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sur 125 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Les Jourde Brothers (Pierre et Bernard, ce dernier accompagné de sa femme Martine) sont chargés par leur mère de transporter un canapé-lit en velours olive décoré de fleurettes, héritage de la grand-mère, de Créteil à la maison d'Auvergne. Pierre est le plus bavard, les anecdotes se succèdent alors que les villes défilent. On passe allègrement du coq à l'âne dans un joyeux brassage mi-littéraire, mi-dialogue de café de la gare, même le lecteur est pris à partie et répond aux injonctions de l'auteur : « - Non, lecteur, ne t'en va pas, ça me fait de la peine. Excuse-moi si je me suis montré brutal. Écoute-moi encore un peu...
- Non non, ça suffit, j'ai un Le Clézio à finir. »

Il est précisé d'emblée que toutes les histoires racontées « se sont réellement produites dans la vie de l'auteur ou de ses proches, y compris le transport en camionnette d'un canapé-lit un week-end de pâques, depuis Créteil jusqu'en Auvergne. » Pierre Jourde est un conteur prolixe capable de tenir son auditoire, au moins le lecteur car son frère Bernard et Martine aimeraient bien qu'il se taise un peu. Il nous emmène loin, racontant des voyages épiques « ... au Népal, au Pérou ou dans d'autres régions plus ou moins sauvages et mal localisées, où ils ne connaissaient même pas la blanquette de veau. » Tout cela en expliquant une vie familiale compliquée, les outrances et traits d'humour masquant en partie seulement les souffrances enfouies.

J'avais bien lu en quatrième de couverture la citation de Bernard Pivot affirmant que Pierre Jourde l'avait fait hoqueter de rire. Cela n'avait pas trop retenu mon attention. Et pourtant ! J'ai dû plusieurs fois cesser ma lecture, ne distinguant plus le texte à travers les larmes d'un fou rire nerveux impossible à contrôler !!! Je ne me souviens pas avoir éprouvé un phénomène d'une telle ampleur. Lors d'un spectacle de stand-up, d'un film, oui... Mais à la lecture, cela me semble plus rare ?

La tasse de thé de la honte est un des chapitres les plus hilarants. Pierre Jourde est convié à recevoir le Prix de la critique de l'Académie française. Joueur de mots, il s'amuse à partir de l'âge vénérable des académiciens, lors de l'entrée en grande pompe par le haut des gradins.

La performance de Pierre Jourde consiste à savoir relancer constamment le récit d'une sorte de road movie, support à une biographie familiale, sur quelques centaines de kilomètres seulement entre Paris et la maison du Cantal, au rythme des feux et des croisements. Plus on s'approche du but et plus sa plume s'envole. Après ce chapitre délirant consacré à l'Académie, on a droit à une belle confrontation avec Christine Angot qu'elle a dû apprécier modérément.

L'auteur fait oeuvre d'humoriste inspiré mais pas seulement, il y a de nombreux passages soulignant sa philosophie pragmatique et humaniste profondément attachée à la liberté de pensée, notamment quand il décortique la censure de la presse et de l'édition, toute en douceur et non-dits... Un excellent passage dont je ne peux ici dévoiler toute la profondeur d'analyse. Une raison de plus pour lire ce petit livre si réjouissant, un bijou d'écriture dont j'ai aimé l'épigraphe, une citation de Diderot tirée de Jacques le fataliste : « Mais pour Dieu, l'auteur, me dites-vous, où allaient-ils ?... Mais pour Dieu, lecteur, vous répondrai-je, est-ce qu'on sait où l'on va ? Et vous, où allez-vous ? »

Né en 1955, Pierre Jourde est un universitaire et critique, auteur de nombreux romans, essais littéraires, ouvrages satiriques, pamphlets, poèmes, ouvrages collectifs... Il a, entre autres, écrit le Maréchal absolu (Gallimard), La Littérature sans estomac (L'esprit des péninsules) ou encore C'est la culture qu'on assassine (Balland) en 2011. Une oeuvre plutôt multiforme, inventive, joyeuse, iconoclaste comme j'aime, dont cette première lecture m'ouvre les portes.

Et vous, avez-vous des livres qui vous ont entraînés soudainement vers des fous rires inextinguibles ?
*****
Chronique avec illustration sur Bibliofeel (photo du jumper en Auvergne, composition personnelle à partir de la couverture du folio...)

