut bien qu'il y est un début. Et Des Hommes justes en est un, qui appellera sans aucun doute d'autres ouvrages peut-être plus profonds ou proposant réellement de vraies solutions innovantes. Il fait réfléchir le lecteur sur cette question de la justice de genre, oblige à penser à ses propres pratiques, à son propre comportement et ça fait du bien que ce soit un homme qui le dise de façon aussi forte.

En fait, ce qui m'a le plus touché et intéressé dans cet essai, c'est son épilogue à la première personne. Ivan Jablonka évoque son décalage dès le plus jeune âge avec les us et coutumes de la virilité. Il parle de sa paternité. Et là, le propos universitaire respire, s'incarne : «  Devenir le père de mes filles a été le grand événement de ma vie. Il me reste quelques années auprès d'elle, soucieux de mettre en oeuvre ce que je professe. Avant que je sorte de ce monde, j'aurai peut-être la chance de voir nos fils devenir des hommes justes, et nos filles, des femmes libres.

Important car défricheur.

Lu dans le cadre du jury Grand Prix des Lectrices Elle 2020 ( n°3 )
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J'ai reçu cet essai à lire dans le cadre du Grand Prix des Lectrices 2020 du magazine Elle. Chacune des participantes fait partie d'un jury mensuel et reçoit 3 livres de littérature générale, 2 polars/thrillers et 2 essais. Elle doit alors les lire et sélectionner son préféré dans chacune des catégories. Les livres sont ensuite envoyés aux autres jurées des autres mois qui doivent aussi les lire et leur attribuer des notes. Mes collègues du jury du mois de septembre ont donc sélectionné l'essai « Les hommes justes » d'Ivan Jablonka. L'autre essai en lice était “Soir de fête”, de Zineb Dyief et Mathieu Deslandes aux Editions Grasset, qui n'a donc pas été retenu.

J'avoue que des deux essais, « Soir de fête » me tentait plus que celui-ci. Pourquoi? Peut-être parce que je n'ai pas l'âme d'une féministe convaincue. J'en avais entendu malgré tout beaucoup de bien, ce qui m'a un peu rassurée. Pour ceux qui me suivent sur mon blog, vous l'aurez sûrement constater que le domaine des « essais » n'est pas un univers que je lis très souvent. C'était donc un exemple criant pour sortir de ma zone de confort.

Ma lecture fut quelque peu laborieuse. Attention, ce n'est pas le travail de l'auteur qui est à remettre en cause. Je pense que c'est sûrement parce que je ne me suis jamais très intéressée au féminisme et à toute son évolution au fil des années. En plus de compter un nombre important de pages, c'est un livre très dense. Les exemples développés sont nombreux, l'auteur les puisant dans les religions, la sociologie, l'histoire.

Je l'ai souvent parcouru en piochant les passages qui m'intéressaient plus, le laissant parfois deux ou trois jours sur ma table de nuit pour en revenir ensuite plus tard. Finalement, les inégalités hommes-femmes sont ancrées depuis le Paléolithique.

Le livre est découpé en 4 parties : le règle de l'homme, la révolution des droits, les failles du masculin et la justice de genre. Malgré un découpage en sous-parties plus courtes, l'accumulation d'informations a été pour moi trop conséquente, au point que finalement, je ne sais pas si j'en retenu grand chose. Sous la forme d'un travail didactique, il n'est pas toujours facile d'y consacrer que le temps d'un trajet en transport en commun, surtout si le casque antibruit est resté bien sagement à la maison (pauvre de moi!).

Le travail de recherches à l'écriture de ce livre a dû être pharaonique quand on regarde les références et l'étendue dans lesquelles l'auteur s'est plongé. Historien de formation, il n'hésite pas à remonter très loin dans l'histoire pour les prémisses de la patriarcat. Je pense avoir eu beaucoup de mal à adhérer à ma lecture par le côté très intellectuel de ce livre. Effectivement, quand je lis, j'aime me déconnecter de mon quotidien et m'évader intellectuellement. Or, dans le présent ouvrage, difficile de le lire sans devoir rester concentré et attentif. J'ai l'impression que c'est un livre qu'on parcourt au fil de ses envies, sans forcément le lire d'une traite.

Clairement dans l'air du temps, l'auteur a voulu, à côté de cela, tenter d'éclairer de sa lumière, un sujet longtemps tabou qui a finalement été mis sous les feux des projecteurs par le scandale du hashtag #MeToo en 2017. le chemin est encore long et doté de nombreux obstacles mais quand on observe d'où l'on vient, c'est déjà un bond de géant accompli.

