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sur 292 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Il y a certains livres qu'on prend autant de plaisir à lire qu'à refermer la dernière page lue, que l'on clôt avec un soupir d'aise parce qu'ils sont géniaux et un soupir de soulagement parce qu'ils nous submergent. Certains livres que l'on voudrait entourer de hauts murs comme une demeure où d'abominables crimes auraient été commis, que l'on voudrait calfeutrer par une montagne de belles pensées.
Parce qu'ils ne sont pas uniquement des romans, parce qu'ils s'inspirent de la réalité, de la « vraie » vie, de celle qu'on ne voit plus en rose, de celle qui se joue à guichet fermé dans le secret des familles, dans la confidentialité d'un intérieur coquet, avec des acteurs tout ce qu'il y a de plus ordinaires mais qui se révèlent de véritables monstres. Parce qu'ils nous chamboulent, nous retournent, nous révoltent, nous laissent un profond sentiment d'impuissance et une piètre opinion du genre humain.

Après l'affaire Natacha Kampusch, l'Autriche a vu un autre cas sordide entacher sa réputation de belle patrie où hélas le beau Danube bleu n'est pas seul à couler !
L'histoire est récente ; tout le monde a entendu parler de Josef Fritzl, le père qui a séquestré sa fille pendant 24 ans dans la cave de la maison familiale, abusant d'elle, la brutalisant et au final lui faisant sept enfants ; l'un, bébé quasi mort-né fut brûlé dans la chaudière, trois furent remontés à la surface et trois grandirent avec leur mère dans les entrailles de la terre jusqu'à leur libération en Avril 2008. Josef Fritzl, petit ingénieur-électricien terne et sans histoire mais tyran domestique, cruel, pervers, incestueux, abominable, a été condamné à la prison à vie mais laisse derrière lui les traces ineffaçables de 24 années de claustration et d'esclavage.

Régis Jauffret s'est emparé du fait-divers pour écrire ce « Claustria » qui percute et qui malmène, qui bouleverse et qui secoue, qui captive autant qu'il révulse. Avec un art consommé de la narration, de l'image et de l'empathie, l'auteur de « Microfictions » ou de « Sévère », nous ouvre les portes de l'enfer, soulève les trappes d'un pandémonium de 50 mètres carré pour nous projeter au coeur de l'inqualifiable. « J'arrive à m'imaginer assassiné, mutilé, torturé ; Je n'arrive pas à m'imaginer 24 années dans un trou. Essayez, vous n'y arriverez pas non plus. Vous parviendrez à une semaine, peut-être quatre. La nuit suivante vous aurez peur de vous endormir. »
Après plusieurs mois d'investigation l'auteur a tenté d'imaginer comment les protagonistes de cette triste histoire ont réussi à survivre à l'enfermement d'une cave transformée en studette de l'horreur, avec pour seul horizon le mur d'en face, pour seul ciel le plafond à lattes, pour seul amant leur propre père, pour seule perspective d'avenir la menace de mourir gazés s'ils la ramenaient un peu trop.

Miracle des métaphores et du génie littéraire d'arriver, comme le fait Jauffret, à faire jaillir au coeur du sordide des fulgurances de bonheur, ces petits éclats de joies que l'esprit humain conçoit même en enfer, même dans l'abîme, même au fond du gouffre, puisant dans d'infimes satisfactions de quoi tenir bon, encore et encore ! Minuscules lueurs d'espérance dans le noir absolu permettant à un quart de siècle de viols, de brutalités et de vie souterraine, de s'écouler aux gouttes à gouttes comme en perfusion, mais de s'écouler malgré tout.
Mais il y a aussi les jours où la raison, striée des étoiles filantes de la démence, s'emballe et déraille quand la machine à douleur se fait insupportable, que l'oxygène manque dans le bocal à poisson sans aération, que les périodes de famine affaiblissent les corps et que les attentes du Dieu nourricier Fritzl se font trop longues.
Une humanité récréée avec d'autres normes, d'autres règles, selon les lois amorales et perverses d'un démiurge démoniaque, revendiquant une famille sans aucune goutte de sang mêlé !

