AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,83

sur 123 notes
5
15 avis
4
17 avis
3
5 avis
2
1 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Le 9 septembre 2014, l'écrivain anglais Graham Joyce, auteur de quatorze romans et de plusieurs dizaines de nouvelles, décède des suites d'un lymphome. Pour le milieu de l'imaginaire, et bien au-delà, la perte est immense.
Multi-primé (il a remporté cinq fois le British Fantasy Award !) et largement reconnue comme le digne successeur d'Arthur Machen ou Algernon Blackwood, Graham Joyce a surtout marqué le public français pour son roman Lignes de Vie, initialement publié aux éditions Bragelonne et repris l'année dernière dans la nouvelle maison de Stéphane Marsan.
Sublimement traduit par une Mélanie Fazi au sommet de son art (et qui lui a valu le Grand Prix de l'Imaginaire de la meilleure traduction), Lignes de Vie illustre à merveille le registre si particulier, à la fois désuet et sensiblement magique, qui baigne l'oeuvre de Graham Joyce.

Après l'orage
La Seconde Guerre Mondiale s'est terminée et avec elle les terribles bombardements aériens qui ont ravagé les villes anglaises. Désormais libéré des avions de la Luftwaffe, le ciel britannique rayonne sur une contrée dévastée qui commence à peine à panser ses blessures.
L'une de ces villes, c'est Coventry, où réside la famille Vine, survivante du terrible bombardement du 14 Novembre 1940 durant laquelle le centre historique s'écroule sous les bombes incendiaires larguées par les bombardiers allemands.
Cassie, l'une des filles de la famille Vine, attend sur les marches de la National Provincial Bank. Dans ses bras, un enfant, son enfant, qu'elle doit donner à une autre femme en mesure de lui donner une vie convenable.
Pourtant, au dernier moment, Cassie décide de garder celui qu'elle nommera Frank. Pour l'éduquer et le protéger, elle demande l'aide de ses six soeurs et de sa mère, la vénérable Martha. Bien que la mission semble impossible, chacune des soeurs accepte d'épauler la jeune mère et son enfant à tour de rôle. Car on est comme ça dans la famille Vine, on se serre les coudes et on traverse les pires épreuves.
Si Cassie a besoin d'aide, c'est parce que Cassie a ses moments, ses coups de folie où elle fait des choses improbables et où elle discute avec des gens qui n'existent pas. Dans la famille Vine rôde un drôle de spectre, celui de l'au-delà et de ses morts. Martha reçoit la visite régulièrement d'étranges personnages tandis que Cassie converse avec son père mort depuis quelques années déjà. Qu'en sera-t-il de Frank, dernier né de cette drôle de famille ? A-t-il hérité du don lui aussi ou devra-t-il simplement traversé les changements de l'Après-Guerre avec ses oncles et ses tantes ?

Maison des mères
Lignes de Vie, comme son nom l'indique, c'est la trajectoire existentielle de plusieurs personnes après le désastre. Graham Joyce porte son regard sur une famille exclusivement féminine, prenant le contre-pied de cette guerre exclusivement masculine, comme si le futur appartenait aux femmes, à celles qui ont remplacé les hommes partis aux front et qui ont tout autant contribué à la victoire que les soldats eux-mêmes.
Dans la famille Vine, on trouve de personnalités bien trempées : Aida la rentre-dedans et son mari embaumeur, Olive la mêle-tout et son ancien soldat d'époux, Una la fille de la terre et son fermier, les pieuses jumelles Evelyne et Ina, la révolutionnaire Beatie et son libre-penseur de compagnon et enfin Cassie, la petite Cassie qui se perd parfois dans le monde.
Pour présider à cette petite cour, il y a Martha, un roc de femme à l'intelligence acérée et à la bienveillance astucieuse. Martha, avec Cassie et Frank, forme le triumvirat primordial de cette histoire familiale. Graham Joyce, à travers cette vieille femme que les Morts visitent, raconte l'ancienne génération, une génération de gens simples et bons, des gens qui ont donné tout leur amour à leur famille et ont dévolu chacun de leurs actes au bien-être de leur enfant…même quand tout semble aller de travers, même dans les bombes, même dans le rationnement, même dans les déchirements.
Lignes de Vie raconte avec une aisance extraordinaire le parcours de ces femmes-là, arrivant à ce prodigieux tour de force qu'est celui d'incarner chacune avec une authenticité poignante sans jamais juger ni l'une ni l'autre.
Portraits de vie et lignes d'avenir, voilà le mélange de base de ce roman aux doux relents fantastiques qui attisent la curiosité de son lecteur par petites touches discrètes d'éléments fantastiques.