Je tire malgré tout mon chapeau à Ivan Jablonka pour son travail titanesque, même si pour moi, cet essai ne restera pas parmi mes coups de coeur de l'année et plus particulièrement, de la rentrée littéraire.
Lien : https://www.musemaniasbooks...
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« Où sont les hommes?.. »…( chanson détournée)

Un bon point de voir un homme s'attacher à un certain militantisme féministe. C'est suffisamment rare pour être souligné. Apparaît aussi une certaine crainte existentielle: « Mais que vais-je donc devenir?

Plus sérieusement, voici un gros essai très documenté qui tente de définir et compiler les inégalités entre hommes et femmes et leurs évolutions. De la domination masculine posée en principe de base historique jusqu'aux mouvements revendicatifs actuels, le travail de Ivan Jablonka nous interroge sur une nouvelle définition du statut masculin face aux positions d'exigence des femmes et au changement des mentalités en famille, au travail, en intimité.
Le livre est riche et exigeant, de par sa taille et par les informations collectées sur fond de science, de société et d'Histoire. J'y ai pioché des passages passionnants et d'autres beaucoup plus roboratifs.

Chers messieurs, il vous faut évoluer! Votre vision est rétrograde et il vaut mieux s'interroger sur soi que de subir un changement imposé et espérons-le, inéluctable. Ce n'est pas moi qui le dis...

Tout cela s'annonce fort louable, cher auteur. Merci au moins d'avoir essayé. Un essai dans l'air du temps.
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Les questions sur le genre ne manquent pas dans l'actualité et font débat. Effet de mode ou symptôme d'une évolution de la société ? Entre la vague #MeToo et l'activisme LGBT, difficile pour nous de faire l'autruche.
Alors qu'on parle très facilement de "masculinité toxique" dans les médias anglo-saxons, j'ai rarement vu cet aspect de la question débattue en France. En cela, l'essai d'Ivan Jablonska est aussi intéressant qu'il est nécessaire.

Pourquoi est-il aujourd'hui nécessaire de faire face à un état des lieux des rapports hommes femmes ? Et pourquoi regardez les choses sous l'angle de ce qui constitue (d'un point de vue social et culturel) l'identité masculine ? Et en quoi notre modèle doit-il revoir sa copie ?

Cet essai très rigoureux et très richement documenté permet d'aborder er d'apporter des réponses à ses questions.
De manière aussi personnelle que "scientifique" l'historien démontre que tous les phénomènes et violences épistémiques que nous observons ne sont en rien des problèmes isolés mais des problèmes de fond auxquels il est nécessaire de faire face.

Certes, avec la masse d'informations contenues, l'idéal est de pouvoir lire chaque partie à son rythme et de la laisser décanter dans notre esprit, sinon la lecture devient vite indigeste et on ne profite pas de la vérité de cet essai à sa juste valeur.

Je remercie donc Babelio et les éditions Points pour cet ouvrage éclairant reçu dans le cadre de Masse Critique.
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A la lecture du copieux essai d'Ivan Jablonka, on mesure à quel point les femmes reviennent de loin mais également le chemin qui reste à parcourir vers une meilleure égalité entre les genres ou plutôt, une meilleure justice. Cet ouvrage a le grand mérite d'explorer tous les territoires qui, au fil des siècles ont contribué à conforter le fonctionnement de nos sociétés sur le mode patriarcal. Plongée dans l'histoire, prise en compte des différentes civilisations, poids des religions… c'est passionnant, hyper documenté et cela offre une matière consistante pour nourrir la réflexion. On en apprend beaucoup sur les différentes étapes des combats féministes, les fissures qu'ils ont créé dans le règne masculin, les excès ou failles qui en découlent et surtout, on comprend les enjeux de ceux qu'il reste à mener et dans lesquels les hommes auront leur part. Doivent prendre leur part. C'est d'ailleurs le message que je retiens en refermant ce livre, cette invitation aux hommes à s'investir dans la conquête définitive de l'équilibre et l'émergence d'une forme apaisée de cohabitation entre les sexes. Un combat qui est celui de la vraie liberté, d'être et de se comporter. Un combat loin d'être gagné mais dont on perçoit grâce à cette intéressante synthèse tous les leviers à actionner pour y parvenir.
Personnellement, je remercie Ivan Jablonka de ce gigantesque travail, tant nous avons besoin de recul et de matière concrète, loin des passions qui agitent un débat médiatique trop souvent étriqué et partiel. Il parvient à rendre le propos limpide, ce qui est remarquable.
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J'ai découvert Ivan Jablonka avec son précédent ouvrage, en 2016, Laëtitia ou la fin des hommes. J'avais apprécié sa démarche et la finalité de son étude, aussi me suis-je ruée sans hésitation sur Des hommes justes, cette année. Un livre important à l'heure où se posent nombre de questions sur la condition des femmes, après #metoo, avec le comptage horrifiant des féminicides, etc.

