Sidney Traffle, peintre médiocre, sentant le souffle de l'inspiration s'évanouir sous la chape de sa confortable condition bourgeoise, s'étouffer sous le joug d'un mariage conventionnel et exigeant, trouve un appel d'air grâce à l'attitude de Mora Montravers, sa jeune nièce. Cette jeune fille dont il est le tuteur avec sa femme, les quitte pour aller vivre avec un jeune peintre bohème, Walter Puddick. Comme le pense ce brave Sidney Traffle dans son fort intérieur « quand on porte le patronyme de Montravers, on ne peut qu'être attiré par une vie dissolue ». Jane Traffle, corsetée dans son indignation et sa morale, prête à renier Mora ne souffre pas que son mari soit prêt à « négocier » encore moins à comprendre l'attitude de l'ingrate jeune fille. C'est que Sidney Traffle se trouve secrètement émoustillé par toute cette histoire assez banale. Son élan de sympathie presque amoureux pour Walter Puddick, teinté d'une admiration pour ses peintures, est naïf et intéressé. Ne peut-il, sous couvert de compréhension, s'immiscer dans l'intimité de ce couple immoral ? Mora, jeune personne sûre d'elle, belle et inflexible n'utilise Walter Puddick que pour se hisser un peu plus vers le chemin de la liberté. Et cette liberté, ce sont d'autres hommes. Jane Traffle, femme de fer, légèrement dédaigneuse de son mari, veut retrouver sa dignité outragée par l'argent et un mariage. Sauvons les convenances en payant les fautifs pour qu'ils reviennent dans le droit chemin. Sidney Traffle s'endort à son cercle, rêvant d'audaces à jamais inconnues de lui. Jane Traffle attire Walter Puddick dans ses griffes sous des airs de bourgeoise indolente. Après tout, n'y a-t-il pas qu'une femme responsable et mûre pour s'occuper d'un jeune homme séduisant et talentueux ?
Henry James traite cette petite nouvelle en comédie de moeurs ambiguës. Car que doit-on comprendre à la fin ? Quels sont les rapports entre Jane Traffle et Walter Puddick ? Etant le narrateur de cette mésaventure, Traffle garde sa dignité d'homme floué jusqu'au dernier mot. C'est une « chute » un peu amère et ironique. Avec un soupçon de projection personnelle de la part d'
Henry James. N'avait-il pas lui aussi, à l'instar de Mora Montravers et de Jane Traffle (mais de façon plus subtile), de jeunes gens sous sa coupe ?
Henry James détricote l'écheveau des envies, des rêves et des convenances et tisse finement la toile complexe des relations humaines. C'est une petite nouvelle ciselée, élégante, idéale pour le temps d'un "cream tea".