Un fantôme, c'est ce que je suis
Au milieu de cette ode féministe bienveillante et émouvante, Graham Joyce glisse des éléments fantastiques. En effet, une malédiction ou un don, on ne sait pas trop, coule dans les veines des Vine. Ils sont capables de voir ou de converser avec des personnes disparues. Rien de spectaculaire et surtout, rien d'ardemment désiré car, comme chacun sait, ce don là est à double tranchant, seuls ceux qui le parodie en font étalage.
Lignes de Vie distille ainsi de pages en pages de petits événements discrets : la visite d'un soldat qui ne devrait pas être là, les paroles de Cassie pour un père qui n'est plus de chair, les jeux de Frank avec l'homme-derrière-la-vitre lui demandant des choses incongrues. Ce qui ravit dans cette façon douce d'introduire le fantastique au coeur d'un récit familial et historique, c'est cette sensibilité et cette poésie que mêle l'auteur britannique, refusant les longues expositions magiques ou surnaturelles, ne laissant jamais l'inexpliqué prendre le pas sur la vie de ses héroïnes. le propos du roman n'est pas d'arriver à vivre une aventure étrange ou effrayante mais d'immiscer une couche supplémentaire entre le réel et le lecteur, puisque tout ne peut s'expliquer et que le monde est rempli de mystères, surtout pour ceux qui voient plus loin que les autres.
« Qu'est-ce qu'un fantôme ? » s'interrogeait Guillermo del Toro dans son chef d'oeuvre L'échine du Diable ? Lignes de Vie procède un peu de la même manière, il glisse un élément surnaturel (la communication avec l'au-delà) pour mettre en valeur le rôle de ceux qui ont survécu et qui reconstruisent, ceux qui restent, porteurs de mémoires et passeurs d'espoir.

Coventry demeure
Mais si le véritable héros de cette histoire n'était ni la famille Vine ni l'élément surnaturel ?
Si le véritable héros de Lignes de Vie n'était autre que Coventry comme Northampton était le héros de la Voix du Feu d'Alan Moore.
Graham Joyce connaît bien Coventry puisqu'il est né à côté dans un petit village minier. Plus qu'un hommage à l'histoire de la ville, Lignes de Vie met en valeur les habitants de Coventry pour illustrer leur courage et démontrer un fait universel : la ville n'est que le fruit de ceux qui l'habitent.
À travers la bouleversante nuit du bombardement et les actes de bravoure insensés de Cassie, Graham Joyce émeut.
Ville martyre où l'Histoire a brûlé, Coventry a pourtant ressuscité, incarnant une nouvelle fois les valeurs de ceux qui l'habitent, s'adaptant à l'époque et aux nouvelles tendances.
Du communisme à l'évangélisme, des rêves d'un centre ville entièrement piéton aux pots-de-vins qui rongent les meilleures intentions, Coventry vit et Graham Joyce nous offre ainsi le portrait de tout une époque, celle de l'Après-Guerre, où l'on voulait construire un monde meilleur sans voir que les vieux démons rodaient toujours non loin.
Lignes de Vie incarne cette immortalité des êtres avec une force égale à celle de ses personnages, avant-garde d'un féminisme salutaire et reflet des révolutions à venir. Si l'histoire n'a rien de spectaculaire, elle passionne pourtant de bout en bout, reconstruisant pas à pas les souvenirs de la pierre brûlée et des coeurs brisés.
Au bout, il reste Frank, petit garçon de la Guerre qui incarne l'avenir, le demain selon Joyce et cette formidable possibilité : faire le choix du bien ou du mal, choisir la bienveillance et l'amour des autres. C'est aussi à cela que servent les fantômes comme l'Histoire, à choisir de prendre le bon chemin.

Lignes de vie entraîne son lecteur dans Coventry, ville en ruines qui se reconstruit en même temps que ses habitants. Graham Joyce offre des bouts d'existence où la femme devient l'élément central et où la sensibilité, la poésie et parfois la cruauté se mêlent pour croquer le destin. C'est beau, émouvant, intelligent et, pour tout dire, parfaitement indispensable.
Lien : https://justaword.fr/lignes-..
Commenter  J’apprécie          170
J'aime les sagas familiales et celle-ci, ponctuée d'une petite touche de fantastique, m'a bien plu. Martha la patriarche préside avec doigté aux destinées de ses six filles, toutes très différentes les unes des autres, sauf les jumelles, forcément. Avec comme fil conducteur l'éducation du fils de la cadette, l'auteur nous promène d'une famille à l'autre tout en nous ramenant toujours à ce clan tissé serré, source de toutes décisions vraiment importantes.