Au-delà de la répugnance que nous inspire ce père immonde, certains comportements collectifs ou individuels nous laissent un goût amer : la mère, dont la peur de son mari et la haine ressentie envers sa fille ont muré dans une complicité abjecte ; les voisins et locataires, dont on ne peut que s'interroger face à la surdité et à la complaisance à l'ignorance; les mentalités arriérées de cette Basse-Autriche (tant égratignée par Thomas Bernhard) pour qui l'inceste est une peccadille et la famille un fief où le père vit en seigneur tout puissant ; et que dire de cette volonté pathétique et écoeurante de l'Etat à toujours vouloir arrondir les angles pour ne pas abîmer davantage une image d'Epinal déjà bien écornée…
En évitant l'écueil du voyeurisme et dans un style puissant et percutant, Régis Jauffret réussit, dans ce texte brillant d'analyse et de sensibilité, à nous faire partager un peu de l'existence du « petit peuple de la cave ». Bienvenue en enfer...
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Vous avez tous entendu parler de l'affaire Fritzl ? Oui ? Très bien. Maintenant oubliez-la. Ceci est une oeuvre de fiction. Et même si elle s'appuie et se nourrit de ce fait divers, cette histoire est un roman. Prenez Flaubert, il a assez répété que Madame Bovary n'était pas une simple transcription de l'affaire Delamare. Ces choses dites, voici le roman.

Autriche, ville d'Amstetten. Pendant 24 ans, Josef Fritzl a séquestré sa fille Angelika dans la cave de la maison familiale. Il lui a fait dix enfants, trois qu'il a élevés avec son épouse Anneliese dans la maison et les autres qui sont morts ou restés cloîtrés avec leur mère. C'est l'histoire du « petit peuple de la cave » qui nous est racontée. Mais c'est aussi les années qui ont précédé l'enfermement : l'adolescence violée d'Angelika, ses tentatives pour échapper à son père, l'enfance et la jeunesse de Josef et ce qui a forgé son goût pour la brutalité et le viol. Apparaît également une histoire qui n'existe que pour l'auteur, celle d'un des rescapés, Roman, plus de 45 ans après la sortie de la cave. Puisque je vous dis que ce texte est un roman – ou un Roman – croyez-moi ! Pas question de refaire le procès des voisins et des proches qui n'ont pas entendus les bruits venus du sous-sol.

La majeure partie du texte relate l'existence dans la cave, le quotidien rythmé par une absence de repères – ou ceux, évanescents, venus de la télévision – l'angoisse perpétuelle de manquer de nourriture ou d'être privé d'eau et d'électricité. Fritzl, seigneur capricieux, apparaît quand bon lui semble, approvisionne quand ça lui chante et reprend pour punir et mater. Selon le modèle et l'habitude autrichiens, il n'est qu'un tyran ordinaire qui bat femme et enfants. Mais sa volonté de dominer rappelle quelque peu l'hybris des Grecs antiques : Fritzl aime la terreur et la soumission qu'il provoque et il se moque de la folie qu'il cause. Brutal et jouisseur, il tire aussi son plaisir des affaires immobilières qu'il mène. Il rêve de s'annexer des morceaux d'Autriche et de bâtir un empire à sa mesure.

En arrière-plan se tient Anneliese, toute entière soumise au démon domestique qu'elle a épousé. Elle aligne son comportement sur le sien et bat sa fille avec autant de hargne. Elle ne s'interroge pas sur sa disparition, refuse d'y penser, oublie les possibles. « Anneliese passait son temps à renier ses oreilles, à se dire qu'elles perdaient parfois la raison. Ils étaient rares les instants où elles leur accordaient le bénéfice du doute. Plus rares encore ceux où elle se permettait d'évoquer timidement la bande-son de la cave à Fritzl. » (p. 307)

La libération, traitée sur quelques chapitres, n'apparaît pas comme un bienfait. « L'air libre les avait tués lentement comme une émanation délétère. » (p. 11) Sans cesse, les victimes et le bourreau répètent qu'il y a eu du bonheur. « Roman est allé respirer à la fenêtre. L'air lui manquait en se souvenant. Il regardait au loin. Il se sentait coupable d'avoir été si heureux dans la cave. D'aimer son père, aussi. » (p. 40) C'est là que surgit le plus insoutenable : de l'horreur est née une certaine forme de contentement et d'épanouissement. Les spectateurs et les étrangers ne peuvent le comprendre, eux qui n'ont que répulsion fascinée pour cette « poche de cauchemar sous la terre autrichienne » (p. 12 & 13). Il faudrait que les enfants aveugles crient leur reconnaissance d'avoir été sauvés, mais ils se terrent et cherchent sans cesse à retrouver le confort rassurant de la cave exigüe. « Il avait gardé la nostalgie du sous-sol. Cette conque, cette coquille qu'ils remplissaient toute entière comme jaune et blanc d'un oeuf. » (p. 27)

