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EAN : 9782743620813
173 pages
Payot et Rivages (10/03/2010)
4.2/5   10 notes
Résumé :
Les recherches de Uexküll sur le milieu animal sont contemporaines de la physique quantique et des avant-gardes artistiques. Comme celles-ci, elles expriment l'abandon sans réserve de toute perspective anthropocentrique dans les sciences de la vie et la radicale déshumanisation de l'image de la nature.
Là où la science classique voyait un monde unique, qui comprenait à l'intérieur de lui-même toutes les espèces vivantes hiérarchiquement ordonnées, des formes ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Un livre méconnu et assez inclassable qui a pourtant fait date, marquant une profonde rupture avec les visions anthropocentrées de la biologie et de l'éthologie de la première moitié du XXème siècle. Jakob von Uexküll introduit ici des pistes fondamentales pour repenser notre façon d'appréhender les comportements animaux et, dans une plus large mesure, leur rapport au monde, par le biais de leurs propres perceptions, du prisme de leur propre possible. Un environnement n'est jamais objectif : il est fait des interactions que nous créons avec lui, et c'est ce que l'auteur décrit ici comme un "milieu" : ce avec quoi un être vivant interagit.
L'ouvrage utilise un vocabulaire précis et technique, mais compense cet aspect relativement hermétique par une série d'illustrations bienvenues qui permettent d'appréhender des notions et des réalités aussi complexes qu'intéressantes. Les escargots de Bourgogne voient-ils le monde à la même vitesse que nous ? Pourquoi la mouche ne voit-elle pas la toile d'araignée qui l'attend sur sa course ? Un poisson combattant peut-il développer des marottes ? Ces questions d'apparence anodines reflètent de véritables questions de fond que Jakob von Uexküll affronte avec une perspective originale, à la fois scientifique, psychologique et parfois même philosophique (les amateurs de Kant seront servis), dans un ouvrage qui n'a pas vieilli à l'heure actuelle, tant les recherches dans ce domaine sont complexes, parfois dérangeantes, toujours étrangères.
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L'oeuvre majeure d'un grand pionnier de l'éthologie, toujours aussi captivante et puissante soixante après sa finalisation.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2020/09/03/note-de-lecture-mondes-animaux-et-monde-humain-jakob-von-uexkull/
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Ce petit livre n’a pas la prétention de servir de guide à une nouvelle science. Il s’en tient d’abord à ce que l’on peut nommer la description d’une promenade dans des mondes inconnus. Ces mondes ne sont pas simplement inconnus, mais également invisibles ; plus encore : l’existence leur est déniée par un certain nombre de zoologistes et de physiologistes.
Leur avis, qui ne laisse pas de paraître étrange aux connaisseurs, se comprend par le fait que l’accès à ces mondes ne s’ouvre pas à chacun, que certains préjugés sont propres à barricader la porte qui en ferme l’entrée, si solidement que, de tout l’éclat répandu dans ces mondes, aucun rayon lumineux ne parvient à percer jusqu’à nous. Quiconque veut s’en tenir à la conviction que les êtres vivants ne sont que des machines abandonne l’espoir de jamais porter le regard dans leur monde vécu.
Mais celui qui n’a pas souscrit sans retour à la conception mécaniste des êtres vivants pourra réfléchir à ce qui suit. Tous nos objets usuels et nos machines ne sont rien d’autre que des moyens de l’homme. Il y a ainsi des moyens qui servent l’action – ce que l’on nomme des outils, des « choses-pour-agir », auxquels appartiennent les grandes machines qui servent dans nos usines à transformer les produits naturels, les chemins de fer, les autos, les avions. Il existe aussi des moyens qui affinent notre perception, des « choses-pour-percevoir », comme les télescopes, les lunettes, les microphones, les appareils de radio, etc.
Dans ce sens on pourrait supposer qu’un animal ne serait rien d’autre qu’un assemblage de « choses-pour-agir » et de « choses-pour-percevoir », reliées en un ensemble par un appareil de guidage, ensemble qui resterait une machine, mais serait cependant susceptible d’exercer les fonctions vitales d’un animal.