C'est la première fois que je lisais cet auteur et j'ai été grandement impressionné par la précision avec laquelle il présentait ses personnages, surtout féminins puisque ce sont elles qui tiennent le haut du pavé dans ce récit. Il nous rend chacune d'elles très vivante, crédible autant dans leurs cheminements que dans leurs interactions. L'écriture est juste, fluide et le fond passionnant pour qui apprécie ces familles un peu hors normes. Un auteur que je revisiterai certainement.
Commenter  J’apprécie          80
Quel roman intriguant! Au début, je n'étais pas certaine de vouloir savoir ce qui se passerait avec Frank. Une mère qui sort de l'ordinaire, un garçon hypersensible qui comprend beaucoup plus que ce que l'on peut penser. Six soeurs qui en prendront soin, chacune avec leur horizon. On pourrait penser que ce garçon deviendrait dérangé. Mais non.

Bref une saga familiale hors des sentiers battus. Je ne me suis pas ennuyée du tout. Un must qui deviendra probablement un de mes romans de l'année.
Commenter  J’apprécie          70
Voilà un livre dans lequel le fantastique est bien présent mais distillé de façon subtile, comme pour montrer que finalement la vie elle-même est fantastique et que le destin de chacun s'accorde au monde à sa manière.
L'action prend place au lendemain de la Seconde Guerre, à Coventry, ville ravagée par les bombardements allemands.
Là, le lecteur va faire la connaissance de Martha et de ses sept filles, chacune de ces femmes ayant un caractère bien trempé. Et dans ce milieu féminin, où les quelques maris suivent le mouvement mené par la doyenne, la fantaisie n'est jamais loin, quand elle ne verse pas totalement dans le surnaturel. En effet, Martha possède un pouvoir qui lui permet lors de certains rêves de voir le destin de ses proches. Et cette capacité à communiquer avec le monde des esprits, sa plus jeune fille, Cassie, en a hérité, tout comme le fils de celle-ci, Frank.
Graham Joyce peint des personnages attachants, à commencer par une série de femmes fortes, qui portent chacune un regard original sur le monde. Il est question ici du poids de la famille, de l'histoire familiale, et de la filiation.
L'auteur mène son récit avec beaucoup d'humour et de tendresse, conviant au passage le légendaire.
Commenter  J’apprécie          70
Avec Ligne de vie, je crois que je tiens ma meilleure lecture du mois d'avril.

Pour une fois je en suis pas déçu par une lecture plébiscitée par les lecteurs.

On est plongé dans la vie quotidienne de la population de Coventry pendant et après la guerre. On suit une famille haute en couleurs. le petit Franck sert de lien entre les différents membres de la famille. Comme sa mère est instable, les soeurs se partagent son éducation. En allant d'un foyer à un autre, il découvre différentes mentalités, différents modes de vie. Franck entame sa vie dans une société anglaise qui connait les bouleversements de l'après-guerre.

Graham Joyce distille des éléments de fantastique tout le long de son récit. Mais ils sont parfois si discrets que je me suis demandé si ce qui sortait de l'ordinaire n'était pas juste une folie de certains personnages. L'exemple le plus marquant est l'homme derrière la vitre avec qui Franck a une relation particulière. Quand j'ai appris la vérité sur cet homme, on découvre que le macabre peut jouxter l'émotion.

Donc pas de regret après cette lecture, juste la satisfaction d'avoir lu un beau roman.
Lien : https://lecturesdechiwi.word..
Commenter  J’apprécie          50
Quel roman étonnant! Au départ, j'ai pensé « pas vraiment mon genre, je crois que je ne vais pas le finir… » et puis, j'ai continué, continué et je suis tombée sous le charme de cette famille étrange, où le fantôme du père traîne en lisant son journal, où la mère reçoit des visites lui annonçant des évènements à venir et où la plus jeune fille, Cassie, a des « absences » après lesquelles elle ne se souvient pas toujours de ce qu'elle a fait…
Et j'ai aimé ce livre, vraiment… ❤

Ci-dessous, une phrase qui dit mieux que je ne pourrais le dire mon ressenti face à ce livre :