Historien, Ivan Jablonka remonte le temps à la recherche des causes premières du patriarcat et de la dichotomie genrée qui conduit à la soumission des femmes aux hommes. Il faut pour cela aller jusqu'au Paléolithique. C'est dire s'il y a du chemin à faire pour aboutir à une société à égalité de genre!

Dans ses trois premières parties, l'auteur étudie donc l'Histoire du patriarcat, celle des luttes des femmes et les failles du masculin, où les conceptions, l'éducation, l'exemplarité, etc, a réitéré pendant des générations le modèle viril... qui continue encore chez certains.
Ces trois parties apportent une masse conséquente d'informations, de données, d'exemples. le tout, bien amené et, plus important, relevant de copieuses et sérieuses recherches comme le prouvent les nombreuses sources variées utilisées.

La dernière partie amène des propositions pour faire advenir "les hommes justes" du titre. Cela passe par un support masculin aux combats féministes, par un ensemble de règles et de lois dans les domaines politiques,économiques, sociaux et de l'éducation. Plus fondamentalement, c'est à une révolution des mentalités qu'appelle Ivan Jablonka, à déconstruire le patriarcat et ses carcans, à réfléchir la masculinité pour la libérer, elle-aussi, de ses modèles basés sur une virilité de domination.
Si certaines propositions paraissent, à la lecture, enfoncer des portes ouvertes tant cela semble évident, force est de constater que ça ne l'est pas forcément pour tous ni dans tous les pays, loin s'en faut.

Ivan Jablonka a essayé dans cet ouvrage aussi intéressant qu'instructif et, surtout, nécessaire, d'être le plus exhaustif possible. Il ne parle pas que pour la France ou l'Europe; ses recherches apportent nombre d'informations et de comparaisons sur des pays aussi divers que le Nigeria, le Japon, le Mexique, les États-Unis, la Biélorussie, la Chine et j'en passe.
J'ai apprécié à nouveau son approche en tant qu'historien, sociologue et homme. (Re)découvrir les évolutions dans les siècles, voire millénaires, précédents permet une meilleure compréhension du patriarcat et du féminisme dans leur globalité. Je dis bravos à l'auteur pour ce formidable travail de recherche et de synthèse. Une bibliographie en fin de volume aurait été bienvenue pour aller plus loin sur certains aspects, plutôt qu'avoir à rechercher parmi les notes de bas de pages.

Son épilogue conclue l'ouvrage sur un ton plus personnel. Ivan Jablonka reconnaît que "si je fais le portrait de l'homme juste, je sais tout ce qui m'en sépare. Cela ne m'empêche pas de prendre parti. Je suis un homme contre le pouvoir masculin. Je suis une féministe". Propos d'humilité et programme de réforme de soi, valable pour tous, sans laquelle les mentalités ne changeront pas de manière globale.

A lire et à partager, diffuser pour un vouloir-vivre ensemble égalitaire et apaisé.
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Ayant arrêté mes études il y a fort fort longtemps, il y a également fort fort longtemps que je n'avais plus lu de texte didactique. J'ai donc retroussé mes manches, sorti mon bloc de post-it et je suis partie à l'assaut (des pavés) de cet essai très documenté de l'historien Ivan Jablonka.
Les deux premières parties qui rappellent l'histoire et les bases du patriarcat m'ont intéressée tout en me paraissant parfois indigestes du fait de trop d'informations. La partie consacrée aux failles du masculin m'a beaucoup plus accrochée et j'ai lu quasiment d'une traite la dernière partie consacrée à la justice de genre.