Telle est en fait la conception de tous les théoriciens du mécanisme en biologie, l’infléchissant, selon les cas, tantôt vers un mécanisme rigide, tantôt vers un dynamisme plastique. Les animaux ne seraient ainsi que de simples choses. On oublie alors que l’on a supprimé dès le début ce qui est le plus important, à savoir le sujet, qui se sert des moyens, qui les utilise dans sa perception et son action.
Par l’impossible combinaison de « choses-pour-agir » et de « choses-pour-percevoir », on n’a pas seulement assemblé chez l’animal les organes des sens et les organes du mouvement comme des parties de machines (sans prêter attention à sa perception et à son action), mais on a voulu en plus mécaniser l’homme. D’après la conception des behavioristes, nos sentiments et notre volonté ne sont qu’apparence ; dans le meilleur des cas, on ne peut les considérer que comme des parasites gênants.
Mais celui qui conçoit encore nos organes sensoriels comme servant à notre perception et nos organes de mouvement à notre action, ne regardera pas non plus les animaux comme de simples ensembles mécaniques, mais découvrira aussi le mécanicien, qui existe dans les organes comme nous dans notre propre corps. Alors il ne verra pas seulement dans les animaux des choses mais des sujets, dont l’activité essentielle réside dans l’action et la perception.
C’est alors que s’ouvre la porte qui conduit aux mondes vécus, car tout ce qu’un sujet perçoit devient son monde de la perception, et tout ce qu’il fait, son monde de l’action. Monde d’action et monde de perception forment ensemble une totalité close, le milieu, le monde vécu.
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Nous nous berçons trop facilement de l'illusion que les relations que le sujet d'un autre milieu entretient avec les choses de son milieu se déroulent seulement dans le même espace et le même temps que les relations qui nous lient aux choses de notre milieu d'humains. Cette illusion est nourrie par la croyance en l'existence d'un monde unique dans lequel sont imbriqués tous les êtres vivants. Ce n'est que ces derniers temps que parmi les physiciens s'éleva un doute sur l'existence d'un univers avec un espace valant pour tous les êtres.
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Pour le physiologiste, chaque être vivant est un objet situé dans son monde humain. Il examine les organes des êtres vivants et leur synergie, tout comme un technicien explorerait une machine inconnue. A l'inverse, le biologiste se rend compte que chaque être vivant est un sujet qui vit dans un monde qui lui est propre et dont il forme le centre. Aussi ne doit-il pas être comparé à une machine, mais au machiniste qui pilote la machine. (...) Nous avons partout affaire à des machinistes et non aux pièces d'une machine. Car toutes les cellules particulières de l'arc réflexe fonctionnent non avec la transmission du mouvement, mais avec la transmission du stimulus. Or un stimulus doit être perçu par un sujet et ne s'offre pas à des objets.
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Exploration de Umwelten non humain dans leurs extensions les plus extrêmes : [...] Nous rencontrons là une vraie limite à nos capacités de compréhension et nous réalisons parfois non sans un certain découragement que nous ne sommes peut-être pas assez intelligents pour comprendre vraiment l’intelligence de nombreux autres animaux, même si nous restons convaincus que nous sommes plus intelligents qu’eux.» (Dominique Lestel, Préface)
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On n'est pas loin de supposer qu'un animal ne serait rien d'autre qu'un assemblage d'outils et de perceptils spécifiques qui seraient liés en un tout via un poste de contrôle, ce qui en ferait toujours une machine mais avec la propriété d'exercer la fonction vitale d'un animal. C'est effectivement le point de vue de tous les théoriciens de la machine, ils préfèrent penser cela en accord avec un mécanisme rigide ou un dynamisme plastique. Les animaux sont ainsi épinglés comme de simples choses. On oublie cependant qu'on a supprimé l'essentiel, à savoir le sujet, celui qui se sert des moyens, perçoit avec eux et agit avec eux.
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