Ce matin la brume hivernale a rendez-vous avec l'arbre.
Elle l'enveloppe de son lourd manteau de perles de rosée.
L'arbre est tristounet, il n'aperçoit plus son ami le soleil.
Il en frissonne jusqu'au plus profond de ses racines,
Il en perd même ses feuillages.
© le Père Pinard — Orval février 2016
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Lorsque la neige cessa de tomber, il neigeait
encore.
Un poudroiement minutieux ajoutait
une frise posthume à l’œuvre de la blancheur.
Dans les zones indéfinies de la conscience,
on ressentait
la présence d’infimes froissements, comme une sorte
de mouvement abrasif du rien.
Tout tenait dans la plus petite fraction du possible.
p. 47
Nous comprîmes que la tempête de neige
était une réplique de nos déchirures.
Ce qui se pressait avec la horde
des flocons,
c'était la multitude des visages aimés qui
souffraient d'être effacés,
mais non apaisés.
Lorsque le calme revint, nous avons balayé notre cour
et avons rassemblé ces vagabonds de la mémoire
en un monceau de terrifiante indifférence.
J’ai dû rassembler ma propre immensité…
J’ai dû rassembler ma propre immensité
pour tenir tête à la neige.
Sa pâleur
ressemblait au système du néant
vu à travers le sommeil.
Jusqu’ici
j’avais vécu dans une encoignure ;
je me sentais peu fondé à dire « il n’y a rien ».
La voyant si blanche, je voulais
être digne de son enchantement sans emploi.
Dans le cliquetis des flocons,
on entend
une rumeur que l'on pourrait comparer au
discours de la conscience.
Ces bruits
nous font franchir la barrière des glossaires.
Notre âme
se refait continuellement ainsi, au détour
de l'équivoque, lorsque
les choses ne nous disent rien de cohérent.
NEIGE
Pendant un instant inépuisable, je me suis assis
près de la neige.
L'âme
qui me servait de refuge s'évanouit et devint
une immensité
appuyée sur l'immensité.
La perfection affluait et renonçait à tout recours
à la réflexion.
La neige
était à un doigt de renoncer à être neige.
© François Jacqmin, Le Livre de la Neige.
Emission de la chaîne télé liégeoise RTC en hommage au poète belge François Jacqmin