» Et son écriture est comme une petite musique, qui semble si banale à la première écoute, mais qui s'impose lentement et qu'on ne peut en fin de compte ni quitter ni oublier. Graham Joyce ne se plie jamais à la tentation du grand guignol. Si ses scènes sont fortes, c'est parce qu'il les écrit avec un talent extraordinaire. Pas d'effets spéciaux, rien que le plaisir de raconter les choses, la malice de dérouter le lecteur, la délicatesse de tracer des lignes de vie. » – Jean-Claude Vantroyen
Lien : https://ocyaran.wordpress.co..
Commenter  J’apprécie          42
Un roman passionnant au lendemain de la seconde guerre mondiale, imprégné de générosité, et de solidarité féminine qui peut paraître un peu asthmatique dans les toutes toutes premières pages mais qui dérive vite en page-turner. Joyce esquisse le portrait de Martha qui régente son monde, ses sept filles et Franck son petit-fils le bébé de Cassie la benjamine. Cassie un peu ésotérique et spirituelle dispose de cette faculté de converser avec son père décédé. Franck si sensible et prodigieux, grandit dans un pays encore bouleversé par les bombardements qui ont tout saccagé lors d'une terrible nuit... Un roman fulgurant porté par le souffle d'une plume qui oscille entre une écriture littéraire et orale.
Commenter  J’apprécie          30
. Il faut parfois aux toiles d'araignée la combinaison d'un rayon de soleil et de perles de rosée pour que soit révélée leur parfaite architecture ? C'est le rôle que joue le fantastique dans « Lignes de vie » : juste une touche légère qui en intensifie la charge émotionnelle et met en relief la magie la plus fondamentale , celle de l'amour des autres par-delà leurs différences et leurs faiblesses. Car dans la famille Vine ,parler aux morts ne pose pas problème , ce qui importe c'est se parler entre vivants . Un grand livre , un livre qui fait du bien à l'âme .
Commenter  J’apprécie          30
Une charmante chronique familiale qui nous envoie dans une période historique particulière pour les britanniques: l'après seconde guerre mondiale. le pays victorieux se reconstruit après bombardement et privations, Winston Churchill est premier ministre, il existe encore des fermiers, et des artisans, le NHS vient de se créer, on boit du lucozade pour se conserver en bonne santé. le pays rentre à pas feutré dans le monde moderne. Dans cet univers délicieusement nostalgique, on va suivre la trajectoire du petit Frank né de père inconnu dans son environnement dominé par les femmes : une famille working class et plutôt excentrique dominée par Martha, la grand-mère gardienne du foyer et ses filles toutes plus différentes les unes des autres: sa mère, jeune fille aux manières étranges sujette a des « absences », Beatie qui ne jure que par l'émancipation féminine et les lendemains qui chantent, Olive épouse d'un entrepreneur de pompes funèbre squelettiques, les jumelles un peu vieilles filles plongées dans le spiritisme prôné par leur église etc… Différents, disputes, réconciliation, un monde chaleureux, d'une tendre drôlerie où les éléments fantastiques, traités de manière subtil, servent essentiellement à donner plus de relief au récit. Un livre qui pourra plaire autant aux amateurs de littérature plus générale qu'à ceux qui apprécie un roman fantastique bien écrit, à recommander aux anglophiles
Commenter  J’apprécie          30
Il y a des livres qui rendent heureux et celui ci, indubitablement en fait partie. On passe par toutes sortes d'émotions au cours de la lecture de ce roman : on sourit, on rit, on s'émeut et on peut même verser sa petite larme. On suit les tribulations du petit Franck, enfant né en Angleterre dans l'immédiat après seconde guerre d'une mère fantasque et de père inconnu. Il sera élevé par sa grand-mère Martha cette matriarche au grand coeur et, tour à tour, par ses sept filles. Sept filles (et leurs conjoints) aux caractères et aux tempéraments différents qui vont le façonner. Une fresque familiale avec une touche de fantastique mais ancrée dans la dure réalité de l'après guerre, le fantastique apportant une poésie bienvenue. L'écriture est parfaite tout comme la traduction. le roman est porté par les personnages qui le composent. Des personnages haut en couleur et pétris d'humanité qui rendent ce roman original et inoubliable. Un roman qui évite avec brio l'inconvénient des romans aux personnages multiples, celui de rendre l'histoire décousue. Pas ici, l'histoire est parfaitement structurée et fluide et le rythme sans aucun temps mort. Une parfaite réussite.

Un grand merci aux éditions Stéphane Marsan et à Agnès Chalnot pour m'avoir permis de découvrir ce livre et aussi un auteur.
Lien : http://desgoutsetdeslivres.o..
Commenter  J’apprécie          20




Lecteurs (251) Voir plus



Quiz Voir plus

Les plus grands classiques de la science-fiction

Qui a écrit 1984

George Orwell
Aldous Huxley
H.G. Wells
Pierre Boulle

10 questions
4891 lecteurs ont répondu
Thèmes : science-fictionCréer un quiz sur ce livre

{* *}