Deux superbes nouvelles d'
Henry James, énigmatiques, étranges.
Dans les deux cas, c'est une certaine forme de passion, d'obsession, de déraison, voire de folie, qui animent les héros de ces drames.
Dans L'élève, c'est la passion de Pemberton, jeune précepteur fraîchement diplomé, pour son élève Morgan Moreen, un être intelligent, sensible, clairvoyant, mais atteint d'une maladie cardiaque, qui va l'amener à supporter les parents de l'enfant, des gens qui au départ, « présentent bien », mais dont il va vite découvrir, derrière la façade, des êtres impécunieux, vivant d'expédients, cherchant, sans beaucoup de succès, à trouver des «pigeons » dans la haute société, et sans réel intérêt pour leur dernier enfant d'une fratrie de ratées et ratés. La connivence du précepteur avec son élève va progressivement s'amplifier jusqu'à faire cause commune contre des parents qui ne paient pas leurs gages à l'enseignant, et au point de faire de lui de facto une sorte de tuteur d'un enfant devenu adolescent, et donnant le sentiment d'une forte volonté d'émancipation. Mais c'est mésestimer la force des liens familiaux qui va se révéler dans un dénouement surprenant, cruel et tragique.
Dans L'autel des morts (un récit en phase avec cette atmosphère de Toussaint), on y suit Stransom, un homme qui porte le deuil de Mary Antrim, jeune femme morte brutalement juste avant leur mariage. Stransom, hanté par la volonté obsessionnelle de faire vivre le souvenir de cette dernière et de tous les Autres, ces êtres chers qu'il ne veut pas oublier, va obtenir dans une église proche du cimetière où est enterrée sa bien-aimée, la possibilité d' y aménager un autel qui lui permette de converser, d'une façon extatique et folle, avec tous « ses morts ».
Jusqu'au jour où il découvre à côté de lui, une belle femme qui se recueille devant « son » autel. Et une sorte d'amour fusionnel de ces deux personnes dans leur communion avec « leurs morts » va s'installer. Mais la suite de l'histoire que je ne dévoile pas, va amener Stransom à un dilemme et une souffrance psychique insoutenables.
Ces deux histoires dont l'intrigue est assez mince sont menées, écrites de façon absolument magistrale, avec, de bout en bout, une atmosphère de tension, d'oppression, d'inquiétante étrangeté.
Ce sont des récits bien différents de la veine réaliste d'un
Washington Square, du même auteur, lu il n'y a eu de temps. Et c'est tout à fait passionnant de voir comment
Henry James a pu évoluer vers ce mode de narration marqué per l'étrangeté, l'ambiguïté, que, personnellement, je préfère et que j'ai déjà tant apprécié dans
le menteur et surtout l'incroyable nouvelle
le tour d'écrou.
Mais je conçois que cet avis ne soit pas partagé par toutes les lectrices et tous les lecteurs. Et aussi que mon opinion sur l'oeuvre d'
Henry James « première manière » requiert la lecture d'autres romans majeurs comme
Les Ambassadeurs, ou
Daisy Miller.