En tant que femme et mère de deux filles, j'ai bien entendu été interpelée par nombre de sujets : l'image de la femme donnée par le cinéma hollywoodien, le partage des tâches dans le foyer, l'évolution de la carrière des femmes au moment du premier enfant, la charge mentale... Et j'ai cherché comment mettre en place ce qui pouvait l'être et renforcer ce qui l'était déjà.
J'ai réalisé que j'étais aidée dans cette démarche par un homme qui n'a pas peur des tâches ménagères et qui emmène ses filles voir des matchs de foot ET faire du shopping.

Ivan Jablonka combat les idées du monde traditionnel et cherche à pousser l'homme à s'interroger sur sa masculinité. le projet de société qu'il défend, la "justice de genre" signifie l'égalité des chances. C'est certes une utopie mais comme le dit l'auteur lui-même, "les utopies d'hier sont les réalités d'aujourd'hui". J'ai trouvé que cette lecture apportait une réflexion nécessaire et si l'homme juste est pour l'heure une utopie, Ivan Jablonka n'est pourtant pas loin d'en être un.
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C'est un essai très intéressant, facile d'accès qui retrace l'origine du patriarcat et s'interroge sur les nouvelles masculinités.

Comment les femmes ont-elles été cantonnées aux rôles de mères, de femmes d'intérieurs veillant au confort de leur famille ?

Après une première partie plus historique sur l'instauration du patriarcat, Ivan Jablonka retrace les grands jalons du combat féministe.

Il propose aussi toute une réflexion sur ce que nos sociétés attendent « d'un homme » démontrant que ces normes dépassées conduisent notamment à exclure les femmes mais également les hommes minoritaires.

Cet essai rappelle – si besoin en était – que le féminisme n'est pas juste le combat des femmes. Il est au bénéfice de tous.

Réfléchir à un masculin qui n'opprime pas, qui n'a pas besoin de se définir exclusivement en matière de virilité, de pouvoir est une nécessité.

Voila un essai qui se lit, se pose, se reprend en main, qui s'annote et donne de nouvelles pistes de réflexions et de lectures !
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Soyons honnêtes, les essais n'ont jamais vraiment été ma tasse de thé – c'est pourquoi j'ai décidé de sortir de ma zone de confort en intégrant le Grand Prix des Lectrices du magazine Elle, pour lequel je vais lire un essai par mois. Il faut dire que mes collègues jurées ont plutôt bien choisi l'essai qui inaugure cette nouvelle aventure. Dans Des hommes justes, Ivan Jablonka réussit l'exploit de nous faire réfléchir sur la justice de genre, en nous instruisant sur le patriarcat, l'histoire et les victoires du féminisme ainsi que sur le déclin des masculinités de domination. Autant de notions qui hantent nos sociétés mais sur lesquelles nous avons rarement l'occasion de prendre du recul – à moins d'être très investies sur ces sujets, ce que je ne suis pas.

Cet essai, étrangement passionnant pour la novice que je suis, m'a ouvert les yeux sur un certain nombre d'enjeux, de conditionnements et de combats dont je n'avais jamais vraiment eu conscience, étant née au XXème siècle, après les plus grandes victoires du féminisme. Les deux premières parties, sur l'histoire du patriarcat et de son implantation dans nos sociétés, puis sur l'histoire du féminisme et de ses revendications, m'ont beaucoup appris, tout en m'apportant des éclairages précieux. Ivan Jablonka a réussi à rendre son propos simple, parfois même drôle, rendant son livre facile d'accès pour n'importe quel lecteur intéressé par le sujet.