L'auteur, qui se met en scène dans son enquête, imagine les suites de cette affaire, ses retombées médiatiques et ses exploitations par le cinéma ou l'édition. Il interroge l'horreur par le prisme du consommable. Il constate que, comme souvent, tout est bon pour vendre, même si la recette est mauvaise. « Les victimes sont décevantes, parfois les martyrs ne sont pas des héros. » (p. 32) Dans son enquête – réelle ou non – il visite la trop fameuse cave et c'est la que se déroule une des scènes les plus terribles du roman : son guide et lui sont assaillis par une foule de rats à laquelle ils n'échappent qu'en fuyant à toutes jambes. Voilà que l'horreur a tenté de s'emparer d'eux, de les recouvrir. En quittant ainsi les lieux, des questions sont restées sans réponse, mais c'est sûrement mieux ainsi. « Si comme dans l'Enfer de Dante il y avait des cercles dans la cave, tout le monde a préféré s'abstenir de les visiter tous. » (p. 83) Enfin, création ou vérité, une phrase lancée à l'auteur témoigne de l'ambivalence de son travail : « Au revoir, écrivain. D'après le site que j'ai regardé tout à l'heure, on vous prend pour un cinglé. Alors personne ne vous croira. » (p. 184) Est-ce vraiment de cela qu'il s'agit, savoir s'il faut croire ou non ce qu'écrit Régis Jauffret ? Mais puisqu'on vous dit que c'est un roman, c'est écrit sur la couverture.

Ce sur quoi il vaut mieux s'interroger, c'est sur notre capacité à nous enfermer nous-mêmes. Fritzl a poussé l'expérience à l'extrême. Mais bien fous serions-nous si nos pensions que nous sommes libres. « On habite toujours un espace clos, on ne court jamais bien loin, les voitures suivent des routes, les trains des rails, les avions, les fusées ne rejoindront jamais l'infini. On se cogne toujours quelque part. » (p. 321)

Ouvrir ce livre, c'est ouvrir la porte de la cave et suivre Fritzl dans le souterrain. C'est faire ce que chacun a fait après la révélation de cette funeste histoire : imaginer le spectacle de cette famille captive. S'il est bien impossible de partager et de ressentir ce que cela fut, il suffit de soulever la trappe pour respirer les relents du rêve étrange d'un homme ivre de domination. Mais tout cela, on le doit à l'imagination de l'auteur. Bien que très probable, la ronde des psychiatres, des journalistes et des enquêteurs est inventée. Inventée aussi l'étrange relation entre Fritzl et son avocat. Fantasmées les années obscures du petit peuple de la cave. « Leur histoire devenue bientôt un conte de sorcière, un mythe dont on doutera des origines. Angelika et les ombres sur l'écran de la caverne dont Socrate ne dira jamais rien. Les phrases inhabitées des médias, des causeurs, des fabricants de romans. La cohorte des apprentis Platon, des jongleurs, bateleurs de la syntaxe, la poudre aux yeux du . » (p. 535)

Claustria enferme le lecteur. Ne riez pas, ce n'est pas qu'une formule. Véritablement, j'ai été prise et captive de cette histoire. Elle s'est accrochée, ne m'a pas lâchée. Plus approchait le terme du roman et moins je savais si je devais être soulagée ou déçue. Claustria est un roman de l'ambivalence : j'ai aimé être captive, j'en ai redemandé quitte, pour cela, à devoir encore assister à l'horreur. de la pitié pour Angelika et les enfants, oui j'en ai eu. Mais j'ai aimé ce roman, encore plus.
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En 2008, la police autrichienne a libéré une femme de 42 ans. Elle a passé 24 ans dans la cave de son père: violée, battue et torturée par son père. Mère de 7 enfants, 7 enfants de son père. Trois des enfants y sont nés, y ont demeuré jusqu'à la "libération" alors que les autres étaient "remontés" à l'étage!
Au bout de plusieurs années, le père apporte la télé dans la cave.

Le roman de Régis Jauffret est à la fois la quête et l'enquête de l'auteur sur ce fait divers et le récit "imaginaire" de cette captivité.

J'ai été captivée par ce roman. L'écriture demeure pudique dans l'horreur de ce vécu. Un quart de siècle dans l'horreur. Mais un quart de siècle où l'on quête le bonheur, des bribes de bonheur, des miettes de bonheur dans l'ombre de cette cave.