Lien : https://clesbibliofeel.blog
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Pierre Jourde nous revient avec cet improbable road trip familial. Suite au décès de son acariâtre grand-mère la mère du narrateur le charge d'emmener le plus hideux canapé qui soit dans leur maison d'Auvergne. Comme si cela ne suffisait pas le dit canapé-lit, tel l'auteur, est affublé de deux compagnons assortis. Car Pierre Jourde embarque frère et belle-soeur dans cette aventure à travers la France et la mémoire. Ce périple vient libérer les brides d'un passé que l'on se plait à évoquer ensemble, comme l'épisode du presse-purée, qui vaut le détour ! Au fil du trajet les trois convoyeurs échangent souvenirs et réflexions, anecdotes cocasses et exploits de vieux briscards, toujours avec humour. Dans ce texte qui se joue de l'autofiction et mêle allégrement réel et imaginaire l'auteur se paie même le luxe de faire son autocritique. Ces 3 jours en compagnie de son frère Bernard, ce "génie du mal", et de Martine, qui taquine bien volontiers notre écrivain, donnent naissance à ce récit de voyage étonnant, truffé de références culturelles. Pierre Jourde livre ici son texte le plus intime, mais aussi peut-être le plus abordable. Entre humains intrusifs et objets rétifs l'auteur se dévoile, les petites légendes fraternelles agrémentant à merveille ce témoignage détonnant.
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J'ai découvert cet auteur par un total hasard.
Titre choisi sur son simple titre, sans même lire la 4ème de couverture.
Vu que ce roman autobiographique parle d'un voyage d'un canapé-lit et de ses 2 fauteuils vers la maison familiale en Auvergne, nous pourrions croire à l'unité de lieu et l'unité de temps.
C'est tout juste l'inverse !
Les lieux sont multiples et variés avec des histoires variées et souvent ubuesques..
Quant aux temps, l'auteur en joue avec maestria.
Il jongle entre le temps du récit (le fameux voyage du canapé-lit), son passé (les anecdotes partagées - ou non - entre les passagers), son futur (le temps de l'écriture dont des anecdotes entre le récit et l'écriture), le futur-futur (le temps de la lecture).
L'auteur interpelle le lecteur, parle de ses émotions lors de l'écriture.
Les passagers aussi, se savent "héros d'un roman" (ils voient le futur dans un présent qui est aussi du passé).
Vous avez suivi ?

J'ai juste adoré !

Le temps est la notion qui me fait le plus rêver. Voir cet auteur en jouer autant ne peut que me ravir.
Quant au style, il est enjoué (humour, ironie mais aussi des écarts pipi-popo).
Le rythme est géré comme dans un feuilleton US (des digressions aux moments "intenses" pour tenir le lecteur en haleine).
Le vocabulaire ? Riche tout en étant abordable. Des néologismes immédiatement compréhensibles (ou des mots rares que je ne connais pas ? Je ne saurais le dire car je n'ai pas ouvert de dictionnaire au cours de cette lecture, pour garder le rythme imposé par l'auteur. le sens étant là, pourquoi s'interrompre pour valider dans un dico ?)

Si vous n'avez toujours pas compris : Lisez le !

Livresquement votre
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Entre méchanceté et mélancolie, cette traversée en camionnette est construite comme un road-trip dans les souvenirs. A l'image de tous les voyages en voiture que chacun de nous a pu faire, le récit alterne les digressions, les anecdotes, avec les commentaires (rarement flatteurs) sur les localités traversées. Un enchaînement burlesque d'épisodes, dont le point commun pourrait être le ridicule. Toutes les situations sont pathétiques, aucun des personnages (y compris l'auteur lui-même) ne s'en tire avec les honneurs!

On connaît - entre autres- Pierre Jourde pour son pamphlet dévastateur sur les écrivains: la littérature sans estomac. Il revient rapidement sur ce que lui a valu cet essai. Mais ce n'est pas le principal sujet ici. Trimballer un vieux canapé-lit (oui, car le canapé lit, comme nous, ha ha) hérité d'une grand-mère détestable, pour l'amener dans la maison d'une mère adorable mais pas sans défaut, une occasion d'égrener des portraits et des souvenirs de ces familles que l'on adore détester.

Au passage, le canapé quitte un banal et médiocre pavillon de la banlieue parisienne pour rejoindre un minuscule village auvergnat. Tout un symbole.

J'ai adoré la fin, l'épisode où le canapé gravit les étages de la vieille maison pour arriver dans le grenier. Une lutte décrite de façon titanesque, que n'aurait pas renié Victor Hugo. Pierre Jourde a l'art de la phrase ciselée, cent coudées au-dessus des écrivains qu'il pourfend. Un récit aussi jouissif que touchant.
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Sur les conseils d'un ami (merci Gérard) j'ai découvert ce livre que j'ai longtemps hésité à présenter, tellement il est foisonnant... pour le dire vite, c'est l'histoire d'un canapé-lit hideux , parti de banlieue parisienne suite au décès de sa propriétaire, pour rejoindre l'Auvergne lointaine, où il doit rejoindre le second étage d'une maison de vacances.
Ce canapé est donc un voyageur , un routard, un trekker, qui accomplit son dernier voyage dans un Jumper de location conduit par les petits-fils de la défunte. Routards eux aussi.
Et c'est là que les choses se compliquent, ou - pour mieux dire - s'enjolivent. Car les frères Jourde, qui se refilent le volant et s'envoient des vannes tout au long du chemin, sont eux aussi de grands routards. Et chaque panneau routier est prétexte à une longue digression sur leurs voyages , leurs naufrages, leurs ratages, du Vénézuéla au Tibet en passant par Moulins. Quant au canapé, il se prend pour un divan à l'occasion, et les déménageurs en viennent, de temps à autre, à livrer sur leur vie familiale des réflexions profondes, voire abyssales, mais toujours avec humour.
Car il pourrait être long, très long, ce voyage du canapé. Mais on ne s'ennuie pas une seconde, tant l'écrivain nous amuse, nous charme et nous entraîne dans son périple. Il y a du Dutourd, du Vialatte par moments, voire du Desproges dans le sillage de ce camion, et je crois que le voyage vous plaira !
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