C'est dans la troisième partie que nous touchons au coeur de son point de vue : la nécessité de mettre en place une justice de genre, plus qu'une simple égalité des sexes. Il défend l'idée d'une nécessaire implication des hommes dans ce changement majeur de nos sociétés, une fois qu'ils auront laissé de côté les diverses masculinités polluant leurs rapports aux femmes, aux autres minorités et aux bouleversements socio-économiques du XXIème siècle. Si je ne suis pas forcément toujours alignée avec ses idées, j'ai apprécié de pouvoir réfléchir plus longuement à ces notions, j'ai apprécié de pouvoir partager avec lui cet idéal d'une société juste, où les femmes n'auraient plus à se battre pour pouvoir être considérées à l'égal des hommes, mais où chacun serait considéré indépendamment de son sexe, de sa couleur de peau, de ses orientations sexuelles, ou de tout autre trait de caractère ne faisant pas de lui un homme blanc dominant.
Lien : https://theunamedbookshelf.c..
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Définir « une morale du masculin pour l'ensemble des actes sociaux », l'ambition d'Ivan Jablonka est clairement affichée dès l'introduction de son ouvrage. Partant du constat que nous vivons dans une société patriarcale organisée autour de l'assujettissement des femmes, il propose une réflexion en quatre temps : passer en revue les fondements de la domination masculine, dresser un bilan des acquis des féminismes, constater la fragilisation des supports de la masculinité avant de passer à son plaidoyer : la justice de genre.
J'emploie volontairement ce terme, plaidoyer, car l'auteur s'éloigne des champs historique et sociologique pour une défense passionnée d'une masculinité de non-domination. Je dirais qu'après le constat documenté, il expose ses conclusions. Elles m'ont semblé parfois surprenantes, parfois ambiguës, voire gênantes.
Ainsi, la science historique, largement dominée par les hommes, serait le résultat d'un « amour de la grande Histoire produite par les grands hommes, fascination inavouée pour les guerres, conquêtes découvertes, révolutions – autant de choses glorieuses que nous savons faire, « nous les hommes ». » Jablonka propose donc un programme de réforme de l'université, depuis les fonctions jusqu'aux méthodes, en passant par les modes de narration où le « je » se substituerait à l'objectivisme faussé de ses confrères. le but est de « démasculiniser l'histoire et les sciences sociales ». Je ne peux m'empêcher de voir dans ce procès fait aux historiens une certaine outrance, quant aux solutions préconisées, leur radicalisme est englué dans un conformisme de catéchisme : pourquoi le « je » serait-il davantage une garantie de pertinence académique qu'une posture ?
Balançant entre prescriptions et parfois avis tranchés, Ivan Jablonka suit plus d'une fois un chemin périlleux. Quand il s'en prend aux emplois de services à domicile, il reproche à une élite d'avoir créé « une aliénation dédoublée : celle des femmes peu qualifiées au service des plus riches, celle des femmes très qualifiées au service de leur famille ». Ce pis-aller permettrait aux hommes de fuir devant le partage des tâches domestiques, instaurant un modèle de couple inégalitaire où l'on retrouve « le même chantage que chez les mammifères, où le mâle a tout loisir d'abandonner la femelle ». Je ne sais pas si cette manière de voir les choses est partagée par les biologistes – dans la nature, les méchants mâles punissent-ils les faibles femelles ? – mais il n'est pas utile de renvoyer les femmes à leurs fonctions biologiques pour instaurer un partage équilibré au sein du couple.
Autre agacement, Jablonka note que « la prise en charge cardiovasculaire des femmes peut-être notablement améliorée ; la contraception avec oestrogènes de synthèse a des effets néfastes sur leur santé, les traitements médicamenteux leur sont insuffisamment prescrits » : certes, mais l'important est de laisser aux femmes le libre choix de la maîtrise de leur fécondité. « Le féminisme doit respecter les compromis de couple, mais les compromis de couple doivent aussi respecter le féminisme », il y a là une orthodoxie de vue qui ne doit pas s'appliquer au détriment des choix personnels des femmes.
Même sentiment de lire un catalogue de bonnes intentions quand l'auteur conclut qu' « en fin de compte, un rapport hétérosexuel « équitable » devrait comporter une stimulation clitoridienne par masturbation, caresse ou cunnilingus ». Quand il définit ce qu'est la masculinité de grossesse – « l'attitude de solidarité qu'un homme témoigne à sa compagne avant et après l'accouchement » – je ne peux m'empêcher de voir derrière la concrétisation en actes de cette solidarité un modèle sous-jacent de mère : celle qui est fatiguée, qui allaite, peut-être déprime,etc. Je n'ai pas envie de voir se profiler derrière la reconnaissance de difficultés spécifiques attribuées aux femmes, un certain modèle féminin défini par sa contraception, sa manière d'investir sa maternité, son désir, son hygiène de vie, etc. La frontière de l'injonction est franchie quand la masculinité de non-domination se cale sur une supposée féminité partagée par toutes les femmes.
Jablonka « revendique le droit de parler, en tant qu'homme, du féminisme et de la justice de genre », je n'y vois aucun inconvénient. Il veut être un homme engagé dans le combat de la justice de genre. Pourquoi pas ? Son ouvrage le prouve sans éviter toujours l'écueil des intentions louables noyées dans des recettes qui nous sembleront peut-être dépassées dans quelques années.
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