Mais quand même, le plus horrible dans cette histoire, c'est la "complicité" de l'environnement dans cette captivité: la famille, les voisins, la société autrichienne (ex: l'appel d'Angelika depuis le portable de son père).

Je place ce roman dans le TOP du TOP.
Lien : http://lejournaldechrys.blog..
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Très bien écrit, à la fois fait divers, roman et thriller on est happé par cet ouvrage. Une ambiance glauque et suintante, malsaine et une analyse psychologique d'un monstre et de sa fille séquestrée et engrossée par son père. Lorsque l'on sait qu'il existe de tels faits dans la réalité, on en a vu dans certaines émissions cela fait froid dans le dos. Mais là ce n'est plus simplement de l'information, nous ne sommes plus spectateurs, nous vivons dans cet enfermement avec les personnages. Regis Jaufret est un excellent écrivain. Je vous recommande également "Bravo" du même auteur.
CLAUSTRIA âmes sensibles s'abstenir mais ceux qui peuvent lire ce genre de livre allez y les 500 pages ne doivent pas vous freiner bien au contraire....
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Il fallait l'audace et la puissance de Régis Jauffret pour se confronter à la vie de Josef Fritzl, ce père de famille autrichien qui a séquestré sa fille pendant 24 ans et lui a fait 7 enfants dans la cave du sous-sol de sa maison.

L'histoire est sordide et le roman aurait pu sombrer dans le voyeurisme glauque; c'est le tour de force de Jauffret et de son style limpide de se tenir toujours à la bonne distance, de tenter d'imaginer l'inimaginable, le quotidien de 24 ans de réclusion sous l'autorité de ce père tyrannique et monstrueux, mais un père quand même, d'envisager malgré tout des moments de bonheur et de partage familial.
Faire entendre l'indicible avec autant de justesse et de retenue est sans aucun doute la marque d'un immense écrivain et Jauffret confirme qu'il est de cette trempe.
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En 2007, avec Microfictions, Regis Jauffret nous montrait qu'il maîtrisait l'art des nouvelles sordides, où dépression et maladie côtoient inceste et maltraitance, au travers de 500 histoires courtes.
Avec Lacrimosa, en 2008, il a utilisé le réel comme matériau, partant du suicide d'une proche pour le transcender sous forme d'un roman epistolaire entre lui et la défunte.

Pour Claustria, RJ a trouvé le terrain de jeu idéal : la cave de Joseph Fritzl, dans laquelle il a enfermé sa fille pendant 24 ans. Microfictions et Lacrimosa ressemblent alors à un travail préparatoire qui a permis cette écriture.

On ne saura jamais ce qui s'est réellement passé dans cette cave pendant un quart de siècle. Au vu des faits, ce roman, même s'il prend des libertés, décrit une histoire tout à fait plausible.

C'est un livre très pesant, oppressant comme la cave, mais qui vaut la peine d'être lu.
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Rapporter un fait divers dans un média participe habituellement du travail journalistique. de fait, Truman Capote avec de Sang froid avait réalisé une prouesse littéraire s'attachant de manière abrupte à la réalité pour relater un fait divers. de manière alternative, Régis Jauffret, habitué à sonder les profondeurs de l'âme humaine, s'empare également d'un fait divers pour construire un roman qui se voudrait purement fictif. le voile s'estompe dés les premières lignes. A l'opposé d'un papier de presse s'assurant de mentionner les faits et nous laissant face à notre sensibilité, il s'attache à écrire avec le prisme de son acuité une réalité qu'il ne peut qu'imaginer.
Le fait divers en question pourrait paraitre l'un des plus sordides tant par sa réalisation que par sa durée. Pendant 24 ans, un père autrichien a enfermé dans une cave, violé, battu sa fille, la condamnant à élever ses enfants dont il était lui-même le père. L'inceste l'amènera à avoir sept enfants dont un mort-né que le père se chargera de brûler. Frizl, dont Régis Jauffret a voulu conserver le véritable nom, sera condamné à la prison à vie en 2009. L'auteur concilie ainsi une enquête scrupuleuse avec une narration fictionnelle à mi-distance entre la sombre réalité des faits et une imagination circonscrite par son intuition.


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Comment commencer la critique de ce livre, dont je rappelle qu'il s'agit avant tout d'un roman, d'une fiction, que les faits se sont bien produits, mais que tous les détails et l'imaginaire sortent bien du cerveau "détraqué"de l'écrivain Régis Jauffret.

Ma démarche avant tout.
J'ai adoré le ventre de Klara, et puis Papa.
J ai eu envie de découvrir cet écrivain plus avant.
J ai lu sa bibliographie et j'ai opté pour Claustria.
Je n'ai pas lu les articles dans la presse, ni la page Wikipedia, ni tout ce qu'on peut trouver sur cette affaire dans la presse.
Et j'ai bien fait.

J'étais néanmoins avertie de la difficulté du livre, de son atmosphère délétère.
Et pourtant je l'ai lu.

Et ici encore, Jauffret est un grand écrivain.
Ce n'est pas parce qu'il écrit un livre "difficile" qu'on doit l'en blâmer.

Lecture très éprouvante, malsaine, effroyable.

Les faits : innomables. Un homme, Fritz, Autrichien, aménage un soi-disant abri anti-atomique dans le sous-sol de sa maison.
En fait, il s'en servira de cave pour emprisonner sa fille et les enfants qu'il lui fera.
Il lui volera deux enfants qui sont en bonne santé et vigoureux. Pour sa vie de là-haut.
Sa fille aînée Angelika, est en fugue, et à son retour, il l'enfermera 24 ans dans cette cave, et elle en sortira à 42 ans.
Entre-temps, elle aura eu des enfants de son père qui la violait régulièrement.
L'inceste aura commencé à l'âge de 11 ans.

Il leur apporte des vivres quand il veut, les prive d'eau et de chauffage à son bon vouloir, il régit son monde à la cave en ayant une vie de famille au dessus avec femme et enfants.
Angelika, son aînée de la prison, essaye bien tant que mal de se protéger du sadisme effréné de ce père-mari, qui va jusqu'à lui montrer les photos de ses vacances avec sa famille d'en-haut. La femme de Fritz saura, mais ne dira rien. de même que les voisins qui ont dû entendre des cris de bébés, et Angelika qui a accouché seule à chaque fois.
Ils vivent dans des conditions déplorables.
Je ne vais pas rentrer dans les détails.

Une fois ce livre terminé, je me suis interrogé sur l'innomable, sur la part plus que sombre des hommes, sur la lâcheté et la poltronnie des gens qui n'ont dit mot à personne. Bande de pleutres.

Encore une fois Jauffret m'a séduite.
Quelque part, il leur a façonné une vie, en racontant encore et encore.
Il m'a montré et révélé son grand talent d'écrivain, car cette structure littéraire est incroyablement juste et prend corps de pages en pages.
Oui, ce livre est un roman, mais un roman raconté par Jauffret. Il invente les pensées, les actes, tous les petits détails de cette cave-prison. Il ne nie pas les faits, les horreurs, et il faut bien avoir cela en mémoire tout au long de la lecture.
D'ailleurs au début, il nous raconte ses recherches, ses hésitations, ses rencontres.
L'odeur était tellement abominable qu'il a vomi ainsi qu'un des juré à qui l'on a fait sentir un bocal avec les remugles de la cave.

Alors oui, c'est glauque et malsain au possible, oui la lecture est très difficile, mais on ne peut nier le talent évident du "conteur", celui qui prend les faits bruts pour les modeler à sa façon. Il leur donne vie, consistance, rêves, jeux, tout ce qu'il peut faire devenir cette prison moins insupportable. D'ailleurs, beaucoup de détails atroces ne sont pas racontés.

C'est un choix de sa part d'avoir choisi cette histoire et je le respecte. Personne n'est obligé de le lire.

Je me sens groggy.

L'homme au statut de patriarcat intense dans une famille dysfonctionnelle (ô combien) dans ce cas bien précis, est un salaud, une pourriture, une ordure, tout ce qu'on peut dérouler. Mais ce ne sont que des mots, banals et éphémères, se délitant dans l'air du soir en Autriche. A ce stade de l'horreur, aucun mot ne me vient pour nommer Fritz.
Peine perdue.

Une pensée pour les enfants de la cave.
Peu ont survécu.
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Tu mets quoi dans ta cave toi, du vin ? Oh non … DES ENFANTS !!

Fait-divers : 2008 en Autriche, On découvre qu'à Amstetten, Joseph Fritzl a séquestré sa fille pendant 24 ans (presque ¼ de siècle putain !) dans l'abri antiatomique sous la maison familiale.
Il lui a fait 7 enfants ( !!!) , qu'elle a élevé sous terre dans des conditions horribles. 6 ont survécu.
***
Après avoir abusé de sa fille depuis ses 11 ans, Fritzl décide « pour son bien » le jour de ses 18 ans, de la droguer pour l'enfermer à la cave, pour son éducation.
Il signale sa disparition à la police et fait croire elle a été enrôlée dans une secte.
Friztl remontera de la cave, 3 de ses enfants, et fera croire par des lettres écrites de la main de sa fille, que cette dernière les a abandonnés devant sa porte.

Tout basculera, le jour où la fille ainée (élevée dans la cave) tombera gravement malade, et que son « papa-grand-père » l'emmènera à l'hôpital. Suite à une enquête des services sociaux, la famille sera libérée.

Ce livre est un roman. A part Friztl tous les prénoms ont été changés, les pensées & dialogues ont été « imaginés » Mais la BASE est là … Tout est VRAI.
L'auteur mélange plusieurs époques : le procès, la jeunesse de Fritzl, les viols d'Angelika avant la séquestration, les accouchements souterrains, l'enfer du quotidien dans la cave et aussi, ben des moments de bonheur « même dans la cave, l'enfance est tenace »

Ce qui rend le livre supportable c'est son écriture & son style. C'est vraiment bien écrit.
Un reportage-fiction- roman qui ne tombe pas dans le voyeurisme. L'auteur, raconte des faits. le ton est juste (ou comment raconter l'inracontable.)
Et, entre répulsion et fascination, tu es dans la cave aux côtés d'Angelika. Selon le bon-vouloir de Fritzl : Dans le noir (ou pas), avec ou sans eau, avec ou sans électricité, rationnant la nourriture, sentir la puanteur de la cave, ses accouchements douloureux & Inhumains. Avec elle, encore, attendre l'ouverture de la trappe par ce père, nourricier, et violeur. L'attendre avec impatience (des fois pendant des semaines) et en même temps le redouter.

Mon estomac s'est contracté plusieurs fois. Une lecture sale. Sordide. La phrase « Papa, j'ai envie de toi » te fait limite gerber.
HORRIBLE.
Percutant. Nauséeux. Addictif & injuste, on a envie de se rebeller devant tant d'horreur.
FRIZTL est un MONSTRE. Un « Collectionneur d'enfants ». Pour lui, on mesure la VIRILITE d'un homme à son nombre d'enfants (quitte à faire des enfants à ses enfants). Tiran, qui règne avec les pleins pouvoirs sur cette double famille : celle du haut, dans la maison, et le « petit peuple de la cave » .

Un pervers. Dans ce livre, tu trouveras tout ce qu'un père peut faire de pire à son enfant.
Je ne sais pas comment Angelika n'est pas devenue folle …

Est-ce un livre à conseiller ? Je ne sais pas ...Mais il m'a collé à la peau. Il me hante encore. Mais c'est à Lire assurément.

TODAY : Elizabeth (aka Angelika) vit avec ses enfants à l'abri des regards et sous une nouvelle identité. La famille n'a plus aucun contact avec le père, ce MONSTRE, qui purge la peine à perpétuité.

Encore une claque dans la tronche.
Une chose est sure : l'enfer a bien existé & C'était dans une cave en Autriche.

- A TANTOT - BISOUS LES MINOUS -
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Magistral! Après avoir refusé de mieux connaître l'auteur à l'issue d'une première lecture (Asile de fous), je me suis laissée à nouveau tenter à la suite d'une émission de radio où Jauffret intervenait notamment sur le principe créatif.
Pourtant le sujet est rédhibitoire. Qui souhaite mieux connaître les dessous de cette affaire autrichienne, à part quelques tordus? L'évocation de ce fait divers tend plutôt à faire dresser les cheveux sur la tête - et pourtant je ne suis pas avare de fait divers mais j'ai mes limites.
Jauffret m'a captivée d'emblée en concentrant le début de son récit sur l'après: la découverte, la prise en charge, le procès... Il m'a rassurée d'une certaine façon: le pire est derrière eux.
Les portraits des protagonistes sont édifiants; le jeu de rôle des uns et des autres mis à nu. Jauffret conteste la narration officielle pour en suggérer une autre, aussi noire forcément.
Le dernier tiers du livre s'attarde davantage sur la captivité. Jauffret imagine (raconte?) les jours, les semaines, les mois, les années.
C'est l'histoire d'un anéantissement organisé, d'une lutte acharnée pour survivre; c'est formidablement décripté, désossé, sans jamais sombrer dans le sordide extrême.
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